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Le Siège et la bataille de Nancy (1860) Lacombe, 8

De Wicri Lorraine
Le Siège et la bataille, Lacombe Ferdinand bpt6k9623684h.jpeg
 
Le
Siège et la Bataille
de Nancy

VIII
Arrivée de René devant Nancy

'
  I   : Considérations sur la bataille...
II  : Causes de la guerre ...
III : De l'art militaire ...
IV : Topographie de le ville de Nancy ...
V   : Composition de l'armée de Charles le Téméraire ...
VI  : Opérations du siège ...
VII  : Situation critique de Nancy ...
VIII : Arrivée de René devant Nancy ...
IX  : Description du terrain ...
X  : La Bataille et la Poursuite, ...
XI  : Ce qui suivit la bataille...
XII : Conséquences des événements ...
Annexes
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Texte original


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VIII.

Arrivée de René devant Nancy. — Composition de son armée.— Décision audacieuse du duc de Bourgogne. — Défection de Campo-Basso. — Réduction de l'armée assiégeante.

René, selon sa promesse, avait quitté Bâle le 25 décembre, et, pendant cette dernière période du siége, ses troupes se concentraient à Saint-Nicolas, où un rendez-vous commun leur était assigné pour le samedi 4 janvier suivant. Les garnisons lorraines de Bruyères, Epinal, Mirecourt, Vaudémont, Gondreville, réunies par l'auteur anonyme de la Chronique, et celles de Rosières et de Lunéville, y arrivèrent dès la veille, au nombre de 4,000 hommes, tant cavaliers que fantassins.

En apprenant ce mouvement, Charles le Téméraire envoya à leur rencontre 300 lances avec ordre de les expulser et de brûler la ville, qu'il n'était pas en son pouvoir de conserver. Déjà les éclaireurs bourguignons se répandaient au loin dans la grande rue, lorsque les Lorrains, qui débouchaient par le côté opposé, les chargèrent avec vigueur la lance et l'épée


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dans les reins, les poursuivirent jusqu'au bois de la Madeleine et en tuèrent quelques-uns. Les autres se replièrent sur le gros de la reconnaissance en annonçant que la ville était inondée de gens de guerre ; qu'il était inutile de poursuivre l'ennemi, et tous reprirent le chemin du camp, où ils répandirent l'alarme.

Le lendemain, dans l'après-midi, René entrait dans la ville à la tête de 10,000 Suisses, des Allemands, de quelques milices ralliées sur sa route et de la noblesse lorraine. En outre, il était escorté d'un nombre con- - sidérable de gentilshommes français, suivis de leurs gens d'armes, que le cauteleux Louis XI avait licenciés à dessein, dans l'espoir, à peu près certain, de les voir grossir les troupes du jeune prince. Les garnisons se présentèrent au-devant de leur duc en belle ordonnance et l'accueillirent avec un enthousiasme qui augmenta le zèle des Suisse pour la cause qu'ils avaient embrassée. L'ensemble de ces forces offrait un effectif de 19 à 20,000 hommes (1).

(1) Commines, Dom Calmet, de Blarru, la Chronique de Lorraine.


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C'était là une belle armée, surtout si on la comparait avec celle des assiégeants qu'elle se disposait à attaquer. L'une était exténuée par les fatigues d'un siége de deux mois, par les souffrances d'un hiver rigoureux, décimée par les maladies, par le besoin, par les froides nuits du bivouac sur le sol glacé. L'autre , formée de gens robustes, quittait ses foyers ou ses quartiers d'hiver ; elle était reposée et abondamment pourvue de vivres et de vêtements. Le première n'avait connu que des ennemis ou des fléaux sur cette terre ingrate et parsemée d'embûches, qui dévorait chaque jour les siens ; la seconde trouvait un solide appui et d'immenses ressources chez unpeuple qu'elle venait affranchir. Sans doute, il se rencontrait de rudes guerriers parmi ces hommes de Bourgogne qui survivaient aux désastres de la campagne et qui étaient rompus aux labeurs d'une dure existence ; mais ils n'étaient pas redoutés de leurs adversaires, mus par une force morale qui doublait leur valeur physique. Tous avaient contre Charles le Téméraire un légitime sujet d'irritation : les Lorrains considéraient l'outrage


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fait à leurs foyers et à la couronne de leur duc ; la noblesse française supportait impatiemment le perturbateur du royaume et l'ami des Anglais. Cependant, nul ne portait à Charles une haine plus violente que les Suisses et les Allemands, dont la fierté s'exaltait, mais dont le cœur frémissait encore au souvenir de Granson et de Morat.-Les cruautés inutiles dont les Bourguignons s'étaient rendus coupables dans les précédentes guerres n'avaient pu s'effacer des esprits , et l'ivresse de la vengeance agitait cette multitude , qui se portait avec ardeur au rendez-vous de Saint-Nicolas. Pendant la veillée, elle redisait les triomphes passés et les hauts faits d"armes des guerriers qui marchaient dans ses rangs. Les capitaines suisses discutaient avec René l'importance de la tactique inaugurée par eux et les résultats qu'on se promettait encore une fois de l'action d'une infanterie qui surgissait, après des siècles, en masses compactes sur le champ de bataille.

Et certes, le jeune duc pouvait s'enorgueillir d'un tel commandement, car les chefs suisses les plus fameux[1]


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et les plus beaux noms de Lorraine se groupaient autour de lui. Parmi les Suisses étaient Guillaume Harther, le sire de Stein, ce héros de Granson, le célèbre Jean Waldemann, chef des Zurichois, Pé- termann Rot, et .les gouverneurs des villes de Berne, Bâle, Lucerne, Uri, Schwitz, Underwalden. Hermann d'Eptingen, gentilhomme de Souabe, et Guillaume, de l'illustre maison de Ribeaupierre, marchaient à la tête des Allemands et des gens d'Alsace. Enfin on comptait dans les rangs des Lorrains les comtes de Salm, de Bitche et de Linange, le bâtard de Vaudé- mont, Oswald de Thierstein, grand-maréchal, Jean de Visse, capitaine des gardes, le capitaine Jean de Rivière, les seigneurs de l'Étang, de Saint-Amand, de Savigny, d'Haussonville, de Parroye, de Lenoncourt, de Hardémont, de Bassompierre, l'intrépide Malhor- tie.Doriole, capitaine des ordonnances de France, les sires de Nettancourt, de Gerbéviller, de Homé- court et de Faucogney, le bâtard de dom Julien, portant la bannière de Vaudémont, messire de Ligni- ville, bailli des Vosges, Jean Lud et Chrétien, se-


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crétaires du duc, qui ont mis en dialogue le récit de ces événements.

Ainsi donc, presque tous les étendards de l'Helvé- tie confondaient leurs emblèmes avec les couleurs de Lorraine et les pennons de France et d'Allemagne ; le même vent agitait les plis dans lesquels figuraient l'ours de Berne et le bras armé de l'épée de Vaudé- mont, le belier de Schaffhouse et la couronne d'or des cités rhénanes.

Toutes les armes de l'époque se trouvaient représentées sous ces bannières. L'artillerie n'était composée que de 15 bombardes ou faucons; mais la cavalerie comptait non loin de 3,500 chevaux, et l'infanterie , formée de couleuvriniers, piquiers , halle- bardiers et archers, s'élevait à 16,000 hommes, proportion excellente et qui se rapproche beaucoup de celle adoptée par la tactique moderne.

Les cavaliers étaient bardés de fer; les fantassins suisses et allemands, équipés à la légère, portaient au côté l'épée plate et tranchante, outre l'arme particulière, qu'ils appuyaient sur l'épaule. Déjà ils mar-


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chaient à la cadence du tambour. Les gentilshommes lorrains et français se faisaient surtout remarquer par la beauté de leurs chevaux, le luxe de leurs armures et les vives couleurs des écharpes brodées qui ceignaient leurs mâles poitrines.

Louis XI, qui allait assister à cette lutte décisive en témoin intéressé, fournissait un appui moral à cette armée. Il avait posté dans le Barrois 7 ou 800 lances et des francs-archers, avec de bons officiers, sous les ordres de M. de Craon, lieutenant de Champagne, et, le jour où ce corps d'observation eût trouvé l'occasion de sortir de sa neutralité, ce n'était point pour se ranger sous les drapeaux du duc de Bourgogne.

A son arrivée à Saint-Nicolas, le duc René prit son logement dans le prieuré; ses troupes se cantonnèrent dans les maisons du bourg et dans celles de Va- rangéville, qui n'en est séparé que par la Meurthe. Comme ces abris n'étaient pas suffisants, 4,000 soldats établirent un bivouac sous les halles.

En se dispersant dans ce gîte, on apprit qu'une


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certaine quantité de Bourguignons ne l'avaient point encore quitté. On fouilla les maisons, et on en arracha 200 de ces malheureux, qui furent massacrés dans les rues ou précipités dans la rivière par couples liés ensemble. Les combattants de Granson préludaient cruellement aux plus sanglantes représailles.

Malgré son extrême confiance, ce ne fut pas sans inquiétude que Charles le Téméraire connut les mouvements de l'ennemi. L'échec du vendredi et les rapports des courriers qui se succédaient rapidement auraient dû l'éclairer sur sa véritable situation. Les uns lui apprenaient qu'ils avaient surpris avec effroi René à la tête de forces imposantes ; les autres, soit qu'ils aient rencontré ce prince à Saint-Dié presque seul, alors qu'il avait pris les devants pour préparer les gîtes , soit qu'ils aient reçu des instructions secrètes de Campo-Basso, affirmaient que le prince n'avait que quelques centaines d'hommes en sa compagnie, et, comme la faiblesse humaine inspirée par l'orgueil se laisse facilement persuader de la réalité du rêve


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qu'elle caresse, Charles partageait cette dernière opinion et s'abandonnait à une sécurité funeste.

Dans la soirée du samedi cependant, l'illusion ne fut plus permise : les détails apportées par des émissaires et par les fugitifs de Saint-Nicolas étaient trop circonstanciés pour qu'on se refusât plus longtemps à l'évidence. Une nouvelle reconnaissance n'était même plus praticable, car René avait fortement occupé les abords de son cantonnement du côté de Nancy, et la route était complétement interdite aux Bourguignons.

Charles le Téméraire soupçonnait la gravité de sa position, car il assembla son conseil, dont il avait jusque-là affecté de mépriser le sentiment :

« Messieurs, dit-il à ses capitaines, le duc de Lorraine entre en campagne. Je ne puis encore me persuader, comme on l'assure, qu'il ait recruté une armée parmi les Suisses, car ce peuple m'a donné l'assurance qu'il n'entreprendrait plus la guerre contre moi. Il est plus probable que cet enfant aura rallié les garnisons du duché avec quelques avantu-


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riers des villes allemandes, et qu'il approche suivi de cet entourage. Ne pensez-vous pas, messieurs, que c'est-là une immense folie et que nous lui ferons payer cher cette témérité? »

Mais les officiers du conseil, qui envisageaient froidement la situation respective des partis, ne partageaient pas l'opinion de leur général. Ils lui donnèrent le meilleur avis que pouvaient suggérer les circonstances. Dans l'état de détresse où se trouve l'armée, disaient-ils, une retraite n'a rien qui froisse l'honneur; il fallait donc se retirer à Pont-à-Mousson, ou mieux encore à Luxembourg, où le duc possédait de grandes ressources et où il ramènerait ses troupes à un effectif formidable. L'arrivée des Suisses n'était pas douteuse ; mais ces hommes se garderaient bien d'aller chercher les Bourguignons chez eux, et comme ils ne se battent que pour de l'argent, ils se fatigueraient d'attendre et de rester au service de René, trop pauvre pour les payer. Au printemps, ils auraient regagné leurs montagnes, qui réclamaient leurs bras, et alors on serait maîtres des événements. Les


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capitaines tentèrent ensuite de faire vibrer dans le cœur du guerrier la sensibilité du père en lui présentant l'état déplorable de sa fille, abandonnée de tous et dépouillée par le roi de France s'il venait à perdre la vie dans cette rencontre. Seul, le comte de Campo- Basso ap-puya pour l'action immédiate.

Le duc leur demanda alors s'ils avaient encore d'autres objections à faire valoir, et, sur leur réponse négative, il prétendit que ni lui ni son père n'avaient craint de faire la guerre à la Lorraine ; qu'il ne souffrirait jamais qu'on lui reprochât par la chrétienté d'avoir eu la honte de fuir devant un enfant ; qu'il périrait si cela était nécessaire, mais qu'il ne reculerait pas (1). Et, comme on ajoutait qu'il faudrait livrer bataille dès le lendemain : « Soit, s'écria-t-il, je continuerai le siége et tenterai le combat. Apprêtez-vous donc dès ce soir, messieurs ! JI

Le conseil se retira confondu ; mais, comme il était composé de gens déterminés, chacun résolut de

(1) Le P. A. Roland.


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défendre jusqu'à la dernière goutte de son sang l'honneur de son prince et celui de la Bourgogne,

En attendant, Charles le Téméraire désignait les troupes qui devaient marcher à l'ennemi ou conserver la garde des tranchées. Butin de Toullon eut sous sa surveillance le quartier de la porte de la Craffe ; mes- sire Jean Milton, capitaine anglais, la partie de l'enceinte comprise entre la porte Saint-Nicolas et la poterne de la Cour; le bailli de Hainaut et celui de Brabant, le côté de la poterne du Vieil-Aitre jusqu'à la porte de la Craffe. La nuit fut employée à préparer les armes et les chevaux. On se livrait avec regret à cette occupation parmi les soldats, car il circulait dans les cœurs comme un sinistre pressentiment d'une inévitable catastrophe.

Le bruit qui se produisait dans le camp donna l'éveil aux gens de la ville ; mais ils ne pouvaient connaître ce que c'était. Déjà ils avaient aperçu du sommet de leurs murailles de semblables mouvements lorsque la garnison de Gondreville était venue attaquer les Bourguignons à Laxou et lorsque


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Charles alla tenter le siége de Rosières. A minuit, ils n'eurent plus aucun doute sur la présence de leur duc. Ce prince eut l'idée d'allumer un fanal ardent sur les tours de Saint-Nicolas; le signal fut compris, et les défenseurs préparèrent une sortie. Au point du jour, certains que Charles avait quitté son camp, ils débouchèrent par la poterne de la Cour, munis d'écouvillons chargés de poix, de graisse et de soufre, et incendièrent toutes les tentes d'une porte à l'autre.

A la même heure, l'armée bourguignonne se rangeait en bataille à une demi-lieue de de Nancy, entre Jarville et la Madelaine, et là elle attendait avec résignation une attaque qui l'effrayait moins peut-être que la perspective d'un siége désastreux dont rien ne faisait prévoir le terme.

Ce fut aussi l'heure qui choisissait Campo-Basso pour couronner l'œuvre dernière de sa trahison. Sous prétexte de prendre sa place de combat, il s'avança par la forêt, avec les 160 hommes d'armes qu'il commandait, vers les chemins deVandœuvre et de Ludres,


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se dépouilla de la croix de Saint-André pour prendre celle de Lorraine, et pénétra jusque dans Saint- Nicolas, où il offrit à René la vie de son maître en échange de la seigneurie de Commercy. Il proposait au duc de combattre à ses côtés, de s'approcher de Charles par derrière au plus fort de la mêlée et de l'abattre avec ses gens, ou bien de lui couper la retraite en occupant les ponts de Bouxières, sur la Meurthe, et de Condé, sur la Moselle, par lesquels il communiquait avec Metz et Luxembourg (1). René. consentait à la capture ; mais il n'acceptait pas la mort du ravisseur de sa couronne ; il se réservait cependant de consulter les capitaines suisses. Ceux-ci refusèrent avec indignation d'admettre un traître dans leurs rangs, ajoutant qu'eux et leurs ancêtres avaient coutume de présenter loyalement leurs poitrines à l'ennemi, et que jamais il n'achèteraient l'honneur de la victoire à l'aide d'un secours aussi odieux.

En signifiant cette résolution à Campo-Basso, René voulut néanmoins ménager ce dangereux auxiliaire,

(1). Chronique de Lorraine. Dom Calmet. Huguenin.


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et il lui promit la terre de Commercy. L'Italien, dont l'ambition se trouva satisfaite , passa la Meurthe à gué, courut au pont de Bouxières, qu'il barricada, et se blottit par derrière, se promettant, avec le flair du tigre altéré de sang, une proie facile. Là ne se bornaient pas ses précautions : comme la trahison est ingénieuse quand elle prend naissance dans une âme semblable, il avait eu soin de laisser parmi les Bourguignons une douzaine de ses gens pour crier sauve qui peut au moment de l'action, et de prescrire à d'autres de se précipiter sur le duc quand il commencerait sa retraite et de le frapper par derrière. Com- mines rapporte qu'il a connu deux ou trois d'entre ceux qui avaient été chargés de cette horrible mission.

La défection des sires d'Ange et de Montfort, avec 120 cavaliers, suivit de près celle de Campo-Basso. Selon Commines, ils se rendirent au même point que celui-ci ; selon d'autres, ils se seraient mêlés aux rangs des adversaires, hypothèse peu probable, puisque les traîtres en étaient exclus.

L'armée du duc de Bourgogne, déjà si réduite,


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morcelée par la plus fatale des combinaisons, perdait donc chaque jour une partie de ses combattants. Commines et Olivier de la Marche estiment qu'alors elle ne comptait pas, le premier, plus de 4,000, le second, plus de 2,000 hommes. Mais cette assertion est inconciliable avec celle d'un autre contemporain, l'auteur de la Chronique, témoin oculaire de la bataille et dont les données précises feraient supposer qu'il en restait à Charles plus de 8,000. Si l'on ne peut admettre un chiffre plus considérable de soldats, on n'a pas les mêmes motifs pour craindre de diminuer le nombre de ceux qui étaient en état de porter les armes. Beaucoup, parmi ces gens, avaient eu les pieds gelés une semaine auparavant ; d'autres étaient encore en proie aux maladies qui ravageaient le camp. Il est donc impossible d'arriver à une appréciation rigoureusement vraie ; mais, si l'on tient compte de toutes ces circonstances et de la durée du combat, si l'on examine sérieusement le terrain et l'ordre de bataille adopté à l'époque, on peut avancer raisonnablement que Charles le Téméraire fit entrer


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en ligne 4 à li,000 combattants, abstraction faite des malades et du corps de siége.

C'était donc avec cette poignée d'hommes qu'il tentait de soutenir le choc d'une armée nombreuse, celui des Suisses surtout, dont il connaissait l'impétueux et terrible élan. Il naquit sans doute en cet instant dans le cœur du prince comme une présomption exagérée de sa force ; mais on ne peut s'empêcher d'admirer l'effort surhumain du héros qui prépare cette lutte inégale. Cette audacieuse témérité, qu'excite le mépris chevaleresque d'un immense - péril, était digne d'un meilleur sort.

L'intrépidité cependant n'est pas l'unique vertu du général d'armée, il lui faut envisager la défaite avec la même mesure que le triomphe, ménager l'avenir par la conservation de ses soldats, et ne pas hasarder sa fortune entière dans le jeu d'une bataille. Le duc de Bourgogne consomma sa perte pour avoir négligé ces grands principes.

Puisqu'il acceptait le combat, il devait réunir ses forces et non les diviser, ne pas se placer entre l'en-


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nemi qui allait fondre sur lui et les défenseurs d'une ville ranimée par ce spectacle, mais se jeter derrière les ponts de Bouxières, sur la Meurthe, ou de Condé, sur la Moselle, et défendre le passage de l'une ou l'autre de ces deux rivières. En cas de succès, on pouvait de nouveau se porter en avant et profiter de la terreur imprimée au vaincu ; en cas de revers, on se ménageait une issue facile vers Pont-à-Mousson et Metz.

Admettons néanmoins que le terrain choisi soit favorable; comment donc alors ce capitaine, dont la guerre est l'élément, oublie-t-il de rester maître des communications qui assurent ses derrières, de reconnaître et d'obstruer celles qui livrent' passage à son adversaire sur ses. flancs ? Fautes sans remède et qui amenèrent, comme on va le voir, les conséquences les plus désastreuses ; car, après avoir été terrifié par la plus funeste des surprises, on n'eût même plus la ressource de la retraite.


Voir aussi

Notes de la rédaction
  1. Pour une meilleure lisibilité, les mots coupés sur un saut de page sont restitués sur la page antérieure.