Roland de Lattre (1840) Mathieu/Ode/VIII

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Cette page introduit la troisième partie d'un poème rédigé par Adolphe Mathieu, à la gloire de Roland de Lassus. Pour voir :

 

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La suite du poème

Partie VIII


« J'ai pu vaincre le temps, j'ai pu dompter l'envie,
Laisser au monde un nom qui ne périra pas,
Me créer une place à moi seul dans la vie
Et de mon existence, au désespoir ravie,
Faire honte en passant aux heureux d'ici-bas ;

J'ai pu, moi dans la foule exilé volontaire,
Voir les rois les plus grands m'admettre à leurs côtés,
Frotter à mes haillons leur pourpre tributaire,
Prosterner devant moi les gloires de la terre,
Et pâlir au contact de nos deux royautés ;

J'ai pu par ma touchante et sublime harmonie,
Apaisant dans son cœur le souvenir des morts,
De CHARLEs IX éteint ranimer le génie
Quand le monstre, écumant sur son lit d'agonie,
Pour expier son crime inventait des remords ;

J'ai pu voir tout un peuple, (et j'en rougis moi-même),
— O Dieu, pardonnez-leur, pardonnez-leur, mon Dieu ! -
Me confondre en ses vœux avec l'Étre suprême,
Et dans son fol amour, dans son délire extrême,
Frapper d'un nom mortel les voûtes du Saint-Lieu. (A)



Et toujours devant moi, comme une sentinelle,
Ce nom béni par eux dans l'ombre s'est dressé ;
Rien n'en put effacer la tache originelle,
Et comme un fer brûlant son empreinte éternelle
De mon front qu'il flétrit en mon âme a passé ;

Elle est là, toujours là, vivante, indélébile,
De mes traits obscurcis cachant mal la rougeur,
Comme un spectre, la nuit, qui vous fixe immobile,
Puis s'éloigne, et toujours plus hâve et plus débile,
Vous laisse palpitant sous un remords vengeur.

Lassus ! toujours ce nom dont leur foule idolâtre
M'a poursuivi trente ans, trente ans sans se lasser;
Lassus, toujours Lassus, jamais Roland de Lattre,
Jamais ce nom qu'enfant, ma mère, au coin de l'âtre,
Dans un baiser d'amour m'apprit à prononcer ! ...


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