Les nouvelles frontières de la connaissance (2014) CSRT, partie 3, section C
Diffusion, partage et exploitation de la connaissance
Les nouvelles technologies de l’information ont complètement changé et bouleversé non seulement le mode de diffusion de la connaissance à travers ses mécanismes mais aussi notre rapport à la connaissance. Une information diffusée peut-elle être assimilée à une connaissance scientifique ?
Il s’avère indispensable de distinguer, comme nous l’avons vu, information et connaissance. Même s’il y a un certain continuum entre ces deux concepts, dans le passage des informations aux connaissances, il y a un « travail » de transformation et d’appropriation qui appartient à chacun ce qui explique que les mêmes informations n’aboutissent pas nécessairement aux mêmes connaissances.
La question est alors, dans les milieux de recherche, de trouver de bonnes conditions pour favoriser cette transformation de l’information en connaissance et le cas échéant de rendre possible l’exploitation de celle-ci sans stérilisation du processus.
La diffusion de la connaissance est issue d'une démarche humaniste
Dans les rapports entre chercheurs ou dans les rapports entre Science et Société, les recherches scientifiques convergent pour mettre en évidence que les comportements altruistes sont plus rentables que les comportements égoïstes. Les progrès de la science n’ont-ils pas toujours été un atout pour la démocratie ? Toutefois, jusqu’à présent, les deux ont évolué plutôt indépendamment. Aujourd’hui, les processus scientifiques et démocratiques ont tendance à se croiser. Comment prendre en compte et intégrer ces croisements ? Comment rendre effectif le partage entre les acteurs ? Comment intégrer dès le début le citoyen dans la diffusion de la connaissance ?
Ces comportements altruistes s’expliquent en partie par l’attitude des chercheurs qui sont fiers de leur production, la connaissance étant une valeur en soi, indépendamment de l’utilité qui en est faite et sa diffusion étant un devoir. Les chercheurs manifestent, par ailleurs, une certaine modestie quand ils présentent les inventions comme le produit de la science et du pragmatisme.
Aujourd’hui, des constats alarmants montrent que ce partage est de plus en plus difficile car il exige que soit pris en compte la complexité croissante de la connaissance qui remet en cause les découpages traditionnels des communautés scientifiques : l’exemple de la biodiversité est significatifs.
La diffusion de la connaissance est au cœur de son dispositif de production
Au-delà des textes fondateurs qui ont posé le cadre en déclinant les différentes missions du chercheur (faire avancer la connaissance, la communiquer, la valoriser (y compris par l’expertise), les politiques de recherche accordent une place essentielle aux publications et aux brevets comme un continuum de l’avancement de la connaissance. Diffusion, partage et exploitation sont, ainsi, étroitement imbriqué dans le processus de production de la connaissance à la fois en amont et en aval.
Les découvertes sont le fait d’individus, mais elles s’inscrivent toujours dans une continuité et un environnement. Il n’y a pas de chercheur et encore moins de découvreur isolé et même certaines disciplines comme les mathématiques, plus solitaires, ne pourraient se passer de lieux d’échange et de partage. Ces constats nourris par de multiples références historiques[1](3) sont aujourd’hui plus que jamais d’actualité, s’agissant de la science moderne et contemporaine[2](3). Cette dernière est, le plus souvent, le fruit d’un travail collectif au sein d’une communauté de chercheurs travaillant en réseaux aujourd’hui transnationaux, réunissant des expertises techniques et cognitives pluridisciplinaires. Or ces réseaux reposent fondamentalement sur le partage d’informations et l’utilisation d’un langage et de concepts communs.
Les congrès scientifiques, revues, sites, mais aussi les grands équipements doivent être considérés aujourd’hui comme des « outils » incontournables de production et de validation de la Connaissance.
Sauf exception, un chercheur qui ne s’investit pas dans une démarche collective se trouve très vite décalé et isolé comme l’ont été les savants méconnus que décrit Laurent Lemire.
Dans un monde de plus en plus complexe, le chercheur ne peut s’enfermer dans sa tour d’ivoire et échapper au partage inhérent à ses obligations : expliquer, défendre une thèse, confronter ses résultats avec d’autres, échanger…
Parallèlement le chercheur doit aussi s’investir dans une démarche vers le citoyen qui devrait être valorisée dans sa carrière, au même titre que ses publications.
Voir aussi
- Notes de bas de page
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