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Le Siège et la bataille de Nancy (1860) Lacombe, 9

De Wicri Lorraine
Le Siège et la bataille, Lacombe Ferdinand bpt6k9623684h.jpeg
 
Le
Siège et la Bataille
de Nancy

IX
Description du terrain sur lequel se livra la bataille

'
  I   : Considérations sur la bataille...
II  : Causes de la guerre ...
III : De l'art militaire ...
IV : Topographie de le ville de Nancy ...
V   : Composition de l'armée de Charles le Téméraire ...
VI  : Opérations du siège ...
VII  : Situation critique de Nancy ...
VIII : Arrivée de René devant Nancy ...
IX  : Description du terrain ...
X  : La Bataille et la Poursuite, ...
XI  : Ce qui suivit la bataille...
XII : Conséquences des événements ...
Annexes
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Texte original


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IX.

Description du terrain sur lequel se livra la bataille. — Dispositions tactiques de Charles le Téméraire. — Ses fautes. — Marche de l'armée lorraine. — Son plan d'attaque. — Ordre de la colonne.

Le terrain sur lequel se livra la bataille de Nancy, le 5 janvier 1477, veille de la fête des Rois, a subi, pendant le long espace de quatre siècles, de vastes transformations. L'agriculture, les arts, l'industrie ont tour à tour visité ce théâtre sanglant d'un drame mémorable, et la civilisation y a laissé l'empreinte puissante de son passage. L'église célèbre de Notre- Dame-de-Bon-Secours s'élève sur le lieu même où Charles le Téméraire rangea ses canons en batterie ; un faubourg populeux couvre le sol rougi du sang de ses gens d'armes ; les hautes futaies qui protégèrent la marche mystérieuse des soldats de René ont subi l'outrage de la cognée, et les terrassements du chemin de fer, en sillonnant le champ de bataille, ont desséché les vestiges de l'étang funèbre de Saint-Jean. Cependant, si l'œil embrasse l'horizon du sommet de


la campanille de Bon-Secours, on reconnaît au cours de la Meurthe, à celui des ruisseaux de la Magdeleine et de Jarville, aux ondulations du sol et aux. grands espaces boisés que le défrichement n'a pas encore attaqués, le véritable emplacement de la bataille, tel qu'il a été constaté par le savant abbé Marchai dans un écrit qui ne laisse plus d'incertitude à l'histoire (1).

En plongeant de là son regard vers Saint-Nicolas, on aperçoit à gauche la Meurthe, vers laquelle les terres descendent en pente assez rapide; en face, Jarville, et la route de Saint-Nicolas, traversés par le ruisseau de Jarville ; à droite, Renémont, la Malgrange, les hauteurs boisés de Vandœuvre et de Laxou, et plus proche, le couvent des dames du Sacré-Cœur ; derrière, enfin, le ruisseau de la Magdeleine, parallèle à celui de Jarville. Les deux ruisseaux dont il est ici question descendent de la forêt, et vont se jeter dans la Meurthe. Ils sont distants l'un de l'autre à peu près d'un kilomètre, et sont séparés par un plateau[1]

(1). Mémoire sur le véritable emplacement de la bataille de Nancy. (Congrès scientifique de France, 1850.)


dont les pentes déterminent leurs cours et celui de la riviére dont ils sont les affluents.

Au xve siècle, la forêt de Jarville, après avoir presque touché le village de ce nom, situé sur la route de Nancy à Saint-Nicolas, dessinait un coude en suivant le ruisseau, et par une nouvelle sinuosité laissait libre un espace de 1,000 mètres environ entre elle et la Meurthe, en sorte que la route qui est parallèle à cette rivière partageait d'une façon à peu près égale l'espace compris entre les bords et la lisière du bois. Or, c'est précisément dans le quadrilatère formé par les ruisseaux de Jarville et de la Magde- laine, la Meurthe et la forêt, que le duc de Bourgogne offrit la bataille à son adversaire.

Il avait partagé son armée en trois corps : l'aile droite, le centre et l'aile gauche, et les avait disposés en arrière du ruisseau de Jarville, qui couvrait son front. Cet obstacle était alors une bonne défense, non pas par sa largeur, mais par l'escarpement prononcé de ses bords, garnis de fortes haies. L'aile droite, commandée par Josse de Lalain, grand bailli


de Flandre, et par le capitaine de la Rivière, qui était à la tête d'une troupe de cavaliers, s'établissait non loin de la forêt, et s'échelonnait sur un terrain qui s'incline en arrivant vers la route. Le centre, sous les ordres du duc lui-même, entouré de sa noblesse, et sous ceux du grand bâtard de Bourgogne, était composé de 2,000 hommes de sa meilleure infanterie, massés ensemble sur plusieurs lignes, et partageant la route perpendiculairement. La gauche, où se tenait le contingent lombard, avait pour chef l'Italien Ga- léotto, homme de guerre éprouvé. Elle s'appuyait à la Meurthe, près du gué de Tomblaine. Enfin l'artillerie avait été postée en avant du centre, sur une éminence où passait la route, éminence que des nivellements successifs auront fait disparaître. Il résultait de cette disposition que le village de Jarville et la forêt qui longeait le ruisseau dérobaient à l'armée la vue de la campagne qui s'étendait devant elle. Seule , l'aile gauche jouissait en face d'un libre espace, mais les pentes dont elle avait pris possession limitaient également son horizon vers la droite.


Charles le Téméraire supposait que l'ennemi arriverait droit à lui par la route de Saint-Nicolas, en bataillons épais. Son artillerie, sur la force de laquelle il comptait, devait le foudroyer au moment critique où il traverserait le ruisseau ; son centre profiterait alors du désordre causé par le feu des canons pour fondre sur lui, et à moins d'une attaque simultanée sur les flancs, les ailes se repliraient vers le centre, et contribueraient à rejeter les assaillants au delà du ruisseau.

Ces mouvements avaient une grande analogie avec ceux qui furent exécutés en 1444 au combat de Saint- Jacques , où les Suisses furent repoussés au delà de la Birs par l'artillerie française, que soutinrent avec vigueur les hommes d'armes.

A l'aide d'un terrain avantageux et de soldats bien disposés, cette tactique pouvait encore réussir. Mais comment Charles le Téméraire, qui avait perdu la bataille de Morat à la suite d'un mouvement tournant sur l'une de ses ailes, ne profita-t-il pas de cette terrible leçon? A cette époque, quand le flanc d'une


armée se laissait atteindre, elle était presque vaincue, en raison de l'inaptitude des troupes à changer de front, et de la difficulté de mouvoir les canons une fois braqués ; le désordre d'une aile entraînait facilement la déroute du corps de bataille. Or, dans la disposition adoptée ici, le flanc gauche était protégé par la Meurthe, dont les rives étaient découvertes ; mais le flanc droit était-il inexpugnable ? De ce côté précisément se trouvaient plusieurs chemins qui conduisaient dans la forêt. L'un, entre autres, praticable aux voitures, et que la Chronique de Lorraine nomme une charrière, débouchait sur les derrières des Bourguignons. Une portion de ce chemin qui borde le ruisseau de la Magdeleine existe encore aujourd'hui ; il aboutit vers la maison des dames du Sacré-Cœur. Le duc de Bourgogne ne le fit ni fouiller, ni garder. Il pouvait donc le couper facilement par des fossés, puisque le sol était gelé, mais y jeter, pendant la nuit, d'immenses abatis, et se créer un rempart inexpugnable derrière lequel on aurait combattu à couvert.


Une faute non moins grande fut d'adopter un terrain dont les abords limités ne permettaient pas de distinguer la marche de l'ennemi. Les capitaines bourguignons crurent compenser ce désavantage en postant des sentinelles dans le clocher de la Neuveville, village situé à une demi-lieue en avant de Jarville. Par une fatalité inouïe, ces espions ne reparurent pas. Telle était la position dans laquelle Charles attendait ses adversaires dès le matin, position dont il soupçonnait d'autant moins le danger qu'il ne s'était pas ménagé les moyens de retraite, ainsi que nous l'avons expliqué.

Il faisait un froid rigoureux, la Meurthe était couverte de glace, et les soldats, qui avaient les pieds dans la neige, n'étaient probablement pas soutenus par une nourriture fortifiante.

L'armée lorraine, au contraire, trouvait dans Saint- Nicolas et Varangéville une cordiale hospitalité et des ressources abondantes. Quelques capitaines lorrains ou français avaient émis l'opinion de ne pas précipiter la rencontre avec les Bourguignons ; mais


les Suisses répondirent qu'il fallait agir selon leur coutume, qui était de frapper l'ennemi dès qu'ils le rencontraient, et René partagea cet avis. Donc, le 5, au point du jour, le pieux duc et sa noblesse firent chanter dans l'église une messe solennelle, et comme l'édifice ne pouvait recevoir une si grande foule de gens, on éleva des autels sur plusieurs points, afin que chaque soldat pût joindre sa prière à celle du prêtre. Ensuite on mangea la soupe du matin; les habitants fournirent généreusement le vin du repas ; puis le roulement du tambour se fit entendre par les rues, les trompettes sonnèrent, et chacun se hâta de prendre ses armes et de se rassembler devant son logis. Le beau maintien des soldats, la magnificence des gentilshommes, l'air décidé qui régnait sur tous les visages remplissait de joie les Lorrains, dont le cœur battait vivement à l'heure de la délivrance. Le duc René chevauchait sur un coursier gris, nommé la Dame, son compagnon de bataille de Morat. Sur l'habit de drap d'or à ses couleurs, qui recouvrait son armure, resplendissait la double croix de Lorraine.


Il prit en main la bannière ducale, qui représentait l'image de l'Annonciation, la remit aux mains du sire de Baude, seigneur de Taisy, et donna le signal de la marche , escorté de 800 nobles cavaliers. D'abord s'avançaient les couleuvriniers, puis les piquiers, le duc, sa noblesse et sa gendarmerie ; les hallebardiers eurent l'arrière-garde. Quinze pièces d'artillerie accompagnaient la colonne , réparties en tête et au centre.

Près de l'ermitage de la Magdelaine, sur le territoire de la Neuveville, l'armée fit une première halte. René passa devant le front des bataillons, et là, plusieurs gentilshommes, avant de recevoir le baptême du sang, voulurent que le bras du prince les armât chevaliers.

Les éclaireurs surprirent dans ce village les espions du duc de Bourgogne, et les précipitèrent en bas du clocher. On continua la route avec précaution, et l'on connut, à n'en plus douter, à l'aide des indica- - tions de Campo-Basso, des révélations des espions et de celles de deux transfuges suisses, qui vinrent se


jeter dans les rangs de leurs compatriotes, l'ordre de bataille adopté par Charles le Téméraire.

On s'arrêta non loin de Jarville, près du ruisseau de Heillecourt, sur le territoire où s'élève aujourd'hui la villa de Renémont, pour se concerter sur le point et les moyens d'attaque. La forêt qui s'étendait en face masquait complétement l'ennemi ; on fit une reconnaissance dans les chemins avoisinants, et l'on s'aperçut qu'ils n'étaient pas gardés.

René tint conseil avec ses capitaines, Vautrin de Wisse, qui parlait le français et l'allemand, et qui possédait du terrain la connaissance la plus parfaite, proposa de pénétrer par la forêt dans des chemins dont il était sûr, de tourner Charles le Téméraire, et de le déborder par son aile droite, au lieu de l'attaquer par la route où était braquée toute son artillerie. Ce mouvement, qui réunissait l'avantage de la surprise à celui d'annihiler l'effet des bombardes, parut excellente au prince, qui l'adopta. Il convint, en outre, que cent aventuriers des mieux montés se feraient voir peu à peu sur la grande route au coin du


bois, suivis des pages, des valets, des femmes et des bagages, et que cette troupe escarmoucherait pour attirer l'attention de l'adversaire, et le convaincre qu'il allait être abordé sur ce point. L'armée s'avancerait alors sous la protection de la forêt, s'y enfoncerait en silence et fonderait tout à coup sur les Bourguignons avec l'impétuosité de l'ouragan.

L'exécution de ce plan commença immédiatement, On franchit sur la glace le ruisseau de Heillecourt, on suivit la lisière du bois, et on se trouva près de la Malgrange, dans une plaine spacieuse à demi-circon- scrite par les futaies. Ce lieu, qui était une ferme à peu de distance de la ville, fut transformé en un séjour de plaisance où les ducs venaient jouir de la vie des champs. Vautrin de Wisse avertit le prince qu'on était ort rapproché de l'ennemi, et que pour l'atteindre il n'y avait plus que quelques taillis à traverser. Il était neuf heures, et la neige tombait à gros flocons.

On fit encore une halte pour prendre les dernières dispositions. Pendant que l'armée était immobile, un prêtre allemand qui l'accompagnait revêtit les orne-


ments sacerdotaux, monta sur un tertre, et, levant dans ses mains l'hostie consacrée, exhorta les soldats à combattre héroïquement pour la plus juste des causes, à adresser au ciel une suprême prière, et à placer toute leur confiance dans le Dieu des batailles, le Dieu de David, qui protégea les siens à l'heure du péril. Tous alors s'inclinèrent, et, traçant une croix sur la terre blanchie par une neige immaculée, ils la baisèrent pieusement. Le prêtre étendit son bras, et invoqua la bénédiction du ciel sur cette multitude agenouillée.

René lui-même en appela en termes chaleureux à la fidélité de ses compagnons d'armes, et fit pénétrer en leur âme l'espérance dont la sienne était remplie. Puis il assigna les postes aux différents chefs. Pour éviter tout débat sur la question de préséance, il ordonna que les diverses bannières seraient portées en groupe au centre de l'armée, et qu'elles s'avanceraient ensemble au combat.

Voici comment on disposa la colonne d'attaque : 400 cavaliers français ou lorrains, sous les ordres


des capitaines Manne et Doriole, formaient la pointe d'avant-garde. Ils étaient suivis d'un premier corps de fantassins suisses et allemands, sur le chiffre duquel les historiens diffèrent, mais que la Chronique porte à 4,000 couleuvrines et 4,000 piques. 1,600 cavaliers marchaient après eux. Guillaume Harther, un des capitaines de Morat, commandait cette infanterie ; Oswald de Thierstein, maréchal de Lorraine, la cavalerie. L'avant-garde marchait sous le guidon du duc René. Ce guidon portait un bras armé sortant d'un nuage et tenant une épée avec cette devise : une pour toutes. Bassompierre, le vaillant Malhortie, de l'Étang et le bâtard de Vaudémont faisaient partie de cette troupe.

Au-dessus du deuxième corps , qui venait ensuite, flottait la bannière ducale, la cornette et le pennon de René, et les faisceaux des étendards suisses et allemands. Le duc marchait en tête avec 800 cavaliers de sa noblesse. Suivaient 4,000 hommes d'infanterie lorraine et allemande, ayant derrière eux la cavalerie alsacienne sous le sire de Ribeaupierre.


3,000 hallebardiers suisses formaient l'arrière-^ garde pu troisième corps (1). Les canons furent dis- distribués en tête et sur les flancs (2).

La tactique qui allait présider à l'engagement des troupes de René différait essentiellement de celle qui fut adoptée par le duc de Bourgogne, puisqu'on négligeait l'artillerie, qui fut muette pendant la bataille. On comptait surtout sur l'action de l'infanterie suisse, que nulle n'égalait, pour donner le choc et commencer une déroute. Voilà pourquoi on lui assignait tête de la colonne. Toutefois, si elle était précédée par un corps de cavalerie, c'était dans le but de mettre cette dernière aux prises avec les cavaliers du capitaine de la Rivière, de protéger ainsi l'arrivée successive des bataillons, d'en permettre le déploiement, et d'ouvrir, au besoin, une trouée si l'accès du terrain n'était pas libre. On continuerait ensuite l'action par un feu violent de couleuvrines ; les pt- quiers, profitant du désordre inévitable d'une sem-

(1). Chronique de Lorraine.

(2). P.-Aub. Roland.


blable surprise, entameraient énergiquement l'aile droite, et, secondés par la cavalerie d'Oswald de Thierstein, la mettraient en fuite ou la culbuteraient sur le centre.

Le deuxième corps, sous les ordres immédiats du duc de Lorraine, se porterait alors sur le point qui semblerait offrir le plus de consistance, on opérant son mouvement par derrière les lignes ennemies pour éviter les atteintes de l'artillerie.


Voir aussi

Notes de la rédaction
  1. Pour une meilleure lisibilité, les mots coupés sur un saut de page sont restitués sur la page antérieure.