Chanson de Roland/Manuscrit d'Oxford/Laisse VIII
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Dans la ville de Cordres, entre Saragosse et les Pyrénées, Charlemagne réunit ses conseillers.
Ce verset plante le décor.
Sommaire
Dans le manuscrit
La laisse est contenue sur les feuillets 2 verso puis 3 recto du manuscrit. Elle démarre sur une lettrine L rouge (vers 96) Elle est numérotée : |
Transcription et traduction par Léon Gautier
À CORDRES. — CONSEIL TENU PAR CHARLEMAGNE
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VIII | |||
Li Emperere ↓ se fait e balt e liet : | L’Empereur se fait tout joyeux et est de belle humeur. | ||
Cordres ad prise e les murs peceiez, | Il a pris Cordres, il en a mis les murs en pièces, | ||
Od ses cadables les turs en abatiet. | Avec ses machines il en a abattu les tours ; | ||
Mult grant eschec en unt si chevaler | Ses chevaliers y ont fait un très-riche butin | ||
100 | D’or e d’argent e de guarnemenz chers. | D’or, d’argent, de riches armures. | |
En la citet nen ad remés paien | Dans la ville il n’est pas resté un seul païen | ||
Ne seit ocis u devient chrestiens. | Qui ne soit forcé de choisir entre la mort et le baptême… | ||
Li Emperere est en un grant verger, | Le roi Charles est dans un grand verger ; | ||
Ensembl’od lui Rollanz e Olivers, | Avec lui sont Roland et Olivier, | ||
105 | Sansun li Dux e Anséis li fiers, | Le duc Samson, le fier Anséis, | |
Gefreis d’Anjou li reis gunfanuners ; | Geoffroi d’Anjou, qui porte le gonfanon royal, | ||
E si i furent e Gerins e Gerers : | Gerin et son compagnon Gerer | ||
Là ù cist furent, des altres i out ben. | Et, avec eux, beaucoup des autres ; | ||
De dulce France i ad quinze milliers. | Car il y avait bien là quinze mille chevaliers de la douce France.
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110 | Sur palies blancs siedent cil chevaler, | Ils sont assis sur des tapis blancs, | |
As tables juent pur els esbaneier, | Et, pour se divertir, jouent aux damiers : | ||
E as eschecs li plus saive e li veill ; | Les plus sages, les plus vieux jouent aux échecs, | ||
E escremissent cil bacheler leger. | Les bacheliers légers à l’escrime… | ||
Desuz un pin, delez un eglenter, | Sous un pin, près d’un églantier, | ||
115 | Un faldestoed i out, fait tut d’or mer, | Est un fauteuil d’or massif : | |
Là siet li reis ki dulce France tient ; | C’est là qu’est assis le roi qui tient douce France. | ||
Blanche ad la barbe e tut flurit le chef, | Sa barbe est blanche et son chef tout fleuri ; | ||
Gent ad le cors e le cuntenant fier. | Son corps est beau, et fière est sa contenance. | ||
S’est ki l’demandet, ne l’estoet enseigner. | À celui qui le veut voir il n’est pas besoin de le montrer. | ||
120 | E li message descendirent à pied, | Les messagers païens descendent de leurs mules, | |
Si l’saluèrent par amur e par ben. | Aoi. | Et saluent Charles en tout bien, tout amour. |
... Sous un pin, près d’un églantier, |
Transcription commentée de Francisque Michel
Sur la page 4 de l'édition de 1869.
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Version musicale de Gilles Mathieu
Nous donnons ici la partition ténor, l'ensemble des voix peut être écouté ici.
Notes (version de Léon Gautier)
- Vers 96. ↑
- Empereres.
- O. V. la note du v. 1. — Se fait e balz e liez. O. Pour le cas régime, il faut : balt e liet.
- D’après toutes nos Chansons de geste, comme aussi d’après toutes les autres sources françaises et étrangères, nous allons exposer la « Légende de Charlemagne ».
Vers 98. — Abatied. O. Cf. respundiet (v. 2411) ; survesquiet (2615). Ces formes de la 3e personne du parfait simple n’ont pas été (comme nous l’avions cru nous-même, Épopées françaises, t. I, p. 214) imaginées pour le besoin de l’assonance. On les trouve dans le corps des vers (2615) et en prose.
Vers 99. — Eschech. O. Cf. la forme eschec aux v. 1167, 2478.
Vers 102. — Pour le cas sujet il faut l’s finale.
Vers 103. — Empereres. O. V. la note du v. 1.
Vers 104. — Olivert. O. Erreur évidente. Cf. la note du v. 176. — V. la monographie de Roland à la note du v. 194, et celle d’Olivier à la note du v. 255. Pour placer ces notes historiques, nous choisissons toujours le lieu du poëme où chacun de nos héros commence véritablement à jouer un rôle.
Vers 105. — Sansun. Pour le cas sujet il faudrait Sanses, qui ne se trouve pas une fois dans le texte d’Oxford. Il est encore question du duc Samson aux vers 1275, 1531, 1537, 2187 et 2408.
═ Ce personnage est compté au nombre des douze Pairs : 1° par la Chanson de Roland ; 2° par la Karlamagnus Saga ; 3° et 4° par les Remaniements de Paris et de Venise VII ; 5° par Gui de Bourgogne ; 6° par la Chronique de Weihenstephan, et enfin, 7° par l’Entrée en Espagne. ═ Samson est représenté partout comme duc de Bourgogne ; il est le père de « Gui de Bourgogne ». ═ Dans le Roman de ce nom, il tient une certaine place. Son fils, à la fin du poëme, trouve en Espagne ce père qu’il n’a jamais vu et tombe enfin dans ses bras : « L’enfes Guis de Borgoigne est alés à Samson, — Plus de c. fois li baise la bouche et le menton. » (V. 3983, 3984.) ═ L’Entrée en Espagne n’avait pas craint de faire déjà mourir
Concordances et liens
Cette laisse est alignée sur :
- la laisse VIII du manuscrit de Châteauroux ;
- les laisses VIII et IX du manuscrit Venise 4.
Elle est traduite dans
- l'édition populaire de Léon Gautier dans le chapitre « A Cordoue - Conseil tenu par Charlemagne »
Voir aussi
- Notes
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- la catégorie : Chanson de Roland, laisse VIII