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Le Siège et la bataille de Nancy (1860) Lacombe, 6

De Wicri Lorraine
Le Siège et la bataille, Lacombe Ferdinand bpt6k9623684h.jpeg
 
Le
Siège et la Bataille
de Nancy

VI
Opérations du siége

'
  I   : Considérations sur la bataille...
II  : Causes de la guerre ...
III : De l'art militaire ...
IV : Topographie de le ville de Nancy ...
V   : Composition de l'armée de Charles le Téméraire ...
VI  : Opérations du siège ...
VII  : Situation critique de Nancy ...
VIII : Arrivée de René devant Nancy ...
IX  : Description du terrain ...
X  : La Bataille et la Poursuite, ...
XI  : Ce qui suivit la bataille...
XII : Conséquences des événements ...
Annexes
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Texte original


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VI.

Opérations du siége. — De l'attaque des places au XVe siècle. — Les partisans lorrains.

De son quartier, Charles le Téméraire conduisait avec vigueur le siége de Nancy, car il regardait comme une nécessité urgente de s'emparer d'un point aussi important. Il avait juré par Saint-Georges qu'avant la fête des Rois, qui tombe le 6 janvier, il y serait entré de nouveau et que le duc René serait chassé de la Lorraine ou qu'il s'y perdrait, lui et tous ses gens. Il est vrai qu'il ne pouvait se persuader que ce prince viendrait à sa rencontre avec un puissant secours de Suisses et d'Allemands. Il répétait avec complaisance qu'il n'entrait pas dans les usages de ces peuples de se mettre en campagne et de quitter leurs poêles au commencement de l'hiver, et que d'ailleurs les Suisses promettaient à son ambassadeur de vivre désormais en paix avec lui.

En ce siècle, l'art des siéges n'avait pas encore accompli de grands progrès. On établissait habituellement[1]


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autour d'une place investie deux lignes, l'une de circonvallation, l'autre de contrevallation. La première dirigeait ses feux vers la campagne et avait pour but d'arrêter les secours destinés à l'assiégé ; la seconde tournait ses défenses contre la place, afin de contenir la garnison et l'empêcher de porter du désordre dans le camp.

On cheminait ensuite au moyen de tranchées qu'on poussait jusqu'aux fossés, et on établissait les batteries propres à faire brèche, à abattre les portes et à raser les tours. On couvrait la batterie d'un mantel composé d'ais et de madriers fort épais, ayant au milieu une ouverture par où on passait la gueule du canon. Les dehors des places étaient rares, et les coups de l'artillerie s'appliquaient à percer la muraille au moyen de trois boulets dirigés en triangle et assez rapprochés pour déterminer la chute de la portion de maçonnerie interceptée entre eux. Quand l'ouverture se montrait béante, on comblait le fossé avec des fascines et l'on donnait l'assaut.

Les fusées de guerre étaient connues, et on les employait pour incendier les édifices.


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Il ne paraît pas que Charles le Téméraire ait tracé dans ce siége des lignes de contrevallation, car il ne redoutait pas les attaques de la garnison. Il se contenta de se protéger par de solides gabions dans les endroits faibles, d'élever des masses couvrantes devant son artillerie et de creuser derrière lui un fossé dont le déblai établît une ligne de circonvallation[61 1]. Ce fossé ne put même être construit derrière le parc d'artillerie, à cause des cours des ruisseaux qui provenaient de la montagne, et la ligne ne fut pas continue[61 2]. Une garde active veillait autour de ces ouvrages. C'est à peine si quelques rares émissaires de René purent pénétrer dans la place à l'ombre de la nuit ou par l'emploi de la ruse la plus ingénieuse.

Les efforts des deux principales batteries du duc de Bourgogne se portèrent surtout contre la porte de la Craffe et contre la muraille, dans un endroit que la Chronique de Lorraine n'indique pas suffisamment. Il y avait donc une double combinaison pour


  1. Le P. Aub. Roland.
  2. Dom Calmet.

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se frayer un passage : une porte à ouvrir en la ruinant, une muraille à éventrer pour y faire brèche et donner l'assaut. On accablait en même temps la place d'artifices incendiaires[62 1].

Disséminés sur les portes, sur les murs ou dans les tours, les défenseurs de Nancy répondaient à cette agression avec une ardeur plus furieuse encore. Ils faisaient pleuvoir sur l'assiégeant une grêle de projectiles, balles, boulets, pierres et flèches. Ils consolidaient les travaux entamés avec de la paille et de la terre, démolissaient la charpente du palais de leur duc pour en transformer les solives en ouvrages protecteurs et éteignaient avec d'énormes quantités d'eau préparées d'avance la flamme qui dévorait leurs habitations. Pleins d'enthousiasme et d'espoir, Ménal, Gratien d'Aguerre, et les autres chefs, encourageaient ce zèle valeureux ; ils leur communiquaient comme une étincelle de ce moral qui, passant de l'âme du capitaine intelligent à celle du soldat, réchauffe et soutient les cœurs.


  1. De Blarru.

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Cette action si vive des deux partis dura six jours entiers. Les munitions de la défense s'épuisaient. Mais elle ne tirait pas toute sa confiance d'elle-même, elle comptait sur le retour certain de son prince et sur le concours des garnisons voisines, qui, pendant la première invasion bourguignonne, avaient donné la mesure de leur audace. Celles-ci ne trompèrent point son attente. Aux fatigues du siége allaient s'ajouter pour les assiégeants les dangers incessants des petites opérations de la guerre.

Les attaques et les poursuites des partisans n'anéantissent pas une armée en une seule rencontre comme une bataille rangée, mais elles la tiennent continuellement en haleine par la menace toujours renaissante d'un coup de main ; elles troublent sa quiétude en gênant ses communications, en surprenant ses convois, en détruisant ses détachements, en interceptant ses courriers ; elles lui infligent un supplice de toutes les heures dont les résultats égalent à la longue ceux d'une sanglante défaite.

Outre l'expérience de la guerre, de grandes qualités[1]


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sont nécessaires à un chef de partisans : à la promptitude de la pensée il doit joindre l'énergie de l'action, à la vigilance la plus active l'audace la moins commune. Nous avons eu déjà l'occasion de dire que Malhortie était celui des capitaines lorrains qui réunissait au degré le plus élevé ces conditions de succès. Il commandait à Rosières une troupe d'Allemands solides, et, pendant toute la durée du siége, il ne manqua pas une occasion de harceler et de frapper en détail les ennemis de son prince. L'investissement de Nancy était à peine achevé par eux qu'il leur capturait les chariots de vivres et de vêtements partis de Rambervillers. Il épiait les passages des détachements et enlevait un jour 300 cavaliers arrêtés à Tonnoy, et qui étaient en droit de croire leur sûreté garantie par l'appui des châteaux de Bayon et de Neuviller.

Le bâtard de Vaudémont, maître d'Epinal, se distinguait par un coup de main non moins hardi. Le 30 octobre, il surprenait de nuit le village de Laxou, qui avoisine Nancy et où se trouvaient cantonnés un


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grand nombre de Bourguignons. Il massacrait les uns, faisait les autres prisonniers ; le reste ne devait son salut qu'à sa fuite dans l'église, qui lui servit d'asile et dont la cloche jeta en un instant l'alarme dans le camp.

A Épinal, Vautrin de Vuisse se jetait avec ses gens jusque sur les limites de la Franche-Comté, et portait la terreur sur les routes et dans les villes qui servaient de passage aux soldats de Charles le Téméraire.

Ces heureuses tentatives, ces embuscades imprévues, qui affaiblissaient ce prince, déconcertaient ses prévisions et paralysaient le bon vouloir de ses renforts, avaient encore pour effet d'obliger son armée à des veilles fatigantes. Du côté de Nancy, il ne trouvait nul dédommagement ; la ville continuait son héroïque résistance. Le duc retomba dans cette sombre et mélancolique humeur que la chute de ses illusions rendait depuis quelque temps fréquente.

Alors il resserra la place de plus en plus, amena ses canons jusqu'à la muraille, redoubla son feu, et, quand la brèche fut praticable, il fit donner l'assaut.


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Quoique mécontentes et démoralisées, ses troupes se montraient pleines d'ardeur quand il fallait aborder une poitrine ennemie. Malgré leur intrépidité, elles furent repoussées et ramenées dans leurs retranchements. On tenta un second assaut, on subit un nouvel échec.

Les jours suivants, la défense continua non moins merveilleuse. Rien ne parvenait à effrayer les habitants ou à altérer leur patriotisme et leur espoir de délivrance, ni les ravages de l'artillerie, ni la ruine des tours dont les toitures étaient effondrées, ni la famine menaçante ; ils redoublaient, au contraire, leurs sorties, et tous, hommes, femmes, enfants, grossissaient à l'envi la corvée qui réparait les brèches et consolidait les murailles[66 1].

Tant de persistance ne modifia pas les desseins du duc de Bourgogne ; mais elle lui fit redouter pour ses gens un abattement pernicieux. Il ralentit les travaux et attendit d'un blocus sévère autant que d'une série de combats stériles.


  1. De Blarru.

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Cependant, le mois de décembre survenait. Le froid s'annonçait durement, et les provisions, abondantes au camp jusque-là, devenaient rares, à cause du manque d'argent et du peu de sûreté des communications. Le péril était tel que le duc n'osait tirer du Luxembourg un dépôt considérable en numéraire qu'il s'y était réservé. De plus, l'année avait été fort mauvaise, et Metz avait peine à pourvoir elle-même à sa propre subsistance. Le 21, sous l'action glaciale du vent du Nord, les rivières gelèrent[67 1] et une neige abondante couvrit le sol. Plusieurs gens moururent sous la tente de froid, de faim ou de misère ; d'autres désertèrent, las de ces excès de souffrance.

C'est alors qu'une fraction de l'armée se retira à Saint-Nicolas, soit que le soldat, atteint dans son moral, ait méconnu la discipline et que cette fuite ait été secrète, comme l'affirme la Chronique, soit plutôt que le duc ait consenti à laisser ses troupes se reposer tour à tour et retremper leurs forces dans un lieu abrité et pourvu de vivres.


  1. De Blarru.

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On semblait oublier Malhortie. Il n'est pas plutôt informé par ses espions de cette faute qu'il réunit la garnison de Rosières à celle de Lunéville, fond à l'improviste pendant la nuit sur Saint-Nicolas, fouille les maisons, cerne les rues, passe au fil de l'épée tous les Bourguignons qu'il rencontre au milieu des scènes les plus dramatiques et d'un tumulte indescriptible, et couronne son œuvre de carnage en leur enlevant 1,800 chevaux.

Tant d'heureuse audace souleva dans le cœur ulcéré de Charles un accès de rage. Il voulut pulvériser ce génie du mal qui planait sur son camp et marcha vers Rosières avec une force imposante. Mais l'étoile du prince pâlissait chaque jour davantage. Après avoir perdu quelques-uns de ses gens et cru à l'impossibilité de s'emparer de la place sans un siége régulier, il regagna tristement Nancy en ajournant la vengeance.

Il assembla son conseil et lui témoigna le désir d'échapper à cette situation désolante par une victoire. Un nouvel assaut fut résolu. Il se donna le


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26 décembre, après une nuit des plus rigoureuses pendant laquelle 400 hommes périrent ou bien eurent les pieds et les mains gelés. Ce devait être le suprême effort du corps de siége aux abois. L'artillerie élargit la brèche et le duc y lança ses enfants perdus, qui s'y précipitèrent avec une valeur incroyable. Le combat le plus opiniâtre se prolongea pendant une heure sur les débris de la muraille ensanglantée, et la victoire se montra un instant chancelante. A la fin, les assiégeants plièrent sous les coups terribles et multipliés de la défense, qui les poursuivit encore une fois jusque dans leurs retranchements.


Voir aussi

Notes de la rédaction
  1. 1,0 et 1,1 Pour une meilleure lisibilité, les mots coupés sur un saut de page sont restitués sur la page antérieure.