Roland de Lattre (1840) Mathieu/Ode/VII

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Cette page introduit la neuvième partie d'un poème rédigé par Adolphe Mathieu, à la gloire de Roland de Lassus. Pour voir :

 

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La suite du poème

Partie VII


Aux vallons de Meising, sur la pente affaissée
Qu'arrosent de l'Amber les flots capricieux,
Quand il s'arrête seul, seul avec sa pensée,
Comme un ange déchu qui se souvient des cieux ;

Quand dans ce frais asile aux clôtures de chêne,
Voyant les fleurs tomber et les arbres jaunir,
Parfois il se recueille, et de sa fin prochaine
Par un beau soir d'automne aime à s'entretenir ;

Quand laissant au hasard flotter ses rêveries,
Le repos lui revient, et qu'il sent là présents
Sa douce REGINA, leurs deux filles chéries,
Et ses fils, noble espoir du déclin de ses ans ;

Que tout lui porte au cœur, que la jeune famille
L'entoure de tendresse et de soins empressés,
Comme au tronc de l'ormeau la riante charmille
Marie avec amour ses bras entrelacés ;



Dans ces moments qu'on croit pleins d'extase profonde,
D'ivresse sans mélange et de purs abandons,
Où l'on ne dirait plus que rien lui manque au monde,
Où semble le bonheur lui prodiguer ses dons ;

Dans ce calme apparent d'un cœur qui se possède,
L'œil le moins exercé découvrirait d'âbord
A travers son souris un penser qui l'obsède
Et qu'il cache avec soin, comme on cache un remord ;

Car toujours sur son front se dessine une ride,
Car son accent est triste, incrédule ou moqueur,
Car son œil a toujours quelque chose d'aride
Qui le voile, échappé des fêlures du cœur.

Même quand il sourit, on sent que sur ses lèvres
Un baume, quel qu'il soit, n'est pas exempt de fiel,
Et que toujours, ô Dieu! des biens dont tu le sèvres
Le souvenir corrompt ce qu'il goûte de miel ;

Que la tristesse habite en ses regards si calmes,
Et que, comme oppressé par un poids étouffant,
Celui qui lève un front brillant de tant de palmes,
A son nom prononcé tremble comme un enfant. .



Et souvent, par besoin plus que par habitude,
Seuls, à travers les bois se frayant des sentiers,
Ses pas, amis de l'ombre et de la solitude,
Loin de tous les regards s'en vont des jours entiers ;

Et là, le front penché, s'accoudant contre un arbre
Et baissant vers la terre un œil voilé de pleurs,
Sombre, immobile et pâle et glacé comme un marbre,
Il regarde à ses pieds naître et mourir les fleurs ;

Prête l'oreille au vent qui mollement soupire,
Écoute dans son cœur l'écho de ses regrets....
Et sa force succombe et son courage expire
Comme un mât qui se brise et pend sur ses agrès.

Son souffle, qu'interrompt un éternel murmure,
Veut en vain concentrer sa plainte et son tourment ;
On entendait alors, tout bas, sous la ramure
S'échapper de son sein comme un gémissement.

Venez, si vous l'osez, vous que sa gloire tente,
Qui croyez la mer calme au silence des flots,
Venez voir la victime à vos pieds haletante,
Contempler son délire et compter ses sanglots :


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