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Mémoires de la Société d'archéologie lorraine (1878) Favier, partie 2

De Wicri Lorraine
300px Sommaire :
Fondation de l'Université de Pont-à-Mousson. Description du lieu.
Historique de l'Université.
Installation des étudiants. Pensions bourgeoises. Le collège.
Inscription sur le matricule.
Statuts et règlements.
6. Programme et grades.
Thèses.
Costumes.
Vie intime des écoliers. Leurs rapports entr'eux.
10° Amusements intellectuels.
11° Pratiques religieuses.
12° Conclusion.

Texte original

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§ II. Historique de l'Université.

Jusqu'à cette époque, le duché de Lorraine n'avait, à proprement parler, aucun collège ; l'instruction n'y était donnée que d'une façon bien restreinte dans quelques couvents, comme à l'abbaye de Saint-Mihiel, à l'abbaye de Gorze, au monastère de Tholay et au collège de la ville de Verdun.

Il ne faut donc pas être surpris d'apprendre que « à part quelques savants, le reste, surtout le clergé, dit le P. Abram, était si ignorant qu'il y avait beaucoup d'ecclésiastiques qui se laissaient gagner par les novateurs. Ce qui engagea Hugues des Hazards, évêque de Toul, à faire publier en français les statuts synodaux qui étaient en latin, afin que les curés les lussent plus aisément et les entendissent mieux ».

L'organisation de l'Université lorraine avait été confiée à des mains trop expérimentées, pour que cet état de choses ne disparût pas bientôt. Quelques années suffirent pour mettre sur un très-bon pied tout un système d'enseignement qui embrassait toute l'instruction, depuis la plus élémentaire jusqu'à la plus élevée. La grammaire, la philosophie, la théologie, la jurisprudence et la médecine, y furent enseignées avec un égal succès, et l'on y conférait les mêmes grades qu'à l'Université de Paris.

Les cours commencèrent en 1573 et se firent dans ...


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Les cours commencèrent en 1573 et se firent dans différentes maisons bourgeoises, et particulièrement dans une maison sur la place de la Ville-Neuve, qu'on appelait le Château d'Amour, jusqu'en 1575, époque à laquelle on put seulement ouvrir aux étudiants les bâtiments de l'Université. « Le cardinal de Lorraine voulut confier l'éducation du jeune prince Charles, fils du grand duc, aux jésuites ; ce prince fut le premier immatriculé sur le catalogue des escoliers de l'Université et qui prit l'habit et la cape d'escolier pensionnaire. » Il eût été difficile de mieux inaugurer cette liste ; le succès était assuré. Aussi ne tarda-t-on pas à voir arriver une foule de condisciples de la plus haute noblesse : Ce fut d'abord le fils du comte de Vaudémont, puis, trois ans plus tard, Charles de Guise, l'aîné des fils du duc de Guise ; Henri de Gondy, fils du duc de Retz, qui fut plus tard le cardinal de Retz (1), et plusieurs autres seigneurs de Lorraine, d'Allemagne et de France. Le nombre des étudiants augmenta surtout à partir du 20 mars 1575, jour de l'entrée en possession du nouveau collège. Comme, dès lors, les choses pouvaient être régularisées, « on suivit pour la rentrée des classes de chaque année, la méthode que l'on suivait dans l'Université de Paris, c'est-à-dire qu'on ne les ouvrit qu'aux calendes d'octobre ».

Dès la première rentrée régulière, au mois d'octobre 1575, 323 escoliers figuraient sur la matricule du préfet des classes, sans compter ceux qui assistaient aux leçons de théologie morale. » Six ans plus tard, le nombre des étudiants fut tellement augmenté qu'il fallut agrandir les classes. « La maison des pensionnaires, qui avait été, les années précédentes, sous la direction des séculiers, puis remise sous celle des jésuites, brillait encore plus par le grand nombre des jeunes seigneurs de toute nation qui s'y trouvaient. » On fut même obligé d'en refuser plusieurs, faute de place.


  (1) L'oncle du grand cardinal de Retz.


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Dès la première rentrée régulière, au mois d'octobre 1575, 323 escoliers figuraient sur la matricule du préfet des classes, sans compter ceux qui assistaient aux leçons de théologie morale. Six ans plus tard, le nombre des étudiants fut tellement augmenté qu'il fallut agrandir les classes. « La maison des pensionnaires, qui avait été, les années précédentes, sous la direction des séculiers, puis remises sous celle des jésuites, brillait encore plus par le grand nombre des jeunes seigneurs de toute nation qui s'y trouvaient. » On fut alors obligé d'en refuser plusieurs, faute de place.

Boucher, dans une oraison funèbre qu'il prononça en 1576 et où il faisait l'éloge du cardinal de Lorraine, dit que Pont-à-Mousson « est reconnue pour la mère nourricière des sciences. Tous les étrangers y viennent de tous côtés : Allemands, Français st d'autres nations étrangères, et c'est un plaisir de voir ce nombreux cortège d'escoliers qui, au premier coup de cloche qui les appelle à leurs classes, passent le pont pour s'y rendre, et ils sont souvent en si grand nombre que l'on dirait que c'est une procession générale. Et ce que je trouve encore de plus admirable, continue notre auteur, c'est de voir ce grand nombre d'escoliers qui se sont assemblés en si peu de temps ; tant il est vrai que la renommée a publié les progrès que l'on fait dans les sciences, dans cette naissante Université ».

Cependant il y eut un moment d'arrêt dans cette progression ascendante. A la rentrée de 1589, les escoliers n'étaient plus qu'au nombre de 500, au lieu de 800 qu'il y avait eu les années précédentes.

Cette crise, qui avait été occasionnée par la guerre et la peste, ne fut pas longue, et l'on vit bientôt arriver cette série de trente années, pendant lesquelles l'Université lorraine s'éleva au rang des Universités les plus illustres du monde entier.

En 1590, on comptait au nombre des étudiants « le prince Eric de Lorraine, frère de la reine de France, Louise de Vaudémont et du cardinal de Vaudémont ; ce prince, non-seulement se soumettait à la discipline de la maison, mais il avait adopté le genre de vie de la communauté ».


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En 1590, on comptait au nombre des étudiants « le prince Eric de Lorraine, frère de la reine de France, Louise de Vaudémont et du cardinal de Vaudémont ; ce prince, non-seulement se soumettait à la discipline de la maison, mais il avait adopté le genre de vie de la communauté ».

Quelques années plus tard, on comptait à la rentrée, qui avait été fixée au jour de la Saint-Luc, 1200, 1500 et jusqu'à 1600 « escoliers », l'année 1608 en particulier, fut remarquable sous ce rapport, car l'on compta cette année plus de 1600 escoliers, « sans comprendre dans ce nombre les étudiants de droit et de médecine qui étaient encore plus de 400. Dans le nombre des escoliers, il y avait bien cent religieux de différents ordres. » Il est certain que les troubles qui régnaient alors en France n'avaient pas peu contribué à ce développement, que favorisa encore l'expulsion des jésuites du royaume. C'est sans doute à cause de ces circonstances, que notre historien se croit autorisé à dire que, en 1595 « les escoles de Pont-à-Mousson furent plus célèbres à cette époque que celles de Paris, qui étaient presque fermées. »

Cet état de choses dura plusieurs années. Le Parlement de Paris, qui s'en était alarmé, voulut y mettre fin en rendant, le 23 mars 1603, un arrêt par lequel il était ordonné « que tous les Français qui étudiaient dans les Universités de Douai et de Pont-à-Mousson eussent à en sortir, et revenir en France y faire leurs études. » Cette mesure ne fut pas nuisible à l'Université de Pont-à-Mousson ; et cependant il arriva que, vers les vacances de Pâques, il sortit de la maison des pensionnaires plus de cinquante étudiants Français. Ce qui n'empêcha pas les écoles et les facultés d'être plus remplies dans la suite qu'elles ne l'avaient été jusqu'alors.


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Dans ce grand nombre d' « escoliers » il y en avait, comme on l'a vu, de la plus haute noblesse. A ceux qui étaient déjà cités, vinrent se joindre, « au mois de mars 1606, trois princes de la maison de Lorraine qui se rendirent à Pont-à-Mousson pour y faire leurs études et furent établis dans la maison des pensionnaires : le 1er était le prince Charles qui, devenu évêque de Verdun, se fit jésuite ; le 2e fut le prince Henri, Marquis de Moüi et le 3e fut le prince François, qui devint évêque de Verdun. »

Les jésuites avaient assurément lieu d'être fiers de leurs progrès.

« En 1614, le duc Henry étant venu à Pont-à-Mousson, on choisit 2i escoliers qui le complimentèrent, chacun en différentes langues, sur son heureuse arrivée ; ce qui lui fit connaître l'affluence des escoliers de différents royaumes et provinces étrangères qui venaient étudier dans cette Université, par la bonne renommée qu'elle s'était acquise et qui était répandue partout. »

Cependant cette prospérité excita des jalousies et l'on vit bientôt « les villes voisines établir des collèges pour attirer la jeunesse qui était à Pont-à-Mousson. Il y eut plusieurs escoliers des basses classes qui allèrent y faire leurs études. » Quelques années plus tard, on créa même plusieurs écoles de philosophie et de théologie, pour y recevoir le trop-plein des écoles de Pont-à-Mousson.

On constata vers cette époque un fait qui arrive souvent en pareille circonstance, c'est que la trop grande quantité nuit à la qualité. Le but principal des jésuites était de lutter contre les progrès de l'hérésie ; et cependant, malgré tous leurs soins, ils furent surpris et admirent des hérétiques au nombre des « escoliers ».


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Le but principal des jésuites était de lutter contre les progrès de l'hérésie ; et cependant, malgré tous leurs soins, ils furent surpris et admirent des hérétiques au nombre des « escoliers ». Il n'est point nécessaire d'ajouter qu'aussitôt découverts les intrus furent impitoyablement expulsés.

Ce fut pour ainsi dire le signal de la décadence, car à partir de 1635, l'Université vit d'une année à l'autre diminuer le nombre de ses escoliers. En cette année surtout, la guerre lui causa les plus grande dommages. Pont-à-Mousson fut envahi par l'armée de cardinal de la Valette. Une grands partie des professeurs et des élèves quittèrent la ville, et les cours se firent très-irrégulièrement ; à la rentrée suivante le nombre des élèves n'était que de cent cinquante.

Malgré cet affaiblissement, l'Université se releva, mais son éclat d'autrefois avait disparu sans retour. Elle avait brillé pendant un demi-siècle ; elle ne fit plus que se soutenir pendant le siècle suivant jusqu'à sa translation à Nancy en 1768. A cette dernière époque, il y avait déjà bien longtemps que l'enseignement supérieur était en souffrance et que le collège était « regardé comme faisant la principale partie de l'Université (1). »


  (1) D. Calmet, Histoire de la Lorraine, t. VII, col. 265