La musique en Lorraine (1882) Jacquot/Chapitre IV

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La musique en Lorraine
I - II - III - IV - V - VI - VII - VIII - IX -- (lutherie)

CHAPITRE IV

XVIIe SIÈCLE. — HENRI II, DUC DE LORRAINE, 1608-1624. — POMPE FUNÈBRE DE CHARLES III.— COSTUMES DES MUSICIENS.— INSTRUMENTS DE MUSIQUE. — CORNETZ, GROS HAULTZ-BOIS, SACQUEBUTES, LUTHS, GUITTARONS, THÉORBES, VIOLES D'ESPAGNE. — ENTRÉE SOLENNELLE DE HENRI II A NANCY. — PRINCIPAUX JOUEURS DE VIOLON. — LUTHIER ITALIEN. — CORNEMUSEUR. — ORGANISTES CÉLÈBRES. — TAMBOURS, FIFRES ET TROMPETTES. — MUSICIENS ET BALLETS. — LES MÉDARD. — MUSIQUE DE LA CHAPELLE ET INSTRUMENTS EMPLOYES.

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Chapitre IV


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Le duc Henri II monta sur le trône, en 1608, à l'âge de quarante-cinq ans. Quoique nous ne nous occupions que de choses se rapportant à la musique, il paraît intéressant de donner une courte description de la pompe funèbre de Charles III : la musique n'y fut point oubliée et elle y tint une très large place.

Pompe funèbre de Charles III

On sait qu'à cette époque les trois plus belles cérémonies qui se voyaient en Europe étaient: le sacre d'un roi de France, à Reims, le couronnement d'un empereur d'Allemagne, à Francfort, et l'enterrement d'un duc de Lorraine, à Nancy.


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C'est grâce aux magnifiques planches de Claude de La Ruelle et de Jean La Hière que nous avons pu reconstituer et les instruments de musique, disparus depuis longtemps, et les costumes des différents musiciens.

Le 14 mai 1608, jour de la mort du duc, le corps fut exposé dans la chambre mortuaire, embaumé le lendemain et placé dans un riche cercueil recouvert de trois draps, le premier d'une toile très fine, le second, de velours noir croisé de satin blanc, et le troisième, de drap d'or frisé, bordé d'hermine mouchetée. Un dais de soie violette brodée d'or était suspendu au-dessus. Les murs étaient tendus de tapisseries et le plancher recouvert de tapis de Turquie.

Tout demeura en cet état jusqu'au 8 juin suivant; à ce moment, le corps fut transporté dans la salle d'honneur qui faisait suite à la galerie des Cerfs ; cette salle mesurait cent trente-cinq pieds de longueur, et les tentures qui garnissaient les murs représentaient les histoires de Moïse et de saint Paul. Au fond, un théâtre supportait l'effigie du duc, au-dessus de laquelle un dais superbe était suspendu. Ce dais, de velours cramoisi et de toile d'or, était brodé de cannetille et de dentelles d'or et d'argent 5 des alérions alternaient avec des doubles C couronnés.

Au pied de ce lit à baldaquin se trouvait un banc recouvert de drap d'or, supportant une très riche croix d'argent, chargée de diamants et de grosses perles; deux chandeliers pareils étaient placés de chaque côté. La même profusion de pierreries et de métaux précieux se répétait pour tous les ornements de la chapelle du feu


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duc, parmi lesquels on remarquait une grande croix dont la base contenait un rubis enchâssé, de la grosseur d'une noix.

L'effigie était revêtue d'un pourpoint de satin cramoisi, brodé d'or, dont les boutons, chargés de diamants, étincelaient à la lumière des cierges ; sur cet habit, une tunique de drap d'or, doublée de satin cramoisi, frangée d'or, fendue aux deux coudes, en rehaussait l'éclat; pardessus s'agrafait un grand manteau à la royale, de drap d'or, enrichi d'un bord de perles et fourré d'hermine ; les devant et derrière de ce manteau s'attachaient aux épaules par quatre grandes agrafes d'or, chargées de diamants en table, en cœur et en pointes. Le collet, en hermine, était orné du collier de Saint-Michel. Le chef, couvert d'un petit bonnet rond de velours cramoisi, supportait une couronne à hauts fleurons, constellée de diamants. Les oreillers de drap d'or, supportant la tête de l'effigie, se terminaient aux coins par des boutons d'or garnis de diamants; la main droite portait un superbe diamant ; à droite et à gauche étaient disposés le sceptre et la main de justice; tous ces joyaux avaient une valeur de cinq cent trente-deux mille écus.

Les musiciens et les chantres de la chapelle exécutaient des morceaux funèbres et des chœurs avec accompagnement d'instruments, et on servit le dîner, comme du vivant du prince, pendant tout le temps que l'effigie resta dans cette salle, c'est-à-dire jusqu'au 14 juillet suivant. On la transporta alors dans la galerie des Cerfs, entièrement tendue de noir, et à l'extrémité de laquelle était une bière ornée des insignes du duc.

Nous passerons sous silence les ornements de velours, de satin blanc et d'étoffes précieuses qui garnissaient l'autel, les murs et jusqu'au plafond. L'orchestre, placé


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sur la gauche, comprenait les musiciens de la chapelle, jouant de la basse de viole, du luth, du théorbe, et les chantres.

Le 17 juillet eut lieu le transport du corps à l'église Saint-Georges 5 ce convoi est représenté en détail sur les gravures de Claude de La Ruelle, et il serait trop long d'énumérer ici tous les personnages, depuis les plus illustres jusqu'aux trois cents pauvres de la ville et aux six violons qui le composèrent. Quatre chevaux magnifiquement caparaçonnés furent conduits au convoi funèbre et menés à l'offrande,

L'église, complètement tendue de noir et ornée d'écussons aux armes de Lorraine entourées du collier de l'ordre de Saint-Michel, faisait un heureux contraste d'obscurité et de lumières, par le mélange de ces sombres draperies et de cette multitude de flambeaux,

La chapelle ardente représentait dans son ensemble une énorme couronne ducale, faite de bois doré et peint, du milieu de laquelle s'élevait un piédestal soutenu par quatre colonnes d'ordre corinthien, qui supportaient un riche dais d'étoffe d'or, surmonté d'une pyramide ornée de couronnes ducales, de croix de Jérusalem, de Lorraine, d'alérions et de barbeaux (armes du duché de Bar). Aux quatre coins s'élevaient de petites pyramides, semblables à celle du milieu, et, tout autour, une grande quantité de cierges faisaient ressortir les dorures de cette chapelle, qui fut faite d'après les ordres et les dessins du sieur d'Estabili, aidé de Nicolas Drouin et de Jean Richier, sculpteurs et peintres.

Les ambassadeurs étrangers en furent si émerveillés qu'ils prièrent le duc Henri II de faire graver toutes les cérémonies de la pompe funèbre, pour que leurs souverains fussent informés de la magnificence de cette solennité.


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Fig 17. — Pompe funèbre de Charles III.
A. JACQUOT (d'après Claude La Ruelle).

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C'est ce qui eut lieu, et nous avons profité indirectement de cette décision, en retrouvant, dans ces nombreuses planches, les éléments des orchestres disparus, dont on va voir les spécimens.

La collégiale Saint-Georges était garnie de tribunes élevées pour les chanteurs et les musiciens de la chapelle. Dans la lettre majuscule L (fig. 16), au commencement de ce chapitre, les chanteurs qui se trouvent dans cette tribune sont accompagnés de luths, de théorbes, ainsi que d'une basse de viole.

La planche n° 17 montre toute une série d'instruments à vent 5 nous y remarquons d'abord le costume de deuil des musiciens, qui se compose d'une grande robe noire, avec manches très amples et grand col; presque tous portent la barbe longue et les cheveux relevés en arrière. On remarque cinq joueurs de cornet à bouquin, deux de sacquebute ou trombone, deux de gros hault'{-bois et vingt chanteurs.

Le trombone ou sacquebute était donc déjà employé à cette époque, et l'instrument paraît aussi bien fait que ceux dont on se sert dans nos orchestres modernes. Cependant il faut remarquer que l'un des exécutants le joue du côté opposé à l'autre.

Dans le texte qui accompagne les gravures de Claude de La Ruelle on lit le passage suivant, à la table annexée à cette planche : Chantres de la chapelle ducale, au nombre de trente personnes, tant voix que joueurs de cornet'{, gros hault'{-bois et sacboutes,

Cette tribune, paraît-il, était située au jubé de l'église, et le graveur a pris soin d'expliquer qu'il l'a placée à la gauche de la planche pour ne pas empêcher la vue du chœur.

Parmi tous les instruments, celui qui, sans contredit,


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nous intéresse le plus, est le gros liault^-bois; il existe en double dans la grande planche (fig. 17); mais ici on n'en voit que la partie supérieure, tandis que, dans la planche 19 on peut en distinguer la partie inférieure.

Ce curieux spécimen mérite une description; il est semblable au basson, et son tube d'embouchure sort de

A. J. Fig. 18

l'extrémité supérieure pour descendre, par une courbe, jusqu'à la hauteur de la bouche de l'exécutant. Le corps cylindrique est percé de plusieurs trous, et le bas en est beaucoup plus volumineux ; c'est un tube autour duquel est enroulée une tapisserie qui semble être ornée des emblèmes lorrains. Ce tube est brusquement recourbé dans la partie inférieure de l'instrument et ressemble aux saxophones actuellement en usage.

La figure 18 représente un théâtre couvert de velours


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noir, pour les musiciens de la chambre, au nombre de quatorze personnes, tant voix que luthi, guittarons et violes d'Espagne. Ce théâtre fut élevé dans l'église des Cordeliers, où la cérémonie eut lieu le surlendemain, 19 juillet.

Fig. 19. A. J.

Les instruments que nous remarquons sont très intéressants ; les luths et les théorbes ont six et sept cordes ; les premiers sont de forme ovale, tandis que les seconds se rapprochent de la forme de la guitare, tout en ayant la tète du luth. La basse de viole, à sept cordes, est appelée viole d'Espagne; elle est jouée comme la contrebasse et était cependant intermédiaire de grandeur entre ce dernier instrument et notre violoncelle.


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Les instrumentistes accompagnaient dix chanteurs placés sous la direction d'un maître de chapelle, qui se nommait Pierre de Hault.

La dernière tribune est celle qui se trouvait à droite du chœur (fig. 19); on voit les chanteurs tenant leurs livres de musique en mains : trois joueurs de cornet à bouquin, un joueur de sacquebute et un joueur de hautbois, instrument dont il vient d'être question.

La chapelle ardente élevée en cette église était toute différente de celle de la collégiale 5 elle avait la forme rectangulaire, surmontée d'une pyramide ornée des écussons de la maison de Lorraine. Les quatre angles portaient des obélisques décorés de la même manière. Lorsque les cierges étaient allumés, on eut dit un nouveau dessin lumineux reproduisant en feu le catafalque.

Le convoi funèbre était composé d'une multitude de dignitaires, et, comme nous l'avons déjà dit, on y voyait jusqu'aux plus simples officiers des princes de la famille ducale; outre les joueurs de violon, les hautboïstes et les cornetistes y étaient représentés par une députation de six personnes vêtues de deuil et ayant le chapeau en forme.

Lorsque le corps du feu duc fut descendu dans le caveau, on proclama Henri II duc de Lorraine. Aussitôt tous les assistants enlevèrent le chapeau en forme, et reconduisirent le prince en grande pompe au palais.

La relation de cette pompe funèbre donnera au lecteur une faible idée de la magnificence déployée en vue d'éblouir les cours étrangères. Un luxe aussi grand, nous le ferons remarquer, s'étendait aux exécutions musicales et égalait les plus belles fètes royales des puissances voisines.


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>La musique, comme on l'a vu, appelée à participer à ces solennités, leur donnait un caractère vraiment imposant. Reportons-nous par la pensée dans ces deux églises : nous écouterons avec une attention religieuse ces chœurs de voix d'hommes si complets par le nombre et le choix. Les instruments à vent, tels que le cornet, formaient la partie haute du chant, alternant ainsi avec les enfants de chœur. Les sacbutes et les gros hault\-bois reprenaient le chant et faisaient résonner par leurs timbres bruyants les voûtes de l'antique église ; les chœurs répétaient d'une voix douce les mêmes motifs, soutenus par l'accompagnement si délicat des luths, des théorbes et de la basse de viole, qui, elle aussi, interrompait les chœurs pour mêler ses notes sympathiques dans un solo mélodieux.

Enfin, pour terminer, l'orgue, reprenant l'ensemble, faisait entendre sa voix puissante, qui dominait celles de tous ces orchestres réunis !

ENTRÉE SOLENNELLE DE HENRI II A NANCY

Deux ans plus tard, le 20 avril 1610, une fête remarquable, mais d'un autre genre, eut lieu pour l'entrée solennelle de Henri II à Nancy. Les planches qui font suite à la Pompe funèbre, et qui représentent cette entrée, ne montrent, en fait d'instruments de musique, que des tambours, des fifres et des trompettes aux bannières de Lorraine.

Henri II avait un goût très prononcé pour le faste et la magnificence, et son ambition fut de placer son pays à la hauteur artistique des autres nations.

L'auteur du Mémoire sur Nancy, qui écrivait en 1619, dit, en parlant des chanoines de Saint-Georges : Ils ont fondation de vicaire et musiciens, pour le présent, la musique Y est fort accomplie en toutes ses parties, pour y avoir des voix choisies par le commandement de S. A. le duc Henri II, qui prend singulier plaisir à entendis la bonne musique, et


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s'il donne (et aussi donne-t-il) des prébendes aux chantres qui ont bonnes voix, soit pour les y attirer, soit pour les y maintenir 1.

Sous ce règne, la bande des violons fut beaucoup plus nombreuse ; on ne parle plus du tout de rebec, le mot a complètement disparu.

Voici les noms des principaux joueurs de violon : En 1612, Nicolas Vernier, violon de S. A.; 1613, quittance donnée à Pierre Chaveneau, aussi violon de S. A., pour le paiement de ses gaiges; pendant cette année, Nicolas Noël fut nommé pour remplir le même emploi ; Nicolas de Verny et Noël Briffaut obtinrent cette place, l'un en 1615 et l'autre en 1616.

Le comte de Vaudémont avait aussi plusieurs de ces musiciens à son service ; François Roussel fut un des meilleurs, en 1615.

En 1618, il est fait mention des gages des joueurs de violon et de cornet du duc.

L'année suivante, le comte de Vaudémont récompensa Chrétien Florentin, l'un de ses musiciens2.

Lorsque les années étaient dures, on leur faisait des distributions en nature, sous forme de gages; ainsi, les années précédentes, en 1609, par exemple, le duc Henri II fit distribuer du blé à ses violons, sous forme de gaiges.

Cependant, en 1618, les gages leur furent payés, et ils reçurent, indépendamment, des distributions de blé 3. Ces violons étaient : les trois frères Chaveneau, Pierre, Louis et Denis; François Roussel; Remy Noël.

En 1614 et en 1619, du blé fut encore délivré, par ordonnance du duc, à Louis Chaveneau, Remy Noël,

1. Archives de Nancy, par M. Lepage.

2. Ibid. B. 1409.

3. [bide B. 2063.


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Simon Noël, Denis Chaveneau et à leurs compagnons, joueurs de violon et de cornet en son hôteli.

En 1622, deux nouveaux violons font partie de la bande, désignée sous le nom de bande des violons de l'hostel de S. Ar; ce sont François Trial et Joseph Soleras.

Le luth, instrument d'accompagnement par excellence, fut le plus fréquemment usité pendant cette époque.

Un Italien vint se fixer à Nancy et s'y établit comme facteur de luths; il obtint du duc le privilège exclusif d'être le seul fabricant de cordes de luth pour le duché de Lorraine. Un habitant de Nancy, Pierre Barbier, enfreignit cette défense ; la mention suivante l'indique, ainsi que l'amende à laquelle il fut condamné. En 1616 : A Orinthio Sanctia, maître faiseur de cordes de luths, dix francs pour son tiers en trente, payés par Pierre Barbier, dudict Nancy, pour s'être ingéré de faire cordes de luths, contre la défense de Son Altesse, obtenue par ledict Orinthio.

Nous trouvons, sur ce luthier italien établi à Nancy, une mention, datée de 1613, qui nous fait connaître son véritable nom : A Orinthio d'Essentier, italien, faiseur de luths et de cordes, cent cinquante francs que Son Altesse luy a donnés pour certaines bonnes considérations.

Parmi les joueurs de cornemuse, Louis Chaveneau remplit le mieux ces fonctions à la cour; cependant cet instrument commence à diminuer dans les orchestres ; on le trouvait déjà un peu trop primitif; il est employé de préférence dans les airs du genre pastoral ou dans les airs de danse.

Les organistes deviennent plus nombreux, à mesure

I. Archives} B. 2947.

2. Ibid. 5216.


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que nous avançons 5 les principaux connus sous ce règne furent: Nicolas Hocquel (1617); Nicolas Thouvenel, prêtre et organiste de l'église Notre-Dame (1618), Chrétien Dognon (1623) qui tint les orgues de la même église et mourut en 1653.

Les Hocquelz étaient alors les meilleurs facteurs d'orgues de Lorraine ; ils avaient francisé leur nom en celui de Hocquel. Celui qui était également organiste répara les orgues de Saint-Epvre, en 1622 et en 1623. Son fils, Nicolas-François, né en 1622, fut aussi facteur d'orgues.

Les tambourins et les flûtes sont relégués dans les musiques militaires 5 on ne les rencontre que dans quelques orchestres, pour l'exécution des ballets; il n'en existe plus qui soient attitrés au service du duc et de la duchesse, comme sous les règnes précédents.

La trompette n'est d'usage qu'à l'armée, et la trompe pour la chasse ou les cavalcades. Le duc Henri II avait cependant encore son joueur de cornet1.

Ce furent presque tous les mêmes chantres et maîtres de chapelle que sous le règne de Charles III qui continuèrent à remplir leurs charges sous le successeur de ce prince; ainsi, Pierre de Hault fut maître de la musique d'Henri; il touchait, en 1620, une pension prise sur la recette de Deneuvre.

Cependant un Portugais, nommé François de Basconcelas, toucha ses gages, comme basse-contre, jusqu'en 1612, époque à laquelle il se retira dans sa patrie2.

Les principaux musiciens furent : Claude Maummaire, Chrétien Florentin, tous deux, en 1614, au ser-

1. Archives, B. 1396.

2. Ibid. B. 1341.


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vice du comte de Vaudémont; Etienne André (161 5).

Didier de Hault conserva sa charge de joueur d'épinette.

Beaucoup de ballets furent dansés à la cour de Lorraine ; le duc, la duchesse et les princesses en firent les honneurs ; le premier dont il soit fait mention eut lieu en 1613, et fut dansé par le duc lui-même, le 17 avril; quelques jours après, un ballet fut faict par madame la duchesse1. L'année suivante, un troisième ballet fut dansé à la cour, le jour des Rois; il est cité dans les comptes, sous le titre de Ballet des Bergères, parce que la duchesse et les dames qui le dansèrent étaient costumées en bergères2. Le lendemain, on dansa un ballet à la Turque,1e duc, la duchesse, les danseurs et les danseuses portaient, pour cette circonstance, des costumes orientaux d'une grande beauté. Des sommes considérables furent dépensées à cette occasion; mais celui de 1616 fut donné par la duchesse de Lorraine, Marguerite de Gonzague, pendant le carnaval, et dépassa comme magnificence ce qui avait été vu jusqu'alors. Les figures etaient groupées sur des machines mobiles, construites et décorées d'une façon toute nouvelle ; les personnages travestis produisaient un grand effet. On en fut tellement satisfait que, l'année suivante, à pareille époque, il fut encore représenté 3.

Les maîtres de danse, qui occupèrent une place si importante sous le siècle suivant, sont déjà attachés en cette qualité à la cour ducale.

Les mentions les plus anciennes de ce règne datent de 16og ; une somme fut donnée à Louis Le Mojne, en considération de ce que son père, Georges le Moyne, avoit

1. Archives} B. 1346.

2. Ibid. B. 1353.

3. Ibid. B. 1378.


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montré à dancer à S. A. La même année, les appointements du maître de danse des pages du duc furent payés à Nicolas Vernier, titulaire de cet emploi.

En ce qui concerne les corporations de ménétriers, on remarque, en 1610, l'amodiation de l'office de ménétrier de Boulay.

Ici commence la généalogie des luthiers si connus sous le nom de Médard ; ils furent, pendant les règnes suivants, les principaux luthiers de Nancy.

C'est dans le registre d'une des églises de cette ville que nous trouvons ce nom : 1622; Toussaint Médard, fils de Nicolas Médard, né le cinq avril 1622, eut pour parrain, honoré seigneur Claude de Chastenoy, seigneur d'Armaucourt.

Il est à remarquer que, dans tous ces baptistères, les enfants des musiciens et des artistes des ducs de Lorraine avaient toujours pour parrains ou marraines des personnages considérables, voire même des princes et des princesses de cette maison; c'est dire qu'on en faisait un grand cas.

Tixier, l'un des musiciens du roi Henri IV, présenta, en 1609, à Henri II quelques airs de sa composition; il reçut, en récompense, une somme de cinquante francs.

Au sujet de l'importance des musiques de la chapelle des ducs et des instruments qui y étaient employés, il est utile de les rapprocher de la composition de celles de France, à la même époque. Pour cela, nous reproduisons ici ce que dit Fétis, dans la préface de sa biographie des musiciens : Au reste, il est bon de remarquer que les violons n'ont jamais servi dans la chapelle de Charles IX, car ce n est que sous le règne de Louis XIV que les instruments, et particulièrement les violons, ont été


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introduits dans la musique de la chapelle des rois de France1.

Charles IX avait fait faire, il est vrai, par Amati, vingt-quatre violons, six violes et huit basses ; mais ces instruments étaient pour sa musique de chambre, et non pour sa chapelle, tandis qu'en Lorraine ils furent en usage dans la musique d'église bien avant le règne de Louis XIV; nous en avons des preuves dans les dessins de la Pompe funèbre de Charles III (1608), où l'on voit les deux tribunes des instruments à cordes et à vent. La basse de viole, appelée viole d'Espagne, prouve l'usage des instruments à archet.

. Les charges .de maîtres de chapelle des rois de France ne furent créées que sous le règne de' François Ier,1 au lieu qu'en Lorraine cette charge existait dès le milieu du xve siècle ; les noms de Pierrequin de Thérache et de tant d'autres nous l'indiquent.

Les appointements de trois musiciens du comte de Vaudémont, Chrétien Florentin, Alexandre le Clerc et Pierre Heilman, s'elevaient, pour six mois seulement, à la somme, relativement très-importante, de quinze cents francs.

Durant ce règne, les représentations théâtrales prirent une forme nouvelle; des mystères on passa aux tragédies mythologiques et aux comédies bouffonnes, qui étaient très souvent mêlées de chœurs, de concert ou simplement d'accompagnement d'instruments à cordes.

Presque tous les acteurs étaient Français; ces représentations avaient lieu tantôt au palais de Nancy, dans la salle Saint-Georges, tantôt au château de la lVlalgrange. Un nommé Jean Gazotte est qualifié maître des paladins comédiens.

I. Fétis. Biographie des musiciens.


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Beaucoup de ces comédies fu.rent données au Collège des Jésuites de Pont-à-Mousson.

Henri II étant mort en 1624, il eut pour successeurs, dans la même année, Charles, son gendre, et Nicole, sa fille aînée; des différends ayant eu lieu, le comte de Vaudémont prit le gouvernement sous le nom de François II et ne régna que quelques mois; enfin, en décembre 1625, Charles IV fut reconnu comme duc de Lorraine par les états assemblés à Nancy.



Voir aussi