La musique en Lorraine (1882) Jacquot/Appendice/Lutherie

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La musique en Lorraine
I - II - III - IV - V - VI - VII - VIII - IX -- (lutherie)

APPENDICE
LA LUTHERIE LORRAINE.
SON ORIGINE — MIRECOURT.
FAMILLES DES LUTHIERS LORRAINS.

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Atelier d'un luthier à Mirecourt

Cette annexe est dédiée à l'origine de la lutherie à Mirecourt et montre notamment les relations entre les artisans lorraine et ceux de Crémone.

Le texte original


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Origine

Comme on a pu le voir au commencement de cette étude, l'origine de la lutherie lorraine paraît remonter aux voyages et aux séjours que firent les ducs dans les pays étrangers, notamment en Italie et en Provence. Ils amenèrent à leur cour bon nombre de facteurs et de joueurs d'instruments, et il est certain que beaucoup d'entre eux y demeurèrent, s'établirent soit à Nancy, soit à Mirecourt, et y formèrent des élèves. Nous avons vu, par exemple, Orinthio Sanctia, faiseur de luths et de cordes harmoniques, qui habitait Nancy, s'y fixer complètement, sous la protection du duc Henri II, en 1616.

Quoique la note suivante ne mentionne que des noms de musiciens, elle fera voir que les Lorrains étaient choisis pour remplir certaines fonctions dans les pays étrangers, et qu'ils s'occupaient de musique, aussi bien que les artistes des autres nations :

« En l'an de grâce 1328, le mardy devant la Saint-Croix, en septembre, il y avait en la rue Saint-Martin-des-Champs deux compaignons ménestriers lesquels s'entre aimoyent parfaitement et restoient toujours ensemble. Si estoit l'un de Lombardie et avoit nom Jacques Erare de Pistoye, autrement dit Lappe; l'autre estoit de Lorraine et avoit nom Huet, le guette du palais du roy1 ».

Parmi les 37 jongleurs, et jongleresses qui obtinrent sanction de statuts, à Paris, le 22 octobre 1341, nous trouvons les noms de Huet le Lorrain et d'Isabiau la Lorraine.


(1) Vidal, Instruments à archet.


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Voici encore un passage de la note A, du livre si intéressant de M. Jules Gallay : les Luthiers italiens aux XVIIe et XVIIIe siècles1.

« Au commencement du xvie siècle, les princes de Lorraine occupaient un château de plaisance (celui de Ravenel) à une petite lieue de Mirecourt ; ils avaient leur musique à leur suite, et par conséquent leur luthier. Celui-ci se nommait Tywersus. Ses instruments ont une grande ressemblance avec ceux d'André Amati. «
« Ce Tywersus eut pour élèves Nicolas Renauld, de Nancy, qui travailla avec Nicolas et Jean Médard également de Nancy, et tous deux frères. Ceux-ci, à leur tour, formèrent Jean-Sébastien Bourdot ou Bourdet, de Mirecourt.
« M. Fétis, dans son étude sur Stradivarius, rappelle la commande que fit Charles IX à André Amati (1566) ; il paraît certain qu'Amati vint lui-même à Paris, à cette époque, pour livrer ses beaux instruments dont quelques-uns n'étaient pas complètement terminés. Il se serait fait aider, dans cette circonstance, par Nicolas Renauld. Après le départ d'Amati, Nicolas Renauld lui succéda comme luthier du roi; puis vinrent Jacques Renauld et Duménil. Sous Louis XIV, Médard fut appelé pour confectionner les instruments de la chapelle du roi. »

Mirecourt

Nous voici au terme de ce travail; il nous sera permis, en fils reconnaissant, de saluer le berceau de notre famille, qui est en même temps celui de la lutherie lorraine : Mirecourt, qui conserva pendant longtemps encore la renommée qu'il avait si justement acquise pour la fabrication des instruments à cordes. Cette renommée a été un moment menacée par une facture vulgaire et trop rapide; mais c'est le défaut des grandes agglomérations de corps d'état similaires dans les mêmes villes : on veut faire vite et à bon marché ; heureusement, l'élément artistique paraît avoir repris le dessus, et les envois aux récentes Expositions témoignent de ce relèvement progressif.

Jetant un coup d'œil rétrospectif, avec M. Laprevote, auteur d'une intéressante notice sur Mirecourt, nous verrons que cette ville était connue dès 965; elle était fortifiée en 1229, se développait au XIIIe siècle; on y faisait de bonnes armures, de la draperie et des violons.


(1) Paris, Jouaust, page 159. 1869.


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En 1634, Chevrier dit dans ses Mémoires pour servir à l'histoire des hommes illustres en Lorraine, page 240 : « Le duc (Charles IV), furieux d'avoir cédé Nancy, se retira à Mirecourt, petite ville fameuse, moins encore par ses violons et ses dentelles que par les grands hommes qu'elle a produits.  »

Nous rappelons qu'en 1786 la' profession de luthier y fut déclarée libre, ainsi que dans les autres villes du ressort du parlement de Nancy.

Familles de luthiers

Les noms des principaux luthiers lorrains vont clore ce court appendice; nous les avons placés par ordre alphabétique :

  • Audinot (Charles), luthier, né à Mirecourt en 1788.
  • Audinot (Nestor-Dominique), né à Mirecourt, le 12 décembre 1842, a travaillé chez Sébastien Vuillaume, dont il a repris la maison, boulevard Bonne-Nouvelle, à Paris, en 1875.
  • Bernardel (Sébastien-Philippe), né à Mirecourt en 1802; se fixa à Paris en 1820; mort en cette ville en 1870.
  • Bourdet (Sébastien), né à Mirecourt au commencement du XVIIIe siècle.
  • Blaise, né à Mirecourt au commencement du xixe siècle.
  • Brugère (François), luthier, né à Mirecourt en 1822, mort en cette ville en 1874.
  • Bourlier (Laurent), né à Mirecourt en 1737, mort en cette ville en 1780.
  • Breton, né à Mirecourt en 1780, mort en 1830.
  • Calot (ou Callot), né à Mirecourt, travailla en cette ville en 1810, s'établit à Paris, en 1830, avec Augière.
  • Chanot (Francis), né à Mirecourt en 1788, mort à Rochefort en 1828.
  • Chanot (Georges), né à Mirecourt en 1801, se fixa à Paris en 1819.
  • Charotte, né à Mirecourt, s'établit à Rouen, où il travailla de 1830 à 1836.
  • Chevrier, né à Mirecourt, s'établit à Bruxelles en 1838.
  • Collin (Claude-Nicolas), né à Mirecourt en 1827, mort à Mirecourt en 1864.
  • Collin-Mézin (Charles-Jean-Baptiste), fils du précédent, né à Mirecourt, le 12 novembre 1841, établi à Paris, 10, rue du Faubourg-Poissonnière, depuis 1867,

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  • Derazey, né à Mirecourt, où il a repris, en 1864, le commerce de lutherie de Joseph Nicolas fils.
  • Gaillard Lajoue, né à Mirecourt, oit il habite.
  • Germain (Joseph-Louis), né à Mirecourt en 1822, mort en cette ville en 1870.
  • Grand-Gérard, luthier lorrain de la fin du XVIIIe siècle.
  • Grandson, né à Mirecourt, où il habite.
  • Henry (Jean-Baptiste), né à Mattaincourt en 1757, mort à Paris en 1831.
  • Jacquot (Charles), né à Mirecourt en 1804, s'établit à Nancy en 1827, puis à Paris, rue de l'Échiquier; mort à Saint-Maur-les-Fossés, près Paris, le mardi 30 mars 1880.
  • Jacquot (Pierre-Charles), né à Nancy, le 10 mars 1828, succéda son père en 1854.
  • Jacquot (Étienne-Charles-Albert), né à Nancy, le 18 septembre 1853, fils du précédent.
  • Jacquot (Jules-Victor), né à Nancy, le 12 août 1855, second fils de Pierre-Charles.
  • Jeandel (Pierre-Napoléon), né à Courcelles-sous-Vaudémont en 1811 ; habite Rouen.
  • Laprevote, né à Mirecourt au commencement du xix* siècle, mort à Paris en 1856.
  • Lupot (Jean), né à Mirecourt au milieu du XVIIC siècle
  • Lupot (Laurent), né à Mirecourt en 1696.
  • Lupot (François), né à Plombières en 1736, mort à Paris en 1804.
  • Lupot (Nicolas), son fils aîné, naquit à Stuttgard en 1758, et mourut à Paris en 1824; il fonda dans cette ville la maison de lutherie, rue Croix-des-Petits-Champs, qui a été cédée à lafamille Gand.
  • Lupot (François), second fils, né à Orléans en 1774; est connu surtout pour la fabrication des archets.
  • Marquis de Lair, né à Mirecourt au commencement du xixe siècle.
  • Maucotel (Charles-Adolphe), né à Mirecourt en 1820, mort à Paris en 1858.
  • Médard (Nicolas), né à Nancy vers 1605, reçu bourgeois de cette ville en 1658.

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  • Médard (Toussaint), fils de Nicolas, né à Nancy le 5 avril 1622.
  • Médard (François), né à Nancy, établi à Paris vers le milieu du xviie siècle ; fit les instruments pour la chapelle de Louis XIV.
  • Mennegand (Charles), né à Nancy le 19 juin 1822, a travaillé à Mirecourt, puis à Paris, chez Rambaux, puis chez Maucotel; il quitta la France en 1852 et revint à Paris pour s'établir rue de Trévise, n° 26, où il habite encore.
  • Miraucourt (Joseph), luthier lorrain, établi à Verdun en 1749; a fait des violes assez estimées.
  • Miremont (Sébastien), né à Mirecourt en 1806.
  • Miremont (Claude-Augustin), né à Mirecourt en 1827; élève de son père; vint à Paris en 1846, y resta jusqu'en 1852, partit pour New-York où il resta jusqu'en 1861, époque de son retour à Paris, où il habite, rue du Faubourg-Poissonnière.
  • Nicolas (François-Nicolas-Fourrier), né à Mirecourt, travailla à Paris de 1784 à 1816.
  • Nicolas (Didier l'aîné, dit le Sourd), né à Mirecourt en 1757, mort en 1833.
  • Nicolas (Joseph), né à Mirecourt en 1796, mort à Paris en 1864.
  • Rambaux (Claude-Victor), né à Darney (Vosges), le 25 février 1806; travailla chez Moitessier à Mirecourt, puis chez Thibout à Caen en 1824; à Paris, chez Gand père, en 1827. Il s'établit dans cette ville en 1838 et mourut à Mirecourt en 1871.
  • Renault (Nicolas), luthier lorrain qui vivait dans le courant du XVIIe siècle.
  • Renault (Jacques), luthier lorrain, vivait à la même époque.
  • Saunier, luthier lorrain, s'établit à Paris vers 1770. On croit qu'il fut le maître de Pique.
  • Silvestre (Pierre), né à Sommerviller, près Nancy, le 9 août 1801 ; fit son apprentissage chez Blaise, à Mirecourt, chez Lupot et chez Gand, à Paris ; s'établit à Lyon en 1829; son frère le rejoignit en 1831. Pierre mourut en 1859.
  • Silvestre (Hippolyte), frère du précédent, est né à Saint-Nicolas-du-Port, près Nancy, le 14 décembre 1808; il travailla chez Blaise à Mirecourt et chez J.-B. Vuillaume. Il s'associa avec son frère en 1831 jusqu'en 1848, époque où il quitta la lutherie; mais en 1861 il vint reprendre la maison de Lyon jusqu'en 1865, pour la céder à son neveu M. Chrétien-Silvestre (Hippolyte), et mourut à Sommerviler, le 3 décembre 1879.

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  • Chrétien (Hippolyte), fils d'une sœur des frères Silvestre, né à Sommerviller, près Nancy, le 1 er avril 1845; établi à Lyon en 1865, où il a repris la maison de ses oncles.
  • Simonin (Charles), né à Mirecourt, travailla chez J.-B. Vuillaume ; il est établi à Toulouse.
  • Tywersus, de Nancy, luthier des princes de Lorraine; commencement du xvie siècle. (Voir les Luthiers italiens, J. Gallay, Paris, Jouaust, 1869.)
  • Trévillot (A.), luthier des princes de Lorraine; né à Mirecourt qu'il habitait en 1697. (Archives lorraines, B. 1533.)
  • Vuillaume (Jean), né à Mirecourt à la fin du XVIIe siècle, mort en 1740. Fétis prétend qu'il a travaillé chez Stradivarius ; c'est là une erreur : il n'a jamais quitté Mirecourt, et ses violons sont très ordinairement faits ; selon toutes probabilités, il n'est pas parent de J.-B. Vuillaume, le regretté luthier.
  • Vuillaume (Charles-François), né à Mirecourt vers la fin de la première moitié du XYIIIe siècle; nous avons trouvé le nom de ce luthier, et de plus un violon fait par lui et signé à l'intérieur de ses prénoms Charles-François, daté de 1770. La facture en est très-ordinaire; les filets sont peints et le fond porte, marqué au fer rouge, le nom x. C. x. F. x. Vuillaume, surmonté d'une fleur de lis et entouré d'un petit ornement terminé en pointe à la partie supérieure. C'est certainement le grand-père de Jean-

Baptiste Vuillaume, car le père de celui-ci, Claude Vuillaume, est né en 1772. L'époque de cette naissance se rapporte bien avec la date de la fabrication du violon de 1770. Nous sommes heureux d'avoir retrouvé le nom de l'ancêtre de la famille Vuillaume. Ce violon nous appartient; il était primitivement la propriété de Nicolas-François Vuillaume, luthier, décédé à Bruxelles.

  • Vuillaume (Claude), né à Mirecourt en 1772; il eut cinq enfants, dont quatre fils et une fille. Ses fils furent :
1° Vuillaume (Jean-Baptiste), né à Mirecourt le 7 octobre 1798, mort à Paris le 19 mars 1875,011 il était établi depuis 1825. Il restera la gloire de la lutherie moderne.
2° Vuillaume (Nicolas), né à Mirecourt en 1800, habita Paris dix ans, puis retourna dans sa ville natale, où il mourut.

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3° Vuillaume (Nicolas-François), né à Mirecourt le 13 mai 1802, mort à Bruxelles en 1875.
4° Vuillaume (Claude-François), né à Mirecourt en mars 1807.
5° Vuillaume (Sébastien), fils de Claude-François, né à Mirecourt vers 1835, mort à Paris en 1875. Audinot lui a succédé dans sa maison du boulevard Bonne-Nouvelle.

Nous trouvons aussi le nom d'un luthier établi à Nancy en 1776; mais il n'était pas d'origine lorraine; nous mentionne- rons cependant deux étiquettes recueillies dans deux violons par notre aïeul Charles Jacquot :

1 ° Jean Bourgard) maître luthier à Nancy, rue de la Poissonnerie, n° 404; fait et raccommode toutes sortes d'ouvrages de sa profession comme guitares allemandes, guitares méchaniques) guitares espagnoles, mandolines, luths, paradons à trente cordes, contrebasses. basses, violon d'amour. violons, etc.
2° Jean Bourgard. facteur d'instruments à Nancy, 1776. Ce luthier, originaire de Prague, était établi à Nancy en 1775 et avait francisé son nom, qui s'écrivait primitivement Burghardt; ses violons étaient peu soignés et de vernis brun.

Tels sont les noms des propriétaires luthiers lorrains. Nous terminons ici notre modeste travail, heureux si ces notes documentaires peuvent ètre de quelque utilité pour ceux qui s'intéressent aux origines et au développement de l'art instrumental.


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Voir aussi