Chanson de Roland/Manuscrit d'Oxford/Laisse XV

De Wicri Chanson de Roland
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Révision datée du 17 novembre 2023 à 22:14 par Jacques Ducloy (discussion | contributions) (Notes (version de Léon Gautier))
Language: français  • English

Cette page concerne la laisse XV du manuscrit d'Oxford.

Dans le manuscrit

La laisse XV (15) est contenue sur le feuillet 4 verso puis 5 recto du manuscrit.

Roland Ms Oxford f 2v Cordres.jpg

Elle démarre sur une lettrine L rouge.

Edmund Stengel donne la numérotation : laisse XV, vers 214.

 
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Transcription et traduction par Léon Gautier


XV

Li Emperere en tint sun chef enbrunc, L’Empereur tient la tête baissée ;
215 Si duist sa barbe, afaitat sun gernun, Il tourmente sa barbe et tire sa moustache ;
Ne ben ne mal ne respunt sun nevuld. À son neveu ne répond rien, ni bien, ni mal.
Franceis se taisent, ne mais que Guenelun : Tous les Français se taisent, tous, excepté Ganelon.
En piez se drecet, si vint devant Carlun, Ganelon se lève, s’avance jusque devant Charles,
Mult fièrement cumencet sa raisun, Et très-fièrement commence son discours :
220 E dist al Rei : « Ja mar crerez bricun, « N’en croyez pas les fous, dit-il au Roi ;
« Ne mei ne altre, se de vostre prod nun.
« N’en croyez ni les autres ni moi ; n’écoutez que votre avantage.
« Quant ço vus mandet li reis Marsiliun « Quand Marsile vous fait savoir
« Qu’il devendrat jointes ses mains vostre hum, « Qu’il est prêt à devenir, mains jointes, votre vassal ;
« E tute Espaigne tendrat par vostre dun, « Quand il consent à tenir toute l’Espagne de votre main
225 « Puis receverat la lei que nus tenum. « Et à recevoir notre foi,
« Ki ço vus lodet que cest plait degetum, « Celui qui vous conseille de rejeter de telles offres,
« Ne li chalt, Sire, de quel mort nus murrum. « Celui-là ne se soucie guère de quelle mort nous mourrons.
« Cunseill d’orguill n’est dreiz que à plus munt.
« C’est là le conseil de l’orgueil, et ce conseil ne doit pas l’emporter plus longtemps.
« Laissum les fols, as sages nus tenum. »       Aoi. « Laissons les fous, et tenons-nous aux sages ! »

Transcription commentée de Francisque Michel

Francisque Michel-02.png
Chanson de Roland (Francisque Michel 1869) Exemplaire annoté par Paul Meyer
Navigation dans le manuscrit d'Oxford
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Manuscrit d'Oxford Lettrine 1.png

XV. ( => F. M. )


Li emperère en tint sun chef enbrunc*,  *Sa tête baissée.
Si duist sa barbe, afaitad sun gernum*,  *Il caresse sa barbe, arrange sa moustache.
Ne ben ne mal ne respunt sun nevuld*.  *A son neveu.
Franceis se taisent, ne mais* que Guenelun  *Si ce n'est, excepté.
En piez se drecet*, si vint devant Carlun,  *En pieds se dresse.
Mult fièrement cumencet sa raisun*  *Commence son discours.
E dist al rei : «Jà mar crerez bricun*,  *Vous aurez tort de croire un vaurien.
Ne mei ne altre, se de vostre prod nun*.  *Ni moi ni autre, si ce n'est à votre profit.
Quand ço vos mandet* li reis Marsiliun  *Quand cela vous mande.
Qu'il devendrat jointes ses mains tis hom*  *Ton homme.
E tute Espaigne tendrat par vostre dun,
Puis receverat la lei que nus tenum,
Ki ço vos lodet que cest plait degetuns*,  *Qui cela vous conseille que rejetions cette proposition.
Ne li chalt*, sire, de quel mort nus muriuns.  *Il ne lui importe.
Cunseill d'orguill n'est dreiz que à plus munt*.  *Monte plus haut.
Laissum les fols, as sages nus tenuns. AOI.
 
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Transcription et traduction par Joseph Bédier

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XV

Li emperere en tint sun chef enbrunc,
215Si duist sa barbe, afaitad sun gernun,
Ne ben ne mal ne respunt sun nevuld.
Franceis se taisent, ne mais que Guenelun.
En piez se drecet, si vint devant Carlun,
Mult fierement cumencet sa raisun
220E dist al rei : « Ja mar crerez bricun,
Ne mei ne altre, se de vostre prod nun !
Quant ço vos mandet li reis Marsiliun
Qu’il devendrat jointes ses mains tis hom
E tute Espaigne tendrat par vostre dun,
225Puis recevrat la lei que nus tenum,
Qui ço vos lodet que cest plait degetuns,
Ne li chalt, sire, de quel mort nus muriuns.
Cunseill d’orguill n’est dreiz que a plus munt ;
Laissum les fols, as sages nus tenuns ! » AOI.

 

L’empereur tient la tête baissée.
Il lisse sa barbe, arrange sa moustache,
ne fait à son neveu, bonne ou mauvaise, nulle réponse.
Les Français se taisent, hormis Ganelon.
Il se dresse droit sur ses pieds, vient devant Charles.
Très fièrement il commence.
Il dit au roi : « Malheur, si vous en croyez le truand,
moi ou tout autre, qui ne parlerait pas pour votre bien !
Quand le roi Marsile vous mande
que, mains jointes, il deviendra votre homme,
et qu’il tiendra toute l’Espagne comme un don de votre grâce,
et qu’il recevra la loi que nous gardons,
celui-là qui vous conseille que nous rejetions un tel accord,
peu lui chaut, sire, de quelle mort nous mourrons.
Un conseil d’orgueil ne doit pas prévaloir.
Laissons les fous, tenons-nous aux sages ! »

Transcription et traduction par Louis Petit de Julleville

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Li emperere en tint sun chef enbrunc
215 Si duist sa barbe, afaitad sun gernun,
Ne ben ne mal ne respunt sun nevuld.
Franceis se taisent, ne mais que Guenelun.
En piez se drecet, si vint devant Carlun,
Mult fièrement rumencet fa raifun
220E dist al rei : « Ja mar crerez bricun,
Ne mei ne altre, se de vostre prod nun.
Quant ço vos mandet li reis Marsiliun
Qu’il devendrat jointes ses mains tis hum
E tute Espaigne tendrat par vostre dun,
225Puis recevrat la lei que nus tenum,
Ki ço vos lodet que cest plait degetuns
Ne li chalt, fire, de quel mort nus muriuns.
Cunseill d’orguill n’est dreiz que à plus munt.
Laissum les fols, as sages nus tenuns. »     AOI.

 

L’empereur Charles incline alors son front,
Tord sa moustache, caresse son menton ;
A son neveu ne répond oui ni non.
Français se taisent, excepté Ganelon.
Sur pieds fe dreiïe, & vient devant Charlon,
Très-fièrement commence fes raifons :
« Ne croyez pas ces fous qui vous perdront,
Ni moi, ni d’autres, mais ce qui vous eft bon.
Comme il le mande, le Roi Marfilion
Se fait, mains jointes, votre homme, & de vos dons
Tiendra l’Efpagne entière, en votre nom,
Et recevra la loi que nous fuivons.
Qui vous confeille que cette offre écartions.
Ne lui chaut. Sire, la mort dont nous mourrons.
Confeil d’orgueil à prévaloir n’efl bon ;
Laissons les fous ; aux sages nous tenons. »

Version musicale de Gilles Mathieu

Réponse de Ganelon à l'intervention de Roland

\new Staff \with {
  midiInstrument = "voice oohs"
  shortInstrumentName = #"B "
  instrumentName = #"Bass "
  } {
  \clef bass \relative c {  
   \time 4/4 \key bes \major 
        r2. d4 \mf
        d2 d4 ees4
        cis2 d2
        r2. g4
        ees2 ees2
        g2 r4 g4
        ees4. ees8 ees4 ees4
        g2. r4
  }  }
 \addlyrics { 
               Ja  mar cre -- rer  bri -- cun
               lais -- sum les fols
               as sa -- ges nus te -- num
            }

Notes (version de Léon Gautier)

logo travaux partie en cours de rédaction

Chanson de Roland (1872) Gautier, II, page 075.jpg[68]

Vers 222.
Vus
Vos O.
Vers 223.

Vers 223. — Lisez juintes, qui est plus conforme à l’étymologie comme au dialecte, et se trouve aux vers 2015, 2240...

Tis hom
O. Nous avons suppléé vostre. Dans notre vieux texte, en effet, on ne voit pas les héros, comme dans la plupart de nos Romans, s’adresser à leurs interlocuteurs tantôt au singulier et tantôt au pluriel. Or Ganelon dit partout vous à l’Empereur. On ne saurait d’ailleurs alléguer que l’h, dans hom, soit aspirée ; car on lit au vers 1758 : Ço dit li Reis : « Bataille funt nostre hume ; » au vers 3714 : Soer chere amie, de hume mort me demandes ; et, au vers 2949 : En un carnel cumandez que hum les port, etc.
Nous avons écrit hum au lieu de hom, pour la plus stricte régularité de l’assonance. (V. le vers 2559 et la note du v. 20.)
Vers 225.

Vers 225.Receverat. O. L’abréviation est ici plus claire que partout ailleurs. V. la note du vers 48.

Vers 226.

Vers 226.Degetuns. O. Pour les premières personnes du pluriel, v. la note du vers 42.

Vers 227.

Vers 227. — Lire calt, plus étymologique, et qui se trouve aux vers 1405, 1806. ═ Muriuns. O. V. la note du vers 420. De plus, le futur est ici fort nettement indiqué par le sens de la phrase.

Vers 229.

Vers 229.Tenuns. O. V. la note du v. 42.


Notes (version de Louis Petit de Julleville)

...
Vers 218.

En piez fe drecet, fi vint devant Carlun.

Je conserve toutes ces diverses formes des noms propres : Charles et Char lon^ Mars île et Marsilion,Gane et Ganelon, etc.

Concordances et compléments

Cette laisse est reprise dans :

Elle est alignée avec la laisse XV du manuscrit de Chateauroux.

Voir aussi

Notes
  1. Version numérique copiée de WikiSource :
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