La musique en Lorraine (1882) Jacquot/Chapitre IX

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La musique en Lorraine
I - II - III - IV - V - VI - VII - VIII - IX -- (lutherie)

CHAPITRE IX

STANISLAS LECZINSKI, 1737-1766. — VIOLONS ET VIOLONISTES. — VIOLONCELLE ET VIOLONCELLISTES. — INSTRUMENTS DIVERS ET MUSICIENS. — LUTHIERS LORRAINS. — REPRÉSENTATIONS THEATRALES. — ORGUES DE LA CATHÉDRALE DE NANCY. — FACTEURS ET ORGANISTES CÉLÈBRES. — RÉUNION DE LA LORRAINE A LA FRANCE. — FIN DU XVIIIE SIÈCLE. — LUTHIERS ET MUSICIENS DE CETTE ÉPOQUE. — NOÈLS LORRAINS.

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Chapitre IX


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Stanislas Leckzinski

Originaire de Pologne, Stanislas fut choisi pour gouverner la Lorraine, qui devait revenir à la France à sa mort.

Il est regrettable que beaucoup d'artistes se soient expatriés, résistant aux offres généreuses du souverain, pour porter à l'étranger le fruit de leurs travaux et leur talent; quelques-uns d'entre eux regrettèrent plus tard leur départ.

Ceux qui restèrent et connurent ce bon prince


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furent très satisfaits de lui ; beaucoup même, cédant à l'exemple, revinrent à sa cour, où les hommes les plus célèbres, Voltaire par exemple, se donnaient à l'envi rendez-vous. Stanislas fut le protecteur et l'ami des arts, des sciences et des lettres.

Nous ne ferons pas ici de lui un nouvel éloge ; des voix plus autorisées que la nôtre ont dit tout le bien qu'il a fait, mais nous tenons cependant, en ce qui concerne la musique, à donner un modeste souvenir à celui qui fut un intelligent appréciateur du beau et un véritable artiste.

Malgré tout, il faut déplorer la destruction de la collégiale Saint-Georges ; de la Malgrange, non achevée et rasée pour faire place à un château moderne ; du Louvre, commencé par Boffrand, démoli et remplacé par le palais du Gouvernement ; de l'antique résidence des ducs, le Palais ducal, dont il ne reste plus que la partie dans laquelle se trouve la Galerie des Cerfs ; de l'Arsenal, de la salle de l'Opéra, de tant d'autres édifices convertis, la plupart, en magasins militaires.

Mais ces destructions, inaugurant d'une façon aussi malheureuse le règne de Stanislas, furent bien compensées par les splendeurs dont il enrichit Nancy.

C'est un admirable coup d'œil que celui dont nous jouissons maintenant, en contemplant la place, unique au monde, à laquelle, par une juste reconnaissance, on a donné le nom de celui qui la fit tracer : nous avons nommé la place Stanislas, avec ses grilles incomparables de Jean Lamour, artiste serrurier, que le prince avait su apprécier et encourager; ses magnifiques fontaines de Guibal et Cyfflé ; les quatre grands pavillons encadrant si bien l'hôtel de ville ; la carrière, la caserne Sainte-Catherine, l'église de Bon-Secours, les hôpitaux, enfin toutes ces créations à Nancy et à Lunéville, qui sont autant de titres de gloire pour le dernier duc.


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Qu'on nous pardonne de sortir un peu de notre sujet, mais il eût été regrettable de laisser passer le règne de Stanislas sans donner un faible témoignage de notre admiration, car, pour concevoir et exécuter des projets aussi grandioses, il ne suffit pas d'avoir de grands artistes, il faut aussi l'être soi-même.

Violons et violonistes, musiciens

Le violon tient, à partir de cette époque, le véritable rang qu'il n'a cessé d'occuper depuis dans les orchestres.

En 1762, il y avait dix joueurs de violon aux gages de Stanislas, parmi lesquels il faut citer notamment :

Rauld, Bois, Didillon, Monot, Mougeot, Mercier, Meuran, Didelon, Morel, violoniste de la Primatiale ; Pître fils, joueur de violon au théâtre ; Poirel, violon et claveciniste.

Le violoncelle est employé continuellement dans les orchestres, en Lorraine; ceux qui en jouaient à la cour étaient : Alberty, Morel, Pally, Bidelly et Méjà.

Le serpent, instrument usité particulièrement dans les églises, se composait de tubes de bois courbés et recouverts de cuir, ou simplement de cuir bouilli, se terminant par un tube de cuivre, muni d'une embouchure d'ivoire. Dunod, dont nous connaissons déjà le nom, en jouait. Moron et Villaume étaient réputés comme excellents bassonistes; Gézan, comme joueur de hautbois et de flûte traversière.

On se servait beaucoup d'instruments à cordes dans les processions; ainsi, en 1755, les musiciens du Concert royal jouèrent à la procession de la Fête-Dieu.

Voici leurs noms : Dunod, Hylaire, Bois, Mussau. Didillon, Morel et Bellecourt.

Déjà,en 1741, pareille coutume avait eu lieu ; c'étaient


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à peu près les mêmes artistes : Serrurier, Morel, Mougeot, Duclod, Dunod, Tully, Bois, Marcadet et Didillon.

Les chanteurs et les chanteuses les plus remarquables étaient : M1IeS David, Rauld, Mercier, Claudine Bied, de Amicis, Germain, Durant; MM. Dubrieuille, Noël, Pignolet, Martin, Goujon, Borrel, Singris et de Amicis (chanteurs d'opéras).

En 1742, l'Office de maître des joueurs d'instruments des ducs de Lorraine est donné à Jean Jeller1.

Ce règne nous fournit une longue liste de musiciens, dont voici les principaux :

  • Catherine Huaut, musicienne du roi Louis XV, aux gages de Stanislas, de 1738 à 17411.
  • Joseph Cezan, musicien du Concert (Académie de musique de Nancy), 1739.
  • René du Ronceray, musicien de Stanislas.
  • Garnier, musicien français, accompagnateur de Stanislas, vivait à Paris dans la première moitié du XVIUe siècle; il mourut à Nancy en 1769.
  • Marchai (Louis), organiste et facteur de serinettes, né à Gerbeviller (1741).
  • Noël (Pierre), trésorier-secrétaire de l'Académie royale de musique en 1747.
  • Morel (Etienne-Benoit), maître de musique du Concert (1747).
  • Arnould, horloger célèbre de Nancy, inventeur très distingué, fit un superbe carillon qui jouait un air à chaque heure, et dans le pied duquel il avait adapté un clavecin de trois octaves, sur lequel on pouvait toucher toutes sortes d'airs, l'artiste étant parvenu à écarlater les timbres de manière à rendre l'instrument aussi doux qu'un forte-piano. Jusqu'à cette époque, on n'avait pas encore trouvé le moyen de corriger la confusion qui régnait dans ces carillons.

(1) Archives, B. 246.
(2.) Ibid., B. 10.974.


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  • Ransonet, habile horloger de Nancy, lit trois montres qui jouaient des airs de musique en duos.
  • Surat, compositeur lorrain, faisait partie de la musique de Stanislas; il mit en musique un prologue de Palissot, qui fut chanté devant le roi, lors de l'inauguration de la statue de Louis XV à Nancy.
Une messe en musique du même auteur fut chantée dans l'église de Bon-Secours par la musique du Roi.
  • Duclot (Guillaume), musicien du Concert (Académie de musique), 1747.
  • Desmarets resta jusqu'à sa mort (1741) maître de chapelle de Stanislas.
  • Didon, symphoniste, 1759.
  • Laurent (Nicolas), originaire de Remiremont, musicien ordinaire de la musique de S. M. le roi de Pologne, 1753-
  • Mme Favart (Marie-Justine-Benoîte du Ronceray), épouse de Favart, auteur de beaucoup d'opéras-comiques, naquit à Avignon le 5 juin 1727 et fut élevée à Lunêville, où ses parents étaient attachés à la musique du roi de Pologne. Son père, André-René du Ronceray, avait été musicien de la chapelle ducale, et sa mère, Perrette-Claudine Bied, était cantatrice de la même chapelle. Douée d'une figure charmante, de beaucoup de talent et de grâces, elle obtint les plus grands succès à Paris, en 1744, notamment à l'Opéra-Comique, où elle portait le nom de Mlle de Chantilly. Elle épousa Favart vers 1747, et passa pour avoir travaillé à plusieurs opéras comiques de la composition de son mari, avec l'abbé de Voisenon.

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Elle mourut le 5 avril 1672, à l'âge de quarante-cinq ans1.
  • Mlle Meyer, devenue Mme Krumpholz, harpiste célèbre, née à Metz vers 1750.
  • Singris, chanteur à"opéra-bouffon italien, à la Comédie de Nancy, 1758.
  • Margalé (Pierre), musicien de l'Académie, et ordinaire de la Primatiale.
  • Desormery (Léopold-Bastien), né en 1740 à Bayon, en Lorraine, fit ses études musicales à la Primatiale de Nancy; alla à Paris en 1765; exécuta, au concert spirituel de la capitale, plusieurs motets de sa composition. Son opéra d'Euthyme et Lycoris fut représenté à l'Académie royale en 1776 et eut vingt-deux représentations; l'année suivante, Mjrtil et Lycoris passa à l'Opéra et eut soixante-trois représentations consécutives. Desormery mourut à Beauvais en 18102.
  • Hoffmann (Fr.-Benoît), littérateur, poète lyrique et critique distingué; né à Nancy le 11 juillet 176o, alla à Paris en 1785, fit les paroles de Phèdre (musique de Lemoine). Il mourut à Paris, le 25 avril 1828.
  • Vanderhagen, premier hautbois de la musique du prince Charles de Lorraine, à Bruxelles, en 1760.
  • Villaulne, bassoniste à la Primatiale, en 1762. Martini (Jean-Gilles-Paul), maître de musique ; fils de feu André Martini, maître de musique, originaire de Freystatt (Palatinat supérieur), 1764.

Piton (Charles), intendant et maître de la musique de Stanislas, 1766.

Lacroix (Antoine), violoniste distingué, né en 1756, à Rambervillers, et non Remberville, comme le dit Fétis.


(1) Fétis. Biographie des Musiciens.
(2.) Ibid.


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Le violon et la composition lui furent enseignés par Antoine. Lorenziti, maître de chapelle de la cathédrale de Nancy. Il alla à Paris en 1780, où il jouit d'une réputation méritée. Il quitta la France à l'époque de la Révolution et se fixa, en 1792, à Lubeck, où il mourut en 1812.

Staës (Ferdinand-Philippe-Joseph), fils d'un musicien de la chapelle du prince Charles de Lorraine, gouverneur des Pays-Bas, 1748 à 1809.

Persuis (Louis-Luc-Loiseau de), fils d'un maitre de musique de la cathédrale de Metz, né dans cette ville, le 21 mai 1769; violoniste, puis professeur de violon, chef de chant à l'Opéra et enfin directeur de ce théâtre en 1817; il mourut le 20 décembre 1819, à l'âge de cinquante ans,

Granier (Louis), né à Toulouse en 1740, fut maître de musique à l'Opéra et passa plus tard au service du prince Charles de Lorraine, gouverneur des Pays-Bas, en qualité de premier violon de son spectacle.

De Croës (Henry-J acqlles), né à Bruxelles; directeur de la musique du prince Charles de Lorraine, mort en 1799 1.

Parmi les luthiers de cette époque il faut citer : Nicolas (Didier l'aîné, dit le Sourd), né à Mirecourt en 1737, mort en 1833.

Saunier travaillait vers 1740.

Henry (Jean-Baptiste), né à Mattaincourt vers 1757. Fourrier (François-Nicolas), connu sous le nom de Nicolas, luthier, né à Mirecourt le 5 octobre 1758; commença à travailler, à l'âge de douze ans, chez Saulnier. Il se fixa plus tard à Paris et obtint, en 1784, le titre de luthier de l'École royale de chant et de musique, insti-


(1) Fétis. Biographie des Musiciens.


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tuée par le baron de Breteuil. Il fit aussi, en 1804, tous les instruments à cordes de la chapelle de Napoléon Ier. Ce luthier est mort à Paris en 1816.

Grand-Gérard, né à Mirecourt vers 1760.

L'usage de défendre aux chanteurs attitrés des théâtres de se faire entendre en dehors du lieu' où se donnent les représentations habituelles existait déjà :

Février 1758. Défense au sieur de Amicis, à sa fille et au sieur Singris, d'aller chanter dans les maisons particulières leurs opéras-bouffons italiens, à cause du préjudice qu'ils causent à la Comédie.

Une des plus belles cérémonies religieuses et musicales de ce règne fut celle qui eut lieu à l'occasion du mariage de Marie Leczinska, fille de Stanislas, avec Louis XV, roi de France. On chanta un Te Deum en musique, à la Primatiale; tous les musiciens, les chanteurs, l'orchestre complet de la cour s'y firent entendre.

Il convient de donner ici quelques détails sur le théâtre de Nancy.

Le bâtiment construit sous Léopold existait encore ; mais, en 1738, Stanislas en fit démolir la facade et toutes les loges ; les matériaux servirent à la construction de celui de Lunéville, qui avait été bâti en 1734 pendant la Régence; de sorte que ce superbe monument servit de magasin aux entrepreneurs des vivres en 1741. On le démolit en partie, en 1749, pour faire une salle de Comédie, qui coûta beaucoup à la ville. La première représentation y fut donnée le 8 février 1750. Enfin, sa dernière destination fut un corps de caserne pour les troupes, qu'on nomme le quartier neuf et qui se trouve actuellement sur la place Boffrand.

La salle de théâtre qui existe encore aujourd'hui sur la place Stanislas fut construite en 1754 et inaugurée


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officiellement par la première représentation du Cercle, comédie de Palissot, auteur nancéien1, le 26 novembre

L'organisation théâtrale était parfaite, et les acteurs les plus connus venaient y jouer : le fameux Lekain donna cinq représentations, ainsi qu'on peut le voir : Somme payée, en 1765, à la demoiselle lVicetti, directrice de la Comédie, pour indemnité des dépenses quelle a faites, en faisant revenir de Paris M. Lekain, célèbre acteur, qui a joué cinq jours sur le théâtre de Nancy avec beaucoup d'applaudissements ,

Les directeurs de la troupe du théâtre de Nancy étaient, en 1748, les sieurs Plante, Briaux et Mignard. En 1744, le mariage du prince Charles de Lorraine avec l'archiduchesse d'Autriche donna lieu à l'audition de deux compositions de M. Callot, docteur en médecine, qui furent représentées sans doute sur le théâtre de Commercy. Ce sont : r Apothéose de la maison de Lorraine, précédée de la Noce champêtre, pastorale héroïque en forme de ballet et de petit opéra.

Le Prévost, garde du roi de Pologne, était aussi compositeur de musique ; il fit un opéra-comique intitulé les Trois Rivaux, qui fut représenté le 3 juin 1758, devant Stanislas, à Luné ville.

Il ne faut pas omettre le charmant petit théâtre de société, alors au goût du jour, qui fut élevé au château de Cirey. Si la scène était petite, les acteurs étaient grands.

1. Ceçte pièce, célèbre par la polémique plus que curieuse à laquelle - elle donna lieu, sur les plaintes de J.-J. Rousseau, fut jouée sur le nouveau théâtre de Nancy (ouvert en 1754, d'après Lionnois), le 26 novembre 1755, jour de la dédicace de la statue de Louis XV ; elle était précédée d'un prologue en vers, en l'honneur du roi beau-père- et du roi gendre (Stanislas et Louis XV), dont les initiales entre-croisées décorent tous les balcons de la place. [Les transformations de Nancy, par M. Henri Lepage.)


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De 1737 à 1738, les hôtes de la marquise du Châtelet composaient et jouaient toutes sortes de pièces, depuis les marionnettes jusqu'aux tragédies. La spirituelle Mme de Graffigny tint avec honneur plusieurs rôles ; ses lettres à Desmarets, surintendant de la musique de Stanislas, et à Devaux donnent des détails très-piquants sur ces représentations. Les affiches étaient placardées chaque jour à la porte de Voltaire et de la dame du château.

Les danseurs du théâtre de Nancy étaient Gardel, Vincent, Filez ; les danseuses, Mma Fleury, M"" Leclerc et Latron.

Le premier, Gardel (Pierre-Gabriel), est né à Nancy; il fut nommé directeur des ballets de Stanislas en 1759, puis directeur des ballets du roi de France et de l'Académie royale de musique. Il avait étudié la composition musicale et joua avec succès plusieurs concertos de violon au concert spirituel de 1781. Il a fait un grand nombre de ballets-pantomimes. Mme Gardel, née Miller, fut une des premières danseuses de l'Opéra, en joignant à son talent la réputation d'honnêteté et de bonnes mœurs.

Un des meilleurs musiciens de Stanislas, Jean-Baptiste Anet, était aussi compositeur distingué. Lulli l'honora de son amitié ; toutes ses œuvres sont faites sur des sujets choisis. Il mourut en 1755, à Lunéville.


ORGUES DE LA CATHÉDRALE DE NANCY

Nous voici arrivés aux facteurs d'orgues.

Les plus célèbres furent les Dupont, qui construisirent les orgues de Lunéville, de Toul et de Nancy.

Ces dernières étant les plus complètes, nous croyons devoir donner ici tous les détails que nous avons pu recueillir, gràce à l'obligeance de M. Aristide Cavaillé-Coll, l'éminent facteur auquel on doit une réparation et des perfectionnements qui ont placé cet instrument au premier rang


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des grandes orgues d'Europe, et grâce aux renseignements que nous a communiqués M. Anguin, l'auteur du bel ouvrage : la Cathédrale de Nancy. Ces orgues furent construites, en 1757, par Joseph et Nicolas Dupont, qui habitaient Malzéville, près Nancy; elles ont été achevées par l'élève de l'un d'eux, Vauthrin, de Nancy.

Quoique les époques de la construction et des dernières réparations soient bien éloignées les unes des autres, il nous semble nécessaire de ne point les séparer ; nous ne pouvons mieux faire que de reproduire textuellement les renseignements que nous a donnés M. Cavaillé-Coll. Elles pourront intéresser le lecteur.

1° L'exposé historique de ce grand orgue, extrait du devis daté du 27 novembre 1857.
2° La composition des jeux du nouvel orgue et des pédales de combinaison.

3° Le rapport officiel de la réception et de l'inauguration de l'orgue, qui ont eu lieu le 21 novembre 1861.


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EXPOSÉ.
« 1° Devis des travaux de restauration et de perfectionnement à faire au grand orgue de la cathédrale de Nancy, dressé par A. Cavaillé-Coll, facteur d'orgues à Paris, en date du 27 novembre 1857. »
« Le grand orgue de la cathédrale de Nancy, construit dans le XVIIIe siècle par Dupont, un des plus habiles facteurs de son temps 1, réparé et complété plus tard par son élève Vauthrin, qui ajouta à cet instrument un jeu de bombarde de la plus grande dimension qui eut jamais existé, c'est-à-dire de trente-deux pieds ; »
« Cet orgue, disons-nous, taillé sur de larges proportions et traité par ses constructeurs avec beaucoup de talent et de conscience, a longtemps passé pour un des meilleurs instruments de France. Malheureusement, depuis cette époque, il a beaucoup perdu de son ancienne réputation. Le manque de soin dans l'entretien et plus encore une réparation inintelligente faite dans ces derniers temps à ce grand orgue ont considérablement altéré la sonorité des jeux, Les voix graves et imposantes de ce roi des instruments se sont tellement affaiblies qu'on aurait peine à se faire une idée exacte de ses proportions gigantesques par une simple audition. Mais, en examinant attentivement cet orgue, on y trouve les éléments d'une belle construction, qui démontrent aux yeux du connaisseur que l'orgue de la cathédrale de Nancy a été une des gloires de la facture instrumentale du XVIIIe siècle. »
« Aujourd'hui, cet orgue, ainsi que l'a constaté dans son savant rapport M. Hess, organiste de ladite cathédrale, aurait besoin d'une complète restauration, pour rendre à cet instrument son antique splendeur. »

J. On ne considère ici que Joseph Dupont.


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« Mais, indépendamment de ce travail indispensable pour donner à l'orgue ses qualités originaires, il serait non moins utile de faire profiter ce bel instrument des perfectionnements importants dont l'art s'est enrichi de nos jours et qui ajouteront aux qualités de l'ancien orgue une infinité de ressources pour l'organiste et à l'instrument une variété de timbres nouveaux jointe à une augmentation de puissance dans la sonorité générale, qu'on n'a jamais pu obtenir dans l'ancien système.

« C'est dans la vue de rendre à cet orgue son ancienne renommée et de le doter de tous les perfectionnements de l'art moderne que nous avons rédigé le devis ci-après :

« Nous ne craignons pas d'affirmer que l'orgue de la cathédrale de Nancy, restauré et perfectionné comme nous le proposons dans notre devis, sera un des plus beaux instruments d'Europe. »

Les travaux furent donc commencés et terminés en 1861 ; c'est le 21 novembre qu'eut lieu l'inauguration.

Voici la composition des jeux :


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CLAVIER DU GRAND ORGUE, UT A FA, 54 NOTES.

1. Montre 16 pieds                               7. Flautone .... 8 pieds
2. Gambe 16 — 8. Gambe 8 —
3. Bourdon .... 16 — 9. Flûte harmonique 8 —
4. Corni-dolci ... 16 — 10. Prestant 4 —
5. Montre 8 — 11. Flûte octaviante . 4 —
6. Bourdon .... 8 — 12. Flûte douce ... 4 —

CLAVIER DE BOMBARDES, UT A FA, 54 NOTES.

13. Quinte 3 pieds                               18. Basson 16 pieds
14. Doublette.... 2 — 19. Ire Trompette .. 8 —

15. Cornet 5 rangs 16. Plein jeu .... 9 — 17. Bombarde.... 16 pieds

20. 2e Trompette .. 8 — 21. Cromorne.... 8 — 22. Clairon 4 —

CLAVIER DU POSITIF, UT A FA, 54 NOTES.

23. Montre 8 pieds 24. Flûte harmonique 8 — 25. Bourdon .... 8 — 26. Viole de Gambe . 8 ■— 27. Prestant 4 — 28. Dulciane .... 4 — 29. Doublette .... 2 -

30. Flageolet 1 pied. 31. Plein jeu .... 7 rangs 32. Cornet 5 — 33. Trompette.... 8 pieds 34. Cromorne.... 8 — 35. Basson-hautbois . 8 — 36. Clairon ..... 4 —

CLAVIER DU RÉCIT EXPRESSIF, UT A FA, 54 NOTES

F. Quintaton.... 16 picds 38. Flûte harmonique 8 — 3). Gambe 8 — 4°. Voix céleste... 8 — 41. Basson-hautbois . 8 — 42 . Voix humaine .. 8 —

43. Bourdon .... 8 pieds 44. Flûte octaviante . 4 — 45. Octavin 2 — 46. Basson 16 — 47. Trompette.... 8 — 48. Clairon 4 —


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CLAVIER DE PÉDALES, UT A FA, 30 NOTES.

49. Soubasse .... 32 pieds 50. Soubasse .... 16 — 51. Contrebasse... 16 — 52. Flûte...... 16 — 53. Violoncelle ... 8 — 54. Flûte 8 — 55. Flûte 8 — 56. Sonnette .... 4 —

57. Bombarde.... 32 pieds 58. ire Bombarde .. 16 — 59. 2e Bombarde... 16 — 60. Basson 16 — 61. Trompette.... 8 — 62. Basson 8 — 63. Clairon 4 — 64. Baryton 4 —

PÉDALES DE COMBINAISON.

I. Effets d'orage.

2. Tirasse grand orgue.

3. Bombardes pédales.

4. Bassons pédales.

5. Octaves graves grand orgue. 6. Anches Récit Basses.

7. Anches Récit Tutti.

8. Anches Récit Dessus.

9. Copula positif au grand orgue.

10. Copula du grand orgue. Jeux de fond.

11. Copula des Bombardes. Jeux d'anches.

12. Copula du Récit au grand orgue.

13. Trémolo du Récit.

14. Expression du Récit.

On peut voir quelles sont les immenses ressources de ce superbe instrument, et, afin de mieux les faire comprendre, nous allons donner le rapport suivant, fait par Stern, célèbre organiste de Strasbourg, daté de 1861 :

« Rapport à Son Excellence Monsieur le ministre de l'instruction publique et des cultes sur les travaux de restauration et de perfectionnement exécutés par MM. A. Cavaillé-Coll et C;c de Paris, au grand orgue de la cathédrale de Nancy, par Stern, organiste du TempleNeuf, à Strasbourg.


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« Monsieur le Ministre,

Votre Excellence, par décision du 18 novembre 1861, m'a chargé de me rendre à Nancy pour procéder à la réception des travaux de restauration et de perfectionnement effectués au grand orgue de la cathédrale de cette ville par MM. A. Cavaillé-Coll et Cle de Paris ; je viens aujourd'hui rendre compte à Votre Excellence de la mission qu'elle a bien voulu me confier. Je me suis rendu à Nancy dès le J9 novembre et, après avoir pris les instructions de Mgr l'évêque de Nancy et de M. le préfet de la Meurthe, je suis allé, le 20 novembre, à la tribune de l'orgue de la cathédrale en compagnie de MM. les membres délégués du Chapitre et de la Fabrique, assisté de deux honorables collègues, M. Bazile, organiste de l'église Sainte-Élisabeth à Paris, et M. Hess, organiste titulaire de la cathédrale de Nancy.

« Nous avons d'abord pris connaissance du devis des travaux, et de la soumission de MM. Cavaillé-Coll et, en suivant l'ordre du devis, nous avons commencé par l'examen détaillé des jeux.

Tous les jeux du devis, interrogés note par note, ont répondu à l'appel, depuis les notes les plus graves des tuyaux de trente-deux pieds jusqu'aux sons les plus aigus du Picolo ou flageolet, qui embrassent les limites extrêmes des sons perceptibles, c'est-à-dire neuf octaves et demie.


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« L'ensemble de ces jeux, distribués sur quatre claviers complets de ut à fa, 4 octaves 1/2, 54 notes et un pédalier de 2 octaves 1/2 de ut àfa, 30 notes, se compose aujourd'hui de 3,8io tuyaux agissant par 63 registres, au lieu de 65 qui existent réellement, les fournitures et cymbales du grand orgue, de même que celles du positif ayant été réunies sur un seul registre.

« Ce minutieux examen n'a donné lieu à aucune observation sérieuse ; de légers dérangements dans l'accord de quelques notes, auxquels on a remédié depuis, ont seuls été constatés dans cet ensemble de 3,810 tuyaux.

« Cette vérification des jeux comparée avec le devis a permis toutefois de reconnaître quelques modifications et additions introduites par les facteurs dans la composition nouvelle, et qui constituent des améliorations sensibles dont nous devons rendre compte, savoir :

« 10 Les quatorze jeux de la pédale, indiqués au devis, ont reçu un complément d'étendue d'une demi-octave dans les dessus, ce qui porte ce clavier à 2 octaves et J/2 de ut à fa.

« Il a été ajouté un quinzième jeu de sous-basse de 6 pieds à ce même clavier de pédales. Ce complément est très avantageux pour exécuter la musique des grands maîtres.

« Les jeux de contre-bombarde de 32 pieds et de bombarde de 16 ont été entièrement renouvelés; les jeux d'anche du nouveau sommier, indiqués au devis par les noms de bombarde de 16, le basson de 8 et le baryton de 4 pieds.

« Ces nouveaux jeux, d'une sonorité plus ronde et plus douce que les jeux d'anches ordinaires, ajoutent beaucoup à la variété des sonorités de l'orgue.


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« 2° Les jeux du positif conformes au dèvis ont été parfaitement restaurés et complétés, la fourniture et la cymbale se trouvent réunies sur un seul registre, ce qiii est préférable, ces deux jeux devant marcher toujours ensemble.

« Les grands tuyaux de la façade ont dû être démontés pour les couper à leurs embouchures, les ressouder et les consolider.

« Les pleins jeux ont été renouvelés, il a été ajouté un jeu de Flautone et une basse de flûte harmonique. La: basse-de gainbe de 16 pieds a été complétée en tuyauxouverts au lieu de la basse acoustique bouchée indiqué.e au devis. ~ - - - >

« 4° Enfin les jeux nouveaux du récit sont d'une rare' perfection. L'ancien jeu de Voix humaine, qui devait seul être conservé, semblait tellement disparate avec les autres jeux que les facteurs l'ont remplacé par un jeunouveau qui produit le plus bel effet. J,

« 3° Les 3e- Les jeux du grand orgue ont reçu des répa-' rations importantes et lés additions et modifications ci-après : c..

« L'inspection générale des matériaux nous à démont'ré qu'ils étaient non seulement de premier choix, mais encore que leur mise en œuvre ne laisse rien à désirer. Les boiseries et les détails du mécanisme, soit en fer; soit en bois, sont d'une exécution irréprochable. La construction des tuyaux des nouveaux jeux et la réparation des anciens sont exécutées avec un tel soin qu'il est difficile de reconnaître une différence entre les anciens et les nouveaux tuyaux, c'est-à-dire que ces réparations équivalent a iUle complète reconstruction. Il est essentiel de faire remarquer aussi que, pour mettre les anciens jeux comme les nouveaux au diapason normal officiel, les


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facteurs, au lieu de rogner les tuyaux d'environ 3/4 de ton, comme le permettait la méthode ordinaire, les ont, au contraire, dans plusieurs cas, rallongés pour les traiter d'après une nouvelle méthode qui améliore notablement la puissance et la qualité du son, et qui consiste dans le prolongement de la longueur normale du tuyau et dans une ouverture latérale qui sert en même temps à régler l'accord.

« Ce travail important a été appliqué généralement à tous les jeux et a permis d'obtenir cette belle et puissante sonorité qui caractérise le grand orgue de la cathédrale de Nancy et classe désormais cet instrument au premier rang des grandes et belles orgues d'Europe.

« Après l'audition des jeux, nous avons examiné la partie matérielle de ce grand instrument.

« La soufflerie à diverses pressions, de l'invention de MM. Cavaillé-Coll, a fixé d'abord notre attention. Elle se compose, conformément au devis, de quatre grands réservoirs alimentés par quatre paires de pompes agissant au moyen de pédales sur lesquelles sont montés les souffleurs.

« L'exécution de cette importante partie de l'orgue est soignée dans son ensemble. L'égalité parfaite de la pression du vent a été constatée avec un manomètre à eau, et les réservoirs remplis en notre présence sont restés plus de cinq minutes à se vider. Mais ce qui a surtout permis de constater la parfaite composition de cette soufflerie, c'est que, malgré la dépense énorme de vent que l'on peut faire en réunissant tous les claviers à mains et de pédales, et quel que soit le jeu de l'organiste, on ne remarque jamais la moindre altération : résultat inappréciable, qu'on ne pouvait obtenir dans les orgues de l'ancien système.


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« L'examen des sommiers anciens et nouveaux nous a convaincus que cette partie du travail ne laissait rien à désirer.

« Les sommiers de l'ancien orgue ont été non seulement réparés, mais, on peut le dire, entièrement renouvelés. Il est impossible, en effet, de voir aujourd'hui la moindre différence entre les anciens et les nouveaux sommiers.

« La boîte d'expression du sommier de récit est établie avec beaucoup de soin, et elle atteint bien le but de sa destination. Les parois de cette boîte sont disposées avec des châssis vitrés en verre double qui interceptent bien les sons, éclairent l'intérieur de la boîte et facilitent l'entretien de l'accord.

« Les nouvelles pièces gravées, le postage des portevent et tous leurs accessoires sont établis dans les meilleures conditions.

« Le mécanisme général est entièrement renouvelé et établi sur les principes de l'art moderne. Tout ce mécanisme est clairement disposé, de façon à pouvoir atteindre avec la main toutes les pièces de cette immense machine pour en régler les différents mouvements.

« La machine pneumatique des claviers se trouve très avantageusement placée dans la base de l'orgue, au centre de l'instrument. Ce nouveau mécanisme, qui permet de jouer tous les claviers séparément ou ensemble sans augmentation de résistance, fonctionne avec la plus grande justesse.

« Les quatorze pédales de combinaison et leur mécanisme correspondant remplissent parfaitement les fonctions indiquées au devis. Ces nouvelles pédales offrent à l'organiste des ressources infinies pour nuancer et varier


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les effets de l'instrument et permettent de doubler en quelque sorte la puissance de l'orgue.

« Après l'examen de toutes les parties de ce vaste instrument, nous avons comparé le devis avec le mémoire général dressé par les facteurs, et nous en avons reconnu l'exactitude. Ce mémoire indique avec détail les modifications qui ont été apportées au premier devis, et, nous devons le dire, elles sont toutes à l'avantage de l'œuvre. Ces modifications et additions sont estimées dans le

résumé du mémoire général à la somme de . 16.150 fr. ce qui, joint au montant du ier devis, ci .. 50.2jo » porte le total de la dépense à -..- .. 66.400 fr.

« En résumé, Monsieur le Ministre, il résulte de l'examen minutieux auquel nous nous sommes livrés sur l'œuvre de MM. Cavaillé-Coll, que ces habiles facteurs ont rempli fidèlement toutes les promesses du devis et marché, et que, si dans quelques points ils ont dépassé les prévisions de ce devis, ils y ont été entraînés par suite de l'état de vétusté et de malfaçon de certaines parties de l'ancien orgue, qu'il a fallu refaire, et qu'on ne pouvait reconnaître avant d'avoir démonté l'instrument. Ces améliorations essentielles ajoutent beaucoup à la perfection de l'orgue de Nancy, qui peut être cité aujourd'hui comme une des merveilles de l'art national.

« Aussi croyons-nous, Monsieur le Ministre, devoir vous proposer de recevoir avec éloge le nouveau chefd'œuvre de ces habiles facteurs, dont Votre Excellence vient de doter la cathédrale de Nancy.

« Je suis avec respect, etc., etc. »

La tribune qui supporte l'orgue est ornée de motifs représentant des trophées d'instruments de musique taillés dans la pierre par Barthélémy Mesny.


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Le buffet est aussi très remarquable; il fait honneur aux artistes qui le sculptèrent et à l'architecte Jennesson qui le dessina. Ce travail donne une juste idée, comme le dit M. Auguin1, des caractères qui distinguaient les maîtres de cet art, à Nancy, sous Stanislas. Souplesse, vivacité, éclat, élégance, richesse, voilà les qualités qu'on ne saurait refuser à la menuiserie lorraine du XVIIIe siècle. Nous en donnons ici une reproduction en photogravure (fig. 3 2)

Facteurs et organistes célèbres

Le projet d'un grand orgue,pour la Primatiale avait été soumis aussi par Claude Moucherel, facteur d'orgues, dont on a plus d'une fois rencontré le nom pendant les deux derniers règnes des ducs.

Nous avons vu le dessin de ce projet, mentionné de la façon suivante :

« Dessein d'un grand orgue 16 pieds proposé pour la Primatiale de Nancy, fait par Claude Moucherel, facteur d'orgue de S. A. R. »

Il est dit, au commencement de cette description des orgues, que les Dupont firent celles de l'église de Lunéville ; elles sont très-curieuses, au point de vue de la construction du buffet, qui ne possède extérieurement aucun tuyau de montre; on les a placés derrière des colonnades, simulant l'entrée du Paradis.

Les autres facteurs d'orgues furent :

Claude Moucherel, facteur de Stanislas, mort le 29 décembre 1744,

Nicolas Dupont, né à Domnom, habitait Malzéville en 1748. Il rétablit les orgues de. la collégiale SaintGeorges.

1. Monographie de la cathédrale de Nancy) depuis sa fondation jusqu'à l'époque actuelle) par Ed. Auguin, ingénieur civil des mines. Nancy, BergerLevrault, 1882.


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Joseph Dupont, fils de Nicolas (1747).

Dingler (Jean-Remy), bourgeois de Nancy, facteur d'orgues de Stanislas, en 1751, et Dingler (Jean-André), mort en 1780. Ce sont ces deux frères qui construisirent les orgues de l'église des Prémontrés de Nancy (Temple protestant).

Joseph Fréjubice (1755) et François-Joseph Fréjubice, son fils, né le 20 mai 1763.

Antoine Moucherel, facteur d'orgues et machiniste (1766).

Les organistes furent :

Christophe Poirel, organiste de l'église Saint-Sébastien, de 173 8 à 1767.

Simon Monot, ancien organiste de la Primatiale et pensionnaire de l'église, mort en 1773, à l'âge de soixantequatorze ans.

Nicolas Guilbaut, organiste de la chapelle de Stanislas et de l'église Saint-Sébastien, en 1767.

François Marchai, organiste de Saint-Pierre, en 1762, successeur de Louis Marchai, lequel était mort en cette année; décédé en 1783.

Les cloches de la cathédrale de Nancy étaient fort remarquables ; elles ont été cassées par morceaux, lors de la Révolution et fondues à Metz. Une seule, la plus grosse, fut épargnée : celle dont Stanislas avait été le parrain, et que l'on conserva pour le service du beffroi. Elle existe encore de nos jours.

Les principaux maîtres de musique et chefs d'orchestre des concerts furent :

Corneil Vanheelen, directeur de la musique instrumentale che, le roi de Pologne et son pensionnaire.

Thomassin, maître de musique à Toul, de 1712 à 1731, et à la Primatiale de Nancy, en 1740.


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Delonay, maître de musique à la cathédrale de Toul, en 1735.

Saint-Paul père et fils, musiciens de la cathédrale de Metz, ont fait chanter une grand'messe en musique de leur composition à la Primatiale de Nancy, en 1740.

Goujon, musicien de la Primatiale (1741), maître de chant des religieuses orphelines ; il fut enterré dans leur église, à Nancy.

Jean Geller ou Jeller, directeur de l'orchestre de Stanislas, 1742.

Seurot, maître de musique (1747), mort en 1757. Benoît Morel, maître de musique du Concert, en 1747. Bastien (Léopold) fut enfant de chœur de la Primatiale, devint maître de musique et fit chanter, en 1756, une messe en musique de sa composition.

Simonin, maître de chapelle de la cathédrale de Toul, alla se perfectionner à Paris, en 1760.

Lorenziti (Jean-Adam-Marian), maître de musique à la Primatiale. Ce fut lui qui fit exécuter la messe en musique pour le service funèbre célébré à la Primatiale lors de la mort de Stanislas, en 1766.

Les musiciens connus à cette époque sont assez nombreux ; voici les principaux :

Marais (Louis-Frédéric), de l'Académie du roi (1743). Gennel (Léopold), musicien du roi de Pologne, né à Nancy en 1723, mort en 176).

Ceux dont les noms suivent étaient employés spécialement à la Primatiale :

Vernière, de 1730 à 1740.

Fion, 1740.

Martin, 1740 à 1763.

Rocher, de Pont-à-Mousson, 1741.

Lemaire, basson et serpent du roi de Pologne" 1748.


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Henry, bassoniste et joueur de serpent, fut recu, en 1748, comme joueur de ce dernier instrument, à la cathédrale de Toul, à la place de Lemaire, entré au service du roi de Pologne, et fut nommé, en 175 5, maître de musique à la cathédrale de Verdun.

Mougeot, prêtre et maître de musique à la cathédrale de Toul, en 1750, né à Dijon.

Jattiot père, basse-contre à la Primatiale, 17^6. Jattiot fils, basse-taille à la même église, partit pour Paris afin de compléter ses études musicales, en 1756.

Vos, violiniste de la Primatiale, de 1759 à 1771. Pussenot, musicien, 1762 à 1768.

Grignon, musicien de la Primatiale, de 1766 à 1781 ; Et Paquet, en 1768.

Le Concert, qui avait pour local, en 1742, l'hôtel des Pages, sur la Carrière, fut suspendu au mois d'avril 1747, à l'occasion de la mort de la reine de Pologne. On se servit, pendant cette interruption, de la salle pour y déposer les archives de l'État.

Dans cette occurrence, et ne sachant où trouver un lieu convenable, le chancelier, afin de faciliter le rétablissement du Concert, donna la salle des Cerfs avec promesse de faire payer par la ville les deux mille livres d'abonnement ordinaire par année, comme si la réunion n'eût point été interrompue. On avait dû conserver les appointements à un grand nombre de musiciens, qui autrement n'eussent pu rester à Nancy. Au mois d'octobre de la même année, le Concert fut repris ; mais, en 1756, il fut de nouveau supprimé, ainsi que l'Académie royale de musique fondée par François III. Rebour en fut le dernier directeur ; le nombre des musiciens, considérablement diminué, était réduit à vingtsept. Ce Concert fit place au théâtre, en 1756; voici la


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mention, datée du 18 septembre 1756, et qui indique ce changement :

Accord entre les directeurs du Concert ci-devant établi à Nancy et les officiers municipaux, portant suppression du Concert au profit de la Comédie; cette dernière étant PLUS DU GOUT GÉNÉRAL DE LA VILLE.

Il est regrettable que cette décision ait été prise 5 le théâtre était tout à fait indépendant du Concert et surtout de l'Académie de musique, destinée à former surtout de jeunes élèves.

Le roi de Pologne fonda, en 1752, à Lunéville, une Académie de peinture et de sculpture, sous la direction de Girardet et de Joly. Il institua également une Académie qui subsiste encore de nos jours. C'est là que vinrent siéger d'illustres savants, tels que Montesquieu, Helvétius, Maupertuis, etc.

La mort de Stanislas, qui devait amener la réunion de la Lorraine à la France, arriva inopinément : le roi de Pologne venait d'assister, à Nancy, au service solennel du Dauphin, son petit-fils ; ce voyage ne l'avait pas empêché de se lever de fort bonne heure le iendemain matin, 5 février 1766, et, comme il voulait s'approcher de sa cheminée pour voir l'heure à sa pendule, sa robe de chambre prit feu. Il fut cruellement brûlé et il expira le 24 du même mois. Un superbe mausolée lui a été élevé dans l'église de Bon-Secours, à Nancy.


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Réunion de la Lorraine à la France

RÉUNION DE LA LORRAINE

A LA FRANCE

La Lorraine étant réunie à la France, l'histoire de la musique, à partir de 1766, devient commune aux deux pays.

Nous ne croyons pas cependant devoir négliger les noms des musiciens qui se sont distingués dans la seconde moitié du XVIII6 siècle. Les luthiers, en assez grand nombre aussi, ne doivent pas être oubliés ; nous donnerons d'ailleurs sur chacun d'eux des détails plus circonstanciés dans l'appendice qui suit le IXe chapitre.

Luthiers lorrains, de 1766 à 1800 :

Vuillaume (Charles-François), luthier, vivait à Mirecourt en 1770.

Vuillaume (Claude), né à Mirecourt en 1772. Vuillaume (Jean-Baptiste), né à Mirecourt en 1798, mort en 1875.

Vuillaume (Nicolas), né à Mirecourt en 1800. Burghardt (Jean), né à Prague, établi à Nancy en 1775-

Nicolas (Joseph), né à Mirecourt en 1796, mort en 1864.

Henry, né à Mattaincourt en 1757, mort à Paris en 183 I.

Audinot (Charles), luthier de Mirecourt (1788).


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Audinot (Laurent), facteur de serinettes à Mirecourt (1789) •

Euriot, facteur de serinettes, à Mirecourt (1789). Chanot (Joseph), luthier à Mirecourt (1789). Grand-Gérard, né à Mirecourt à la fin du XVIIIe siècle. On voit que la lutherie lorraine était en grande prospérité à cette époque ; nous montrerons son importance dans l'appendice qui a pour titre : Mirecourt el la lutherie lorraine.

En 1776, des décharges sont accordées au sieur Gillet, maître de danse, et, en 1789, à des joueurs d'instruments, ménétriers et maîtres de danse. On comptait, en 1770, à Lunéville, quatre joueurs d'instruments, des ménétriers et des maîtres danseurs en assez grand nombre; mais, à Mirecourt, on comptait, jusqu'à l'année précédente, trente-neuf joueurs d'instruments et luthiers qui faisaient la principale ressource de cette ville.

De 1766 à 1800, les musiciens sont fort nombreux en Lorraine.

Nous relevons ceux de la Primatiale de Nancy : Pierre Margalet, né à Nancy en 17 22 , ancien musicien du roi Stanislas, puis haute-contre à la Primatiale, mort en 1770, à l'âge de quarante-huit ans.

Antoine Isnard, premier violon à la Primatiale en 1770; né en 1704, mort en 1771.

Cézan, hautbois de la Primatiale, 1770.

Courtillier, violoncelle de la Primatiale en 1770. Rousseau et Grignon (1781).

Cuvilier (Joseph), musicien en 1788 5 ses descendants furent facteurs d'orgues.

Parnotte (Jean), 1790.

Parmi les autres musiciens, nous notons encore :


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Baudiot (Charles-Nicolas), violoncelliste, né à Nancy le 29 septembre 1773, professeur au Conservatoire de Paris en 1802 et premier violoncelliste de la chapelle du roi en 1816.

Dumont (Martin), organiste à Rambervillers en 1789. Gaultier, musicien ; il composa, à l'occasion de la mort de Louis XV, une messe en musique qui fut exécutée à Nancy, à l'église Saint-Roch, le 18 juin 1774.

Julien (Hyacinthe), musicien à la Viéville, 1789. Garaudé (Alexis de), professeur au Conservatoire de musique de Paris, né à Nancy le 21 mars 1779; son frère, conseiller au parlement de cette ville, lui fit donner une brillante éducation, dans laquelle la musique n'entra que comme art d'agrément; la Révolution éclata, et cette famille ayant perdu presque toute sa fortune, la musique fut la seule ressource de Garaudé. Son solfège est bien connu de tous les artistes.

Jeanmaire, maître de musique à Nancy en 1788. Kreubé (Charles-Frédéric), né à Lunéville le 5 novembre 1777, apprit la musique et le violon dans cette ville, fit partie de l'orchestre du théâtre de Metz comme chef, alla à Paris, reçut des leçons du célèbre violoniste Kreutzer, et devint chef d'orchestre à l'Opéra-Comique de 1805 à 1828.

Les frères Lorenziti furent longtemps maîtres de musique à Nancy.

« Lorenziti (Antoine), fils d'un musicien italien, dit Fétis, au service du prince d'Orange, à la Haye, naquit dans cette ville en 1740, et fit ses études sous la direction de son père. Locatelli lui donna des leçons de violon, et il obtint en 1767 la place de maître de chapelle de l'église primatiale de Nancy, ville dans laquelle il termina sa carrière.


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« Son frère Bernard vint à Nancy vers 1775, fit ses études auprès de lui et obtint ensuite une place de second violon à l'Opéra de Paris, en 17871 ».

Il y eut quatre Lorenziti en 1776, à Nancy ; voici l'acte de mariage de Jean-Adaln-Marian Lorenziti qui en témoigne :

13 février 1776. « Jean-Adam-Marian Lorenziti, originaire de Franc/ort-sur-le-Mein, maître de musique, fils de défunt Joseph Lorenziti, maître de chapelle du prince de Nassau- Weilbour g

« En présence du sieur Joseph Lorenziti, maître de musique de l'insigne église primatiale de Lorraine, frère de l'époiix ; de Bernard-Pierre Lorenziti, de même état, frère aussi de l'époux (c'est celui qui est désigné par Fétis comme second violon à l'Opéra de Paris), ont signé : Lorenziti le cadet ; Robin Lorenziti; Lorenziti le jeune ; Loren\iti Vainé. »

M. Fétis, ordinairement si bien renseigné, n'a certainement pas connu ce document.

Joseph-Antoine Lorenziti est mort, le 3 décembre 1789, ayant atteint sa quarante-neuvième année.

Une de ses nièces, MIle Lorenziti, musicienne distinguée de Nancy, composa des sonates pour le piano.

Michelot (Jean-Baptiste-Aimé), né à Nancy en 1796; professeur au Conservatoire de Bruxelles; il fit ensuite plusieurs mélodrames et un opéra intitulé les Deux Tantes, qui eut beaucoup de succès.

Pixerécourt (René-Charles-Guilbert de), célèbre auteur de mélodrames et de livrets d'opéras-comiques, né le 22 janvier 1773 au village de Pixerécourt, près

l, Fétis. Biographie des Musiciens.


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Nancy. Il fut directeur de l'Opéra-Comique, de 1824 à 1827, quitta Paris en 1838 pour se retirer à Nancy, où il mourut.

Roussel, prêtre et maître de musique de la cathédrale de Toul en 1783.

Savart (Félix), né à Mézières le 30 juin 1791, fit ses études à Metz et devint un physicien distingué; il s'occupa surtout de questions d'acoustique pour le perfectionnement des instruments à archet ; c'est à ce titre que nous plaçons son nom ici.

Voici maintenant les noms des principaux organistes lorrains, en commençant par ceux des paroisses de Nancy :

Frédéric (Jean), organiste de Saint-Sébastien (1770), et l'abbé Drappier (1773).

Monot (Simon), organiste de la cathédrale, né en 1699, mort en 1773.

Huel, organiste de Saint-Roch (1773).

Evrard, organiste de l'église Notre-Dame (1775), et Mlle Michel (1776).

Françoise Michelot, organiste à Saint-Epvre (1780), qui avait succédé à Charles Marchai, mort en 1780.

Aubert (Alexis), organiste de la paroisse Saint-Nicolas (1780).

Adler (Jean-Pierre), organiste de la paroisse SaintRoch (1785).

Poirel (Christophe), organiste de la cathédrale, né en 1720, mort en 1786.

Stezle (Mathias), organiste de la paroisse Saint-Roch (1786).

Nôtre, organiste de la cathédrale de Toul en 1785, fut envoyé à Paris aux frais du chapitre de cette cathédrale, afin d'y faire son instruction musicale. Lorsqu'il en revint, il fut nommé organiste de la cathédrale de


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Toul, dont les orgues avaient été construites par les Dupont, facteurs, qui avaient fait celles de la Primatiale de Nancy. Nôtre exécutait surtout le Jeu de guerre, qui, paraît-il, produisait un grand effet. Ces renseignements nous ont été donnés par M. l'abbé Guillaume, qui nous a raconté à ce sujet l'anecdote suivante sur les orgues de la cathédrale de Nancy :

Abarca était organiste de cette paroisse vers 1842; il exécutait surtout sur les orgues de cette église un morceau de prédilection intitulé l'Orage. Il faisait ainsi ressortir toutes les admirables ressources de ce superbe instrument. Au milieu du fracas du tonnerre et à l'instant où la foudre doit tomber, il eut l'idée originale de prévenir les deux suisses de tenir les deux portes du chœur entr'ouvertes et de les fermer à un signal donné. Le stratagème réussit, mais à tel point que quelques chanoines épouvantés s'affaissèrent de peur, dans leurs stalles.

Les facteurs d'orgues sont aussi assez nombreux ; voici les principaux d'entre eux :

Jean Dingler et Louis Drappier (1771).

Kuttinger (Georges), facteur d'orgues de Nancy, y vivait en 1780; selon toutes probabilités, il devait descendre de l'ancienne famille des Kuttinger, dont une des filles épousa le célèbre graveur Jacques Callot. Il fit les orgues de la Chartreuse de Bosserville- près Nancy, vers 1780. Mort à Nancy en 1786.

Génot, frère de l'ordre des Cordeliers, était chargé en 1787 de la réparation des orgues des paroisses de Nancy.

Chevreux (Jean), facteur d'orgues (1788).

Parmi les œuvres musicales composées par des auteurs nancéiens et représentées à Nancy à cette époque, il faut citer :


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La fée Urgèle, opéra-comique, musique de Fortia de Piles, représenté à Nancy en 1784. Ce compositeur fit jouer toutes ses œuvres au théâtre de Nancy; nous voyons dans la même année Vénus et Adonis, opéracomique; le Pouvoir de l'amour, opéra-comique (1785); l'Officier français à l'armée, opéra-comique (1786), dont la musique est du même.

Nous regrettons que les limites de ce travail ne nous permettent pas de nous étendre sur les anciens chants nationaux de ce pays, mais nous pouvons recommander spécialement aux curieux le recueil des Airs des noëls lorrains du savant organiste de la cathédrale de SaintDié, M. R. Grosjean.

Presque tous ces airs primitifs ne datent, comme le fait remarquer l'auteur dans sa préface, que de la fin du XVIIe et du xviir siècle. Nous les plaçons ici. On est frappé de la facture gracieuse et simple de ces mélodies, qui nous reportent à des temps si loin de nous et nous font revivre en quelque sorte dans le milieu où elles ont été composées.


Voir aussi