Roland de Lattre (1840) Mathieu/Ode/I

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Cette page introduit des extraits d'un ouvrage intitulé Roland de Lattre écrit en 1840 par Adolphe Mathieu.

Sommaire

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Le texte


Hic ille est Lassus lassum qui recreat orbem,
Discordemque suà copulat harmonià.

A peine il était né que la foule empressée
L'avait pris dans ses bras, pauvre âme délaissée,
Et regardait l'enfant riant dans son sommeil ;
Tant sur ses traits, empreints de grâce et d'harmonie,
Brillait d'un doux éclat l'éveil de son génie....
Tant rayonnait son front vermeil !

Et l'enfant grandissait, comme au sein d'une mère
Bercé par la Cité dans ce calme éphémère
Qui présage toujours un orage lointain ;
Et sur son front déjà quelque chose de sombre -
Passait, — comme l'on voit la lumière avec l'ombre .
Lutter sous un ciel incertain. —

L'église (en ce temps-là puissante et maternelle),
L'avait sauvé des flots et couvé sous son aile,
Pauvre enfant que le monde en naissant exilait ;



Il était de ceux-là qui sous les saints portiques
Du Seigneur tout le jour répètent les cantiques,
Et que la Foi nourrit du plus pur de son lait.

Quand sa voix, emplissant la vaste basilique,
Sous les larges arceaux de la nef catholique
En flots harmonieux montait avec l'encens,
Plus belles du Seigneur paraissaient les louanges,
Et l'on croyait entendre, en haut, la voix des anges
Qui répondait en chœur à ses divins accents.

A peine dans sa bouche expirait l'hymne sainte,
Que le peuple, au sortir de la pieuse enceinte,
Suivait le jeune enfant et lui tendait la main;
Comme pour consoler d'un malheur qu'elle ignore
Cette âme aimante et douce, et qui ne fait encore
Qu'essayer l'existence et chercher son chemin.

Mais lui, comme un beau jour qu'un froid nuage efface,
Hâtait ses pas dans l'ombre et détournait la face
Loin des regards amis, pour cacher un long pleur;
Et tous, avec amour, s'écriaient : « Qu'il prospère !
Pauvre enfant, orphelin du vivant de son père....
Pauvre lis flétri dans sa fleur ! » —



Un jour pourtant, un jour qu'à peine commencée,
S'arrêtait la prière en rythmes cadencée
Et qu'une voix manquait au céleste concert,
D'un unanime instinct toute la foule avide
Se tourna tristement vers une place vide....
Et le temple parut désert.

C'est qu'il n'était plus là celui de qui les larmes
Aux psaumes consacrés prêtaient de nouveaux charmes ;
On fit à le chercher des efforts superflus ;
Nul ne put de ses pas retrouver le vestige,
Et, comme un bel oiseau qui s'échappe à la tige,
L'ange envolé ne revint plus.