Chanson de Roland/Manuscrit d'Oxford/Laisse I

De Wicri Chanson de Roland
< Chanson de Roland‎ | Manuscrit d'Oxford
Révision datée du 27 septembre 2022 à 09:10 par Jacques Ducloy (discussion | contributions) (Transcription et traduction par Léon Gautier)

Cette page démarre la navigation dans les laisses du manuscrit d'Oxford.

 

Les conquêtes de Charlemagne

Empire carolingien 768-811.jpg

Ce premier couplet vante les conquêtes de Charlemagne.

La carte ci-jointe montre leur étendue au moment de la bataille de Ronvevaux.

Dans le manuscrit d'Oxford

La laisse I regroupe les 9 premiers vers du premier feuillet (1 recto ) du manuscrit d'Oxford.

Chanson de Roland Manuscrit Oxford feuillet 1r haut.png
Remarques de la rédaction Wicri

Le troisième vers de la transcription de Léon Gautier ne suit pas le manuscrit.

Cunquist la tere tresqu’en la mer altaigne.

Là où Francisque Michel et Joseph Bédier suivent le manuscrit avec :

Tresqu’en la mer cunquist la tere altaigne.
 
Page1-2140px-La Chanson de Roland - MS Oxford.djvu.jpg

Transcription et traduction par Léon Gautier

À SARAGOSSE. — CONSEIL TENU PAR LE ROI MARSILE

I

1 Carles li Reis, nostre emperere magnes, Charles le roi, notre grand empereur,
Set anz tuz pleins ad estet en Espaigne : Sept ans entiers est resté en Espagne :
Cunquist la tere tresqu’en la mer altaigne. Jusqu’à la haute mer, il a conquis la terre.
N’i ad castel ki devant lui remaigne ; Pas de château qui tienne devant lui,
5 Murs ne citez n’i est remés à fraindre Pas de cité ni de mur qui reste encore debout
Fors Sarraguce, ki est en une muntaigne. Hors Saragosse, qui est au haut d’une montagne.
Li reis Marsilies la tient, ki Deu n’enaimet ; Le roi Marsile la tient, Marsile qui n’aime pas Dieu,
Mahumet sert e Apollin recleimet : Qui sert Mahomet et prie Apollon ;
Ne s’ poet guarder que mals ne li ataignet. Aoi. Mais le malheur va l’atteindre : il ne s’en peut garder.

Transcription commentée de Francisque Michel

Francisque Michel-02.png
Chanson de Roland (Francisque Michel 1869) Exemplaire annoté par Paul Meyer
Navigation dans le manuscrit d'Oxford
Laisse I (page 1)Next CDR.png II (W: II )
Manuscrit d'Oxford Lettrine 1.png

I.
Carles li reis, nostre emperère magne*,  *Grand.
Set anz tuz pleins* ad ested en Espaigne,  *Sept ans entiers.
Tresqu'en* la mer cunquist la tere altaigne**;  *Jusqu'en **Élevée, montagneuse.
N'i ad castel ki devant lui remaigne*,  *Reste, tienne.
Mur ne citet n'i est remés à fraindre*  *Resté à briser.
Fors* Sarraguce, k'iest en une muntaigne.  *Si ce n'est.
Li reis Marsilie la tient, ki Deu n'enaimet* :  *Qui n'aime pas Dieu.
Mahummet sert e Apollin recleimet*  *Invoque.
Ne s' poet guarder que mals ne li ateignet*. AOI.  *Ne l'atteigne.
 
RCR 543952103 85137 Page 035.jpg

Transcription et traduction de Joseph Bédier

Voir la page 2 de l'édition de 1922.


CARLES li reis, nostre emperere magnes,
Set anz tuz pleins ad estet en Espaigne :
Tresqu’en la mer cunquist la tere altaigne.
N’i ad castel ki devant lui remaigne ;
Mur ne citet n’i est remés a fraindre,
Fors Sarraguce, ki est en une muntaigne.
Li reis Marsilie la tient, ki Deu nen aimet.
Mahumet sert e Apollin recleimet :
Nes poet guarder que mals ne l’i ateignet. aoi.

 


LE roi Charles, notre empereur, le Grand,
sept ans tout pleins est resté dans l’Espagne :
jusqu’à la mer il a conquis la terre hautaine.
Plus un château qui devant lui résiste,
plus une muraille à forcer, plus une cité,
hormis Saragosse, qui est dans une montagne.
Le roi Marsile la tient, qui n’aime pas Dieu.
C’est Mahomet qu’il sert, Apollin qu’il prie.
Il ne peut pas s’en garder : le malheur l’atteindra.

Version musicale de Gilles Mathieu

Les 5 premiers vers dans le deuxième mouvement de la composition de Gilles Mathieu, et plus précisément les mesures 1 à 21.


\new Staff \with {
  midiInstrument = "voice oohs"
  instrumentName = #"S "
  shortInstrumentName = #"S "
  } {
  \relative c' {  
   \time 4/4 \key bes \major 
        r2 r4 \f d4\(
        a'4. b8 c b a g
    \time 3/4 
      a2 d,4
      f4. g8 e4
      d2\) d4\(
     \time 4/4
      a'4. bes?8 c bes? a g
   \time 3/4
      a2\) d,4 
      ees?4.\( f8 ees?4
      d2.\)
 \time 4/4
      bes'4\p g d bes'
      c1
      g2 g2
      a2. r4
      bes2\< bes4 bes
      c2 c4 c
      ees2 ees4 ees\!
      d2.\f d4\p
      c2 g2
      bes2. bes4
      g4 g g g
   \time 12/8 
      a1.
  }  }
 \addlyrics { 
              Car - les
              li - re -- is  nostr' em -- pe -- rer ma -- gnes.
              Set anz tuz pleins ad e - stet en E - s paigne
             Tre -- s qu'en la mer tere al -- taigne Mur ne ci -- tet n'i est re -- mes a
              Fraindres Fors Sar -- ra -- guce  ki est en une mum -- taigne
            }

 

Notes (version de Léon Gautier)

logo travaux partie en cours de maquettage
Chanson de Roland (1872) Gautier, II, page 010.jpg
Vers 1.
Emperere.
Dans le manuscrit de la Bodléienne, on lit tantôt emperere, tantôt empereres. [...]
Magne.
Chanson de Roland (1872) Gautier, II, page 011.jpg
O. Nous avons restitué magnes, à raison des règles de la Déclinaison romane. Voici ces règles :
Première déclinaison romane (correspondant à la première déclinaison latine). Les Substantifs de cette famille ne prennent pas l’s au singulier, et la reçoivent toujours au pluriel. Pas de distinction entre le cas sujet et le cas régime.
Seconde déclinaison romane (correspondant à la seconde et à la quatrième déclinaisons latines). Les Noms et Adjectifs masculins de cette déclinaison reçoivent une s au cas sujet du singulier et au cas régime du pluriel (paiens, magnes, etc.) ; ils n’en prennent pas au cas sujet du pluriel ni au cas régime du singulier (paien, magne).
Troisième déclinaison romane (correspondant à la troisième déclinaison latine).
1° Les Substantifs masculins ou féminins, qui ont une s au nominatif singulier de la déclinaison latine, ont donné naissance à des Noms français qui suivent en général la règle de la deuxième déclinaison.
2° Les Substantifs masculins ou féminins qui n’ont pas d’s au nominatif singulier de la déclinaison latine, ont donné naissance à des Noms français qui ne prennent pas en général l’s finale au cas sujet du singulier et qui, pour tout le reste, suivent ordinairement la règle de la deuxième déclinaison. Mais il y a déjà tendance, dans le texte d’Oxford, à ce que ces noms eux-mêmes prennent, par extension et par analogie, une s finale au sujet singulier. (Voir notre première note.)
Chanson de Roland (1872) Gautier, II, page 012.jpg
3° Pour le cas sujet du pluriel, il y a quelque hésitation chez notre scribe. Le plus souvent, pour les noms masculins, il n’emploie pas l’s finale au sujet pluriel. (Voir notre note du vers 20.)
La Règle de l’s
La « Règle de l’s (comme on l’a assez inexactement appelée) est commune à la langue d’oïl et à la langue d’oc. « Elle n’a pas toujours été suivie avec une rigueur absolue, et commence à disparaitre au xive siècle » : tel est aujourd’hui le sentiment général de tous ceux qui s’occupent de philologie romane ; telle est la proposition qui résume le plus exactement la doctrine commune sur cette règle dont l’importance a été exagérée. Quoi qu’il en soit, nous l’avons, dans notre texte critique, observée partout, et alors même que notre scribe ne s’y conformait point :
1° Parce qu’elle est étymologique.
2° Parce qu’elle est observée dans tous les monuments de notre langue qui sont contemporains de la Chanson de Roland.
3° Parce que, dans notre manuscrit même, elle est le plus souvent observée. (Dans les 500 premiers vers de notre poëme, elle est, pour le sujet singulier, violée 39 fois, observée 182 fois.)
Vers 2.
Chanson de Roland (1872) Gautier, II, page 014.jpg
Set ans.
Suivant l’auteur de Gui de Bourgogne, c’est vingt-sept ans que Charles aurait passés en Espagne. Mais la leçon de Gui de Bourgogne ne fut jamais populaire, et Génin a raison de citer ici la farce de Pathelin, « où maître Pierre se vante à sa femme d’être aussi savant que s’il avait été à l’école autant que Charles en Espaigne. » (V. aussi Martial de Paris, cité par Littré au mot Charlemagne de son grand Dictionnaire de la langue française. )
Ested
. O. Le d se prend pour le t à la fin de quelques verbes, participes, noms et adjectifs du texte d’Oxford. Dans les mille premiers vers de la Chanson, le d final, à la place du t, ne se retrouve pas plus de 26 fois sur un millier de cas. Nous l’avons partout remplacé par le t, qui, d’ailleurs, est plus étymologique. ═ Toutefois, il est un mot très-usuel, où le d a définitivement pénétré, sauf de très-rares exceptions : c’est ad venant d’habet (abt). Nous l’avons partout laissé tel que notre manuscrit nous l’offrait ; car nous nous proposons, dans ce texte critique, de reconstituer notre vieux poëme tel qu’il aurait été écrit par un scribe instruit et soigneux, avec les règles générales de la langue de son temps et les règles particulières de son dialecte spécial.

Ad ested en Espaigne. — La Keiser Karl Magnus’s Kronike dit : « L’Empereur ayant soumis l’Espagne et la Galice… »

Vers 3.

Vers 3.Tresqu’en la mer cunquist la tere altaigne. O. — Le manuscrit de Versailles et celui de Venise VII nous offrent : Conquist ou conquest la terre jusqu’à la mer altaigne, et nous avons adopté cette version comme plus logique et plus précise. — Altaigne est, de toute la famille dérivant d’altus, le seul vocable qui n’ait pas pris l’h (Cf. halt, halte, haltur). Dans l’appendice de son Dictionnaire étymologique (p. 560), M. Brachet dit, après M. Max Müller, au sujet de cette h initiale : « Cette aspiration est due à l’influence des formes germaniques correspondantes (hoch, etc.). » Sans rejeter absolument cette opinion, il convient d’observer que certains mots de notre texte, — les uns venus du germain, comme helme ; les autres du latin, comme honor, — prennent ou rejettent tour à tour l’h initiale, qui, d’ailleurs, n’impliquait pas l’aspiration et s’élidait très-légitimement.

Vers 4.

Vers 4.N’i ad castel. Ad, employé dans ce sens, gouverne toujours après lui l’accusatif. En d’autres termes, castel et les mots analogues sont nécessairement régimes. « Il y a un roi », se traduirait, dans un thème étymologique, par : Illud ibi habet unum regem. Cette observation, trop élémentaire peut-être, est néanmoins utile pour expliquer certaines parties de notre texte critique. ═ Au lieu de remaigne O, lire remaignet. Toutes les troisièmes personnes du singulier, sauf des cas excessivement rares, se terminent, dans le texte d’Oxford, par un t qui est étymologique, mais qui, d’ailleurs, ne se prononçait pas. Le scribe a oublié cette règle huit ou dix fois peut-être dans tout son texte : nous l’avons rétablie partout.

Chanson de Roland (1872) Gautier, II, page 015.jpg
Vers 5.

Vers 5.Citet. O[2]. À cause du cas sujet, citez.

Vers 6.

Vers 6.Mun[tai]gne. Mü. On lit fort bien le mot entier dans le manuscrit d’Oxford ; les crochets sont inutiles. — « Il restait un château que l’Empereur n’avait pu réduire ; on rappelait Saragus, et il était situé sur une montagne élevée. » (Keiser Karl Magnus’s Kronike.)

Vers 7.
Marsilie. O. À cause du cas sujet, Marsilies.


Chanson de Roland (1872) Gautier, II, page 019.jpg
Vers 8.

Mahummet

O. La forme la plus fréquemment employée dans notre texte est : Mahumet.
Vers 9.

Vers 9.Mals. Ce mot vient de malum, qui est un neutre, et cependant il est écrit suivant la règle de l’s. C’est l’occasion pour nous d’établir la « Théorie des neutres ». ═ 1° Les neutres latins, dans la latinité populaire et surtout à la décadence romaine, étaient en partie devenus masculins. C’est un fait que M. Brachet a mis de nouveau en lumière dans sa Grammaire historique, p. 56. Il cite « dans Plaute :


Concordances et compléments

Cette laisse est alignée avec :

Elle est reprise dans :

Voir aussi

Notes
  1. Version numérique copiée de WikiSource :
  2. Cette note corrige une erreur du copiste
Sources

Sur ce wiki :