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Pour une politique ambitieuse des données publiques (2011) chapitre 4

De Wicri France
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Pour une politique ambitieuse des données publiques :
Les données publiques au service de l’innovation et de la transparence


Partie 2 - État des lieux sur la réutilisation des données publiques en France
Chapitre IV. Le cadre de la réutilisation des données publiques en France
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L’Open Data est un mouvement global, qui trouve une résonance forte au sein des communautés de développeurs à travers le monde. Il s’est plus particulièrement développé dans les pays anglo-saxons, notamment à la suite des initiatives data.gov aux États-Unis, et data.gov.uk en Grande-Bretagne.

La loi française, en transcrivant en 2005 la directive européenne « PSI » de 2003 sur les informations du secteur public, a instauré une obligation d’ouverture et un droit à la réutilisation des données publiques. Ce chapitre dresse un état des lieux du cadre juridique et réglementaire, puis des acteurs institutionnels de l’ouverture et de la réutilisation des données publiques en France.

 

Le cadre juridique pose en principe la liberté de réutilisation

Principe de réutilisation

Le droit français établit le principe de la réutilisation libre et gratuite des données publiques. Les conditions d’accès à un document administratif, ou de réutilisation d’une information publique, aux sens définis par la loi, peuvent faire l’objet d’une requête auprès de la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (CADA).

La possibilité reste offerte aux administrations de soumettre à une redevance le droit de réutilisation des jeux de données pour lesquels cela s’avérerait nécessaire. Toute nouvelle redevance sera cependant désormais arrêtée par décret, donc encadrée par le Premier ministre[1].

Cadre juridique européen

Au niveau européen, la mise à disposition des données publiques et le droit à leur réutilisation sont régis par trois sources législatives.

  • La directive européenne 90/313/CEE concernant l’accès aux données environnementales de 1990 qui a abouti sur la Convention d’Aarhus en 2002, transcrite en 2003 dans la directive européenne 2003/4/CE et en 2005 en droit français.
  • La directive européenne PSI n° 2003/98/CE du 17 novembre 2003 concernant la réutilisation des informations du secteur public, transposée en droit français par l’ordonnance n° 2005-650 du 6 juin 2005 relative à la liberté d’accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques. Cette directive est en cours de réexamen pour la deuxième fois.
  • La directive européenne Inspire n° 2007/2/CE du 14 mars 2007 établissant une infrastructure d’information géographique dans la Communauté européenne, transposée en droit français par l’ordonnance n° 2010-1232 du 21 octobre 2010 dans les articles L. 127-1 à L. 127-10 du code de l’environnement introduits.

Les principes posés par le droit européen sont que les données publiques doivent être accessibles et réutilisables, à des fins commerciales ou non, d’une manière non discriminatoire et non exclusive à des tarifs qui n’excèdent pas leur coût de mise à disposition et éventuellement de production.

Directive Environnement PSI Inspire
Année 1990 2003 2007
Données concernées Données environnementales Toute donnée ou document public diffusé Données spatiales
Données exclues Documents non finis, statistiques ou délibération de l’État Documents non finis, Propriété intellectuelle d’un tiers, statistiques ou délibération de l’État Données personnelles, protection de l’environnement, document non fini ou couvert par un secret, propriété intellectuelle d’un tiers
Par qui Tout organisme, public ou privé, ayant une mission de service public. État hors services commerciaux et hors services culturels Toute autorité publique détentrice de données géographiques ou prestataire mandaté par une autorité publique
Comment Cataloguer les ressources mais sans métadonnées précises Tarifs bornés par les coûts Obligation de créer :
  • métadonnées, services de recherche et de visualisation, gratuitement.
  • des services de téléchargement et de transformation.
Limites La réutilisation commerciale n’est pas traitée. La réutilisation commerciale est laissée à la discrétion des États. Le plan cadastral reste la référence du bâti et du parcellaire

Depuis, différentes modifications ont été proposées, comme par exemple « d’étendre le champ d’application de la directive de manière à obliger les organismes publics à autoriser la réutilisation, d’imposer la tarification fondée sur les coûts marginaux, d’établir des listes nationales des ressources et d’obliger les États membres à présenter des rapports annuels à la Commission »[2]. Des précisions ont également été demandées « sur certains termes de la directive […] trop ambigus, tels que les définitions des documents, des missions de service public, de la tarification fondée sur les coûts marginaux ou du retour sur investissement raisonnable. »

La révision de la directive PSI apparaissait comme prématurée en 2008 lorsque la Commission en a étudié l’opportunité.

« La majorité des États membres ayant participé à la consultation estiment qu’il est prématuré de modifier la directive et préfèrent qu’un délai supplémentaire soit accordé pour permettre sa totale mise en œuvre. Les organismes du secteur public jugent que le cadre actuel fourni par la directive donne satisfaction. »

Cependant, la Commission procède à l’heure actuelle à un réexamen qui pourrait mener à une initiative législative d’ici la fin de l’année, et à une révision éventuelle de la Directive PSI.

Cadre juridique français

Le principe de réutilisation des données publiques peut se trouver un fondement constitutionnel dans les articles XIV et XV de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789[3] :

Article XIV : Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs Représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée.
Article XV : La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration.

La réutilisation des données publiques est désormais un droit régi par la loi et les dispositions réglementaires, et d’éventuelles conditions qui seraient spécifiques au jeu de données en question, précisées dans une licence détaillant le cadre de réutilisation.

De la loi de 1978 sur l'accès aux documents administratifs à la transposition de la directive

La mise à disposition des données publiques est désormais régie par l’ordonnance du 6 juin 2005, transposant la directive 2003/98 du 17 novembre 2003, et modifiant la loi « CADA » n° 78-753 du 17 juillet 1978.

Le législateur a tenu à souligner l’importance du sujet puisque c’est le titre même de la loi de 1978 qui a été modifié, « la liberté d'accès aux documents administratifs » devenant désormais « la liberté d’accès aux documents administratifs et la réutilisation des informations publiques ».

Deux autres dispositions ont complété cet ensemble réglementaire. Un décret n° 2005- 1755 du 30 décembre 2005 a été pris en application de l’ordonnance afin d’en préciser les modalités d’application, et notamment de permettre une réutilisation à des fins commerciales autant que non commerciales. Enfin, une circulaire du Premier Ministre n° 5156/SG du 29 mai 2006 a apporté un certain nombre de précisions.

Selon ces textes, les producteurs de données publiques sont donc l’État, les collectivités territoriales (Régions, Départements et Communes), et les autres personnes morales de droit public ou privé chargées d’une mission de service public qui ne soit pas à caractère industriel ou commercial.

Les établissements d’enseignement et de recherche et les établissements, organismes ou services culturels bénéficient par ailleurs d’un régime dérogatoire quant aux modalités et à l’application de ce droit de réutilisation des données publiques.

Les données publiques elles-mêmes sont définies de façon large puisqu’il s’agit des « informations figurant dans des documents produits ou reçus par les administrations mentionnées à l'article 1er, quel que soit le support. » À l’origine, la loi de 1978 visait les documents administratifs tels que les rapports, notes, études, à l’exception des documents destinés à nourrir les réflexions des autorités gouvernementales avant que celles-ci n’arrêtent leur décision (secret du délibéré de l’État)[4].

Elle couvre désormais les données géographiques, les statistiques, les mesures et relevés scientifiques, les budgets détaillés, etc. lorsque ces données ne sont pas couvertes par un secret déterminé. Le principe général posé par ces textes est clair : c’est celui de la réutilisation libre et gratuite des informations publiques. Au sens de la législation française, les informations publiques sont les informations contenues dans les documents administratifs tels que définis par la loi « CADA », produites ou reçues par un acteur public ou privé dans l’exercice d’une mission de service public, hors service public industriel ou commercial.

Protection de la vie privée

Hormis les exceptions mentionnées cidessus, la principale limite posée à la réutilisation des données publiques concerne les informations personnelles, et celles dont la mise à disposition serait susceptible d’affecter la vie privée de citoyens.

Sur ce point, la primauté de protection des données personnelles est garantie, tout en préservant le principe de la liberté de réutilisation des données publiques. Leur réutilisation n’est possible que dans deux hypothèses : si la personne intéressée y a consenti, ou si le producteur des données est en mesure de les rendre anonymes. Si ces deux conditions étaient impossibles à réunir, la loi précise que le législateur a toujours la possibilité d’accorder une autorisation spécifique au cas par cas.

Pas d'exclusivité

La dernière limite imposée par le législateur prend tout son sens avec le passage à l’ère numérique, notamment au regard des principes de neutralité d’Internet et du développement d’un marché concurrentiel dans le secteur des communications. Aucune administration ne peut accorder de contrat d’exclusivité pour la réutilisation de ses données, sauf si cette exclusivité est nécessaire à l’exercice de sa mission de service public. Dans tous les cas, cette exclusivité devra alors être révisée tous les trois ans.

Redevance et licence

Le législateur a également prévu l’hypothèse d’une administration qui souhaiterait soumettre ses données à redevance. Considérant cette modalité comme légitime, il ne l’a soumise qu’à la seule condition que cette mise à disposition soit alors soumise à une licence publique, proposée à tous, et non discriminatoire, et que le montant de la redevance ne dépasse pas un retour raisonnable sur investissement pour l’institution productrice.

Dans cette hypothèse de mise à disposition payante des données publiques, une licence est obligatoire afin de clarifier l’étendue des droits conférés aux réutilisateurs. Lorsqu’il n’y a pas de redevance, une licence n’est pas obligatoire et l’administration choisit souvent un simple rappel des conditions de réutilisation fixées par la loi.

Cependant, l’administration peut aussi diffuser ses données selon des licences qu’elle établirait elle-même afin de garantir une meilleure information aux réutilisateurs, et d’assurer leur sécurité juridique. En effet, le problème est souvent soulevé, notamment par les jeunes sociétés innovantes qui doivent se justifier sur ce point dans leurs dossiers de financement.

Dans la mesure où les données sont librement réutilisables, elles peuvent alors être intégrées dans tous les projets sous licences libres compatibles (type GPL, MIT, Creative Commons etc.).

Finalement, il est également possible pour l’administration de proposer une solution mixte, avec simultanément un accès libre et gratuit aux données et un accès payant mais qui impliquerait des services supplémentaires. C’est par exemple le cas de la licence fixée pour la réutilisation en masse des données légales et réglementaires via l’API du site Legifrance, qui est gratuite en deçà d’un certain seuil de volume et payante au-delà.

Le régime dérogatoire des données scientifique et culturelles

En ce qui concerne les données publiques d’enseignement, de recherche et culturelles, c’est-à-dire notamment toutes les données dépendant du ministère de la culture, dont les archives, il convient de rappeler que les dispositions de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 leur concèdent un régime dérogatoire.

En effet, selon l’article 11 de cette loi, les conditions de réutilisation des informations contenues dans des documents élaborés ou détenus par des établissements, organismes ou services d’enseignement, de recherche ou du domaine de la culture peuvent être librement fixées par ces derniers[5].

Une difficulté vient du fait que les données culturelles sont très fréquemment grevées de droits de propriété intellectuelle envers des tiers (artiste, photographe, etc.), ce qui a pour effet d’en compliquer le droit à réutilisation.

Ce régime dérogatoire découle des exceptions consenties dans les textes européens : la directive PSI exclue de son champ d’application les organismes culturels, d’enseignement et de recherche, ainsi que les radiodiffuseurs publics.

Néanmoins au cours de son réexamen en 2008, cette question était revenue à l’ordre du jour. Un « comité des sages », nommé par la Commission européenne sur la mise en ligne du patrimoine culturel européen, a remis début 2011 des conclusions[6] qui vont fortement dans le sens d’une plus large ouverture à la réutilisation des données culturelles. Le sujet pourrait donc évoluer à l’occasion d’une éventuelle révision de la directive PSI.

Les acteurs de la réutilisation de données publiques

Le processus de réutilisation des données publiques implique trois types d’acteurs : des producteurs, des réutilisateurs, et des instances publiques de contrôle, de pilotage et de mise en œuvre de cette politique publique.

Les producteurs de données

Les acteurs publics

Les administrations (centrales, ou déconcentrées), les collectivités territoriales et les établissements publics à caractère administratif (EPA) produisent et reçoivent une quantité considérable de données publiques, puisque ces dernières représentent par définition l’ensemble de la « matière première » à partir de laquelle l’administration travaille.

Ces données sont produites dans un contexte de « monopole naturel » du fait de la position de l’administration pour réaliser et suivre l’exécution des politiques publiques ou pour la collecte d’indicateurs de pilotage. Elles sont uniques et ont souvent une forte valeur. Malgré les difficultés liées à la qualité de données inhérentes à tout système d’information de grande envergure, ces données sont généralement fiables, précises, complètes et de qualité.

Les fonctionnaires et agents de ces institutions, qui connaissent très bien les métiers de leur organisation, ont un rôle important à jouer dans l’identification, le recensement et la qualification des données publiques. En Grande Bretagne, « les fonctionnaires dans les administrations ont identifié les bases de données à ouvrir et les ont proposées aux coordinateurs de projets, parfois en contournant une hiérarchie peu au fait de l’intérêt de la démarche, voire hostile[7] ».

Les entreprises exerçant une mission de service public

Dans les limites indiquées plus haut, les données produites par un établissement public ou une entreprise privée, dans le cadre d’une mission de service public autre qu’à caractère industriel et commercial, entrent dans le périmètre des données publiques réutilisables.

La mise à disposition de ces données pour réutilisation est cependant un sujet complexe, car les limites du caractère commercial ou industriel d’un service public peuvent être floues et discutables. En mettant des données liées à leur fonctionnement à la disposition du public, les entreprises peuvent craindre de communiquer des informations qui devraient relever du secret commercial.

Au-delà de ces craintes, la démarche d’ouverture de données n’est pas spontanément naturelle, et les grandes entreprises les plus concernées (SNCF, RATP, La Poste) seront probablement amenées à évoluer graduellement sur le sujet, grâce aux exemples vertueux mis en avant par la communauté de réutilisateurs, et à mesure que les bénéfices potentiels d’une telle mise à disposition leur apparaîtront plus clairement.

La recherche scientifique

Les chercheurs sont par nature des collecteurs voire des producteurs de données, des plus élémentaires aux plus complexes. Le monde de la science est de plus régi par le principe de la publication : la reconnaissance d’un scientifique passe par les résultats qu’il publie et qu’il soumet à la communauté scientifique.

Pour donner de la visibilité à la production scientifique, et en allant dans le sens d’une dynamique globale[8], le Centre National de Recherche Scientifique (CNRS) s’est lancé à partir de 2000, dans le développement d’archives ouvertes via Internet. La base HAL[9], comme « Hyper article en ligne » est un site sur lequel les chercheurs peuvent venir déposer directement leurs articles. « Ouverte à toutes les disciplines, en progression constante, la plateforme HAL reçoit actuellement environ 1 800 nouveaux articles chaque mois, soit près d’un quart de la production scientifique française. »[10]

Au-delà des articles scientifiques, le mouvement d’ouverture des données brutes touche de plus en plus le monde de la recherche. Les grands journaux scientifiques demandent notamment aujourd’hui aux auteurs de publier, en parallèle à leurs conclusions, les données brutes issues de leurs expériences.

Les institutions de la réutilisation des données publiques

La Commission d'Accès aux Documents Administratifs (CADA)

La Commission d’Accès aux Documents Administratifs (CADA)[11] est une autorité administrative indépendante. Ses statuts ont été modifiés par le décret n° 2005-1755 du 30 décembre 2005 relatif à la liberté d’accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques.

La CADA joue un rôle consultatif et peut être saisie de requêtes lorsqu’un citoyen juge non conformes à la loi les conditions d’accès ou de réutilisation qui lui sont imposées. Elle peut intervenir au profit des utilisateurs faisant face à un refus de réutilisation d’informations publiques, ou répondre aux sollicitations des administrations demandant des conseils sur le caractère communicable ou réutilisable des documents.

Bien qu’intervenant pour tous les documents détenus par un service de l’État, une collectivité territoriale, un établissement public ou un organisme chargé de la gestion d’un service public, qu’il soit public ou privé, son rôle reste limité aux documents administratifs et aux informations publiques.

En 2009, les problèmes ayant trait à la réutilisation des données ont représenté seulement 5 % du total des demandes adressées à la CADA[12]. Dans ces cas-là, l’intégralité des réponses a été favorable aux réutilisateurs.

CNIL

Par ailleurs, la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL)[13] chargée de veiller au respect de la préservation des droits de la vie privée et des libertés dans un monde numérique, peut être saisie, ou se saisir d’elle-même, de tout projet ou des démarches de réutilisation de données publiques, quand ces données présentent des implications en matière de vie privée et de données personnelles. Notamment, en parallèle à la Commission du Secret statistique de l’INSEE, elle veille à l’anonymisation des données ou des statistiques qui pourraient révéler des informations personnelles.

La communauté des réutilisateurs

Les citoyens

Chaque citoyen peut récupérer des données publiques et les enrichir avec des données personnelles ou en les combinant avec d’autres données ouvertes. Il peut les utiliser à titre personnel ou en tant que producteur de données au profit de la collectivité.

Des développeurs informatiques passionnés appliquent leurs compétences à la réutilisation et à la visualisation des données publiques. Souvent issus des communautés organisées autour du développement de logiciels libres, ces développeurs sont aujourd’hui des parties prenantes essentielles au mouvement d’ouverture des données. Leurs réalisations illustrent les possibilités liées à l’Open Data.

Ainsi, le météorologue et prévisionniste Guillaume Séchet a pu créer à partir de relevés personnels son propre site de prévisions météorologiques pour Paris, MétéoParis. À partir d’une base de données historiques sur les événements climatiques en France, il diffuse en ligne lui-même (service Web et mobile) ses prévisions météorologiques personnelles.

Les chercheurs

Comme mentionné plus haut, le monde de la recherche a joué un rôle essentiel dans l’éclosion du mouvement de l’Open Data.

La réutilisation de données produites ou mises en commun par d’autres chercheurs a été historiquement, et plus encore aujourd’hui, un élément important du succès de grands projets scientifiques, du séquençage du génome humain au développement du répertoire standards de « pièces » de génome et protéome utilisé en biologie synthétique[14].

Aujourd’hui, avec des capacités de traitement toujours plus importantes, les possibilités offertes par l’ouverture des données offrent un champ de recherche considérable. Pour cette raison, l’INSEE, dans sa politique de mise à disposition des données statistiques, propose un service spécifique dédié à la recherche via le centre QUETELET lié au CNRS[15]. L’IGN fait de même.

Les acteurs associatifs

Plusieurs associations ou collectifs se sont données pour objectif d’encourager à la mise en ligne des données publiques au niveau national comme au niveau local, comme Regards Citoyens, LiberTIC ou la FING (Fondation Internet Nouvelle Génération).

Dans une démarche de transparence démocratique, certaines associations, par exemple dans les domaines de l’environnement ou des droits des consommateurs, souhaitent pouvoir collationner des données brutes en vue de documenter leurs analyses ou de dresser un bilan ou une évaluation d’uns situation.

Les acteurs associatifs peuvent aussi participer de manière collaborative à des actions de collecte de données publiques présentes en ligne (« wiki scraping »), voire à la génération des données elles-mêmes.

Par exemple suite au séisme qui a frappé Haïti le 12 janvier 2010, la communauté d’utilisateurs d’OpenStreetMap a réalisé très rapidement une cartographie de meilleure qualité que l’existant, enrichie de nombreuses données actualisées comme l’état des axes de circulation et l’emplacement des campements de secours. Ce type de productions non institutionnelles peut s’avérer d’une grande utilité pour la gestion des crises.

Les acteurs économiques

La réutilisation commerciale des données peut permettre l’éclosion de nouvelles activités économiques, ou le développement et l’amélioration d’initiatives déjà existantes.

En France, le Groupement Français de l’Industrie de l’Information (GFII) a créé un groupe de travail spécifique et très actif sur l’ouverture des données publiques[16].

La réutilisation des données s’adresse bien sûr aux acteurs les plus établis de l’économie, et notamment les grandes entreprises des secteurs de l’information, qui peuvent utiliser la donnée publique pour améliorer leurs processus productifs.

Parce qu’elle représente un fort potentiel d’innovation, la donnée publique est un ingrédient particulièrement important du développement de startups et de jeunes entreprises innovantes de l’économie numérique.

Le développement de ce secteur est un enjeu majeur pour l’emploi : Internet a permis plus d’un quart des créations nettes d’emploi depuis 1995 en France. Il est donc crucial que les conditions de réutilisation permettent aux startups et aux entrepreneurs de s’approprier les données publiques et d’expérimenter de nouvelles activités à partir de leur réutilisation.

Des conditions véritablement non discriminatoires pour des acteurs économiques à très faibles moyens, comme des startups en phase préliminaire à une levée de fonds, ne devraient pas imposer de redevances excessives. La facturation immédiate de plusieurs dizaines de milliers d’euros (e.g. 123 000 euros dans le cas des données de fiscalité locale[17]) pour réutilisation commerciale est à ce titre un exemple de ce qui peut fortement décourager l’innovation.

La presse et les médias

Le journalisme de données (« data journalism ») est un exemple marquant de l’importance potentielle de la réutilisation des données publiques pour le débat démocratique. The Guardian[18] a ainsi joué un rôle essentiel au Royaume-Uni, et le New York Times a décidé en 2009 de mettre à disposition sous forme de données ouvertes sa base de données de personnes, d’institutions et d’événements qu’il tient à jour depuis 1913.

En France, le site d’information OWNI[19] se présente comme un « digital think tank » avec pour ambition d’être le « laboratoire du journalisme innovant », « à la pointe de l’expérimentation en matière de datajournalism ». Il a été lauréat d’un prix aux Online Journalism Awards en octobre 2010 dans la catégorie « meilleur site en langue non anglaise ».



Notes originales

  1. Regards sur le Numérique, 17 mars 2011, « Data.gouv.fr : La France va se lancer en version bêta avant fin 2011 ».
    < http://www.rslnmag.fr/blog/2011/3/17/_data-gouv-fr_lafrance-va-se-lancer_en-version-beta_avant-fin-2011/ >
  2. Commission Européenne, 2009, « Réutilisation des informations du secteur public: Réexamen de la directive 2003/98/CE ». 7 mai 2009.
    < http://eurlex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2009:0212:FIN:FR:PDF >
  3. < http://www.assembleenationale.fr/histoir/dudh/1789.asp >
  4. Pour plus d’informations, consulter le site de la CADA : http://www.cada.fr/fr/guide/center4b1.htm
  5. Une démarche exploratoire visant à généraliser la réutilisation des données a été mise en oeuvre : Ministère de la Culture, 2008, « Partager notre patrimoine culturel : Propositions pour une charte de la diffusion et de la réutilisation des données publiques culturelles numériques”.
    < http://www.culture.gouv.fr/mcc/content/download/5331/35792/version/1/fil/CHARTE_BOL_21082009noirblancVA L-1.pdf >
  6. Reflection group on bringing Europe’s cultural heritage online, 2011, “The New Renaissance: Report of the ‘Comité des sages”.
    < http://ec.europa.eu/information_society/activities/digital_libraries/doc/refgroup/final_report_cds.pdf >
  7. Valérie Peugeot : « Les enjeux publics, économiques et citoyens de l’ouverture des données : l’expérience britannique »
    <http://academia.edu.documents.s3.amazonaws.com/1850987/CommunicationDocSoc2010_VPeugeot_opendata.pdf >
  8. D’après le site Internet du CNRS : « un mouvement international en faveur de la communication scientifique directe sur Internet initié dans les années 90 par le physicien Paul Ginsparg. Ce scientifique américain a été le premier à mettre au point une archive ouverte, « ArXiv », consacrée à l’origine aux articles de physique et devenue progressivement l’archive internationale de référence en physique, mathématiques, informatique et certaines spécialités de biologie. »
  9. Entretien avec Stéphane Cottin, Secrétariat général du gouvernement.
  10. http://www.ambafrance-cn.org/L-archive-ouverte-HAL-plus-de-100-000-articles-scientifiques-en-ligne.html
  11. Commission d’Accès aux Documents Administratifs
    < http://www.cada.fr/ >
  12. Martinez, 2010, « Topic report : PSI reuse in France, overview and recent developments ».
    <http://www.epsiplatform.eu/topic_reports/topic_report_no_10_psi_re_use_in_france_overview_and_recent_developments >
  13. La CNIL a été créée par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, modifiée en 2004.
    < http://www.cnil.fr/la-cnil/ >
  14. BioBricks (« repository of parts for synthetic biology »)
    < http://biobricks.org >
  15. Réseau Quételet : http://www.reseau-quetelet.cnrs.fr/. Il s’agit d’un réseau constitué par le Centre de données socio-politiques (CDSP) de Sciences-Po, le Centre Maurice Halbwachs – Archives de données issues de la statistique publique (CMH-ADISP, UMR 8097), et l’Institut national d’études démographiques (INED). Il permet aux chercheurs français et étrangers d’obtenir des bases de données nécessaires à leurs traitements dans les domaines des grandes enquêtes, recensements et autres bases de données issues de la statistique publique française, grandes enquêtes françaises provenant de la recherche, et un accès privilégié à des enquêtes internationales.
  16. < http://www.gfii.asso.fr/rubrique.php3?id_rubrique=60 >
  17. Décret fixant la redevance pour le fichier « REI »
    < http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=?cidTexte=JORFTEXT000022807097dateTexte=&oldAc tion=rechJO&categorieLien=id >
  18. Guardian Open Platform
    < http://www.guardian.co.uk/open-platform >
  19. OWNI (Objet Web Non Identifié)
    < http://owni.fr >