Chanson de Roland/Manuscrit d'Oxford/Laisse XIV

De Wicri Chanson de Roland

Cette page concerne la laisse XIII du manuscrit d'Oxford.

Dans le manuscrit

La laisse XIV (14) est contenue sur le feuillet 4 recto puis verso.

Elle démarre à la lettrine L.


 
Page7-2140px-La Chanson de Roland - MS Oxford.djvu.jpg
Page8-2140px-La Chanson de Roland - MS Oxford.djvu.jpg

Transcription et traduction par Léon Gautier


XIV

Li Emperere out sa raisun fenie. L’Empereur a fini son discours.
Li quens Rollanz, ki ne l’ otriet mie, Le comte Roland, qui ne l’approuve point,
195 En piez se drecet, si li vint cuntredire. Se lève, et, debout, parle contre son oncle :
Il dist al Rei : « Ja mar crerez Marsilie. « Croire Marsile, ce serait folie, dit-il au Roi.
« Set anz ad pleins qu’ en Espaigne venimes ;
« Il y a sept grandes années que nous sommes entrés en Espagne.
« Jo vus cunquis e Noples e Commibles, « Je vous ai conquis Commible et Nobles ;
« Pris ai Valterne e la terre de Pine, « J’ai pris Valtierra et la terre de Pine,
200 « E Balaguet e Tuele e Sezilie : « Avec Balaguer, Tudela et Sebilie.
« Li reis Marsilies i fist mult que traïtres :
« Mais, quant au roi Marsile, il s’est toujours conduit en traître.
« De ses païens il vus enveiat quinze : « Jadis il vous envoya quinze de ses païens,
« Cascuns porteit une branche d’olive ; « Portant chacun une branche d’olivier,
« Nuncerent vus cez paroles méismes. « Et qui vous tinrent exactement le même langage.
205 « A voz Franceis un cunseill en presistes, « Vous prîtes aussi le conseil de vos Français,
« Loèrent vus alques de legerie. « Qui furent assez fous pour être de votre avis.
« Dous de voz cuntes al païen tramesistes, « Alors vous envoyâtes au Roi deux de vos comtes :
« L’uns fut Basanz e li altre Basilies ; « L’un était Basan, l’autre Basile.
« Les chefs en prist ès puis desuz Haltoïe.
« Que fit Marsile ? Il leur coupa la tête, là-bas, dans les montagnes au-dessous d’Haltoïe.
210 « Faites la guere cum vus l’avez enprise, « Faites, faites la guerre, comme vous l’avez entreprise ;
« En Sarraguce menez vostre ost banie, « Conduisez sur Saragosse votre armée ;
« Metez le siège à tute vostre vie, « Mettez-y le siége, dût-il durer toute votre vie ;
« Si vengez cels que li fels fist ocire. » Aoi. « Et vengez ceux que Marsile le félon a fait mourir. »

Transcription commentée de Francisque Michel

Francisque Michel-02.png
Chanson de Roland (Francisque Michel 1869) Exemplaire annoté par Paul Meyer
Navigation dans le manuscrit d'Oxford
XIII (W: XIII ) Previous CDR.png Laisse XIV (page 7)Next CDR.png XV (W: XV )
Manuscrit d'Oxford Lettrine 1.png

XIV. ( => F. M. )
Li emperères out sa raisun fenie*.  *Son discours, fini
Li quens Rollans, ki ne I' otriet mie*,  *Le comte Roland, qui ne l'octroie pas.
En piez se drecet*, si li vint cuntredire.  *En pieds se dresse.
Il dist al rei : « Jà mar crerez Marsilie*.  *Vous aurez tort de croire Marsilie.
Set anz [ad] pleins que en Espaigne venimes*;  *Vinmes.
Jo vos cunquis e Noples e Commibles ,
Pris ai Valterne e la tere de Pine,
E Balasgued* e Tuele** e Sezilie***.  *Balaguer. **Tudelu. ***Sicile.
Li reis Marsilie i fist mult que traïtre* ,  * Agit fort en traître.
De ses paien [i en en]veiat* quinze ;  *Envoya.
Chaucuns portout* une branche d'olive .  *Chacun portait.
Nuncèrent-vos ces paroles méisme*.  *(Il) vous annoncèrent ces paroles même.
A voz Franceis un cunseill en presistes* ;  *Prîtes.
Loèrent vos alques de legerie*.  *Ils vous conseillèrent un peu de fourberie.
Dous de voz cuntes al paien tramesistes* :  *Envoyâtes.
L'un fut Basan e li altres Basilies ;
Les chef en prist ès puis desuz* Haltilie.  *Les têtes en prit dans le montagnes dessous.
Faites la guer[e] cum vos l'avez enprise*,  *Entreprise.
En Sarraguce menez vostre ost banie*,  *Votre armée convoquée.
Mettez le sège à* tute vostre vie,  *Pendant.
Si vengez cels que li fels * fist ocire. AOI.  *Ceux que le cruel.


 
RCR 543952103 85137 Page 041.jpg

Transcription et traduction par Joseph Bédier

logo travaux partie en cours de test
XIV

Li empereres out sa raisun fenie.
Li quens Rollant, ki ne l’otriet mie,
195En piez se drecet, si li vint cuntredire.
Il dist al rei : « Ja mar crerez Marsilie !
Set anz ad pleins qu’en Espaigne venimes ;
Jo vos cunquis e Noples e Commibles,
Pris ai Valterne e la tere de Pine
200E Balasgued e Tuele e Sezilie :
Li reis Marsilie i fist mult que traïtre.
De ses paiens enveiat quinze,
Chascuns portout une branche d’olive,
Nuncerent vos cez paroles meïsme.
205A voz Franceis un cunseill en presistes,
Loerent vos alques de legerie ;
Dous de voz cuntes al paien tramesistes,
L’un fut Basan e li altres Basilies ;
Les chef en prist es puis desuz Haltilie.
210Faites la guer cum vos l’avez enprise,
En Sarraguce menez vostre ost banie,
Metez le sege a tute vostre vie,
Si vengez cels que li fels fist ocire ! » AOI.

 

L’empereur a dit sa pensée.
Le comte Roland, qui ne s’y accorde point,
tout droit se dresse et vient y contredire.
Il dit au roi « Malheur si vous en croyez Marsile !
Voilà sept ans tout pleins que nous vînmes en Espagne. Je
vous ai conquis et Noples et Commibles ;
j’ai pris Valterne et la terre de Pine et Balaguer
et Tuele et Sezille.
Alors le roi Marsile fit une grande trahison :
de ses païens il en envoya quinze, et
chacun portait une branche d’olivier,
et ils vous disaient toutes ces mêmes paroles.
Vous prîtes le conseil de vos Français.
Ils vous conseillèrent assez follement :
vous fîtes partir vers le païen
deux de vos comtes, l’un était Basan et l’autre Basille ;
dans la montagne, sous Haltilie, il prit leurs têtes.
Faites la guerre comme vous l’avez commencée !
Menez à Saragosse le ban de votre armée ;
mettez-y le siège, dût-il durer toute votre vie,
et vengez ceux que le félon fit tuer. »

Transcription et traduction par Louis Petit de Julleville

logo travaux partie en cours de correction
XIV (i-e).

Li empereres out fa raisun fenie.
Li quens Rollanz ki ne Potriet mie,
195En piez se drecet, fi li vint cuntredire.
Il dijî al rei : « Ja mar crerei Marfilie.
Set ani ad pleins qu’en Efpaigne venimes ;
Jo vos cunquis e Noples e CommibleSj
Pris ai Valterne e la terre de Pine^
200E Balaguetj e Tuele^ e Seplie.
Li reis Marfilie ifi(i mult que traître :
De fes païens il vos enveiat quinze ^
Chafcuns portout une branche d’ olive ^
Nuncerent vos ce^ paroles méifmes.
205A voi Franceis un cunfeill en prefifies^
Loerent vos alques de léger ie.
Dous de vo^ cuntes al païen tramefifieSj
Uunfut Bafan e li altres Bafilies ;
Les chefs en prifi es puis defui Haltilie,
210Faites la guère cum vos Pave^ enprife^
En Sarraguce menei voflre ofi banie.
Metei le fege à tute vojlre vie.
Si vengei cels que lifels fiji ocire. « &nbsp:   AOI.

 
XIV (i-e).

L’empereur Charles a ſes raiſons finies.
Roland le comte, qui guère ne les priſe,
Sur pieds ſe dreſſe, & vient y contredire.
Il dit au Roi : « À tort croirez Marſile.
Depuis ſept ans qu’en Eſpagne nous vînmes,
Je vous conquis & Noples & Commibles,
J’ai pris Valterne & la terre de Pine,
Et Balaguer, & Tüele & Sézile.
Toujours en traître agit le Roi Marſile.
De ſes païens il vous envoya quinze ;
Chacun portait une branche d’olive ;
Mêmes paroles par eux vous furent dites.
De vos Français le conſeil vous en prîtes ;
On vous loua de faire une folie.
Deux de vos comtes au païen vous tranſmîtes,
L’un fut Baſan, & l’autre fut Baſile.
Il prit leurs têtes au mont deſſous Haltile.
Faites la guerre, puiſqu’elle eſt entrepriſe ;
Menez vos bans armés contre leur ville,
Mettez le fiége, durât-il votre vie ;
Et vengez ceux qu’un félon fit occire ! «

Version musicale de Gilles Mathieu

Les mesures 34 à 38 du troisième mouvement de la composition de Gilles Mathieu (l'assemblée de Cordres).

Intervention de Roland

\new Staff \with {
  midiInstrument = "voice oohs"
  shortInstrumentName = #"T "
  instrumentName = #"T "
  } {
  \relative c {  
   \clef "treble_8"
   \time 4/4 \key bes \major 
        r2. r8. \f d16
        d'4.. d,16 d4 bes'8 a
        g2 r8 \mf g bes g
        g4 g8 bes c4 g8 f
        g2. r4
        
  }  }
 \addlyrics { 
             Ja  mar cre -- rez Mar -- si  -- le
             Fai --tes la guer' cum vus l'a -- vez em -- prise
            }

Notes (version de Léon Gautier)

logo travaux partie en cours de maquettage

Chanson de Roland (1872) Gautier, II, page 065.jpg[58]

Vers 193.
Empereres.
O.
Vers 194.
Li quens Rollanz ki ne l’otriet mie
Nous diviserons la « Légende de Roland » en trois parties :
I. Sa naissance et ses enfances.
II. Sa vie et ses exploits jusqu’à la trahison de Ganelon.
III. Sa mort à Roncevaux.

Chanson de Roland (1872) Gautier, II, page 073.jpg[66]

Vers 197.

Vers 197.Set anz pleins. O. La correction set anz ad pleins est de G. et Mu. d’après le texte de Versailles : Bien a set ans.

Vers 198.

Vers 198.Vos. O. V. la note du vers 17. ═ Nobles. O. V. la note du v. 1775. ═ On lit dans Venise VII : « Pris avons Nobles et Morinde saisie, — Tote Valterne et Prince la garnie. » Et, dans Versailles : « Pris avons Nobles et Merinde saisie ; — Tote Vauterne est prise, la garnie. »

    1. 199 ##

Vers 199.Valterne, c’est Valtierra. ═ « La terre de Pine, dit Gaston Paris, doit se laisser trouver dans les environs de Tudela et de Valtierra. » Je le pense comme lui ; mais telle n’est pas l’hypothèse de M. P. Raimond : « Je proposerais, dit-il, le Château-Pignon ou Pinon, dans la commune de Saint-Michel, canton de Saint-Jean-Pied-de-Port, tout près de Roncevaux. On disait en 1521 (Établissements du Béarn, c. 680, f° 154) : Lo castet do Pinhoo. » (Mémoire manuscrit de M. P. Raimond.)

    1. 200 ##

Vers 200.Balagued. O. C’est Balaguer en Catalogne. V. la note du v. 63. ═ Tuele. C’est Tudela, en Navarre, sur les confins de l’Aragon, de la Navarre et de la Castille. Ce fut longtemps un véritable repaire de brigands. ═ Sezilie. Nous avons traduit Sebilie, d’après la Karlamagnus Saga, qui donne Sibilia. M. G. Paris (l. I, p. 174) fait remarquer avec raison qu’il ne peut guère être ici question de Séville.

    1. 201 ##

Vers 201.Marsilie ; traïtre. O. À cause du cas sujet, nous avons imprimé Marsilies, traïtres. Ces vers prouvent l’existence de Chansons antérieures à la nôtre. (Cf. la Prise de Pampelune.)

    1. 202 ##

Vers 202.De ses paien veiat quinze. O. De ses paien veiat quinze (milies). Mi. De ses paien(s) (en)veiat quinze (milies). G. Nous avons adopté la correction de Müller.

    1. 203 ##

Vers 203.Chascuns. O. On trouve dans le ms. d’Oxford les deux formes cascuns, cascun (51, 2502, 2559, 3631) et chascuns, chascun (390, 203, 1,013). Nous avons adopté la plus étymologique. ═ Portout. O. La diphtongaison ou se trouve dans certains textes romans à l’imparfait de l’indicatif, mais non dans le dialecte que parlait l’auteur ou le scribe de notre Chanson. Nous avons rétabli la diphtongaison ei, qui est particulière à notre scribe et à son dialecte.

    1. 204 ##

Vers 204.Vos. O. V. la note du v. 17. ═ Meïsme. O. À cause du cas régime pluriel, il faut meïsmes. Chanson de Roland (1872) Gautier, II, page 074.jpg[67]

Chanson de Roland (1872) Gautier, II, page 074.jpg
    1. 207 ##

Vers 207.Dous de voz cuntes à l’ paien tramesistes... Le récit de l’ambassade de Basan et Basile se trouve dans la Prise de Pampelune, poëme du commencement du xive siècle, vers 2597-2704. (V. l’édition de Mussafia, Altfranzösische Gedichte aus Chanson de Roland (1872) Gautier, II, page 075.jpg[68]

    1. 207 ##

Modèle:Tiret2 Handschriften, Wien, 1864, pp. 72-75. — Cf. l’analyse détaillée de ce poëme et les modifications de la légende dans nos Épopées françaises, II, 366-376.)

    1. 208 ##

Vers 208.Basan. O. À cause du cas sujet, nous pensons (?) qu’il faut Basanz. ═ Altres. O. Pour les noms latins tels qu’imperator et alter, v. la note du v. 1.

    1. 209 ##

Vers 209.Chef. O. Erreur évidente. ═ Haltilie. O. Cf. le v. 491.

    1. 210 ##

Vers 210.Guer. O. ═ Vos. O.

    1. 212 ##

Vers 212.Sege. O. On ne trouve qu’une seule fois ce mot sans l’i parasite, et c’est ici. Partout ailleurs il reçoit cet i (71, 435, 1135, siége ; 478, siet ; 3706, sied).


Concordances et compléments

Cette laisse est reprise dans :

Elle est alignée avec la laisse XIV du manuscrit de Chateauroux.

Voir aussi

Sur ce wiki :

  1. Version numérique copiée de WikiSource :
  2. Version numérique copiée de WikiSource :
  3. Version numérique copiée de WikiSource :