La Chanson de Roland/Léon Gautier/Édition populaire/1895/Partie 2/Préludes : Différence entre versions

De Wicri Chanson de Roland
(Fin de chapitre brut d'OCR)
(1135. Dans le grand paradis)
 
(105 révisions intermédiaires par le même utilisateur non affichées)
Ligne 1 : Ligne 1 :
 
{{La Chanson de Roland/Léon Gautier/Édition populaire/1895/Header|section=traduction|partie=2}}
 
{{La Chanson de Roland/Léon Gautier/Édition populaire/1895/Header|section=traduction|partie=2}}
{{Wicri travaux|texte=page en cours d'installation}}
+
 
[[Fichier:Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 115.jpg|300px|right|thumb|Fig. 15. — L'Archevêque les bénit de par Dieu : « Pour votre pénitence, vous frapperez les païens. » (V. 1137, 1138.) (Composition de Zier.) ]]
+
[[Fichier:Chanson de Roland Gautier 1895 page 115 fig.png|300px|right|thumb|Fig. 15. — L'Archevêque les bénit de par Dieu : « Pour votre pénitence, vous frapperez les païens. » (V. [[Chanson de Roland/Manuscrit d'Oxford/Vers 1137|1137]], 1138.) (Composition de Zier.) ]]
  
 
<center><big>'''<br/><br/>{{Petites capitales|Les préludes de la grande bataille<br/> et la fierté de Roland}}'''</big></center>
 
<center><big>'''<br/><br/>{{Petites capitales|Les préludes de la grande bataille<br/> et la fierté de Roland}}'''</big></center>
==Facsimilés==
+
 
<center>
+
 
 +
;[[#Les couplets (laisses)|Les couplets (laisses)]] : [[#LXXXVI|LXXXVI]], [[#LXXXVII|LXXXVII]], [[#LXXXVIII|LXXXVIII]], [[#LXXXIX|LXXXIX]],
 +
:[[#XC|XC]], [[#XCI|XCI]], [[#XCII|XCII]], [[#XCIII|XCIII]], [[#XCIV|XCIV]], [[#XCV|XCV]], [[#XCVI|XCVI]], [[#XCVII|XCVII]], [[#XCVIII|XCVIII]]
 +
 
 +
;[[#Notes originales|Notes originales]] : [[#1032. Hauberts brodés|1032. Hauberts brodés]], 
 +
:[[#1042. Blancs hauberts|1042. Blancs hauberts]] 
 +
:[[#1059. L'olifant|1059. L'olifant]],
 +
:[[#1135. Dans le grand paradis|1135. Dans le grand paradis]], 
 +
:[[#1187. Voilà Français et Sarrasins aux prises|1187. Voilà Français et Sarrasins aux prises]]
 +
 
 +
;[[#Facsimilés|Facsimilés]]:
 +
 
 +
;[[#Voir aussi|Voir aussi]]:
 +
 
 +
__NOTOC__
 +
 
 +
==Les couplets (laisses)==
 +
{{Corps article/Début}}
 +
===<center>LXXXVI</center>===
 +
{{Lien page gauche avec icône|Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 115.jpg}}
 +
{{Lien bord droit laisse Oxford|LXXIX}}
 
{|
 
{|
 
|-
 
|-
|[[File:Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 116.jpg|180px]]
+
|
|[[File:Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 117.jpg|180px]]
+
|Olivier monte sur une hauteur :  
|[[File:Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 118.jpg|180px]]
+
|-
|[[File:Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 119.jpg|180px]]
+
|
 +
|Il regarde à droite parmi le val herbu,
 +
|-
 +
|
 +
|Et voit venir toute l'armée païenne.  
 +
|-
 +
|1020
 +
|Il appelle son compagnon Roland :  
 +
|-
 +
|
 +
|« Ah ! » dit-il, « du côté de l'Espagne, quel bruit j'entends venir !
 +
|-
 +
|
 +
|Que de blancs hauberts! que de heaumes flamboyants !
 +
|-
 +
|
 +
|« Nos Français vont en avoir grande ire.  
 +
|-
 +
|{{Lien page gauche avec icône|Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 116.jpg}}
 +
|« Cette trahison est l'œuvre de Ganelon, ce félon ;
 +
|-
 +
|1025 &nbsp;
 +
|« C'est lui qui nous lit donner cette besogne par  l'Empereur.  
 +
|-
 +
|
 +
|« — Tais-toi, Olivier, » répond le comte Roland ;
 
|-
 
|-
|[[File:Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 120.jpg|180px]]
+
|
|[[File:Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 121.jpg|180px]]
+
|« C'est mon beau-père, n'en sonne plus mot. »
|[[File:Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 122.jpg|180px]]
+
|Aoi.
|[[File:Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 123.jpg|180px]]
 
 
|-
 
|-
 
|}
 
|}
</center>
 
 
==Les couplets (laisses)==
 
{{Corps article/Début}}
 
===<center>LXXXVI</center>===
 
Olivier monte sur une hauteur :
 
Il regarde à droite parmi le val herbu,
 
Et voit venir toute l'armée païenne.
 
11 appelle son compagnon Roland :
 
« Ah ! » dit-il, « du côté de l'Espagne, quel
 
bruit j'entends venir !
 
■ Une de blancs hauberts! cpue de heaumes flamboyants !
 
 
« Nos Français vont en avoir grande ire.
 
y Cette trahison est l'œuvre de Ganelon, ce félon;
 
1025 « C'est lui qui nous lit donner cette besogne par
 
l'Empereur.
 
« — Tais -toi, Olivier, » répond le comte Roland;
 
« C'est mon beau-père, n'en sonne plus mot. » Aoi.
 
  
 
===<center>LXXXVII</center>===
 
===<center>LXXXVII</center>===
 +
{{Lien bord droit laisse Oxford|LXXX}}
 +
{|
 +
|-
 +
|
 +
|Olivier est monté sur une colline élevée :
 +
|-
 +
|
 +
|De là il découvre le royaume d'Espagne
 +
|-
 +
|1030 &nbsp;
 +
|Et le grand assemblement des Sarrasins.
 +
|-
 +
|
 +
|Les heaumes luisent, tout couverts d'or et de pierreries ,
 +
|-
 +
|<span id="Vers 1032"></span>
 +
|Et les écus, et les [[#1032. Hauberts brodés|hauberts brodés]],
 +
|-
 +
|
 +
|Et les épieux, et les gonfanons au bout des lances.
 +
|-
 +
|
 +
|Olivier ne peut compter les bataillons ;
 +
|-
 +
|1035
 +
|Il y en a tant, qu'il n'en sait la quantité !
 +
|-
 +
|
 +
|En lui-même il en est tout égaré.
 +
|-
 +
|
 +
|Comme il a pu, est descendu de la colline ,
 +
|-
 +
|
 +
|Est venu vers les Français, leur a tout raconté.
 +
|Aoi.
 +
|-
 +
|}
  
 +
===<center>LXXXVIII</center>===
 +
{{Lien bord droit laisse Oxford|LXXXI}}
 +
{|
 +
|-
 +
|
 +
|Olivier dit : « J'ai vu tant de païens,
 +
|-
 +
|1040&nbsp;&nbsp;
 +
| « Que nul homme n'en vit jamais plus sur la terre.
 +
|-
 +
|
 +
|« Il y en a bien cent mille devant nous avec leurs écus,
 +
|-
 +
|<span id="Vers 1042"></span>
 +
|« Leurs heaumes lacés, leurs [[#1042. Blancs hauberts|blancs hauberts]],
 +
|-
 +
|
 +
|« Leurs lances droites, leurs blancs épieux luisants.
 +
|-
 +
|
 +
|« Vous aurez bataille, bataille comme il n'y en eut jamais.
 +
|-
 +
|1045&nbsp;&nbsp;
 +
| « Seigneurs Français, que Dieu vous donne sa force;
 +
|-
 +
|
 +
|« Et tenez ferme pour n'être point vaincus. »
 +
|-
 +
|
 +
|Et les Français : « Maudit qui s'enfuira, » disent-ils.
 +
|-
 +
|
 +
|« Pas un ne vous fera défaut pour cette mort ! »
 +
| Aoi.
 +
|-
 +
|}
 +
{{Lien page gauche avec icône|Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 117.jpg}}
 +
===<center>LXXXIX</center>===
 +
{{Lien bord droit laisse Oxford|LXXXII}}
 +
{|
 +
|-
 +
|
 +
|Olivier dit : « Païens ont grande force,
 +
|-
 +
|1050&nbsp;&nbsp;
 +
| « Et nos Français, ce me semble, sont bien peu.
 +
|-
 +
|
 +
|« Ami Roland, sonnez de votre cor :
 +
|-
 +
|
 +
|« Charles l'entendra, et fera retourner son armée.
 +
|-
 +
|
 +
|« — Je serais bien fou , » répond Roland ;
 +
|-
 +
|
 +
|« Dans la douce France, j'en perdrais ma gloire.
 +
|-
 +
|1055&nbsp;&nbsp;
 +
| « Non, mais je frapperai grands coups de Durendal;
 +
|-
 +
|
 +
|« Le fer en sera sanglant jusqu'à l'or de la garde.
 +
|-
 +
|
 +
|« Nos Français y frapperont aussi, et avec quel élan !
 +
|-
 +
|
 +
|« Félons païens furent mal inspirés de venir aux défilés :
 +
|-
 +
|
 +
|« Je vous jure que, tous, ils sont jugés à mort.» Aoi.
 +
|-
 +
|}
  
Olivier est monté sur une colline élevée :  
+
===<center>'''XC'''</center>===
 +
{{Lien bord droit laisse Oxford|LXXXIII}}
 +
{|
 +
|-
 +
|<span id="Vers 1059"></span>
 +
|« Ami Roland, sonnez votre [[#1059. L'olifant|olifant]] :
 +
|-
 +
|1060&nbsp;&nbsp;
 +
| « Charles l'entendra, et fera retourner la grande armée.
 +
|-
 +
|
 +
|« Le Roi et ses barons viendront à notre secours.
 +
|-
 +
|{{Lien page gauche avec icône|Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 118.jpg}}
 +
|« — A Dieu ne plaise, » répond Roland,
 +
|-
 +
|
 +
|«. Que mes parents jamais soient blâmés à cause de moi,
 +
|-
 +
|
 +
|« Ni que France la douce tombe jamais dans le déshonneur !
 +
|-
 +
|1065&nbsp;&nbsp;
 +
| « Non, mais je frapperai grands coups de Durendal,
 +
|-
 +
|
 +
|« Ma bonne épée que j'ai ceinte à mon côté,
 +
|-
 +
|
 +
|« Vous en verrez tout le fer ensanglanté.
 +
|-
 +
|
 +
|« Félons païens se sont assemblés ici pour leur malheur :
 +
|-
 +
|
 +
|« Je vous jure qu'ils sont tous condamnés à mort. »
 +
|Aoi.
 +
|-
 +
|}
  
De là il découvre le royaume d'Espagne
+
===<center>XCI</center>===
4030 Et le grand assemblement des Sarrasins.  
+
{{Lien bord droit laisse Oxford|LXXXIV}}
 +
{|
 +
|-
 +
|1070&nbsp;&nbsp;
 +
| « Ami Roland, sonnez de votre olifant.
 +
|-
 +
|
 +
|« Le son en ira jusqu'à Charles, qui passe aux défilés,
 +
|-
 +
|
 +
Et les Français, je vous le jure, retourneront sur leurs pas.
 +
|-
 +
|
 +
|« — A Dieu ne plaise, » répond Roland,
 +
|-
 +
|
 +
|« Qu'il soit jamais dit par aucun homme vivant
 +
|-
 +
|1075&nbsp;&nbsp;
 +
| « Que j'ai sonné mon cor à cause des païens !
 +
|-
 +
|
 +
|« Je ne ferai pas aux miens ce déshonneur.
 +
|-
 +
|
 +
|« Mais quand je serai dans la grande bataille,
 +
|-
 +
|
 +
|« J'y frapperai mille et sept cents coups :
 +
|-
 +
|
 +
|« De Durendal vous verrez le fer tout sanglant.
 +
|-
 +
|1080&nbsp;&nbsp;
 +
| « Français sont bons : ils frapperont en braves ;
 +
|-
 +
|
 +
|« Les Sarrasins ne peuvent échapper à la mort.»
 +
|Aoi.
 +
|-
 +
|}
  
Les heaumes luisent, tout couverts d'or et de pierre-  
+
===<center>XCII</center>===
ries ,  
+
{{Lien bord droit laisse Oxford|LXXXV}}
 +
{|
 +
|-
 +
|
 +
|« - Je ne vois pas où serait le déshonneur, » dit Olivier.
 +
|-
 +
|
 +
|« J'ai vu, j'ai vu les Sarrasins d'Espagne;
 +
|-
 +
|
 +
|« Les vallées , les montagnes en sont couvertes ;
 +
|-
 +
|1085&nbsp;&nbsp;
 +
| « Et les landes aussi, et toutes les plaines.
 +
|-
 +
|{{Lien page gauche avec icône|Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 119.jpg}}
 +
|« Qu'elle est puissante, l'armée de la gent étrangère,
 +
|-
 +
|
 +
|« Et que petite est notre compagnie !
 +
|-
 +
|
 +
|« — Tant mieux , » répond Roland , « mon ardeur s'en accroît.
 +
|-
 +
|
 +
|« Ne plaise à Dieu, ni à ses très saints anges,
 +
|-
 +
|1090&nbsp;&nbsp;
 +
| « Que France, à cause de moi, perde de sa valeur!
 +
|-
 +
|
 +
|« Plutôt la mort que le déshonneur.
 +
|-
 +
|
 +
|« Plus nous frappons, plus l'Empereur nous aime ! » Aoi.
 +
|-
 +
|}
  
Et les écus, et les hauberts brodés,  
+
===<center>XCIII</center>===
 +
{{Lien bord droit laisse Oxford|LXXXVI}}
 +
{|
 +
|-
 +
|
 +
|Roland est preux , mais Olivier est sage ;
 +
|-
 +
|
 +
|Ils sont tous deux de merveilleux courage.
 +
|-
 +
|1095&nbsp;&nbsp;
 +
| Puis d'ailleurs qu'ils sont à cheval et en armes,
 +
|-
 +
|
 +
|Ils aimeraient mieux mourir qu'esquiver la bataille.
 +
|-
 +
|
 +
|Les comtes ont l'àme bonne, et hautes sont leurs paroles...
 +
|-
 +
|
 +
|Félons païens chevauchent par grande ire.
 +
|-
 +
|
 +
|« Voyez un peu, Roland, » dit Olivier ;
 +
|-
 +
|1100&nbsp;&nbsp;
 +
| « Les voici près de nous, et Charles est trop loin.
 +
|-
 +
|
 +
|« Ah ! vous n'avez pas voulu sonner de votre cor;
 +
|-
 +
|
 +
|« Le Roi serait ici, et nous ne serions pas en danger.
 +
|-
 +
|
 +
|« ''Mais ceux qui sont là -bas ne méritent aucun blâme ; ''
 +
|-
 +
|
 +
|« Jetez les yeux là-haut vers les défilés d'Aspre :
 +
|-
 +
|
 +
|« Vous y verrez dolente arrière-garde.
 +
|-
 +
|1105&nbsp;&nbsp;
 +
| " Tel s'y trouve aujourd'hui qui plus jamais ne sera dans une autre.
 +
|-
 +
|
 +
|« — Ne parlez pas aussi follement, répond Roland.
 +
|-
 +
|
 +
|« Maudit soit qui porte un lâche cœur au ventre!
 +
|-
 +
|
 +
|« Nous tiendrons pied fortement sur la place;
 +
|-
 +
|
 +
|« De nous viendront les coups, et de nous la bataille ! »
 +
|Aoi.
 +
|-
 +
|}
  
Et les épieux, et les gonlanons au bout des lances.  
+
===<center>XCIV</center>===
 +
{{Lien page gauche avec icône|Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 120.jpg}}
 +
{{Lien bord droit laisse Oxford|LXXXVII}}
 +
{|
 +
|-
 +
|1110&nbsp;&nbsp;
 +
| Quand Roland voit qu'il y aura bataille,
 +
|-
 +
|
 +
|Il se fait plus fier que lion ou léopard.
 +
|-
 +
|
 +
|Il interpelle les Français, puis Olivier :
 +
|-
 +
|
 +
|« Ne parle plus ainsi, ami et compagnon ;
 +
|-
 +
|
 +
|« L'Empereur, qui nous laissa ses Français,
 +
|-
 +
|1115&nbsp;&nbsp;
 +
| « A mis à part ces vingt mille que voici.
 +
|-
 +
|
 +
|« Pas un lâche parmi eux, Charles le sait bien.
 +
|-
 +
|
 +
|« Pour son seigneur on doit souffrir grands maux,
 +
|-
 +
|
 +
|« Endurer le chaud et le froid ,
 +
|-
 +
|
 +
|« Perdre de son sang et de sa chair.
 +
|-
 +
|1120&nbsp;&nbsp;
 +
| « Frappe de ta lance, Olivier, et moi, de Durendal,
 +
|-
 +
|
 +
|« Ma bonne épée que me donna le Roi.
 +
|-
 +
|
 +
|« Et si je meurs, qui l'aura pourra dire :
 +
|-
 +
|
 +
|« C'était l'épée d'un noble vassal ! » Aoi.
 +
|-
 +
|}
  
Olivier ne peut compter les bataillons ;  
+
===<center>XCV</center>===
1035 II y en a tant, qu'il n'en sait la quantité !
+
{{Lien bord droit laisse Oxford|LXXXVIII}}
 +
{|
 +
|-
 +
|
 +
|D'autre part est l'archevêque Turpin :
 +
|-
 +
|1125&nbsp;&nbsp;
 +
| II pique son cheval, et monte sur une colline;
 +
|-
 +
|
 +
|Puis s'adresse aux Français, et leur fait ce sermon :
 +
|-
 +
|
 +
|« Seigneurs barons, Charles nous a laissés ici,
 +
|-
 +
|
 +
|« C'est notre roi : notre devoir est de mourir pour lui.
 +
|-
 +
|
 +
|« Chrétienté est en péril, maintenez-la.
 +
|-
 +
|1130&nbsp;&nbsp;
 +
| « Il est certain que vous aurez bataille;
 +
|-
 +
|
 +
|« Car sous vos yeux, voici les Sarrasins.
 +
|-
 +
|
 +
|« Or donc, battez votre coulpe, et demandez à Dieu merci.
 +
|-
 +
|
 +
|« Pour guérir vos âmes, je vais vous absoudre.
 +
|-
 +
|{{Lien page gauche avec icône|Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 121.jpg}}
 +
|« Si vous mourez, vous serez tous martyrs;
 +
|-
 +
|1135&nbsp;&nbsp;
 +
| « Dans le grand paradis vos places sont toutes prêtes. »
 +
|-
 +
|
 +
|Français descendent de cheval, s'agenouillent à terre,
 +
|-
 +
|
 +
|Et l'Archevêque les bénit de par Dieu :
 +
|-
 +
|
 +
|« Pour votre pénitence, vous frapperez les païens. » Aoi.
 +
|-
 +
|}
  
En lui-même il en est tout égaré.
+
===<center>'''XCVI'''</center>===
 +
{{Lien bord droit laisse Oxford|LXXXIX}}
  
Comme il a pu , est descendu de la colline ,  
+
{|
 +
|-
 +
|
 +
|Français se redressent, se remettent en pied;
 +
|-
 +
|1140&nbsp;&nbsp;
 +
| Les voilà absous et quittes de tous leurs péchés.
 +
|-
 +
|
 +
|L'Archevêque leur a donné sa bénédiction au nom de Dieu;
 +
|-
 +
|
 +
|Puis ils sont montés sur leurs destriers rapides.
 +
|-
 +
|
 +
|Ils sont armés en chevaliers
 +
|-
 +
|
 +
|Et tout disposés pour la bataille.
 +
|-
 +
|1145&nbsp;&nbsp;
 +
| Le comte Roland appelle Olivier :
 +
|-
 +
|
 +
|« Sire compagnon, vous le savez,
 +
|-
 +
|
 +
|« C'est Ganelon qui nous a tous trahis ;
 +
|-
 +
|
 +
|« Il en a reçu bons deniers en argent et en or.
 +
|-
 +
|
 +
|« L'Empereur devrait bien nous venger.
 +
|-
 +
|1150&nbsp;&nbsp;
 +
| « Quant au roi Marsile, il a fait marché de nous,
 +
|-
 +
|
 +
|« Mais c'est avec nos épées qu'il sera payé. » Aoi.
 +
|-
 +
|}
  
Est venu vers les Français, leur a tout raconté. Aoi.
+
===<center>XCVII</center>===
 +
{{Lien bord droit laisse Oxford|XC}}
 +
{|
 +
|-
 +
|
 +
|Aux défilés d'Espagne passe Roland
 +
|-
 +
|
 +
|Sur Veillantif, son bon cheval courant.
 +
|-
 +
|
 +
|Ses armes lui sont très avenantes ;
 +
|-
 +
|1155&nbsp;&nbsp;
 +
| 11 s'avance, le baron, avec sa lance au poing
 +
|-
 +
|{{Lien page gauche avec icône|Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 122.jpg}}
 +
|Dont le fer est tourné vers le ciel
 +
|-
 +
|
 +
|Et au bout de laquelle est lacé un gonfanon tout blanc.
 +
|-
 +
|
 +
|Les franges d'or lui descendent jusqu'aux mains.
 +
|-
 +
|1100&nbsp;&nbsp;
 +
| Le corps de Roland est tout gaillard, son visage est clair et riant.
 +
|-
 +
|
 +
|Sur ses pas marche Olivier, son ami;
 +
|-
 +
|
 +
|Et ceux de France, le montrant : « Voilà notre champion, » s'écrient -ils.
 +
|-
 +
|
 +
|Sur les Sarrasins il jette un regard fier,
 +
|-
 +
|
 +
|Mais humble et doux sur les Français;
 +
|-
 +
|
 +
|Puis leur a dit un mot courtois :
 +
|-
 +
|1165&nbsp;&nbsp;
 +
| « Seigneurs barons, allez au petit pas :
 +
|-
 +
|
 +
|« Ces païens, en vérité, viennent ici chercher grand martyre.
 +
|-
 +
|
 +
|« Le beau butin que nous aurons aujourd'hui!
 +
|-
 +
|
 +
|« Aucun roi de France n'en fit jamais d'aussi riche. »
 +
|-
 +
|
 +
|A ces mots, les deux armées se rencontrent. Aoi.
 +
|-
 +
|}
  
===<center>LXXXVIII</center>===
 
===<center>LXXXIX</center>===
 
===<center>XC</center>===
 
===<center>XCI</center>===
 
===<center>XCII</center>===
 
===<center>XCIII</center>===
 
===<center>XCIV</center>===
 
===<center>XCV</center>===
 
===<center>XCVI</center>===
 
===<center>XCVII</center>===
 
 
===<center>XCVIII</center>===
 
===<center>XCVIII</center>===
...
+
{{Lien bord droit laisse Oxford|XCI}}
 +
 
 +
{|
 +
|-
 +
|1170&nbsp;&nbsp;
 +
| « Point n'ai souci de parler, dit alors Olivier.
 +
|-
 +
|
 +
|« Vous n'avez pas daigné sonner de votre cor,
 +
|-
 +
|
 +
|« Et voici que le secours de Charles vous fera défaut.
 +
|-
 +
|
 +
|« Certes, il n'est pas coupable; car il n'en sait mot, le baron ,
 +
|-
 +
|
 +
|« Et ceux qui sont là-bas ne sont point à blâmer.
 +
|-
 +
|1175&nbsp;&nbsp;
 +
| « Maintenant chevauchez du mieux que vous pourrez,
 +
|-
 +
|
 +
|« Seigneurs barons, et ne reculez point.
 +
|-
 +
|
 +
|« Au nom de Dieu , ne pensez qu'à deux choses :
 +
|-
 +
|
 +
|« A recevoir et à donner de bons coups.
 +
|-
 +
|{{Lien page gauche avec icône|Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 123.jpg}}
 +
|« Et n'oublions pas la devise de Charles. »
 +
|-
 +
|1180&nbsp;&nbsp;
 +
| A ce mot, les Français ne poussent qu'un seul cri :
 +
|-
 +
|
 +
|« Monjoie! » Qui les eût entendus crier de la sorte,
 +
|-
 +
|
 +
|Eût eu l'idée du courage.
 +
|-
 +
|
 +
|Puis ils chevauchent, Dieu ! avec quelle fierté !
 +
|-
 +
|
 +
|Pour aller plus rapidement donnent un fort coup d'éperon ,
 +
|-
 +
|1185&nbsp;&nbsp;
 +
| Et (que feraient-ils autre chose?) se jettent sur l'ennemi.
 +
|-
 +
|
 +
|Mais les païens n'ont pas peur :
 +
|-
 +
|
 +
|Voilà Français et Sarrasins aux prises... Aoi.
 +
|-
 +
|}
 
{{Corps article/Fin}}
 
{{Corps article/Fin}}
  
Ligne 80 : Ligne 634 :
 
{{Corps article/Début}}
 
{{Corps article/Début}}
 
===1032. ''Hauberts brodés''===
 
===1032. ''Hauberts brodés''===
====Partie brute d'OCR====
+
{{Lien page gauche avec icône|Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 116.jpg}}
{{Wicri travaux OCR}}
+
[[#Vers 1032|1032.↑]] ''Hauberts brodés''
 
 
 
Le texte porte  
 
Le texte porte  
safret. On mêlait du fil d'archal atix
+
''safret''. On mêlait du fil d'archal<ref>alliage de cuivre et de zinc.</ref> aux
mailles de fer du hauberl , et l'on pro-
+
mailles de fer du haubert, et l'on produisait par là une broderie grossière qui  
duisait par là une broderie grossière qui  
 
 
ornait surtout le bas de ce vêtement. Ce  
 
ornait surtout le bas de ce vêtement. Ce  
sont particulièrement les pans du hau-
+
sont particulièrement les ''pans'' du haubert qui sont ''safrés'' (v. 3141). Dans la  
bert qui sont safrés (v. 3141). Dans la  
 
 
bataille, rien n'était plus aisé que de les  
 
bataille, rien n'était plus aisé que de les  
désaffrer (v. 3426).  
+
''désaffrer'' (v. 3426).
 
 
  
 
===1042. ''Blancs hauberts''===
 
===1042. ''Blancs hauberts''===
On a verni  
+
[[#Vers 1042|1042.↑]] On a verni  
en diverses couleurs le métal du hauberl. il y en eut de bleus, de verts, etc.  
+
en diverses couleurs le métal du haubert. il y en eut de bleus, de verts, etc.  
 
(J. Quicherât, Histoire du costutne t  
 
(J. Quicherât, Histoire du costutne t  
 
p. 151.) Mais quand le métal n'élail pas  
 
p. 151.) Mais quand le métal n'élail pas  
 
vernissé en couleur, quand il ne subis-  
 
vernissé en couleur, quand il ne subis-  
 
sait d'autre préparation que le polissage (  
 
sait d'autre préparation que le polissage (  
c'était le « blanc haubert ».  
+
c'était le « blanc haubert ».
 
 
{{Corps article/Fin}}
 
 
 
==Fin de chapitre brut d'OCR==
 
<pre>
 
 
 
 
 
LXXXIX
 
 
 
Olivier dit : « Païens ont grande force,
 
1050 « Et nos Français, ce me semble, sont bien peu.
 
<( Ami Roland, sonnez de votre cor :
 
« Charles l'entendra, et fera retourner son armée.
 
« — Je serais bien fou , » répond Roland ;
 
« Dans la douce France, j'en perdrais ma gloire.
 
1055 « Non, mais je frapperai grands coups de Durendal;
 
g Le fer en sera sanglant jusqu'à l'or de la garde.
 
« Nos Français y frapperont aussi, et avec quel
 
 
 
élan !
 
« Félons païens furent mal inspirés de venir aux
 
 
 
défilés :
 
« Je vous jure que, tous, ils sont jugés à mort.» Aoi.
 
 
 
 
 
 
 
XG
 
 
 
 
 
 
 
« Ami Roland, sonnez votre olifant :
 
1000 * Charles l'entendra, et fera retourner
 
armée.
 
 
 
 
 
 
 
la
 
 
 
 
 
 
 
grande
 
 
 
 
 
 
 
1059. L'olifant. Il faul établir une dis-
 
tinction entre le cor que poi te chaque
 
chevalier el ['olifant. Il y ;i soixante
 
raille cors dans l'armée de Charles, mais
 
il n'\ a qu'un olifant. Après la morl de
 
Roland , Chai les dit à Babel el à Guine-
 
in.ini : c Vous remplacerez aujourd'hui
 
« Roland el < Hivier : l'un de vous por-
 
« tera l'épée el l'autre L'olifant, o i V.3016,
 
l!n|7.i Celui-ci esl d'ivoire, comme son
 
 
 
 
 
 
 
nom l'indique, el la légende épique lui
 
 
 
 
 
 
 
 
 
prête un son bien plus retentissanl qu'à
 
 
 
 
 
 
 
118
 
 
 
 
 
 
 
LA CHANSON DE ROLAND
 
 
 
 
 
 
 
<( Le Roi et ses barons viendront à notre secours.
 
« — A Dieu ne plaise, » répond Roland,
 
«. Que mes parents jamais soient blâmés à cause de moi,
 
« Ni que France la douce tombe jamais dans le dés-
 
honneur !
 
1065 « Non, mais je frapperai grands coups de Durendal,
 
« Ma bonne épée que j'ai ceinle à mon côté,
 
« Vous en verrez tout le fer ensanglanté.
 
« Félons païens se sont assemblés ici pour leur mal-
 
heur :
 
« Je vous jure qu'ils sont tous condamnés à mort. »
 
 
 
Aoi.
 
 
 
 
 
 
 
XGI
 
 
 
 
 
 
 
1070 « Ami Roland , sonnez de votre olifant.
 
 
 
« Le son en ira jusqu'à Charles, qui passe aux défilés,
 
« Et les Français, je vous le jure, retourneront sur
 
 
 
leurs pas.
 
« — A Dieu ne plaise, » répond Roland,
 
« Qu'il soit jamais dit par aucun homme vivant
 
 
 
1075 « Que j'ai sonné mon cor à cause des païens !
 
« Je ne ferai pas aux miens ce déshonneur.
 
« Mais quand je serai dans la grande bataille,
 
« J'y frapperai mille et sept cents coups :
 
« De Durendal vous verrez le fer tout sanglant.
 
 
 
1080 « Français sont bons : ils frapperont en braves ;
 
 
 
« Les Sarrasins ne peuvent échapper à la mort.» Aoi.
 
 
 
 
 
 
 
XCII
 
 
 
 
 
 
 
- Je ne vois pas où serait le déshonneur, » dit
 
Olivier.
 
 
 
 
 
 
 
tous les autres cors : Sur luz les astres
 
bundist H olifant. (V. 3119. Cf. 3302.)
 
= Les « olifants » avaient la forme d'une
 
corne; ils étaient parfois très richemenl
 
  
 +
===1059. ''L'olifant''===
 +
[[#Vers 1059|1059.↑]] Il faut établir une distinction entre le cor que porte chaque
 +
chevalier et l'olifant. Il y a soixante
 +
mille cors dans l'armée de Charles, mais
 +
il n'y a qu'un olifant. Après la mort de
 +
Roland , Charles dit à Babel el à Guinemant :
 +
: « Vous remplacerez aujourd'hui  Roland et Olivier : l'un de vous portera l'épée et l'autre L'olifant, » (Vers 3016, 3017)
 +
Celui-ci esl d'ivoire, comme son nom l'indique, et la légende épique lui prête un son bien plus retentissant qu'à
 +
tous les autres cors :
 +
:''Sur tuz les astres bundist H olifant. (V. 3119. Cf. 3302.)
  
 +
[[Fichier:Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 117 fig 1.png|300px|center]]
  
 +
Les « olifants » avaient la forme d'une
 +
corne; ils étaient parfois très richement
 
sculptés. Nous en reproduisons ici un  
 
sculptés. Nous en reproduisons ici un  
 
des plus anciens modèles, il remonte  
 
des plus anciens modèles, il remonte  
au XII e siècle. (Voir Mélanges archéolo-
+
au {{XIIe}} siècle. (Voir Mélanges archéologiques du P. Cahier, t. II, p. 36.)
giques du P. Cahier, t. II, p. 36.)  
 
 
 
 
 
 
 
LA CHANSON DE ROLAND 119
 
 
 
« J'ai vu, j'ai vu les Sarrasins d'Espagne;
 
 
 
« Les vallées , les montagnes en sont couvertes ;
 
1085 « Et les landes aussi, et toutes les plaines.
 
 
 
« Qu'elle est puissante, l'armée de la gent étrangère,
 
 
 
« Et que petite est notre compagnie !
 
 
 
« — Tant mieux , » répond Roland , « mon ardeur
 
s'en accroît.
 
 
 
« Ne plaise à Dieu, ni à ses très saints anges,
 
4090 « Que France, à cause de moi, perde de sa valeur!
 
 
 
« Plutôt la mort que le déshonneur.
 
 
 
« Plus nous frappons , plus l'Empereur nous aime ! »
 
 
 
Aoi.
 
 
 
XGIII
 
 
 
Roland est preux , mais Olivier est sage ;
 
Ils sont tous deux de merveilleux courage.
 
1095 Puis d'ailleurs qu'ils sont à cheval et en armes,
 
 
 
Ils aimeraient mieux mourir qu'esquiver la bataille.
 
Les comtes ont l'àme bonne, et hautes sont leurs
 
 
 
paroles...
 
Félons païens chevauchent par grande ire.
 
« Voyez un peu, Roland, » dit Olivier;
 
1100 « Les voici près de nous, et Charles est trop loin.
 
Ah ! vous n'avez pas voulu sonner de votre cor;
 
« Le Roi serait ici, et nous ne serions pas en danger.
 
■ Mais ceux qui sont là -bas ne méritent aucun
 
 
 
blâme;
 
6 Jetez les yeux là-haut vers les défilés d'Aspre :
 
a Vous y verrez dolente arrière -garde.
 
1105 " Tel s'y trouve aujourd'hui qui plus jamais ne sera
 
dans une autre.
 
« — Ne parlez pas aussi follement, répond Roland.
 
 
 
Maudit soit qui porte un lâche cœur au ventre!
 
« Nous tiendrons pied fortement sur la place;
 
g De nous viendront les coups, et de nous la lui-
 
taille ! >• Aoi.
 
 
 
</pre>
 
 
 
 
 
<pre>
 
 
 
120
 
 
 
 
 
 
 
LA CHANSON DE ROLAND
 
 
 
 
 
 
 
XCIV
 
 
 
1110 Quand Roland voit qu'il y aura bataille,
 
 
 
Il se fait plus fier que lion ou léopard.
 
 
 
Il interpelle les Français, puis Olivier :
 
 
 
« Ne parle plus ainsi, ami et compagnon ;
 
 
 
« L'Empereur, qui nous laissa ses Français,
 
1115 « A mis à part ces vingt mille que voici.
 
 
 
« Pas un lâche parmi eux, Charles le sait bien.
 
 
 
« Pour son seigneur on doit souffrir grands maux,
 
 
 
« Endurer le chaud et le froid ,
 
 
 
« Perdre de son sang et de sa chair.
 
1120 « Frappe de ta lance, Olivier, et moi, de Durendal,
 
 
 
<r Ma bonne épée que me donna le Roi.
 
 
 
« Et si je meurs, qui l'aura pourra dire :
 
 
 
« C'était l'épée d'un noble vassal ! » Aoi.
 
 
 
 
 
 
 
xcv
 
 
 
 
 
 
 
D'autre part est l'archevêque Turpin :
 
1125 II pique son cheval, et monte sur une colline;
 
 
 
Puis s'adresse aux Français , et leur fait ce sermon :
 
 
 
« Seigneurs barons, Charles nous a laissés ici,
 
 
 
« C'est notre roi : notre devoir est de mourir pour
 
lui.
 
 
 
« Chrétienté est en péril, maintenez -la.
 
1130 « Il est certain que vous aurez bataille;
 
 
 
« Car sous vos yeux, voici les Sarrasins.
 
 
 
« Or donc, battez votre coulpe, et demandez à Dieu
 
merci.
 
 
 
« Pour guérir vos âmes, je vais vous absoudre.
 
 
 
<s Si vous mourez, vous serez tous martyrs;
 
1135 « Dans le grand paradis vos places sont toutes prêtes. »
 
 
 
 
 
  
'1135. Dans le grand paradis. « Qu'est-  
+
===1135. ''Dans le grand paradis''===
ce que la mui'i laisse subsister chez les  
+
[[#Vers 1135|1135.↑]]  « Qu'est-  
héros d'Homère? Une âme, une vaine  
+
ce que la mort laisse subsister chez les  
 +
héros d'Homère ? Une âme, une vaine  
 
image, qui, dès que la vie a abandonné  
 
image, qui, dès que la vie a abandonné  
 +
les ossements, s'échappe e1 voltige comme
 +
un songe. » ([[A pour auteur cité::Pierre Giguet|Giguet]], Essai d'encyclopédie homérique, p. 626.)
  
 
+
L'auteur du  
 
+
''Roland'', au contraire, et tous les auteurs
lesossements, s'échappe e1 vu] lige comme
+
de nos Chansons de geste possédaient  
un songe. » (Giguet, Essai d'encyclo-
+
sur l'autre vie les notions très nettes de
pédie homérique, p. 626.) L'auteur du  
+
la doctrine chrétienne. Le paradis est
Roland, au contraire, el lous les ailleurs
 
 
 
 
 
 
 
LA CHANSON DE ROLAND \%\
 
 
 
Français descendent de cheval, s'agenouillent à terre,
 
Et l'Archevêque les bénit de par Dieu :
 
« Pour votre pénitence, vous frapperez les païens. »
 
 
 
Aoi.
 
 
 
XCVI
 
 
 
Français se redressent, se remettent en pied;
 
1140 Les voilà absous et quittes de tous leurs péchés.
 
 
 
L'Archevêque leur a donné sa bénédiction au nom
 
de Dieu;
 
 
 
Puis ils sont montés sur leurs destriers rapides.
 
 
 
Ils sont armés en chevaliers
 
 
 
Et tout disposés pour la bataille.
 
1 1 i."> Le comte Roland appelle Olivier :
 
 
 
« Sire compagnon, vous le savez,
 
 
 
« C'est Ganelon qui nous a tous trahis ;
 
 
 
« Il en a reçu bons deniers en argent et en or.
 
 
 
« L'Empereur devrait bien nous venger.
 
1150 « Quant au roi Marsile, il a fait marché de nous,
 
 
 
« Mais c'est avec nos épées qu'il sera payé. » Aoi.
 
 
 
 
 
 
 
XGVII
 
 
 
Aux défilés d'Espagne passe Roland
 
Sur Veillantif, son bon cheval courant.
 
Ses armes lui sont très avenantes ;
 
 
 
I d<> nos Chansons de geste possédaient  
 
V sur l'autre vie les notions très ne
 
 
 
la doctrine chrétienne. Le paradis esl
 
 
 
 
pour eux le lieu des âmes saintes, le  
 
pour eux le lieu des âmes saintes, le  
 
+
lieu où elles contemplent Dieu, Partout
lieu où elles contemplent Dieu, Partoul
 
 
 
 
on voit, dans nos poèmes, les Anges  
 
on voit, dans nos poèmes, les Anges  
 
+
emporter au ciel les âmes des élus, et
emporter au ciel 1rs Aines des dus, el
+
les démons traînent en enfer les âmes  
 
+
des damnés. Il est digne de remarque  
les démons traînei en enfi i les âmes  
+
que nus poêtes ont toujours professé le  
 
+
dogme de l'éternité des peines : ''Diable emportent l'âme en enfer à tous dis''.  
des damnés. Il esl digne de remarque  
 
 
 
i|ue nus poêles oui loii.joiirs professé le  
 
 
 
dogme de l'éternité des peines : Diable  
 
 
 
emportent l'anme en enfer à tous dis.  
 
 
 
 
 
  
 
Quant aux images dont ils se servent  
 
Quant aux images dont ils se servent  
pour peindre le paradis, elles ne sonl
+
pour peindre le paradis, elles ne sont
 
ni très variées ni très compliquées. La  
 
ni très variées ni très compliquées. La  
plus populaire esl celle-ci : « Les saintes  
+
plus populaire est celle-ci : « Les saintes  
lieu i s du paradis. » Se figurer le paradis  
+
fleurs du paradis. » Se figurer le paradis  
comme un jardin plein de belles ûeui s!  
+
comme un jardin plein de belles fleurs!  
Celle conception est en véi ité toute  
+
 
 +
Celle conception est en vérité toute  
 
militaire, el s'explique par la loi des  
 
militaire, el s'explique par la loi des  
contrastes. Tous les vieux soldats aimenl
+
contrastes. Tous les vieux soldats aiment
les lleurs. i L'idée religieuse dans les  
+
les fleurs. (''[[A pour ouvrage cité::L'idée religieuse dans la poésie épique du Moyen Age (Léon Gautier)|L'idée religieuse dans les Chansons de geste]]'', par L. G. p. 29.)
Chansons de geste, par L. <i.. p. 29.)  
 
 
 
 
 
 
 
122
 
 
 
 
 
 
 
LA CHANSON DE ROLAND
 
 
 
 
 
 
 
1155 11 s'avance, le baron, avec sa lance au poing
 
Dont le fer est tourné vers le ciel
 
Et au bout de laquelle est lacé un gonfanon tout
 
 
 
blanc.
 
Les franges d'or lui descendent jusqu'aux mains.
 
1100 Le corps de Roland est tout gaillard, son visage est
 
clair et riant.
 
Sur ses pas marche Olivier, son ami;
 
Et ceux de France, le montrant : « Voilà notre cham-
 
pion, » s'écrient -ils.
 
Sur les Sarrasins il jette un regard fier,
 
Mais humble et doux sur les Français;
 
Puis leur a dit un mot courtois :
 
1165 « Seigneurs barons, allez au petit pas :
 
 
 
« Ces païens, en vérité, viennent ici chercher grand
 
 
 
martyre.
 
« Le beau butin que nous aurons aujourd'hui!
 
« Aucun roi de France n'en fit jamais d'aussi riche. »
 
A ces mots, les deux armées se rencontrent. Aoi.
 
 
 
XGVIII
 
 
 
 
 
 
 
1170 « Point n'ai souci de parler, dit alors Olivier.
 
« Vous n'avez pas daigné sonner de votre cor,
 
« Et voici que le secours de Charles vous fera dé-
 
faut.
 
« Certes, il n'est pas coupable; car il n'en sait mot,
 
 
 
le baron ,
 
« Et ceux qui sont là-bas ne sont point à blâmer.
 
1175 « Maintenant chevauchez du mieux que vous pourrez,
 
« Seigneurs barons, et ne reculez point.
 
 
 
 
 
  
1187. Voilà Français et Sarrasins  
+
===1187. ''Voilà Français et Sarrasins aux prises''===
aux prises. Toutes les batailles racon-
+
[[#Vers 1187|1187.↑]] Toutes les batailles racontées dans nos poèmes se ressemblent.  
tées dans nos poèmes se ressemblent.  
+
Deux armées arrivent en présence l'une
Deux armées arrivent en présence Tune
+
de l'autre ; les plus forts et les mieux  
de l'autre ; les plus forts et les mieux-
 
 
armés sortent des rangs et en viennent  
 
armés sortent des rangs et en viennent  
 
aux mains. Une bataille alors n'est  
 
aux mains. Une bataille alors n'est  
 
qu'une série de duels, une partie de  
 
qu'une série de duels, une partie de  
 
 
 
 
barres sanglante. « Suivant le bon ou le  
 
barres sanglante. « Suivant le bon ou le  
mauvais succès de ces engagements par-
+
mauvais succès de ces engagements particuliers, les masses avancent ou reculent  
ticuliers, les masses avancent ou reculent  
+
jusqu'au moment où l'un des deux partis cède absolument le champ de bataille.  
jusqu'au moment où l'un des deux par-
 
tis cède absolument le champ de bataille.  
 
 
Le lendemain on enterre les morts, et  
 
Le lendemain on enterre les morts, et  
tout recommence de plus belle. » ( His-
+
tout recommence de plus belle. » ( ''Histoire littéraire'', xxn, 717.)  
toire littéraire, xxn, 717.)  
 
  
 +
{{Corps article/Fin}}
  
 +
==Facsimilés==
  
LA CHANSON DE ROLAND 123
+
{|align="center"
 
+
|-
« Au nom de Dieu , ne pensez qu'à deux choses :  
+
|[[Fichier:Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 115.jpg|180px]]
 
+
|[[File:Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 116.jpg|180px]]
« A recevoir et à donner de bons coups.  
+
|[[File:Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 117.jpg|180px]]
 
+
|[[File:Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 118.jpg|180px]]
« Et n'oublions pas la devise de Charles. »
+
|[[File:Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 119.jpg|180px]]
1180 A ce mot, les Français ne poussent qu'un seul cri :  
+
|-
 
+
|}
« Monjoie! » Qui les eût entendus crier de la sorte,
+
{|align="center"
 
+
|-
Eût eu l'ide'e du courage.
+
|[[File:Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 120.jpg|180px]]
 
+
|[[File:Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 121.jpg|180px]]
Puis ils chevauchent, Dieu ! avec quelle fierté !
+
|[[File:Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 122.jpg|180px]]
 
+
|[[File:Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 123.jpg|180px]]
Pour aller plus rapidement donnent un fort coup
+
|-
d'éperon ,
+
|}
1185 Et (que feraient-ils autre chose?) se jettent sur
 
l'ennemi.  
 
 
 
Mais les païens n'ont pas peur :
 
  
Voilà Français et Sarrasins aux prises... Aoi.
 
  
</pre>
+
==Voir aussi==
 +
[[Catégorie:Pages utilisables pour des travaux pratiques (OCR)]]

Version actuelle datée du 10 novembre 2022 à 13:36

Fig. 15. — L'Archevêque les bénit de par Dieu : « Pour votre pénitence, vous frapperez les païens. » (V. 1137, 1138.) (Composition de Zier.)


Les préludes de la grande bataille
et la fierté de Roland


Les couplets (laisses) 
LXXXVI, LXXXVII, LXXXVIII, LXXXIX,
XC, XCI, XCII, XCIII, XCIV, XCV, XCVI, XCVII, XCVIII
Notes originales 
1032. Hauberts brodés,
1042. Blancs hauberts
1059. L'olifant,
1135. Dans le grand paradis,
1187. Voilà Français et Sarrasins aux prises
Facsimilés
Voir aussi


Les couplets (laisses)

LXXXVI

Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 115.jpg
O. => LXXIX
Olivier monte sur une hauteur :
Il regarde à droite parmi le val herbu,
Et voit venir toute l'armée païenne.
1020 Il appelle son compagnon Roland :
« Ah ! » dit-il, « du côté de l'Espagne, quel bruit j'entends venir !
Que de blancs hauberts! que de heaumes flamboyants !
« Nos Français vont en avoir grande ire.
Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 116.jpg
« Cette trahison est l'œuvre de Ganelon, ce félon ;
1025   « C'est lui qui nous lit donner cette besogne par l'Empereur.
« — Tais-toi, Olivier, » répond le comte Roland ;
« C'est mon beau-père, n'en sonne plus mot. » Aoi.

LXXXVII

O. => LXXX
Olivier est monté sur une colline élevée :
De là il découvre le royaume d'Espagne
1030   Et le grand assemblement des Sarrasins.
Les heaumes luisent, tout couverts d'or et de pierreries ,
Et les écus, et les hauberts brodés,
Et les épieux, et les gonfanons au bout des lances.
Olivier ne peut compter les bataillons ;
1035 Il y en a tant, qu'il n'en sait la quantité !
En lui-même il en est tout égaré.
Comme il a pu, est descendu de la colline ,
Est venu vers les Français, leur a tout raconté. Aoi.

LXXXVIII

O. => LXXXI
Olivier dit : « J'ai vu tant de païens,
1040   « Que nul homme n'en vit jamais plus sur la terre.
« Il y en a bien cent mille devant nous avec leurs écus,
« Leurs heaumes lacés, leurs blancs hauberts,
« Leurs lances droites, leurs blancs épieux luisants.
« Vous aurez bataille, bataille comme il n'y en eut jamais.
1045   « Seigneurs Français, que Dieu vous donne sa force;
« Et tenez ferme pour n'être point vaincus. »
Et les Français : « Maudit qui s'enfuira, » disent-ils.
« Pas un ne vous fera défaut pour cette mort ! » Aoi.
Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 117.jpg

LXXXIX

O. => LXXXII
Olivier dit : « Païens ont grande force,
1050   « Et nos Français, ce me semble, sont bien peu.
« Ami Roland, sonnez de votre cor :
« Charles l'entendra, et fera retourner son armée.
« — Je serais bien fou , » répond Roland ;
« Dans la douce France, j'en perdrais ma gloire.
1055   « Non, mais je frapperai grands coups de Durendal;
« Le fer en sera sanglant jusqu'à l'or de la garde.
« Nos Français y frapperont aussi, et avec quel élan !
« Félons païens furent mal inspirés de venir aux défilés :
« Je vous jure que, tous, ils sont jugés à mort.» Aoi.

XC

O. => LXXXIII
« Ami Roland, sonnez votre olifant :
1060   « Charles l'entendra, et fera retourner la grande armée.
« Le Roi et ses barons viendront à notre secours.
Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 118.jpg
« — A Dieu ne plaise, » répond Roland,
«. Que mes parents jamais soient blâmés à cause de moi,
« Ni que France la douce tombe jamais dans le déshonneur !
1065   « Non, mais je frapperai grands coups de Durendal,
« Ma bonne épée que j'ai ceinte à mon côté,
« Vous en verrez tout le fer ensanglanté.
« Félons païens se sont assemblés ici pour leur malheur :
« Je vous jure qu'ils sont tous condamnés à mort. » Aoi.

XCI

O. => LXXXIV
1070   « Ami Roland, sonnez de votre olifant.
« Le son en ira jusqu'à Charles, qui passe aux défilés,
« Et les Français, je vous le jure, retourneront sur leurs pas.
« — A Dieu ne plaise, » répond Roland,
« Qu'il soit jamais dit par aucun homme vivant
1075   « Que j'ai sonné mon cor à cause des païens !
« Je ne ferai pas aux miens ce déshonneur.
« Mais quand je serai dans la grande bataille,
« J'y frapperai mille et sept cents coups :
« De Durendal vous verrez le fer tout sanglant.
1080   « Français sont bons : ils frapperont en braves ;
« Les Sarrasins ne peuvent échapper à la mort.» Aoi.

XCII

O. => LXXXV
« - Je ne vois pas où serait le déshonneur, » dit Olivier.
« J'ai vu, j'ai vu les Sarrasins d'Espagne;
« Les vallées , les montagnes en sont couvertes ;
1085   « Et les landes aussi, et toutes les plaines.
Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 119.jpg
« Qu'elle est puissante, l'armée de la gent étrangère,
« Et que petite est notre compagnie !
« — Tant mieux , » répond Roland , « mon ardeur s'en accroît.
« Ne plaise à Dieu, ni à ses très saints anges,
1090   « Que France, à cause de moi, perde de sa valeur!
« Plutôt la mort que le déshonneur.
« Plus nous frappons, plus l'Empereur nous aime ! » Aoi.

XCIII

O. => LXXXVI
Roland est preux , mais Olivier est sage ;
Ils sont tous deux de merveilleux courage.
1095   Puis d'ailleurs qu'ils sont à cheval et en armes,
Ils aimeraient mieux mourir qu'esquiver la bataille.
Les comtes ont l'àme bonne, et hautes sont leurs paroles...
Félons païens chevauchent par grande ire.
« Voyez un peu, Roland, » dit Olivier ;
1100   « Les voici près de nous, et Charles est trop loin.
« Ah ! vous n'avez pas voulu sonner de votre cor;
« Le Roi serait ici, et nous ne serions pas en danger.
« Mais ceux qui sont là -bas ne méritent aucun blâme ;
« Jetez les yeux là-haut vers les défilés d'Aspre :
« Vous y verrez dolente arrière-garde.
1105   " Tel s'y trouve aujourd'hui qui plus jamais ne sera dans une autre.
« — Ne parlez pas aussi follement, répond Roland.
« Maudit soit qui porte un lâche cœur au ventre!
« Nous tiendrons pied fortement sur la place;
« De nous viendront les coups, et de nous la bataille ! » Aoi.

XCIV

Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 120.jpg
O. => LXXXVII
1110   Quand Roland voit qu'il y aura bataille,
Il se fait plus fier que lion ou léopard.
Il interpelle les Français, puis Olivier :
« Ne parle plus ainsi, ami et compagnon ;
« L'Empereur, qui nous laissa ses Français,
1115   « A mis à part ces vingt mille que voici.
« Pas un lâche parmi eux, Charles le sait bien.
« Pour son seigneur on doit souffrir grands maux,
« Endurer le chaud et le froid ,
« Perdre de son sang et de sa chair.
1120   « Frappe de ta lance, Olivier, et moi, de Durendal,
« Ma bonne épée que me donna le Roi.
« Et si je meurs, qui l'aura pourra dire :
« C'était l'épée d'un noble vassal ! » Aoi.

XCV

O. => LXXXVIII
D'autre part est l'archevêque Turpin :
1125   II pique son cheval, et monte sur une colline;
Puis s'adresse aux Français, et leur fait ce sermon :
« Seigneurs barons, Charles nous a laissés ici,
« C'est notre roi : notre devoir est de mourir pour lui.
« Chrétienté est en péril, maintenez-la.
1130   « Il est certain que vous aurez bataille;
« Car sous vos yeux, voici les Sarrasins.
« Or donc, battez votre coulpe, et demandez à Dieu merci.
« Pour guérir vos âmes, je vais vous absoudre.
Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 121.jpg
« Si vous mourez, vous serez tous martyrs;
1135   « Dans le grand paradis vos places sont toutes prêtes. »
Français descendent de cheval, s'agenouillent à terre,
Et l'Archevêque les bénit de par Dieu :
« Pour votre pénitence, vous frapperez les païens. » Aoi.

XCVI

O. => LXXXIX
Français se redressent, se remettent en pied;
1140   Les voilà absous et quittes de tous leurs péchés.
L'Archevêque leur a donné sa bénédiction au nom de Dieu;
Puis ils sont montés sur leurs destriers rapides.
Ils sont armés en chevaliers
Et tout disposés pour la bataille.
1145   Le comte Roland appelle Olivier :
« Sire compagnon, vous le savez,
« C'est Ganelon qui nous a tous trahis ;
« Il en a reçu bons deniers en argent et en or.
« L'Empereur devrait bien nous venger.
1150   « Quant au roi Marsile, il a fait marché de nous,
« Mais c'est avec nos épées qu'il sera payé. » Aoi.

XCVII

O. => XC
Aux défilés d'Espagne passe Roland
Sur Veillantif, son bon cheval courant.
Ses armes lui sont très avenantes ;
1155   11 s'avance, le baron, avec sa lance au poing
Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 122.jpg
Dont le fer est tourné vers le ciel
Et au bout de laquelle est lacé un gonfanon tout blanc.
Les franges d'or lui descendent jusqu'aux mains.
1100   Le corps de Roland est tout gaillard, son visage est clair et riant.
Sur ses pas marche Olivier, son ami;
Et ceux de France, le montrant : « Voilà notre champion, » s'écrient -ils.
Sur les Sarrasins il jette un regard fier,
Mais humble et doux sur les Français;
Puis leur a dit un mot courtois :
1165   « Seigneurs barons, allez au petit pas :
« Ces païens, en vérité, viennent ici chercher grand martyre.
« Le beau butin que nous aurons aujourd'hui!
« Aucun roi de France n'en fit jamais d'aussi riche. »
A ces mots, les deux armées se rencontrent. Aoi.

XCVIII

O. => XCI
1170   « Point n'ai souci de parler, dit alors Olivier.
« Vous n'avez pas daigné sonner de votre cor,
« Et voici que le secours de Charles vous fera défaut.
« Certes, il n'est pas coupable; car il n'en sait mot, le baron ,
« Et ceux qui sont là-bas ne sont point à blâmer.
1175   « Maintenant chevauchez du mieux que vous pourrez,
« Seigneurs barons, et ne reculez point.
« Au nom de Dieu , ne pensez qu'à deux choses :
« A recevoir et à donner de bons coups.
Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 123.jpg
« Et n'oublions pas la devise de Charles. »
1180   A ce mot, les Français ne poussent qu'un seul cri :
« Monjoie! » Qui les eût entendus crier de la sorte,
Eût eu l'idée du courage.
Puis ils chevauchent, Dieu ! avec quelle fierté !
Pour aller plus rapidement donnent un fort coup d'éperon ,
1185   Et (que feraient-ils autre chose?) se jettent sur l'ennemi.
Mais les païens n'ont pas peur :
Voilà Français et Sarrasins aux prises... Aoi.

Notes originales

1032. Hauberts brodés

Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 116.jpg

1032.↑ Hauberts brodés Le texte porte safret. On mêlait du fil d'archal[1] aux mailles de fer du haubert, et l'on produisait par là une broderie grossière qui ornait surtout le bas de ce vêtement. Ce sont particulièrement les pans du haubert qui sont safrés (v. 3141). Dans la bataille, rien n'était plus aisé que de les désaffrer (v. 3426).

1042. Blancs hauberts

1042.↑ On a verni en diverses couleurs le métal du haubert. il y en eut de bleus, de verts, etc. (J. Quicherât, Histoire du costutne t p. 151.) Mais quand le métal n'élail pas vernissé en couleur, quand il ne subis- sait d'autre préparation que le polissage ( c'était le « blanc haubert ».

1059. L'olifant

1059.↑ Il faut établir une distinction entre le cor que porte chaque chevalier et l'olifant. Il y a soixante mille cors dans l'armée de Charles, mais il n'y a qu'un olifant. Après la mort de Roland , Charles dit à Babel el à Guinemant :

« Vous remplacerez aujourd'hui Roland et Olivier : l'un de vous portera l'épée et l'autre L'olifant, » (Vers 3016, 3017)

Celui-ci esl d'ivoire, comme son nom l'indique, et la légende épique lui prête un son bien plus retentissant qu'à tous les autres cors :

Sur tuz les astres bundist H olifant. (V. 3119. Cf. 3302.)
Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 117 fig 1.png

Les « olifants » avaient la forme d'une corne; ils étaient parfois très richement sculptés. Nous en reproduisons ici un des plus anciens modèles, il remonte au XIIe siècle. (Voir Mélanges archéologiques du P. Cahier, t. II, p. 36.)

1135. Dans le grand paradis

1135.↑ « Qu'est- ce que la mort laisse subsister chez les héros d'Homère ? Une âme, une vaine image, qui, dès que la vie a abandonné les ossements, s'échappe e1 voltige comme un songe. » (Giguet, Essai d'encyclopédie homérique, p. 626.)

L'auteur du Roland, au contraire, et tous les auteurs de nos Chansons de geste possédaient sur l'autre vie les notions très nettes de la doctrine chrétienne. Le paradis est pour eux le lieu des âmes saintes, le lieu où elles contemplent Dieu, Partout on voit, dans nos poèmes, les Anges emporter au ciel les âmes des élus, et les démons traînent en enfer les âmes des damnés. Il est digne de remarque que nus poêtes ont toujours professé le dogme de l'éternité des peines : Diable emportent l'âme en enfer à tous dis.

Quant aux images dont ils se servent pour peindre le paradis, elles ne sont ni très variées ni très compliquées. La plus populaire est celle-ci : « Les saintes fleurs du paradis. » Se figurer le paradis comme un jardin plein de belles fleurs!

Celle conception est en vérité toute militaire, el s'explique par la loi des contrastes. Tous les vieux soldats aiment les fleurs. (L'idée religieuse dans les Chansons de geste, par L. G. p. 29.)

1187. Voilà Français et Sarrasins aux prises

1187.↑ Toutes les batailles racontées dans nos poèmes se ressemblent. Deux armées arrivent en présence l'une de l'autre ; les plus forts et les mieux armés sortent des rangs et en viennent aux mains. Une bataille alors n'est qu'une série de duels, une partie de barres sanglante. « Suivant le bon ou le mauvais succès de ces engagements particuliers, les masses avancent ou reculent jusqu'au moment où l'un des deux partis cède absolument le champ de bataille. Le lendemain on enterre les morts, et tout recommence de plus belle. » ( Histoire littéraire, xxn, 717.)


Facsimilés

Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 115.jpg Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 116.jpg Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 117.jpg Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 118.jpg Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 119.jpg
Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 120.jpg Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 121.jpg Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 122.jpg Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 123.jpg


Voir aussi

  1. alliage de cuivre et de zinc.