C de Lihus 1804 Principes d'agriculture et d'économie - Ch8 P3

De Wicri Agronomie
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Principes d'agriculture et d'économie
Table des matières
Préface p. v
PARTIE I
Chapitre 1 p. 1
Chapitre 2 p. 10
PARTIE II
Amontement p. 51
PARTIE III
Mois de mai p. 79
Mois de juin p. 118
Mois de juillet p. 140
Mois d'aoust p. 152
Mois de septembre p. 196
Mois d'octobre p. 223
Mois de novembre p. 252
Mois de décembre et janvier p. 272
Mois de février p. 280
Mois de mars p. 294
Mois d'avril p. 312
Conclusion p. 328
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TROISIÈME PARTIE.


TRAVAUX AGRICOLES DE CHAQUE MOIS.


[272] MOIS DE DÉCEMBRE ET JANVIER.[N 1][C 1]

Donne aux soins les beaux jours, et l'hiver à la joie.
Trad. de Del. liv. I.[1]

Tout nous avertit, à cette époque, du repos nécessaire à l'homme, et au cheval, ce précieux compagnon de ses travaux. La brièveté des jours, la terre couverte d'eau ou de frimas, ne permettent plus de rester long-tems exposé aux injures de l'air ; aussi, après avoir recommandé sans cesse l'activité et le travail, j'exhorte maintenant le cultivateur à écouter la voix de la nature, et à se laisser aller, pour ainsi dire, à une douce inertie : loin de lui être préjudiciable, elle lui procurera de grands avantages, s'il sait l'accompagner de l'économie ; car voilà toute son étude dans ces deux mois. Economie de nourriture pour les hommes, économie de fourrage pour les bestiaux, économie d'huile et de bois pour le ménage, économie d'ustensiles aratoires ; voilà ses richesses pendant l'hiver, qui, sans ces économies, le consume et le ruine.

[273]

Distribution du travail d'hiver.

Le cultivateur change entièrement le régime de sa ferme : le lever de ses gens ne précède plus que de quelques instans celui du soleil ; ils pansent leurs chevaux avec soin et leur donnent à manger. Pendant ce tems la ménagère prépare la soupe ; à dix heures on se met à table ; à onze on en sort, et on travaille, si le tems le permet, jusqu'à cinq heures. A six heures, le souper ; à sept, tout le monde est retiré. Par ce moyen les chevaux ne mangent que deux fois l'avoine, le matin et le soir ; on brûle peu de bois et d'huile, parce que le matin on attend le jour pour le travail, et qu'on abrège beaucoup la soirée. Cette manière de vivre, nécessaire pour l'économie, est commandée aussi par la saison, les pluies ou les gelées ne permettant guère de manier la terre avant le milieu du jour ; ce que je dis seulement pour les petites pluies ou les gelées de peu de durée ; car, 1°. lorsque la terre est imbibée d'eau, y mettre la charrue serait s'exposer, comme je l'ai vu, à la gâter pour le reste de l'année. On gagne beaucoup alors à rester en repos, et on perd tout en travaillant.

Il vaudrait mieux faire le fou,
Que de labourer en tems mou.
Olivier de Serres.[2]

[274] 2°. Lorsque la terre est durcie par de fortes gelées, la charrue ne fait alors que l’écorcher ; ou si elle y pénètre suffisamment, elle taille de trop grosses mottes ; deux inconvéniens qu'Olivier nous conseille encore d'éviter[3] :

Pendant les glaces de l'hiver,
Ne faut les terres cultiver.

Attendez donc sans impatience un tems propre pour cultiver vos terres. La brièveté des jours vous effraie peut-être? Mais qu'une charrue fait d'ouvrage en six heures d'hiver, lorsqu'elle est attelée de trois chevaux vigoureux à qui le repos a donné une nouvelle ardeur !

Amendement des terres.

S'il gèle, on charriera le fumier, en établissant, par deux attelées de quatre chevaux, trois voitures, dont l'une reste dans la cour pour être chargée, tandis que les deux autres vont et viennent. Pour avoir de bon fumier, il faut avoir soin, lorsqu'on nettoie les écuries et étables, de mêler ensemble les fumiers de cheval, de vaches, de moutons et de porcs ; c'est une attention que n'ont presque jamais ceux qui ôtent les fumiers, et qui est cependant importante : en effet, le fumier de mouton et de cheval est chaud, celui de vache est rafraîchissant, celui [275] de porc ne peut être employé tout seul, et est, en particulier, très-pernicieux aux arbres ; cependant l'assemblage de tous ces fumiers réussit presque toujours on ne peut mieux.

Une attention encore indispensable pour le fumier, c'est d'avoir soin que sa saumure ne s'écoule pas, parce qu'il perd presque toute sa qualité quand il est dépourvu des sels qui le rendent efficace. Il faudrait donc, ou avoir un trou à fumier pavé, afin d'y conserver tout son sel, ou au moins entourer son tas de fumier d'un rempart en cailloux ou briques qui empêchât le jus du fumier de s'égoutter dans les grandes pluies, et d'aller se perdre dans les eaux de la cour ou de l'abreuvoir. Les curieux, les amateurs verront, dans Arthur Young et dans Deplanazu, la description de fosses à fumier, qui ne laissent rien perdre de la substance fertilisante ; mais les moyens que j'indique sont, je crois, suffisans pour maintenir et conserver ces sels. On peut encore tirer parti de l'urine des chevaux et des vaches, en pratiquant, dans les écuries et étables, un écoulement qui tombe dans le tas de fumier.

Différens travaux pendant la gelée.

S'il gèle encore quand la cour sera entièrement débarrassée, on choisira ce moment pour faire [276] tous les charrois nécessaires pour les réparations des bâtimens, comme briques, ardoises, tuiles, etc. ; ou pour les engrais qu'il faut aller chercher au loin, comme le plâtre ou les cendres de tourbes : ces derniers objets étant toujours à meilleur marché l'hiver, parce qu'il n'y a que ceux qui ont quelque avance qui en achètent alors.

Occupation intérieure.

Tous les travaux dont la gelée est susceptible sont terminés, et l'hiver prolonge encore ses rigueurs ; faut-il laisser pour cela ses domestiques sans occupation ? L'oisiveté les rendrait bientôt insolens et libertins. Il faut donc, pour les occuper, leur faire fendre des souches, leur faire faire des gluys ou asseilles, leur faire battre même de l'avoine ou du blé, plutôt que de les laisser toujours au coin du feu ; et comme il arrive souvent que les valets de charrue refusent de battre, il ne faut pas les louer qu'on n'en fasse une convention expresse.

Basse-cour.

Les bestiaux peuvent toujours être nourris de gerbées, à moins qu'il ne gèle, ou que la terre soit couverte de neige ; alors, comme ils ne peuvent pas aller aux champs ou dans les herbages, il faut les en dédommager en leur donnant du [277] fourrage, qu'on leur retranche lorsqu'ils retournent à la pâture. Quand il fait froid, qu'on ait soin de tenir les vaches dans une chaleur modérée, en bouchant toutes les ouvertures de l'étable. Il faut faire tout le contraire pour les moutons, dont la bergerie, quoique close, doit toujours avoir un courant d'air qui entretienne la salubrité. Ce qui est commun à ces deux espèces d'animaux, c'est qu'ils doivent être tenus proprement et souvent nettoyés, même dans les froids ; on aura par-là le double avantage de se procurer beaucoup de fumier, et de contribuer à la bonne santé des bestiaux.

Volailles.

Il faut augmenter ou presque doubler leur nourriture, lorsque la gelée ou la neige les empêche de gratter l'herbe ou le fumier : les oies sur-tout souffrent beaucoup alors, parce que l'herbe est leur principale nourriture ; aussi faut-il avoir soin de leur donner à manger séparément, afin que ces animaux gloutons n'absorbent pas en un instant la nourriture des autres volailles. Le froid exige encore plus de précautions pour les poules que pour les autres animaux ; il faut donc bien fermer leur poulailler, et les abriter le mieux possible. C'est le moment de leur donner pour nourriture du blé-noir mêlé avec de l'orge. Les [278] dindons et les oies ne demandent pas à être renfermés ; au contraire, ils engraissent pendant les gelées, et supportent très-bien les injures de l’air.

Pigeons.

Lorsque la terre est couverte de neige, il ne faut pas oublier qu'elle ne fournit plus aucune nourriture aux pigeons ; il faut donc alors leur donner un peu de vesce pour les alimenter.

Départ du Propriétaire.

Invitat genialis hiems, curasque resolvit,

nous dit Virgile[N 2][C 2]. Cédez donc aux invitations de la saison, aux sollicitations de votre femme et de vos enfans ; retirez-vous à la ville pendant les mois rigoureux de Décembre et de Janvier. Je vous le permets, je vous y engage, si toutefois vous avez une ménagère et un premier charretier dignes de votre confiance ; car vous vous livrerez tranquillement au repos et aux charmes de la société, quand vous aurez fixé à la ménagère la nourriture des gens et des bestiaux, et prescrit au premier charretier l'ordre des travaux et le gouvernement des chevaux. Néanmoins ne vous reposez pas tellement sur eux, que vous ne mettiez tout en ordre avant de partir ; que vous ne sachiez [279] exactement le compte de tous les grains battus, et que même vous ne fermiez à clef tous les fourrages, en mettant à part la quantité nécessaire pendant votre absence.

Notes

Notes originales et commentaires

Dans la suite de cette rubrique, sont associées (ligne par ligne) deux éléments complémentaires : les notes originales, telles qu'elles figurent dans l'ouvrage de Chrestien de Lihus (y compris lorsque la recherche montre des inexactitudes), et qui sont intangibles, et les notes additionnelles, issues des recherches effectuées pour compléter les informations lors de la mise en ligne ici, et qui peuvent être amendées par tout contributeur, à l'unique condition d'être précis dans les sources utilisées.

Notes originales (issues de l'ouvrage original) Notes complémentaires (du contributeur "wicrifieur")
  1. Décembre et Janvier ont une telle conformité, que c'est éviter l'ennui des répétitions, que de les réunir.
  2. Georg. l. I.
  1. A voir.
  2. Vers 302 du livre I des Géorgiques, dont une traduction (site Juxta) est : "L’hiver leur inspire la joie, les invite au plaisir et chasse de leurs coeurs les soucis inquiets". Traduction juxtalinéaire sur le site Juxta.

Notes additionnelles

  1. Les Géorgiques, de Virgile, traduction de l'abbé Delille, livre I, vers 362. Texte intégral sur le site remacle.org.
  2. A voir.
  3. A voir.