C de Lihus 1804 Principes d'agriculture et d'économie - Ch4 P3

De Wicri Agronomie
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Principes d'agriculture et d'économie
Table des matières
Préface p. v
PARTIE I
Chapitre 1 p. 1
Chapitre 2 p. 10
PARTIE II
Amontement p. 51
PARTIE III
Mois de mai p. 79
Mois de juin p. 118
Mois de juillet p. 140
Mois d'aoust p. 152
Mois de septembre p. 196
Mois d'octobre p. 223
Mois de novembre p. 252
Mois de décembre et janvier p. 272
Mois de février p. 280
Mois de mars p. 294
Mois d'avril p. 312
Conclusion p. 328
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TROISIÈME PARTIE.


TRAVAUX AGRICOLES DE CHAQUE MOIS.


[152] MOIS D'AOUST.

Temperat aestivos praedae spes blanda calores.
L'espoir de la récolte tempère les chaleurs de l'août.
Vanières, liv. 8[1]

Je ne puis mieux comparer Août qu’à un port où les navires trouvent un asile favorable quand le tems est calme, mais où malheureusement ils viennent se briser, quand ils sont surpris de la tempête. Le cultivateur me paraît en effet avoir une ressemblance frappante avec le nautonier : si celui-ci confie à l'élément perfide un frêle vaisseau[N 1][C 1], l'équipe à grands frais et y entasse toute sa fortune ; celui-là, après avoir fait des avances considérables, travaille encore sans relâche toute une année pour conduire sans échec ses brillantes récoltes jusqu'au premier jour d'Août. O mois ardemment désiré du cultivateur ! c'est toi qui décide de son sort. Quelquefois tu te joues cruellement de ses fatigues et de ses sueurs, en détruisant, en un moment, ses plus belles espérances. Tu insultes même à son courage et à son activité, en rendant inutiles tous les moyens qu'il emploie [153] pour arracher sa récolte aux intempéries de la saison. Que ne sommes-nous nés, hélas ! dans ces pays heureux[N 2][C 2] où le ciel se ferme plusieurs mois pendant la maturité et la récolte des grains ! Mais ne nous perdons pas en d'inutiles regrets ; soumettons-nous à l'ordre du créateur. Nous serions trop riches, si nous étions sûrs de rentrer nos moissons, et si nos jouissances n'étaient mêlées d'inquiétudes.

Première Section.

Récolte des blé, vesces et pois.

Le mois le plus intéressant pour le cultivateur est celui qui lui coûte le plus de fatigues. Il précède l'aurore pour éveiller ses gens et ses moissonneurs ; il reste presque toute la journée dans le champ pour présider au sciage et à l'enlèvement des grains, et ne quitte que pour aller quelques momens à la maison veiller sur les calvaniers et donner les ordres nécessaires. Le milieu du jour invite les gens au repos ; mais c'est là le moment le plus intéressant pour lui. Sa présence est nécessaire dans les champs abandonnés des travailleurs, et qui deviennent, à cette heure, la proie des malfaiteurs. A peine trouve-t-il le moment de prendre quelques repos. Si le tems [154] menace, il faut qu'il presse ses charretiers, qu'il les suive pas à pas, pour qu'ils ne perdent pas un instant. Le soir vient et rappelle les moissonneurs à la maison ; mais le maître reste dehors pour faire enlever les grains. Il est donc toujours en activité ; il n'a presque d'autre repos que celui que la fatigue surprend à son courage, et s'estime heureux de pouvoir se livrer quelques momens au sommeil, couché sur ses javelles.

Activité pendant la récolte.

Cette activité est indispensable pendant la récolte, dont le succès dépend entièrement de la sagacité du maître et de la célérité qu'il fait mettre dans tous les travaux. Il aurait beau commander, presser ses gens, sa présence fait plus que les ordres les plus rigoureux. Il est bon même quelquefois qu'il travaille quelques instans, pour encourager les ouvriers ; l'exemple du maître ne leur permet plus alors de travailler mollement ; ils n'osent se ménager, quand ils voient les gouttes tomber de son visage ; ils tiennent à honneur de ne pas souffrir qu'il se fatigue, et redoublent de courage pour montrer leur bonne volonté.

  • Presser les moissonneurs.

Les moissonneurs, même quand ils sont à la tâche, et qu'ils ont par conséquent intérêt de finir promptement, ont besoin d'être pressés. Ils partent [155] presque toujours trop tard, et quittent trop tôt. Cependant, dans les jours de chaleur, le matin et le soir sont les momens les plus favorables pour couper le blé, afin qu'il ne s'écosse pas, qu'il ne se brise pas, et que les petits épis ne se détachent pas de la main du moissonneur. La fraîcheur est aussi très -favorable aux travailleurs, qui vont infiniment plus vite que quand la chaleur les accable. Il faut donc absolument exiger d'eux qu'ils soient arrivés au champ une heure avant le lever du soleil, et qu'ils n'en sortent qu'une heure après son coucher. Il faut même que, de tems en tems, le maître soit avant eux dans le champ, pour réprimander ceux qui arrivent plus tard, et louer, au contraire, ceux qui sont diligens. S'il fait de la lune, le matin ou le soir, il faut aussi que les moissonneurs en profitent pour travailler, et alors ils dormiront depuis onze heures jusqu'à trois. On mettra donc tout en œuvre pour obtenir des moissonneurs un travail sans relâche pendant la fraîcheur du jour ; récompense, réprimande, menace, rien ne sera oublié : le tout c'est de savoir en faire usage ; quelques pièces d'argent, quelques verres de boisson distribués à propos, font oublier à ces gens leurs fatigues et l'inflexible sévérité du maître. Qu'il ait soin sur-tout de ne pas trop se familiariser avec eux, pour les laisser dans l’obéissance, [156] et qu'il les accoutume à regarder ses ordres comme sacrés. Il doit, à son tour, être très-exact à garder les promesses qu'il leur fera ; pour tout dire, il doit se comporter à leur égard comme un véritable père, punir le mal, récompenser le bien ; cela paraîtra peut-être difficile à pratiquer vis-à-vis des gens sans éducation. L'expérience prouve le contraire : les habitans de la campagne ont beaucoup de respect et d'attention pour les gens au-dessus d'eux par leur rang et leur éducation, sur-tout s'ils sont vertueux ; car la vertu ne manque jamais de se faire respecter et de mériter la confiance de tous

Un cultivateur qui a une grande exploitation, est, pour ainsi dire, comme un capitaine au milieu de sa compagnie. Il doit tellement posséder le cœur des siens, qu'ils obéissent au moindre signal, et qu'ils endurent les plus pénibles travaux par amour pour leur chef. Par conséquent il ne regrettera pas les petits sacrifices qu'il fera pour récompenser leurs travaux ; il en sera dédommagé au centuple par la bonté de ses récoltes, la fidélité et l'adresse de ses ouvriers.

  • Activer les calvaniers.

Mais si les moissonneurs ont besoin d'être surveillés, à plus forte raison les charretiers et calvaniers ; quelques actifs qu'ils soient, ils perdent [157] toujours du tems quand le maître n'est pas présent. Qu'on me permette là-dessus quelques détails qui ne me sont que trop connus.

Le tems presse, on reçoit l'ordre d'atteler et de partir. Si le maître n'y est pas, le charretier attèle lentement ses chevaux, qu'il fait sortir l'un après l'autre de l'écurie ; les chevaux sont prêts à partir, mais le calvanier n'a pas encore préparé les liens ; il se passe dix minutes avant qu'ils soient mouillés et mis dans la voiture. Cependant le charretier sort de la maison, il s'en va pas à pas comme s'il n'était pas pressé, parlant à l'un, s'arrêtant pour prendre l'autre dans sa voiture ; enfin, avec le tems, il arrive. Les moissonneurs reçoivent du calvanier l'ordre de lier, de la part de leur maître, mais ils veulent finir leur route ou mettre la pièce au carré ; en attendant, les calvaniers ou charretiers causent ou se reposent étendus dans le champ. Les moissonneurs se mettent pourtant en train de lier, et les gens les regardent faire ; ce n'est qu'au bout d'un certain tems qu'ils se mettent en devoir de faire un dixeau et de le charger. Pour les moissonneurs, ils ne s'inquiètent guère si la voiture se charge ; ils continuent à lier, la voiture attend, et ce n'est que sur les instances réitérées du charretier, qu'ils détachent un d'eux pour mettre les gerbes en dixeaux. Après bien des pourparlers la [158] voiture parvient à être chargée ; on la comble avec lenteur ; on se met en marche, on arrive à la grange. Les calvaniers sont à goûter, les arrivans imitent leur exemple ; ce n'est qu'au bout d'un quart-d'heure que la voiture se décharge, et encore comment ? A peine s'il tombe une gerbe par minute : il fait chaud, on cause, on s'essuie ; il se passe une heure avant que la voiture soit déchargée : elle repart enfin, et arrive dans les champs la nuit fermée, ou est surprise par la pluie.

Qu'on compare la lenteur dont je viens de donner les détails, et qui est néanmoins fort ordinaire, avec l'activité que produit la présence du maître. Qu'on parte sur-le-champ pour aller chercher le blé. Pierre et Jacques, attelez les chevaux ; Thomas, trempez des liens pour mettre dans la voiture : allez tous les trois à la pièce en grande hâte. La voiture y arrive, mais le maître y est déjà. Les moissonneurs ont quitté leur ouvrage et attendent les liens ; ils lient avec promptitude ; Jacques met les gerbes en dixeaux ; Thomas les donne à Pierre, qui les met dans la voiture. En moins d'un quart-d'heure, la voiture est chargée et comblée. Elle arrive à la maison, où elle trouve les calvaniers placés pour la décharger ; les gerbes tombent comme la grêle : au bout d'un instant la voiture se trouve vide. La [159] servante apporte à boire aux chargeurs et charretiers, qui partent en poste chercher une autre voiture : celle-ci se charge et se décharge avec la même promptitude. On fait trois voitures au lieu de deux, et l'on brave ainsi l'incertitude du tems et l'obscurité de la nuit.

On jugera, par ces deux exemples, combien la présence du maître est nécessaire ; il trouvera mille moyens d'expédier l'ouvrage dans un moment pressé : s'il faut charrier toute la journée, il donne à ses chevaux double portion d'avoine, et une nourriture succulente et prompte à manger, comme de la vesce bien cossue ou du mélange. Faut-il pousser avant dans la nuit? Il leur fait donner l'avoine tout attelés, sur un tonneau, pendant qu'on décharge ; ses gens prennent leur repas tour-à-tour, et de manière qu'il n'y ait aucune interruption dans le travail. Quant à lui, voici deux moyens que je lui indique pour s'épargner beaucoup de fatigues, et en même-tems surveiller par-tout : le premier, d'avoir toujours un cheval de selle prêt à courir où il faut, qui le transporte, en peu de tems, où sa présence est nécessaire, et avec lequel il puisse quelquefois quitter le champ pour revenir à la grange ranimer les déchargeurs par sa présence ; le second, avoir quelqu'un de confiance, qui ne quitte pas la grange, pour surveiller l'arrivée et le départ des [160] voitures, faire accélérer le déchargement et regarder à la montre le moment du départ, pour que le maître, qui regardera dans les champs le moment de l’arrivée, sache si on a mis toute la diligence nécessaire ; mais cette surveillance ne saurait être mieux que dans les mains de la maîtresse, qui doit alors habiter une chambre d'où elle puisse voir l'arrivée de chaque voiture, pour se transporter de suite à la grange et en accélérer le déchargement. Il faut sur-tout qu'elle surveille le déchargeage qui se fera aux lanternes, qu'elle ne confiera qu'à des personnes sûres qui les tiendront toujours fermées. Cette surveillance paraîtra peut-être un peu dure à notre dame, que je suppose toujours avoir été élevée à la ville ; mais n'est-il pas juste qu'elle partage un peu les soins du mari exposé à la chaleur du jour et aux intempéries de l'air ? Au reste, je veux abréger, le plus possible, la surveillance de l'une et les fatigues de l'autre, et leur donner les moyens d'assurer leur récolte, en diminuant leurs peines et leurs inquiétudes.

  • Ier. Moyen - Prendre beaucoup de moissonneurs.

On fait presque par-tout la moisson trop lentement, excepté dans les environs de Paris, où [161] les fermiers prennent une grande multitude de moissonneurs étrangers qui abattent la récolte en quinze jours : on allègue pour raison qu'on ne veut prendre que des gens du pays ; mais combien d'hommes et de femmes qui restent oisifs, et aiment mieux glaner que de prendre en main une faucille ? De là cette foule de glaneurs qui inondent les campagnes, et ne peuvent réparer la perte du tems qu'en glanant à travers les javelles, et en coupant les épis de blé. Est-il juste que, pour contenter la cupidité de quelques moissonneurs, on laisse les autres sans occupation ? Si on ne prend que peu de moissonneurs, qu'on leur impose au moins la condition de s'associer leurs femmes ou une seconde personne, au moins quinze jours, lorsque le maître l'exigera, et c'est ce qui s'appelle, dans nos contrées, coupler. On peut, pour appaiser les murmures, promettre un peu plus de boisson, et une partie de ses avoines à scier.

Outre l'avantage d'avoir fini promptement, le couplage en procure encore un autre, c'est que les femmes et enfans des moissonneurs ne glanent pas dans les javelles pendant l'absence du maître, et que par conséquent les maris ne laissent pas tomber exprès des épis pour augmenter leur glanage. Quand les moissonneurs savent que ni eux ni leurs femmes ne glaneront pas, ils prennent [162] beaucoup plus d'attention à ramasser le, blé proprement. Aussi, dans le marché qu'on fait avec eux, il faut absolument leur interdire le glanage.

  • IIe. Moyen. - Nombre suffisant de calvaniers et de voitures.

Il faut avoir un assez grand nombre de calvaniers et de charrettes pour enlever et décharger promptement le grain ; or, voici la méthode que j'indique comme la plus prompte et en même tems la moins coûteuse : pour les calvaniers, on les prendra seulement pour un mois, et non pour six semaines, comme c'est la coutume dans beaucoup d'endroits. La moisson devant être faite tout au moins dans un mois, vu la grande quantité de moissonneurs, les calvaniers deviennent ensuite inutiles ; car, en général, ces sortes de gens ne sont propres qu'à tasser et à décharger. Il suffit qu'ils soient à la journée, pour qu'ils aient mille raisons à alléguer pour ne pas battre beaucoup : d'ailleurs, ils sont souvent dérangés, et cela leur sert d'excuse. Prenez donc des calvaniers pour un mois seulement, mais prenez-en davantage, c'est-à-dire, un tiers plus que de coutume, ce qui ne coûtera pas plus cher, puisque vous les aurez moins de tems. Après ce mois, ils [163] sont d'autant moins nécessaires, d'après la méthode que je propose, qu'on s'en sert peu pour les avoines, qu'on fait scier en grande partie par les moissonneurs.

Quant aux voitures, on en aura beaucoup sur pied, c'est-à-dire, deux pour chaque attelée de quatre chevaux, et cela sans grands frais. On arrange des voitures à fumier de manière qu'en les rehaussant des quatre côtés, elles peuvent encore contenir cent gerbes de blé ; on se sert aussi très-bien de petites voitures à limon disposées pour cela. Ainsi, je suppose le labour de trois charrues où il y a neuf chevaux ; ce sont deux voitures pour la récolte, chacune attelée de quatre chevaux, le neuvième servant à porter le maître où besoin est. Il suffit donc alors, pour doubler les voitures, d'avoir une troisième voiture d'août pour l'une des attelées ; pour l'autre, quand sa voiture est arrivée, les deux chevaux de devant s'attèlent à une petite voiture à limon conduite par le troisième charretier: ceux de derrière à la voiture à fumier, disposée comme je viens de le dire : de cette manière, les voitures se succèdent avec rapidité dans la grange ; à peine les chevaux en ont-ils amené une, qu'ils repartent en chercher une autre. Dans un cas pressé, en supposant une demi-lieue de distance de la maison, et donnant une heure et demie de repos aux chevaux, [164] huit bons chevaux et dix hommes[N 3][C 3] activés, pour le chargement et le déchargement, par le maître et la maîtresse, amèneront, depuis cinq heures du matin jusqu'à neuf heures du soir, seize voitures de grains, qui, à cent soixante gerbes seulement par voiture, font deux mille cinq cens soixante gerbes. Ainsi, en supposant quinze mille gerbes pour trois charrues, six jours seront plus que suffisans pour rentrer les blés.

  • IIIe. Moyen - Faire peu de liage.

Pour ménager le tems et avancer davantage, je conseille aussi de faire lier rarement ; quand on lie, souvent les moissonneurs perdent plus de tems, parce qu'ils ont ensuite de la peine à se remettre à l'ouvrage. Il en est de même des calvaniers et des chargeurs : les premiers, quand les voitures ne se succèdent pas, perdent presque tout leur tems dans l'intervalle ; au lieu que, malgré eux, ils sont obligés de travailler quand la grange ne désemplit pas : les seconds perdent [165] aussi du tems à aller et venir ; au lieu que si les voitures se succèdent, ils restent dans le champ pour les charger l'une après l'autre.

Sur la fin de la moisson, quand le tas est haut et qu'il faut plus de monde, on prend, pour quelques jours, deux ou trois personnes à la journée ; et voilà encore l'avantage de rentrer son grain promptement et de suite, c'est de ne prendre que peu de tems cet excédant de personnes, dont on ne se peut malheureusement passer.

Tels sont les moyens généraux que nous proposons pour se procurer une récolte prompte et certaine, et commander, pour ainsi dire, au tems et aux orages. Examinons présentement chaque espèce de grain en particulier, et la manière de le récolter avec avantage.

Seigle.

Ce grain est toujours mûr plus de quinze jours avant le pur froment. Pour connaître sa maturité, il faut voir si la paille commence à blanchir et si le grain est sec ; car l'épi n'est pas comme celui du blé, il se courbe long-tems avant la maturité du grain : cependant il ne faut pas trop attendre pour le couper, autrement il pourrait verser à cause de sa hauteur ; d'ailleurs, la paille, si elle était trop sèche, ne serait pas bonne pour faire [166] des gluys[N 4][C 4], qui en sont l'emploi ordinaire. Lorsque le tems est beau, on laisse le seigle deux ou trois jours sur la terre, afin de faire grossir le grain, et c'est ce qu'on appelle javeler ; si, au contraire, on craint la pluie, il faudra s'empresser de le rentrer, parce que si la paille était mouillée, elle ne serait plus si ferme pour faire des liens. Quand on n'a pu réussir à le rentrer parfaitement sec, il faut mettre les gerbes au soleil avant que de les battre, parce qu'autrement elles deviendraient trop humides et se gâteraient au point de se casser lorsqu'on les emploierait pour lier. Mais le mieux est de rentrer le seigle bien sec ; car s'il ne l’est pas, comme on ne peut battre tout sur-le-champ, il arrive qu'il s'échauffe dans le tas. En 1801, où le commencement de la moisson fut très-pluvieux, je fis couper les seigles aussi-tôt la cessation de la pluie ; la paille était sèche, mais le grain était encore un peu mou : aussi, dix à douze jours après la rentrée du seigle, le tas s'échauffa au point qu'il sentait mauvais et qu'il fallut le détasser. C'est une règle générale que [167] tout grain qui n'est pas parfaitement sec, devient moite dans le tas ; celui qui est très-sec devient même un peu humide, dans le moment qu'il jette son feu ; à plus forte raison celui qui ne l'est pas y prend-il une humidité qui souvent lui devient pernicieuse

On doit mettre à part, à la grange, le seigle récolté, de manière qu'on puisse l'avoir pour le battre au besoin. On doit sur-tout séparer le seigle pour semer, qu'on doit laisser beaucoup plus mûrir que l'autre, au risque que le gluys ne soit pas si bon ; on en sera amplement dédommagé par la reproduction de la semence. Cette observation est plus utile qu'on ne pense : souvent on coupe le seigle de bonne heure pour avoir de meilleurs gluys, sans s'embarrasser du grain ; ce qui fait que la semence vient à manquer, comme dans les deux dernières années, où le seigle est devenu fort cher. Je me suis toujours bien trouvé de la méthode de choisir une semence bien mûre, et je la conseille comme autorisée par l'expérience et par les meilleurs chimistes.

C'est aussi une excellente méthode d’avoir des gluys de l'année précédence, pour les deux tiers au moins de sa récolte. On peut, avec cette précaution, prendre ses calvaniers quinze jours plus tard, ce qui est déjà une grande économie, puisque, comme je l'ai déjà dit, c'est duperie de [168] prendre des calvaniers pour battre. On aura, en outre, l'avantage d'avoir des gluys tout prêts, dont les moissonneurs profiteront pour faire des liens d'avance, soit dans des momens de pluie, soit avant d'entrer en pleine moisson ; car, c'est un tems perdu que de faire des liens lorsqu'il faudrait couper les grains, et on se trouve fort embarrassé quand le tems menace et qu'on n'a pas de liens : l'embarras est encore plus grand quand on n'a pas de gluys ; les calvaniers battent alors le seigle à moitié pour livrer du gluys ; l'ouvrage est mal fait, et on perd un tems précieux pour la rentrée des grains.

Bizaille.

Les bizailles[N 5][C 5] sont bonnes à couper avant ou après les seigles, suivant leur exposition, l'époque à laquelle elles ont été semées, et le plus ou moins de chaleur du tems. L'usage qu'on veut en faire décide aussi du moment de les couper ; si on les réserve pour graine, il faut qu'elles soient parfaitement mûres et sèches, et on ne doit pas s'embarrasser beaucoup du fourrage, pourvu que le grain soit bon. En général, il faut garder pour graine celles qui sont semées le plus tard, ainsi [169] que les moins fortes ; celles qui sont semées le plus tard, parce qu'alors on n'est pas obligé d'interrompre les blés pour les aller scier, et qu'on ne regrette pas de les voir sécher et consumer para chaleur, puisqu'elles ont besoin d'un grand degré de maturité ; les moins fortes, parce qu'il y a moins de perte pour le fourrage. Ordinairement les plus fortes sont celles semées à une seule façon et qu'on destine pour la nourriture des chevaux ; il suffit, pour les couper, qu'elles soient moitié mûres, c'est-à-dire, moitié vertes, moitié jaunes ; cependant il faut que les cosses soient bien formées, parce qu'autrement le fourrage n'aurait aucune qualité, les cosses en faisant tout le prix.

Il est important de choisir un tems décidément beau pour couper les bizailles, parce qu'il faut un soleil beau et ardent pour les mûrir : aussi, si on est surpris par la pluie, il faut avoir attention de profiter du premier moment de beau tems pour les retourner, de peur que le fourrage ne noircisse et ne se gâte : trois jours d'humidité suffisent pour le rendre poudreux. Si donc on a été dans l'impossibilité de retourner ses bizailles, et que la pluie ait été de longue durée, alors il faut, si le tems redevient beau, changer leur destination en les réservant pour semence, le fourrage ne pouvant plus servir qu'à faire du fumier : par [170] conséquent, il faut les laisser sur la terre jusqu'à ce que les cosses et le grain soient parfaitement secs et jaunes. Une précaution indispensable pour prévenir ce malheur, autant que faire se peut, c'est d'ordonner aux moissonneurs de faire de petits tas, appelles en langue picarde oviaux ; plus ils sont gros, plus ils s'imbibent d'eau, et plus aussi ils ont de peine à ressuyer ; il faut donc tenir la main à ce que les moissonneurs les fassent petits, ce qui n'est pas chose aisée ; car ils s'obstinent souvent à les faire gros pour avoir plutôt fait. La surveillance du maître est encore là d'une nécessité indispensable.

Il ne faut pas prendre moins de précautions pour lier la bizaille que pour la couper ; si le tems est beau, il faut, au bout de deux ou trois jours, la retourner, afin que le dessus se mûrisse et se jaunisse par la chaleur du soleil. La règle pour la retourner, c'est qu'elle soit bien mûrie d'un côté ; et lorsqu'elle l'est également des deux, on la lie. La qualité du grain et le tems décideront du moment favorable. Si le grain n'est pas trop sec, et que le tems soit frais, il faut la lier sur les deux heures après-midi, pour concentrer la chaleur et que le grain conserve son degré de sécheresse. Si, au contraire, le fourrage est plus sec qu'il ne faut parce qu'on n'a pu le lier au moment précis, ou que le tems était extrêmement chaud, alors il faut [171] lier la bizaille aussi-tôt la rosée du matin, ou une heure avant le coucher du soleil ; autrement la chaleur la briserait tellement que toutes les cosses s'ouvriraient et que le fourrage perdrait une partie de ses fanes.

Vesce d’hiver.

La vesce d'hiver est d'un grand produit lorsqu'elle réussit, et il n'est pas rare de récolter, dans un arpent, quatre cens cinquante bottes. Mais, en revanche, elle demande encore plus de précautions que la bizaille ; elle se consomme autant à la chaleur, souffre davantage de la pluie, et ses cosses sont plus sujettes à s'ouvrir. Ce que ces deux grains ont de commun, c'est qu'ils ont infiniment plus besoin de beau tems que les céréales, sur-tout s'ils ne sont pas entièrement mûrs lorsqu'on les coupe ; ce qui est nécessaire si on veut en faire du fourrage. Et voilà pourquoi on se hâte de les couper avant les blés, et de profiter du beau tems pour les rentrer ; c'est une chose extraordinaire qu'on préfère ainsi, tous les ans, la nourriture des chevaux à celle des hommes. Cependant il est presque impossible de faire autrement ; le seul remède c'est de mettre ses vesces d'hiver dans des endroits où leur exposition les fasse mûrir avant ou après les blés, afin de n'être pas obligé d'être partagé par tant d'inquiétudes. Au reste, il faut [172] diviser la vesce d'hiver comme la bizaille, en vesce pour fourrage et en vesce pour semence, et proportionner le degré de maturité à l'usage qu'on veut en faire ; les tas doivent aussi être petits, de crainte que la pluie ne les abreuve au point de ne pouvoir sécher : cette précaution est encore plus nécessaire pour la vesce d'hiver, qui boit plus l'eau que la bizaille, et fait presque comme une éponge. Il faut donc la retourner promptement lorsqu'elle a été mouillée, quand on devrait la retourner plusieurs fois ; ce qui ne l'écosse pas lorsqu'elle est humide. Les moissonneurs sont, il est vrai, paresseux de retourner plusieurs fois, et prétendent ne devoir les retourner qu'une fois ; mais il ne faut pas les écouter, et quand ils l'auront retournée plusieurs fois, pour ne pas leur faire perdre de tems, on gagnera encore à la faire retourner par les calvaniers, plutôt que de la laisser gâter. Une observation importante pour tous les fourrages graineux, lorsque le tems est pluvieux, c'est, avant de les lier, d'examiner si le dedans est bien sec ; souvent le dessus et le dessous le sont que le dedans est encore humide ; alors il ne faut pas hésiter de faire ouvrir tous les petits tas ; cela demande du tems, il est vrai, et écosse même un peu le grain, mais c'est indispensable, si on veut le récolter bon ; autrement il est presque impossible qu'il sèche parfaitement, à moins [173] d'un beau tems, qu'on attend quelquefois en vain, et il arrive même alors que le combat de l'humidité avec la chaleur produit une espèce de noirceur qui fait gâter le grain. Mais, je le répète, toutes ces précautions ne doivent être prises que dans le cas d'un tems constamment pluvieux, et c'est toujours une dure nécessité que de retourner plus d'une fois.

Dans quelques endroits, on a l'habitude de laisser faucher les vesces par les moissonneurs ; ce qu'ils aiment beaucoup mieux, parce que cela est bien plutôt fait, mais aussi le grain s'écosse alors bien davantage. Il ne faut donc permettre de le faucher que quand il est peu fort ou rempli d'herbe : il faut sur-tout s'y opposer pour le grain destiné à semer, qui, étant plus mûr, s'écosse plus aisément et ne se bat jamais si bien lorsqu'il est fauché, parce que les cosses se trouvent de tout sens dans les bottes et souvent enveloppées d'herbes. On ne fauche pas les bizailles parce qu'elles sont trop hautes et ne se traînent pas à terre comme les vesces ; cependant, lorsqu'il arrive qu'elles sont absorbées par l'herbe, et que par conséquent elles ne sont pas fortes, il y a plus de profit à les faire faucher, parce qu'on coupe l'herbe avec, ce qui fait un excellent fourrage ; bien entendu que ce n'est que pour celles qu'on ne choisit pas pour la semence, qu'on doit [174] toujours récolter sans aucun mélange. Quelquefois le fourrage des bizailles et vesces destinées pour semence, paraît se réduire et se consommer par la chaleur, qui réellement en diminue la quantité ; mais aussi, lorsqu'on l'a coupé, le fourrage ne fraie presque plus, et deux jours au plus de beau tems suffisent pour le rentrer ; au lieu qu'en le coupant moitié vert, moitié sec, on le voit frayer de près de moitié, et il a besoin souvent de plus de huit jours pour être parfaitement sec.

Lentilles.

Ce grain ne demande pas tant de précautions que les précédens ; comme il est moins épais, il mûrit plus aisément et tout à la fois ; ce qui n'arrive guère aux bizailles et vesces, dont une partie quelquefois se pourrit, tandis que l'autre est encore toute verte. Presque toujours on le fauche, parce qu'il vient rarement assez haut pour être scié, et on n'attend pas une parfaite maturité, afin qu'il ne s'écosse pas ; si cependant on le réservait pour graine, il vaudrait mieux employer la faucille.

Blé.

Le grain le plus nécessaire à l'homme est en même tems le plus facile à récolter, et celui qui lui apporte le plus de profit. Aussi-tôt qu'il est mûr, ou peut le couper, le lier, le rentrer, le [175] battre et le manger ; est-il mouillé, quelques heures de soleil suffisent pour le ressuyer. Le cultivateur doit donc souvent attribuer à son avidité ou à sa négligence, s'il ne le rentre pas dans le degré de bonté nécessaire. Le blé est-il mûr ou sec, on ne le trouve pas assez gros ; on le laisse un tems considérable sur terre pour le faire renfler, et on s'expose ainsi à tout perdre. Le tems paraît-il décidément au beau, on se tranquillise ; et au lieu de se hâter, on s'amuse à couper des grains qui ne pressent nullement ; on perd beaucoup de tems, dans la journée, à se reposer, et le mauvais tems vient avant qu'on ait enlevé ses blés. Car, les pluies ne sont pas le seul fléau à craindre pour eux ; il vient souvent des vents impétueux qui les écossent quand ils sont fort mûrs. On se presse alors de les couper, et on oublie mille précautions nécessaires pour la bonté du grain. Prenons donc un juste milieu entre l'avidité et la négligence, entre une trop grande sécurité et une précipitation dangereuse. Les avis que je vais donner fourniront, j'espère, les moyens de récolter sûrement ce grain précieux.

  • Quand il faut couper le blé

Lorsque le tuyau est bien blanc, que l'épi fait le crochet, que le grain est bien sec et croque sous la dent, c'est alors qu'il faut couper le blé ; [176] cependant il ne faut pas attendre toutes ces qualités pour le premiers blés, parce qu'on ne peut les couper tous le même jour, et que si l'on différait, les derniers seraient si mûrs qu'ils se courberaient et fonderaient, pour ainsi dire, peu-à- peu, sur-tout s'ils étaient forts : d'où il résulterait deux inconvéniens ; on ne pourrait lier le blé sans casser une partie des tuyaux, ni le charger sans écosser le grain, comme il arrive souvent dans les années de sécheresse ou de grands vents. Il faut donc moins exiger des premiers, pour ne pas perdre les derniers ; mais, en revanche, avoir soin de les laisser sur terre cinq ou six jours, si le tems est beau ; c'est ce qu'on appelle laisser javeler le blé, dont le grain se mûrit, grossit et fructifie par les rosées bienfaisantes de la nuit.

Certains cultivateurs tombent dans un défaut opposé ; ils coupent leurs blés presque tout verts, afin que le grain soit plus gros et ait plus de couleur. Mais cet avantage n'est rien en comparaison de la perte qu'ils éprouvent sur le battage, le grain sortant difficilement de la cosse, et se brisant même quelquefois plutôt que de la quitter. Columelle, en recommandant qu'on ne laisse pas trop durcir le grain, pour qu'il ne devienne pas la proie des oiseaux et des vents, veut qu'on ne mette la faucille que dans les champs jaunis par le soleil. Nous pensons aussi, comme lui, que le [177] blé se perfectionne et s'améliore dans les granges. Ut potiùs in acervo quam in campo grandescant frumenta[N 6][C 6].

Les blés méteils étant les premiers mûrs, on doit commencer par eux et finir par les blés purs. Cependant, si le tems est incertain, on ne doit pas attendre si tard à couper les blés purs, qui méritent toute l'attention du cultivateur, parce qu'ils ont plus de valeur que les autres. Dans les blés méteils, le seigle est toujours mûr huit jours avant le blé ; ce n'est pas une raison de les couper plutôt, parce qu'il faut que le blé ait aussi son degré de maturité. Les blés en côte exposées aux vents, doivent aussi être coupés les premiers, parce qu'ils sont plutôt mûrs, et plus en danger d'être versés et écossés. Au contraire, ceux qui sont dans les fonds doivent être laissés pour les derniers, sur-tout s'il règne de grands vents, et que néanmoins le tems soit au beau ; car, s'il était incertain, il faudrait les débarrasser promptement, parce que, en cas de pluie, ils seraient plus long-tems que d'autres à ressuyer, et plus difficiles à charrier. On doit aussi avoir soin de se débarrasser d'abord des petites pièces séparées, et de celles qui avoisinent un champ déjà moissonné ou qu'on moissonne, afin de les soustraire à [178] l'avidité des glaneurs, qui sont toujours tentés d'approcher des blés où ils ne trouvent personne pour arrêter leurs incursions.

  • Comment il faut scier le blé

Cet article important fait le tourment du cultivateur. Les moissonneurs, pour ne pas tant se fatiguer et avancer davantage, scient les blés fort haut, mènent une route trop étendue, c'est-à-dire, ne posent le blé par terre que quand ils en ont beaucoup dans la main. De cette manière, ils laissent beaucoup d'épis, qui tombent parce qu'ils ne sont pas soutenus par la paille, qu'ils couperaient s'ils sciaient plus bas, ces épis étant presque toujours des épis tardifs, dont le tuyau est par conséquent très-bas et à peu de distance de terre. Il tombe aussi beaucoup d'épis de leurs mains, qui ne peuvent contenir tout le blé, et par conséquent en laissent échapper ; ils ont beau soutenir leur poignée avec la faucille, l'épi tombe et reste sur le champ. Plus ils scient bas, plus ils se fatiguent, parce qu'il faut se courber davantage ; cependant cela est indispensable pour éviter une grande perte. La paresse n'est pas le seul motif des moissonneurs pour scier haut ; dans les endroits où l'on couvre en chaume, ils y sont encore engagés par l'intérêt qu'ils ont à avoir davantage de chaume, [179] l'usage étant de leur en donner une partie. Mais on peut les en corriger, en les menaçant de ne pas leur donner la pièce où ils en auront fait beaucoup ; et, si leur négligence est générale, en leur donnant une part beaucoup plus petite.

Ce doit donc être une des principales occupations du cultivateur pendant la moisson, que de surveiller la manière dont le blé est scié. Il doit d'abord regarder s'il est scié bas, et, s’il est trop haut, exiger qu'on scie plus bas ; se promener ensuite dans chaque route, examiner s'il y a beaucoup d'épis à terre, et gronder ceux qui en laissent le plus tomber. Il y a toujours des gens plus maladroits et plus paresseux que les autres, et il faut les réprimander, pour louer ceux qui font bien, et les leur proposer pour modèles. Il est d'autant plus nécessaire de savoir distinguer les bons ouvriers d'avec les mauvais, que cela est utile pour l'année suivante, où l'on aura soin de se défaire des maladroits, des incorrigibles, des mutins qui refusent d'obéir et gâtent ceux qui veulent bien faire.

On met quelquefois peu d'importance à la manière de scier, ou, si l'on en met, on se laisse aller par bonté pour les moissonneurs, et parce qu'on se lasse de redire inutilement la même chose. Cependant on prendra des moyens plus sérieux pour faire cesser cet inconvénient, si on [180] se persuade quel tort on éprouve quand le blé est scié trop haut et mal ramassé. Pour s'en convaincre, on n'a qu'à examiner que les petits propriétaires qui scient leurs blés eux-mêmes, ont bien plus de gerbes que ceux qui le font faire par des mains étrangères. Dans les commencemens j'étais surpris de voir récolter infiniment plus que moi dans une pièce voisine de la mienne, et je ne pouvais en deviner la raison. Je l'ai apprise depuis ; c'est que les petits propriétaires faisant leur ouvrage eux-mêmes, scient leurs blés avec toute la précaution possible. Et comment pourrait-il se faire qu'il y eût peu de perte pour nous, quand on considère la quantité d'épis qu'emporte un glaneur ? J'estime qu'il ramasse aisément au moins un 6e. de gerbe dans un arpent coupé suivant la méthode ordinaire ; car il ne faut pas qu'une botte d'épis glanés soit bien forte pour valoir le 6e. d'une gerbe, parce qu'il n'y a pas de paille, et que les épis sont serrés les uns contre les autres. En supposant donc quarante glaneurs dans un arpent de terre, à un 6e. de gerbe chacun, c'est environ sept gerbes par arpent. Ainsi un propriétaire de cent arpens en blé perdrait tout de suite sept cens gerbes, qui lui font environ vingt sacs[N 7][C 7] ; et voilà comment les plus petites négligences[181] coûtent prodigieusement aux cultivateurs. Le profit du glaneur est encore plus considérable lorsque le blé est coupé haut et avec négligence, puisque j'ai basé mon calcul d'après les sciages ordinaires. La perte serait beaucoup plus grande encore, si les blés étaient fort versés ou mêlés par les vents. Je conseille donc de faire la plus grande attention à la manière de couper le blé, et je n'ai que trop éprouvé combien cela est essentiel.

  • Liage du blé

Il faut laisser le blé en javelle plus ou moins suivant les circonstances. S'il y a de l’herbe, il faut absolument qu'il reste sur terre, afin que le soleil fane et flétrisse entièrement l'herbe, qui autrement gâterait toute la paille, et lui donnerait un mauvais goût. On doit avoir cette précaution, quand même le tems serait incertain ; car il ne peut rien arriver de pire au blé que d'être gâté, et il le serait certainement, si l'herbe n'était pas morte. C'est une maxime qu'on doit [182] toujours suivre, que de ne jamais rentrer de grain qui ne soit pas bon, parce qu'alors il n'y a pas de remède. Tant qu'il est dans les champs, on peut toujours espérer, et une journée de beau tems suffit pour guérir le mal de plusieurs journées désastreuses, ou au moins pour y apporter quelques adoucissemens ; au lieu que, lorsqu'il est dans la grange, il n'y a plus rien à faire, et l'on a la douleur de le voir gâter sans ressource. Prenez donc à tâche de rentrer toujours votre grain le meilleur possible. Il n'y a qu'un cas où l'on puisse hasarder de rentrer le blé sans que l'herbe soit entièrement morte, ou que le grain soit parfaitement sec ; c'est lorsque le tems est tellement dérangé qu'il est à craindre que le blé ne germe sur terre. Dans ce cas, il faut l'emporter tel qu'il est, sur-tout si la quantité n'est pas trop considérable pour qu'on puisse la mettre au milieu d'un tas de blé parfaitement sec. Alors la chaleur du blé de dessus et de dessous dissipe promptement l'humidité ; et c'est l'attention qu'il faut avoir pour tous les blés qu'on ne peut rentrer parfaitement secs, à plus forte raison lorsqu'on est surpris par la pluie pendant le liage ou le transport.

Lorsque le blé est très-sec, et que les grandes chaleurs le dessèchent encore, il faut le laisser javeler cinq ou six jours, sans trop compter [183] cependant sur le beau tems ; car il arrive presque toujours qu'un tems constamment beau pendant une longue suite de jours, est suivi de pluies continuelles qui gâtent et font germer le blé, comme il est arrivé en 1800, où les blés étant miélés et le tems fort sec, la majeure partie des cultivateurs laissèrent leurs blés sur terre pour les laisser grossir. Au milieu de la moisson, il survint une pluie si continuelle, que les blés germèrent non -seulement à terre, mais même sur pied. L'année suivante fut toute opposée : les commencemens de la moisson furent dérangés par un orage si fort, qu'il fit germer le blé au bout de trois jours de sciage. Le tems s'étant remis, les malheurs de l'année précédente engagèrent à enlever le blé presqu'aussi-tôt qu'il était coupé, en le laissant tout au plus vingt-quatre heures sur terre. On ne peut donc donner de précepte sur le tems qu'il faut laisser javeler le blé ; je conseille seulement de ne pas imiter la cupidité de ceux qui, voulant trop gagner, s'exposent à tout perdre, en laissant par terre une grande quantité de blé. Si les pluies viennent, ils se trouvent dans une vive inquiétude ; si ensuite il survient quelques momens favorables, ils manquent de bras, de chevaux et de tems pour rentrer leur blé ; et après avoir été trop difficiles pour l'enlever, ils se voient contraints quelquefois de le [184] serrer tout mouillé. La prudence défend de trop exposer et de défier, pour ainsi dire, la Providence : les blés ont-ils besoin de rester en javelles pour grossir et profiter, laissez-en au plus le quart sur terre, n'en coupez pas d'autre que celui-là ne soit rentré ou sur le point de l'être. N'attendez pas qu'il soit excessivement grossi pour le rentrer ; contentez- vous qu'il soit bien rond et bien nourri, qualité qu'il acquerra au bout de cinq ou six jours qu'il aura été sur terre, par la fraîcheur de la nuit et l'abondance des rosées ; alors vous aurez du bénéfice à le rentrer ; et s'il n'est pas aussi gros qu'il pourrait l'être, au moins il sera bien sec et de bonne qualité, sur-tout si vous prenez les précautions nécessaires pour le lier.

  • De la journée où il faut lier

La qualité du blé et le tems doivent encore décider du moment de la journée où il faut lier. Si le blé n'est pas entièrement sec, si le tems est frais, et qu'on soit néanmoins contraint de l'enlever, alors il faut le lier pendant la chaleur du jour, afin qu'il se conserve sec. Il faut choisir un autre moment, si le tems est chaud et le blé très-sec ; pour éviter qu'il ne se casse, il faut le lier le matin, aussi-tôt la rosée, jusqu'à neuf heures, ou le soir au plutôt une heure avant le coucher du soleil ; il faut aussi avoir attention de ne pas [185] le charrier pendant la grande chaleur, de peur qu'il ne s’écosse en le chargeant et dans le transport.

Pour que les gerbes soient bien liées, il faut qu'elles ne soient pas trop fortes, mais bien serrées et égales, autant que faire se peut. C'est un défaut ordinaire aux moissonneurs de ne pas assez serrer leurs gerbes ; il arrive de là qu'elles se délient sur le tas, et laissent ainsi une ouverture aux souris, qui coupent le blé et en perdent encore plus qu'elles n'en mangent.

  • Glanage

Il serait à désirer que les autorités constituées fissent observer rigoureusement les lois sur le glanage, qui défendent de glaner avant que le grain ne soit enlevé ; ce serait un grand avantage pour le propriétaire, qui ne serait pas obligé de soutenir une guerre continuelle et accablante contre les glaneurs ; au moins faut-il les obliger à n'entrer dans le champ que lorsque les gerbes sont en dixeau. Quelquefois ils se permettent d'y entrer aussi-tôt qu'on lève la première gerbe ; d'où il résulte un grand désordre, les glaneurs se mêlant avec les moissonneurs et profitant de cette confusion pour tirer des épis des gerbes. Mais ce qui est encore plus essentiel, c'est d'avoir soin qu'ils n'entrent jamais dans les javelles ; il faut le [186] défendre expressément aux moissonneurs, les surveiller au moment qu'ils ne s'y attendent pas, principalement pendant le repos du midi, et dans les champs où les moissonneurs ne sont pas.

  • Arrangement des gerbes dans la grange

Les gerbes doivent être bien serrées l'une contre l'autre, pour ne laisser aucun jour aux souris. Tous ne savent pas également bien tasser, aussi faut-il choisir un homme fort et vigoureux, qui soit au fait de bien placer et serrer les gerbes. Ce sera toujours le même homme qui les tassera, afin qu'elles soient placées d'une manière uniforme, et que l'on ne puisse s'en prendre qu'à un seul, si les choses sont mal faites. Ces précautions demandent un peu plus de tems ; aussi, lorsqu'on est pressé, doit-on décharger les gerbes sur le devant de la grange, où les déchargeurs les prennent ensuite pour les donner au tasseur.

Les différentes espèces de blé ne doivent pas être confondues ensemble, mais être mises chacune à leur place. J'en distingue de cinq sortes, seigle, blé-méteil, blé-muison, blé pur, blé pur de semence de première qualité. Si donc on a plusieurs granges, chacune aura sa destination ; et si une seule contient plusieurs sortes de blés, on la divisera en autant de séparations qu'il sera [187] nécessaire. Ainsi, on mettra pardevant du seigle, ensuite du blé-méteil, puis du blé pur, ayant soin de mettre, toujours en avant, le blé le moins précieux ; car, comme le plus éloigné s'écosse toujours sur celui de devant, sur lequel on est obligé de le passer, on sent que le méteil gâterait infailliblement le pur, si on le mettait au dernier rang

  • Rentrée du mai.

Lorsqu'on rentre la dernière voiture de blé, c'est l'usage de mettre au haut une grosse branche verte entrelacée de bouquets, en signe de réjouissance. La gaieté et la joie président d'ordinaire à cette cérémonie, plus ou moins brillante suivant les endroits ; mais toujours intéressante pour le moissonneur, à qui elle fait oublier promptement ses sueurs et ses fatigues ; bien plus intéressante encore pour le propriétaire, qui voit avec satisfaction ses inquiétudes finies, ses richesses assurées. Quelle joie fut plus pure ! quelle joie fut plus méritée ! Non, je le répète, je ne puis la comparer qu'à celle du pilote qui annonce la terre à son équipage ; tous ensemble font retentir les côtes de leurs acclamations.

La fête n'est pas pour les moissonneurs seuls ; les glaneurs y participent aussi, et on leur donne ordinairement quelques gerbes de blés : c'est une [188] aubaine qu’on ne doit pas leur refuser, plutôt par crainte que par récompense ; trop de sévérité ferait des mécontens, et engagerait les méchans à couper du blé la nuit, comme cela arrive quelquefois. De tous tems, il a fallu faire la part des voleurs ; et Olivier disait ingénûment :

Qu'avec larrons
Convient de faire nos moissons.[2]

Section deuxième.

Culture des terres pendant le mois d'Août.

Les occupations du cultivateur ne se bornent pas à la rentrée de sa récolte ; tous les soins, toutes les peines qu'elle exige ne doivent pas lui faire oublier celle de l'année suivante : plus le tems des semences avance, plus il est intéressant de bien préparer la terre. Il doit donc employer à la culture tous les instans que lui laisse la rentrée de ses grains, et doit être avare d'un loisir qu'il eût négligé dans toutes autres circonstances. Lorsqu'il fait beau pendant la moisson, le cultivateur joint à l'avantage de perdre beaucoup moins de tems à la rentrée des grains, celui de pouvoir donner aussi à sa culture un tems plus suivi. Les terres mêmes en exigent beaucoup moins ; la chaleur, consumant l'herbe, les conserve en bon état, et ne donne d'autre soin que [189] celui de faire tranquillement le troisième labour. Il n'en est pas de même lorsque la saison est pluvieuse ; il faut se déranger à chaque instant pour la rentrée des grains ; quelquefois même le tems est si inquiétant, qu'il faut que la voiture ne quitte pas les moissonneurs, pour transporter le blé aussi-tôt qu'il sera bon à lier ; cependant les pluies continuelles font verdir les terres ; elles soupirent après la charrue et la herse : plus on retarde, plus le mal gagne ; mais il est impossible d'y remédier. Tous les momens de beau tems sont destinés à la rentrée des grains ; on en perd beaucoup pour les charrier, parce qu'on profite d'un rayon de soleil pour aller les chercher, et que néanmoins la pluie oblige quelquefois de rentrer avant même que d'être arrivé au champ. C'est ainsi qu'une perte amène une autre perte, et qu'un tems désastreux, en ruinant la récolte présente, fait encore trembler le cultivateur pour la future. Son activité peut seul remédier à tant de maux. Ses domestiques et ses chevaux, s'il sait en tirer parti, lui feront remporter de grandes victoires sur le tems ; les premiers, persuadés de la nécessité de redoubler de travail, et attachés à leur maître, feront les plus grands efforts, sur-tout si on sait les apprécier et les récompenser à propos ; pour les seconds, quelques grains d'avoine de plus leur donneront un [190] courage infatigable. Oh! que ceux-là connaissent peu le cheval, qui proposent de substituer le bœuf à cet animal incomparable ! Que faire du bœuf et de son pas lent, lorsque les travaux pressent ? Vous avez beau l'aiguillonner, son pas est toujours tardif. Comparez-le avec le cheval ; celui-ci quitte le harnais ; mais le tems presse, il faut repartir ; une poignée de fourrage, une mesure d'avoine, lui rendent ses forces et son courage : il part aussi vite que l'éclair ; la voix seule de son conducteur l'anime et le dirige. Mais où m'emporte mon amour pour le plus utile des animaux? Retournons à notre charrue, décrivons ses travaux.

Culture de la terre.

C'est sur-tout dans le mois d'Août qu'on doit faire usage de la herse de fer, lorsque le transport des grains empêche de continuer les labours. Quelquefois on se réjouit qu'ils soient fort avancés ; mais ce n'est pas toujours un avantage : car, s'il vient ensuite de fortes pluies, la terre peut éprouver deux maladies ; celle de se battre fortement, ou celle de pousser trop d'herbe, ce qui est également l'effet des grandes pluies, les pluies douces et longues faisant produire de l'herbe, et les pluies abondantes battant la terre. Pour éviter ces inconvéniens, il ne faut pas, comme je l'ai dit en Juillet, donner trop tôt le troisième labour [191] aux terres qu'on doit semer à la charrue. Mais, dira-t-on, s'il pousse de l'herbe après ce labour, on peut y remédier en labourant la terre de nouveau. Mais, 1°, on n'a pas souvent le tems de donner un labour de plus ; 2°, il y a souvent de l'inconvénient à donner plus de quatre labours ; j'en ai fait l'essai, et j'ai éprouvé que la terre rapportait bien en blé, mais que la récolte en mars était inférieure à celle des terres moins labourées. Cela peut varier suivant les localités ; une terre légère (et c'est le sentiment de Valerius) n'ayant pas autant besoin d'être labourée qu'une terre compacte ; mais toujours est-il vrai que la trop grande fréquence des labours épuise la terre, dont elle absorbe promptement tous les sucs et toute la fertilité. L'expérience confirmera ce que j'avance, et fermera la bouche à bien des raisonnemens inutiles.

D'après ce principe, je conseille, quand les terres deviennent trop vertes, de les herser deux ou trois fois par beau tems, pour arracher l'herbe, ou du moins en arrêter les progrès ; il arrive souvent, je l'avoue, quand il vient, de tems en tems, de la pluie, que tous les moyens possibles sont inutiles pour remédier à l'abondance de l'herbe, et c'est ce qui est arrivé en 1801, où l'herbe poussait derrière la charrue ; alors il faut attendre que la nature se guérisse d'elle-même. Presque [192] toujours après ces tems de pluie, il vient un tems sec et favorable pour donner le dernier labour. L'herbe se brûle alors au soleil, et ne pousse plus, de manière que la terre reste en bon état. Il est vrai que souvent les pluies ont rendu la terre si dure qu'elle se taille par grosses mottes, au lieu de se réduire en petites molécules ; mais cela ne doit pas effrayer le cultivateur : il saura profiter de la première petite pluie pour casser les mottes avec la herse et le rouleau.

Semence des navets.

Si l’on veut semer des navets, et qu'on ait une terre propre pour cela, c'est-à-dire, sablonneuse ou au moins très-légère, il faut les semer aussi-tôt la récolte de seigle ; on en renfouit le chaume avec la charrue, puis on herse la terre de manière à la rendre en poussière ; après quoi on sème, le plus clair possible, la graine qu'on recouvre ensuite avec la herse et le rouleau.

Semence de trèfle.

On peut aussi semer du trèfle après le seigle, en ayant soin de bien préparer la terre. Souvent ces trèfles réussissent mieux que d'autres, ayant le tems de faire leur pied pendant l'hiver, et étant déjà forts quand ceux qu'on sème au printems suivant, sortent à peine de terre.

[193]

Parc.

Les grandes chaleurs enlèvent et consomment tous les sels du parc. Si donc les travaux d'Août ne permettent pas de le renfouir, il faut au moins le herser ; ce qui ne demande pas beaucoup de tems, puisqu'on peut le faire avec un seul cheval et par petite quantité.

Fumiers.

Les fumiers mis à la troisième raie ne réussissent pas en général, parce qu'ils n'ont pas le tems de pourrir et de s'incorporer à la terre ; cependant, si on n'a pu fumer toutes ses terres et qu'on ait du fumier pourri, qu'on le conduise dans les premiers jours d'Août, avant de donner la troisième façon ; les pluies qui surviennent quelquefois en automne, activent ces fumiers, qui sont toujours utiles dans les terres caillouteuses, qu'ils rendent légères.

Seconde coupe de luzernes.

Les luzernes doivent être coupées pour la seconde fois, dans les premiers jours d'Août, afin de pouvoir repousser une troisième coupe, ou au moins un regain pour la pâture des vaches[N 8][C 8].

[194]

Basse-cour. — Volailles.

Le mois d'Août est aussi intéressant pour la maîtresse que pour le maître. Si l'année a été heureuse, si ses soins ont réussi, elle a le plaisir de voir sa cour remplie de jeunes élèves. Déjà les jeunes coqs se font la guerre et avertissent de terminer leurs querelles, en détruisant le germe de leurs amours. Conservez les plus beaux, et sur-tout les plus haut montés sur jambe. Un coq doit avoir un beau plumage, une belle encolure, de longues pattes, une démarche fière et imposante, un chant mâle et vigoureux. Il n'en faut qu'un pour quatorze poules ; ainsi il est inutile et même dangereux d'en laisser davantage. Si on n'a pu réussir à élever des dindons, ou qu'on n'en ait qu'une petite quantité, c'est dans les premiers jours d'Août qu'il faut en acheter : ces dindons, ainsi pris au commencement de la moisson, se nourriront de tous les grains qu'on rentrera, et profiteront en peu de tems. Il y a souvent plus de profit à les acheter alors qu'à les élever, sur-tout dans les pays où il n'y a pas d'herbages, et qui ont par conséquent peu d'abris : ces animaux y sont difficiles à élever, meurent souvent avant que d'avoir poussé leur rouge, et alors on perd tous les soins et la nourriture qu'ils ont coûté. Qu'on n'oublie pas de plumer les oies, qui [195] doivent être plumés tous les deux mois dans la belle saison ; ceux de l'année sont déjà forts et ne doivent pas être oubliés.

Vaches.

Il faut commencer en Août à faire ses provisions de fromages salés, de beurré salé et fondu. Les vaches donnent plus de lait, parce qu'elles vont dans les champs nouvellement récoltés, et que d'ailleurs les secondes coupes procurent du beurre plus excellent que les premières. C'est aussi le tems de mener les vaches dans les regains de sainfoin, qu'on peut faire manger deux fois, au premier Août et à la fin de Septembre : rien ne procure un lait plus abondant et de meilleure qualité, que ce regain. Pour en tirer plus de profit, il faut avoir soin de ne le faire pâturer que peu à peu ; de cette manière tout se trouve mangé, et une partie repousse tandis que l'autre nourrit le troupeau.

Cochons.

Il est bon d'avoir, pendant la moisson, de petits cochons, qui ramassent le grain et coûtent peu à nourrir ; par conséquent, si les truies sont en retard, et que la portée ait manqué, il faut en acheter, et on les revendra avec avantage vers la mi-Novembre.

Notes

Notes originales et commentaires

Dans la suite de cette rubrique, sont associées (ligne par ligne) deux éléments complémentaires : les notes originales, telles qu'elles figurent dans l'ouvrage de Chrestien de Lihus (y compris lorsque la recherche montre des inexactitudes), et qui sont intangibles, et les notes additionnelles, issues des recherches effectuées pour compléter les informations lors de la mise en ligne ici, et qui peuvent être amendées par tout contributeur, à l'unique condition d'être précis dans les sources utilisées.

Notes originales (issues de l'ouvrage original) Notes complémentaires (du contributeur "wicrifieur")
  1. Fragilem truci commisit pelago ratem.
    Horat.
  2. L'Égypte, la Palestine.
  3. Ces dix hommes, composés de trois charretiers, cinq calvaniers, un homme de cour et un autre à la journée, ou même de la servante, car, dans le mois, d'Août, on oublie tout pour serrer les grains, et on n'épargne personne.
  4. On appelle gluys une botte d'environ 4 pieds de tour, composée de deux ou trois gerbes de seigle battu qu'on a gluyé, c'est-à-dire, dont on a ôté toutes les pailles courtes. Ce gluys sert à faire les liens, et on rassemble les courtes pailles qui tombent, pour servir de litère aux bestiaux.
  5. Les bizailles sont une espèce de pois gris dont on verra la définition en Mars.
  6. Columelle, liv. 21.
  7. Ce calcul ne paraîtra pas exagéré, si on considère qu’un habile glaneur ramasse dans la moisson, c'est-à-dire environ dans vingt-quatre jours, un sac de blé de trois cens pesant, ce qui fait un demi-boisseau par jour, en comptant douze boisseaux au sac. Ce demi-boisseau est le produit d'une gerbe et demie à trente-six gerbes par sac. Or, quel est le glaneur qui ne ramasse pas par jour une gerbe et demie dans neuf arpens, en ne prenant que son quarantième ?
  8. Voyez, en Juin, la manière de faner la luzerne.
  1. Traduction : "celui qui livra une nef fragile à la mer terrible", Odes, livre I, III, vers 10 et 11 [1,03,10]. Texte intégral et traduction du couplet sur Itinera Electronica.
  2. A voir.
  3. A voir.
  4. A voir.
  5. A voir.
  6. A voir.
  7. A voir.
  8. A voir.

Notes additionnelles

  1. Il est ici fait référence à l'ouvrage Praedium Rusticum, de Jacques Vanières (Jacobi Vanierii). La citation traduite ici est, en réalité, tirée du livre VII. Dans l'édition de 1774 (Joseph Barbou, Paris), on trouve la citation en page 179. Texte intégral sur Googlebooks.
  2. Le Théâtre d'agriculture et mesnage des champs, Olivier de Serres, chapitre 6, p. 57. La citation exacte - pas si ingénue - est  :
    "Qu'avec putains et larrons
    Convient faire nos moissons".
    Texte intégral sur Gallica.