Nuvola apps important.png Attention, suite à une faille de sécurité, la plupart des liens vers les serveurs d'exploration sont désactivés.

-

Mémoires de la Société d'archéologie lorraine (1878) Favier, partie 6

De Wicri Lorraine
300px Sommaire :
Fondation de l'Université de Pont-à-Mousson. Description du lieu.
Historique de l'Université.
Installation des étudiants. Pensions bourgeoises. Le collège.
Inscription sur le matricule.
Statuts et règlements.
6. Programme et grades.
Thèses.
Costumes.
Vie intime des écoliers. Leurs rapports entr'eux.
10° Amusements intellectuels.
11° Pratiques religieuses.
12° Conclusion.

Texte original

Les numéros de pages sont des liens vers les originaux sur le site Gallica

- 325 ( )-


§ VI. Programme et grades

Pour se faire une idée d’ensemble sur l'enseignement et les grades donnés dans l'Université Lorraine, il sufiit de voir défiler la procession du recteur (1): là, tout le personnel nous apparaît, non seulement en grande pompe, mais aussi dans un ordre hiérarchique réglé par les statuts.

1° La croix, suivie des escoliers de sixième ayant à leur tète leur régent, ce qui se fera pour chaque classe,
2° Les escoliers de cinquième,
3° Les escoliers de quatrième.
_______
Un chœur de musiciens.
 ̄ ̄ ̄ ̄
4° Les escoliers de troisième,
5° Les escoliers de seconde,
6° Les rhétoriciens.
_______
7° Les étudiants en philosophie,
8° Les bacheliers en philosophie,
9° Les maîtres ès-arts.
_______
10° Les étudiants en médecine,
11° Les étudiants en droit,
12° Les étudiants en théologie.
_______
13° Les bacheliers en médecine,

  (1) Ces processions étaient aussi en usage à l'Université de Paris. Voy‘ Hist. de l'Université de Paris, passim.


- 326 ( )-


14° Les bacheliers en droit,
15° Les bacheliers en théologie.
16° Les professeurs de philosophie.
_______
17° Les ecclésiastiques avec les religieux.
_______
Un 2° chœur de musiciens.
 ̄ ̄ ̄ ̄
18° Les bedeaux de médecine,
19° Les licenciés en médecine,
20° Les docteurs en médecine non professeurs,
21° Les docteurs en médecine professeurs,
22° Le doyen de la Faculté de médecine.
23° Les bedeaux de droit,
24° Les licenciés en droit,
25° Les docteurs en droit non professeurs,
26° Les docteurs en droit, professeurs,
27° Le doyen de la Faculté de droit.
28° Les bedeaux de théologie,
29° Les licenciés en théologie,
30° Les professeurs de théologie non docteurs en théologie,
3l° Les docteurs en théologie,
32° Le doyen de la Faculté de théologie.
33° Le chancelier de l'Université.
34° Le recteur de l'Université.

- 327 ( )-


35° Les officiers de l'Université (1).

L'enseignement jusqu'à la rhétorique comprenait la grammaire, qui embrassait la langue latine, la langue grecque, la langue hébraïque et les langues vivantes, la rhétorique, la dialectique (2), l'arithmétique, la géométrie et la musique (3).

Lorsqu'ils avaient rempli ce programme, les écoliers passaient en philosophie où ils suivaient les cours pendant un an au moins, avant de passer dans les autres facultés. S'ils voulaient arriver au grade de maître ès-arts, après deux ans employés à s'instruire de la logique et de toutes ses dépendances, ils faisaient preuve de leurs progrès par les actes appelés de déterminance et s’ils étaient jugés capables, ils obtenaient le titre de bacheliers ès-arts.

L'année suivante était employée à l'étude de la physique et des mathématiques. L'écolier était obligé de fréquenter les disputes des maîtres; il soutenait deux thèses, et après toutes ces préparations, il pouvait se présenter pour la licence.

Lorsqu'il était licencié, il soutenait un dernier acte...


  (1) Cet ordre était observé non-seulement à la procession du Recteur, mais aussi dans toute les assemblées publiques de l'Université.

  (2) Pour les auteurs classiques imprimés en Lorraine à l'usage de PUniversitÉ de Pont-à-Mousson, voy. Beaupré, Recherches, passim.

N. B. - Il existe encore quelque petits volumes fort mal imprimés et d'un mauvais papier, renfermant des extraits d'auteurs grecs etlatins, et qui étaient destinés â être mis entre le mains des écoliers.

  (3) V. D. Calmet, Hist. de Lama, t. V, col. 768.



- 328 ( )-


Lorsqu'il était licencié, il soutenait un dernier acte qui n'était que de cérémonie et dans lequel, en présence de tous les maîtres, on lui imposait le bonnet magistral. Cet acte s'appelait Placet, parce que le président demandait l'avis de tous les maîtres _présents : Placet-ne, vous plaît-il qu'un tel qui est licencié reçoive le bonnet de maître ? (1)

Cette cérémonie se faisait toujours avec une grande pompe et il arrivait souvent qu'on l'annonçait la veille dans les rues, au son des trompettes (2).

On en trouve une longue description dans le pré- cieux manuscrit (n° 189) de la bibliothèque de Nancy, à l'article intitulé : Summarium eorum quæ ad Universitatem Mussipontanam pertinent, præsertim vero ad facultates tbeologiæ, artium et lmguarum. Anno 1593. L'étendue de ce cérémonial n'en permet pas l'insertion ici. Ce que l'on y remarque surtout, c'est le soin avec lequel les jésuites entretenaient le décorum dû à la science. Après l'acte, on se livrait à des réjouissances, on chantait le Te Deum, et les nouveaux docteurs recevaient les félicitations de tous (3).


  (1) Crévier, Hist. de l'Univ., t. IV, p. 195.

  (2) Les étudiants de cette Faculté étaient tenu à parler latin non-seulement pendant les lectures et les classes, mais aussi dans la conversation. Cette règle était suivie à l'Université de Paris. Rabelais, dans son Pantagruel, a su fort bien railler le travers dans lequel étaient tombés ceux qui avaient été soumis à cette mesure et qui jonchaient de mots latine la langue française en parlant un jargon pédantesque et inintelligible.

  (3) Il y avait à la bibliothèque de Strasbourg un vitrail qui résumait la vie de l'étudiant et le programme qu'il devait remplir depuis ses débuts jusqu'à son arrivée au grade de maître ês-arts. Ce vitrail avait été composé très probablement pour l'Université protestante de Strasbourg, fondée ' vers 1550. Il était daté de 1589. M. Fard. de Lasteyrie s ou l'heureuse idée d'en reproduire le dessin dans son bel ouvrage : Histoire de la peinture sur verre par les monuments, (t. II, pl. XCI). V. P. Lacroix, Le Moyen-Age et la Renaissance, t, I. Universités, f° KV. M. l'abbé Hyver en donne une longue description dans : Le doyen Pierre Grégoire de Toulouse, p. 45.


- 329 ( )-


A la Faculté de médecine on enseignait la médecine proprement dite (cet enseignement consistait en grande partie à expliquer et à commenter les ouvrages des anciens) (1), la chirurgie (2), la pharmacie, la thérapeutique et l'histoire naturelle. Quant à l'anatomie, elle était démontrée deux fois par an sur des cadavres fournis par les juges de Pont-à-Mousson, Nancy et autres lieux.

Le couronnement des études médicales était le grade de docteur, que l'on ne conférait au candidat qu’après lui avoir fait prêter serment sur les différents points qui suivent :

« 1° Vous jurez que vous vénérerez les professeurs et docteurs anciens de votre faculté; que vous vivrez avec eux en bonne union; que vous suivrez en tout leur avis dans l'exercice de la médecine et que vous honorerez cette Université.»

« 2° Vous jurez que vous ne donnerez aucun remède pour provoquer l'avortement et qui puisse causer la stérilité, et que vous ne donnerez aucun avis et conseil à ce sujet.»


  (1) Tourdes, Origine de L'enseignement médical en Lorraine.

  (2) A cette époque, la chirurgie devenait une science et les barbier-chirurgien commençaient à céder le pas aux chirurgiens de robes longues.


- 330 ( )-


« 3° Vous jurez que vous exercerez la médecine en homme d'honneur et de probité et que vous éloignerez la haine et l'envie lorsque vous ordonnerez des remèdes. »

« 4° Vous jurez qu’autant que faire se pourra, vous ne prendrez rien des pauvres, que vous soulagerez gratis, et que lorsque les malades que vous visiterez vous paraîtront en danger, vous les exhorterez, avant de leur donner un remède, de s’adresser à leur pasteur pour les confesser et leur donner les sacrements. Vous jurez même que vous engagerez les enfants et les domestiques de ces malades à les exhorter à se mettre bien avec Dieu.»

« 5° Vous jurez que vous ne donnerez aucun poison et que vous ne conseillerez pas d'en faire donner. »

« 6° Vous jurez que vous n'enseignerez et n'entreprendrez rien contre la religion catholique, apostolique et romaine (1)

L'enseignement du droit se divisait en deux parties : le droit canon et le droit civil ; il y avait une série de grades pour chacune de ces branches. Le droit civil comprenait : les Institutes de Justinien, le droit public, le droit coutumier, le droit municipal et le droit français ; cette dernière partie fut supprimée du programme au mois d'octobre 1694.

Le duc Charles IV avait défendu à ses sujets d'étudier le droit et de prendre des grades dans les Universités étrangères, sous peine de ne pouvoir faire les fonctions d'avocat, ni posséder des offices de judicature dans ses Etats ;


  (1) C'est le sieur Jean Grisard qui fut reçu, le premier, docteur en médecine en cette Faculté, le 11 des Calendes de juin 1606.


- 331 ( )-


dans ses Etats; mais il dut modifier cet arrêt en ce sens que ceux qui auraient obtenu des grades dans les Universités étrangères, seraient obligés de subir un nouvel examen et de se faire agréger à l'Université de Pont-à-Mousson.

En théologie on enseignait les cas de conscience, la théologie scolastique et l'Ecriture-Sainte. Ce cours durait six ans.

« Pour donner de l'émulation à ceux qui se destinaient à l'état ecclésiastique, Charles III accorda aux gradués en théologie tous les bénéfices qui vaqueraient dans les églises collégiales de Lorraine ; et l'année suivante, en 1591, le prince Charles, cardinal de Lorraine, accorda aussi aux gradués en théologie de l'Université de Pont-à-Mousson, tous les bénéfices des églises cathédrales et collégiales situées dans sa légation. Aussi il y eut en cette année plusieurs étudiants qui prirent leur doctorat et leur licence en théologie, entr'autres Charles de Bournon, fils du président des grands jours de Saint-Mihiel, le sieur de Stainville, le sieur Rose de Chaumont, qui devint évêque de Senlis, puis de Clermont. »

A la suite d'un scandale occasionné par un jésuite qui avait reçu le titre de docteur en théologie à l'Université de Pont-à-Mousson, le P. Bouard, il avait été question de ne plus conférer ce titre aux Jésuites; mais le recteur de l'Université voulant conserver le prestige qui mettait les professeurs-clercs au même niveau que les autres professeurs, s'opposa énergiquement à cette mesure; il alla même jusqu'à revêtir des insignes de ce grade tous les professeurs en théologie non docteurs. Cet usage cependant ne dura que quelques années.


- 332 ( )-


Le cérémonial de la collation des grades de cette Faculté est décrit dans le manuscrit déjà mentionné (n° 189 de la bibliothèque de Nancy).

Afin d'épargner à leurs étudiants tout motif de distraction en temps ordinaire, les Jésuites firent accorder au conservateur des Privilèges de l'Université, le droit de régler les difficultés qui pouvaient surgir entre les bourgeois et les « escoliers ». Le règlement du 29 décembre 1606 porte que « ledit conservateur ou son lieutenant connaîtront et jugeront privativement... de toutes causes et actions desdits escoliers, soit civiles ou criminelles... »

« Que s'il advient aucun débat, querelle ou procès entre escholiers et bourgeois, soit en cas civil ou criminel, ledit lieutenant, conjoinctemnent avec les maître-échevin et gens de justice (qui devront être personnes lettrées ou de pratique), en cognoîstront et instruîront les procès conjoinctement en telle forme. »

« Et pour l'égard des appellations qui sïnterjecteront à l'avenir des sentances et jugemens rendus par Iedict maistre echevin, pom‘ et au profit d'escoliers contre bourgeois, ne voulons qu'à l'avenir lesdits escoliers perdent temps et le fruit de leurs études à les poursuivre aux ressorts du baillage de Saint-Mihiel, et en notre Cour souveraine. Ainsi dès-à-présent... commettons notre conservateur des privilèges... pour les vuider, terminer et juger sur le lieu, sommairement et de plain, sans ressort ni plainte... Seront tous bourgeois dudit Pont tenus obéir audit lieutenant, leur commandant in flagranti la capture et appréhension d'escolier ou bourgeois s'entrequerellant pour les rendre à leur juge ordinaire... »


- 333 ( )-


Cette ordonnance fut affirmée en 1613 contre les bourgeois qui retenaient les livres, hardes et argent des écoliers, ou qui les voulaient faire payer soit pour pension, soit pour louage de leurs chambres, plus qu'il n'avait été convenu.