La Chanson de Roland/Léon Gautier/Édition populaire/1895/Partie 2/La déroute

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Fig. 18. — Le comte Roland rentre sur le champ de bataille ; — Dans son poing est Durendal , et il s'en sert en brave. ( Vers 1869 , 1870.)
(Composition de Ferat.)


La déroute



Les couplets (laisses)

CLXV

Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 166.jpg
O. => CXXXIX
Roland jette les yeux sur les monts, sur les landes :
Que de Français il y voit étendus !
En noble chevalier il les pleure :
« Seigneurs barons, que Dieu prenne pitié de vous ;
1855 « Qu'à toutes vos âmes il octroie le paradis ;
Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 167.jpg
« Qu'il les fasse reposer en saintes fleurs !
« Meilleurs vassaux que vous, je n'en vis jamais.
« Vous m'avez tant servi et durant tant d'années!
« Vous avez fait de si vastes conquêtes pour Charlemagne !
1860   « L'Empereur fut bien mal inspiré de vous nourrir ainsi !
« terre de France, vous êtes un bien doux pays,
« Mais vous voilà veuve aujourd'hui de vos meilleurs barons !
« C'est à cause de moi, barons, que je vous vois mourir,
« Et je ne vous puis défendre, et je ne vous puis sauver!
1865 « Que Dieu vous aide, Celui qui jamais ne mentit.
« Olivier, frère Olivier , mon devoir est de ne te point quitter.
« Si l'on ne me tue point ici , la douleur me tuera.
« Allons ! sire compagnon , retournons frapper les païens. » Aoi

CLXVI

Roland jette un regard sur les montagnes et les vallées;
Quelle foule de païens il y découvre!
Il adresse alors ces paroles à Olivier :
« Compagnon frère, notre devoir est de mourir ici avec les Français. »
Le comte Roland change de couleur,
Pousse quatre fois le cri de : « Monjoie, »
Prend son cor et sonne la charge.
Puis très violemment éperonne Veillantif,
Et va frapper les païens du tranchant de l'épée.   Aoi.

CLXVII

O. => CXL
Le comte Roland rentre sur le champ de bataille ;
1870 Dans son poing est Durendal , et il s'en sert en brave.
Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 168.jpg
Un de ses coups tranche en deux Faudron du Puy ;
Puis il tue vingt-quatre païens, des plus vaillants.
Jamais il n'y aura d'homme qui mette une telle ardeur à se venger.
Comme le cerf s'enfuit devant les chiens,
1875   Ainsi s'enfuient les païens devant Roland.
« Voilà qui est bien, » lui dit l'Archevêque,
« Et telle est la valeur qui convient à un chevalier
« Portant de bonnes armes et assis sur un bon cheval.
« Il faut qu'il soit fort et fier dans la bataille ;
1880   « Autrement il ne vaut pas quatre deniers.
« Qu'on en fasse alors un moine dans quelque moutier,
« Où il priera toute sa vie pour nos péchés.
« — Frappez, » répond Roland, « frappez, et pas de quartier! »
A ces mots , nos Français recommencent la bataille ;
1885   Mais les chrétiens firent là de grandes pertes. Aoi.

CLXVIII

Quand il sait qu'on ne lui fera point de quartier,
L'homme dans la bataille se défend rudement ;
Et c'est pourquoi les Français sont fiers comme des lions.
Voici Marsile, qui a tout l'air d'un vrai baron,
1890   Monté sur son cheval qu'il appelle Gaignon
Et qui est plus rapide qu'un faucon :
Il l'éperonne vivement et va frapper Reuvon,
Sire de Reaune et de Dijon;
Il lui brise l'écu, lui rompt les mailles du haubert,
Et sans plus de façon l'abat raide mort.
1895   Puis le roi sarrasin tua Ivoire et Ivon,
Et avec eux Girard de Roussillon.
Le comte Roland n'était pas loin :
« Que le Seigneur Dieu te maudisse, » dit-il au païen ,
« Puisque tu m'as, contre tout droit, tué mes compagnons,
1900   « Tu vas, avant de nous séparer, le payer d'un rude coup
« Et savoir aujourd'hui le nom de mon épée. »
Alors il va le frapper en vrai baron
Et lui tranche du coup le poing droit;
Puis il prend la tête de Jurfaleu le blond ,
1905   Qui était le propre fds du roi Marsile :
« A l'aide! à l'aide! Mahomet! » s'écrient les païens.
« Vengez-nous de Charles, ô nos dieux.
« Quels félons il nous a laissés sur la terre d'Espagne !
« Plutôt que de nous laisser le champ, ils mourront! »
1910   « — Enfuyons-nous au plus vite! » se disent-ils l'un à l'autre.
Et voilà que, sur ce mot, cent mille hommes tournent le dos.
Les rappeler? c'est inutile. Ils ne reviendront pas. Aoi.

CLXIX

Il a perdu son poing droit, le roi Marsile.
Alors il jette à terre son écu,
Pique son cheval de ses éperons aigus,
Lui lâche les rênes et s'enfuit du côté de l'Espagne.
Vingt mille païens s'enfuient avec lui,
Et il n'en est pas un qui n'ait reçu quelque blessure.
« Le neveu de Charles a vaincu , » se disent-ils l'un à l'autre.   Aoi.

CLXX

Mais , hélas ! à quoi bon ! si Marsile est en fuite ,
Son oncle le Calife est resté.
1915   Or c'est celui qui tenait Carthage, Alterne, Garmaille
Et l'Ethiopie , une terre maudite ;
C'est celui qui était le chef de la race noire ,
Au nez énorme , aux larges oreilles :
Et il y en a là plus de cinquante mille
1920   Qui chevauchent fièrement et en grande colère,
Et qui jettent le cri d'armes païen.
« C'est ici, » s'écrie alors Roland, « c'est ici que nous serons martyrs.
« Maintenant, je sais bien que nous n'avons plus longtemps à vivre;
« Mais maudit celui qui ne se vendra chèrement !
1925   « Frappez, seigneurs, frappez de vos épées fourbies;
« Disputez bien votre mort, votre vie,
« Et surtout que France la douce ne soit pas déshonorée.
« Quand Charles mon seigneur viendra sur ce champ de bataille ,
« Quand il verra le massacre des Sarrasins,
1930   « Quand pour un des nôtres il en trouvera quinze d'entre eux parmi les morts,
« L'Empereur ne pourra pas ne point nous bénir. » Aoi.

Notes originales

1968.

Lacune comblée. Voir la note du vers 318.

1895. Ivoire et Ivon

D'après Gaufrey (v. 98), Ivon et Ivoire sont fils du roi Olhon, qui lui-même est le sixième fils de Doon de Mayence. Ils sont comptés au nombre des Pairs par la Chanson de Roland, Gui de Bourgogne, la Karlamagnus Saga. L'auteur de la Prise de Pampelune les regarde comme les fils de Naimes.

1912.

Lacune comblée. Voir la note du vers 318.


Facsimilés

Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 166.jpg
Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 167.jpg
Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 168.jpg Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 169.jpg Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 170.jpg

Voir aussi