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Les nouvelles frontières de la connaissance (2014) CSRT, partie 3, section A

De Wicri France
Révision datée du 7 août 2014 à 18:36 par imported>Jacques Ducloy (Relations technologie-innovation en fonction des secteurs)
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Innovation et société : diffusion des connaissances dans le monde économique et social
 

Cette page introduit la première section (A) de la troisième partie du rapport « Les nouvelles frontières de la connaissance» rédigé en 2014 par le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie (CSRT)

 
A (61)


Innovation et société : diffusion des connaissances dans le monde économique et social

Les analyses qui précèdent, appuyées sur des arguments et des raisonnements solides, prouvent la pertinence d’une réflexion sur l’articulation de l’innovation et de la société. On aura compris que cette approche concerne l’innovation « classique », qui conduit la connaissance produite dans les lieux de recherche à son application concrète dans les entreprises elles-mêmes immergées dans une société largement structurée par l’économie de marché. Cette approche est à la fois au coeur du présent rapport, et constitue un élément déterminant de réponse à l’interrogation qui est à l’origine de celui-ci : comment répondre à la question des grandes mutations de notre époque en utilisant les ressources de la connaissance et ses acteurs-diffuseurs ?

L’approche « classique » et la compréhension des mécanismes conventionnels de l’innovation sont indispensables. Ils sont au coeur du présent rapport. Ils participent à l’organisation de la contre-offensive contre ce que l’on appelle communément « crise ».

Mais, au-delà de cette vision très contemporaine, utile, voire utilitariste, il semble nécessaire d’élargir le champ de la réflexion en raison d’un double constat produit par l’Histoire et par la réalité contemporaine. Nous aborderons donc le besoin d’une lecture de l’innovation par les Sciences Humaines et Sociales. Bien entendu, ces deux approches sont complémentaires et on soulignera l’importance d’une mise en perspective réciproque de l’une et de l’autre.


A1 (61)

L’innovation « technologique »

A1a (61)

Pour un portage collectif efficace

L’innovation dans 90% des cas est survenue à partir de connaissances accessibles et de technologies éprouvées, surtout depuis 20 ans.

On ne saurait trop insister sur le fait que les relations entre la recherche et l’industrie doivent être régulées et clarifiées à la fois pour les scientifiques mais aussi pour la société civile afin d’établir une relation de confiance perdue. Les chartes de déontologie qui sont élaborées par secteur participent à cette régulation. Il faut encourager et impulser ce mouvement, en l’intégrant tout au long des cursus de formation universitaire puis tout au long de la carrière des chercheurs (avec un temps fort de sensibilisation en début de carrière).


A1b (61)

Science, technologie, innovation, société

Ce constat pose la problématique de l’articulation entre science, technologie, innovation, société et citoyen. Pour éclairer les éléments de réponse, posons-nous la question de ce que représente la technologie, de sa place par rapport à la science et de son implication dans l’innovation comme pour chacun ?

En résumé, la technologie est la science appliquée aux objets du quotidien. C’est aussi le traitement scientifique des techniques. C’est une démarche descriptive de compréhension des phénomènes physiques mis en jeu dans un objet, sa fabrication, son comportement, etc.

Plus largement, la recherche technologique a plusieurs objectifs : la constitution d’un capital de connaissances technologiques, le renforcement des compétences et des métiers, la maîtrise des capacités de résolution de problèmes, les outils méthodologiques pour la conception et l’ingénierie. C’est donc un univers très diversifié.


A1c (62)

Des laboratoires d’excellence et innovants : les conditions de leur réussite et leurs difficultés

Recherche scientifique et recherche technologique ne s’opposent pas ; elles peuvent cohabiter dans les mêmes structures ou les mêmes laboratoires. Certains laboratoires de haut niveau appliquent leur expertise aux deux types de recherche et souvent, la seconde permet de poser de nouvelles questions à la première. Ces laboratoires développent une recherche académique du plus haut niveau international et en même temps sont capables de mener une stratégie d’innovation concrétisée notamment par d’importants contrats industriels.

De tels laboratoires ne sont pas si nombreux en France. Leur témoignage et une analyse un peu plus précise de leur expérience sont des sources précieuses pour le présent rapport. Il est important de percevoir les conditions de leur réussite et les obstacles qui ont pu entraver leur fonctionnement.

On relèvera plusieurs conditions à leur réussite :

  • le domaine scientifique du laboratoire est tel que recherche fondamentale et applications sont très proches. Le directeur a fait un choix stratégique pour orienter l’activité de son laboratoire dans ce sens.
  • l’excellence de recherche fondamentale s’appuie sur une expérience de plusieurs décennies et jouit d’une réputation internationale incontestable.
  • la palette des applications est suffisamment large et s’adresse aussi bien à des usages grand public qu’à des usages de niche. Le nombre d’industriels potentiellement concernés est, aussi, important.
  • la gestion d’un tel laboratoire s’apparente à celle d’une PME avec un chercheur dirigeant capable de comprendre l’état d’esprit d’une entreprise et ses exigences.
  • le laboratoire est situé dans un environnement local très favorable : accès à des outils de pointe, accès à de grandes infrastructures de recherche, écosystème de laboratoires de recherche fondamentale dans des domaines voisins.
  • le laps de temps entre le démarrage d’une activité liée aux applications et le temps d’un fort développement des contrats industriels, avec des retours financiers permettant une rentabilité significative, se chiffre autour de 15 ans environ (durée moyenne avec des disparités très fortes suivant les disciplines et les secteurs d’application).
  • l’activité d’innovation démarre par des contrats publics (nationaux ou européens) avec des industriels comme partenaires actifs. Les liens avec les industriels se développant ensuite grâce aux brevets (plus de crédibilité devant un industriel et aussi devant les experts européens). Le souci d’étendre les applications dans des secteurs très divers permet de diversifier les relations avec les industriels et même de les choisir parmi les majeurs de leur domaine.
  • la taille du laboratoire est – si possible - limitée (par exemple 25 personnes) avec un bon équilibre entre chercheurs permanents et non permanents, ingénieurs et techniciens) et des possibilités réelles de mobilité de ces personnels.
  • les services fournis (gestion de la PI, contrats etc…) par l’organisme auquel est rattaché le laboratoire est un avantage.
  • dans les instances de conseil, la diversité de la société soit représentée.

Les Instituts Carnot et la conduite de projets dans le cadre des investissements d’Avenir (IA) méritent d’être évalués en tant que préfiguration de ce vers quoi devrait évoluer l’organisation de la recherche technologique.

Ces laboratoires rencontrent, aussi, des difficultés qu’il faut surmonter :

  • le fait que la subvention de l’Etat ne permette pas de couvrir les salaires environnés des chercheurs permanents, fragilise l’équilibre économique du laboratoire.
  • le fait qu’une partie d’entre eux soient financés par des contrats porte un risque important sur la durée.
  • le fait que les frais généraux ou dit d’« overhead » deviennent trop importants empêche de faire une politique d’investissement et peut être une cause de graves difficultés pour l’activité du laboratoire sur la durée.
  • la rareté des embauches de personnels permanents (chercheurs, ingénieurs et techniciens) dans les laboratoires publics est un frein sévère pour le développement du laboratoire. Il est illusoire qu’une politique de redéploiements des personnels puisse être une réponse effective

A1d (63)

Relations technologie-innovation en fonction des secteurs

L’innovation est souvent basée (mais pas toujours) sur des évolutions technologiques, mais l’articulation entre technologie et innovation dépend beaucoup des secteurs. Par exemple :

  • Dans le secteur des objets numériques, la technologie (nouveaux écrans, nouveaux dispositifs de stockage d’information, progrès dans les transmissions…) ouvre le chemin des innovations (TV HD, Smartphone, tablettes, RFID,…).
  • Pour les nouveaux moyens de mobilité durable, comme les véhicules électriques, les usages souhaités demandent des solutions technologiques nouvelles (batteries, piles à combustible…).

Dans un cas la technologie pousse l’innovation, dans l’autre l’objectif innovant souhaité tire l’évolution technologique nécessaire.


A1e (63)

L’innovation : un processus créatif différent de celui de la recherche

Ainsi, l’innovation est le résultat d’un processus (plus ou moins long) qui débute par une recherche de concept amorcé par une idée nouvelle d’usage. Cette étape de conception basée sur l’exploration de différentes architectures constitue le coeur de la démarche d’innovation. Cette exploration s’appuie très fréquemment sur les outils numériques (modèles, calculs, simulation) qui permettent de travailler dans le monde virtuel, avant de passer à l’étape du démonstrateur physique.

Ensuite les phases de développement et d’industrialisation, les plus longues et les plus coûteuses, mèneront jusqu’au marché.

A chacune de ces étapes, les connaissances scientifiques et la maîtrise des technologies contribueront au succès du processus (voir par exemple l’importance des modélisations que les connaissances scientifiques permettent de construire).

Ce processus ici décrit pour une innovation d’objet, s’applique aussi aux innovations pour des procédés de toute sorte, des services, des organisations, etc.

Cette analyse montre que les interactions science, technologie, innovation, sont complexes, qu’un processus linéaire partant de la science pour aboutir à l’innovation en passant par des intermédiaires techniques n’est pas très fréquent, que l’innovation (exploration, conception, design, usages) est un processus créatif très différent de celui de la recherche (observation, expérimentation, théorisation). On ressent le besoin de voir plus se développer, plus fortement, une culture de l’innovation tout au long des chaines de production de la connaissance et des chaines de production industrielle- portée collectivement.


A1f (64)


La distinction entre innovation et valorisation

Cette analyse montre aussi que les termes valorisation, transfert technologique, qui supposent des univers disjoints, ne sont pas bien adaptés. Ne vaut-il pas mieux évoquer les milieux favorables à de fortes interactions entre acteurs différents, chercheurs scientifiques, ingénieurs technologues, concepteurs designers, spécialistes des usages ? Il faut, ainsi, faire des allers et retours entre les laboratoires et les industriels, les laboratoires apportant les connaissances et les possibilités pour que des innovations apparaissent. Le terme écosystèmes pourrait s’appliquer à cette tendance nécessaire vers une forte interactivité.