Les nouvelles frontières de la connaissance (2014) CSRT, partie 3, section B
La valorisation des connaissances
Brevet d’invention et transfert de technologie
Valorisation, transferts technologiques et dépôts de brevet
Encore trop souvent, dans le cadre de politiques scientifiques et technologiques, le terme « innovation » est employé dans un autre sens que celui du processus décrit plus haut. Il renvoie à la notion de valorisation des recherches qui se mesure, entre autres, par les transferts technologiques, et, le plus souvent, par le nombre de demandes de brevets d’invention déposées auprès d’offices nationaux ou internationaux. S’ajoute parfois, en bout de chaîne, le décompte des licences concrètement concédées sur les brevets en question et les revenus engendrés par cette activité.
La recherche d’une rentabilité économique à court et moyen terme pour des programmes technoscientifiques coûteux est aussi l’une des justifications de ces politiques mais pas uniquement.
Par ailleurs, on pourra relever aussi la transposition aux milieux académiques de classement statistique découlant de stratégies de management inspirées du secteur privé.
D’autres facteurs sont imputables à l’évolution du droit et de la pratique des brevets d’invention : extension du champ de la brevetabilité liée à une évolution de la condition d’invention, encombrement des offices de brevets et difficultés corrélatives d’évaluation des conditions de nouveauté et d’activité inventive dans les secteurs technologiquement émergents, etc. La liste des évolutions constatées dans le champ du droit des brevets d’invention est longue. La crise économique majeure que traversent à l’heure actuelle les pays industrialisés, en renforçant l’appel à la valorisation dans le cadre de la compétition économique internationale, ne semble pas remettre en cause cette tendance.
Peut-on parler d’une « dérive du droit des brevets » ?
De nombreuses critiques s’élèvent pourtant, dans la société civile comme dans le monde académique, face à ce qui est souvent analysé comme une dérive des brevets d’invention dans des secteurs stratégiques. Elles relèvent tour à tour de l’éthique, de l’analyse économique, ou encore de la recherche juridique et convergent autour du constat maintes fois effectué d’une absence de corrélation logique indiscutable entre le nombre de demandes de brevets déposées et l’innovation ressentie en bout de chaîne par les citoyens des pays développés mais aussi des pays tiers. Ces critiques semblent n’être pas toujours entendues par les pouvoirs publics et les institutions chargées de la valorisation des recherches peinent, pour le moins, à se matérialiser en des propositions alternatives pertinentes.
Compte tenu du caractère stratégique de cette situation, il apparaît important d’encourager et de multiplier les initiatives de recherche sur le sujet surtout quand celles-ci sont menées par des réseaux interdisciplinaires (droit/sciences) et ouvertes aux expériences internationales. Une nouvelle lecture des mutations en cours aidera à trouver des éléments de réponse aux problèmes actuels.
Les structures de valorisation : maintenir le lien chercheurs-industriels
La technicité de la valorisation nécessite d’avoir recours à des structures professionnelles qui jouent le rôle d’interface avec le monde économique mais il serait regrettable qu’il n’y ait pas d’échange direct avec les chercheurs qui sont les mieux placés pour faire passer les messages. L’idéal est que ces structures viennent en appui, la valorisation étant le moyen de créer un lien chercheur-industriel qui se bâtit sur la confiance et qui tient compte du professionnalisme de l’environnement du laboratoire (juridique, contrats, PI). La valorisation des produits de la recherche vers l’industrie passe par un cheminement long et plus complexe que le simple schéma « dépôt de brevet et licence ». La valorisation est l’occasion pour le laboratoire de mener une réflexion sur la maturité de sa technologie, les usages et les applications possibles, la constitution d’un portefeuille de brevets (chose qui contribue à bâtir la confiance), une exploration des entreprises (dont les PME) susceptibles d’être intéressées. Ensuite le dialogue entre le chercheur et l’industriel doit viser à construire la confiance. Celle-ci se bâtit sur la qualité de la présentation de la technologie, le professionnalisme des acteurs (Brevets, contrats etc..). Avant de parler de « licence » ou de dépôt de brevet il pourra être question d’étude préalable. Ces différentes étapes ne peuvent être menées à bien que si le chercheur est accompagné par une structure de valorisation qui connait bien le contexte (proche des chercheurs et des laboratoires) et aide à l’exploration du marché d’industriels, à la formation du chercheur pour « vendre » sa technologie et négocier.
Malheureusement, les nouvelles structures (SATT) mises au service des universités et centres de recherche pour développer l’innovation, ne répondent que très partiellement au besoin essentiel de lier des relations de confiance entre les chercheurs et les industriels. Ces organisations très gourmandes en personnels sont naturellement budgétivores et ressemblent à des « technostructures ») qui participent à complexifier le « millefeuille » des structures de la recherche sans avoir aucune garantie de leur efficacité en matière de valorisation. L’Allemagne a d’ailleurs abandonné le système équivalent aux SATT.
Recommandations IX du Conseil Concernant les structures de valorisation des connaissances et le maintien du lien « chercheurs-industriels », le CSRT recommande :
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