Chanson de Roland/Manuscrit d'Oxford/Laisse CLXIX

De Wicri Chanson de Roland
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Révision datée du 27 octobre 2023 à 18:12 par Jacques Ducloy (discussion | contributions) (Notes (version de Léon Gautier))

Cette page introduit la laisse CLXIX (169) en suivant l'organisation propre au manuscrit d'Oxford.

Dans le manuscrit d'Oxford

La laisse est contenue sur le feuillet 41 verso du manuscrit.

Elle démarre à la lettrine C.

Elle est numérotée


 
Page82-2140px-La Chanson de Roland - MS Oxford.djvu.jpg

Transcription et traduction par Léon Gautier


CLXXI

Ço sent Rollanz que s’espée li tolt, Roland s’aperçoit qu’on lui enlève son épée ;
2285 Uverit les oilz, si li ad dit un mot : Il ouvre les yeux, ne dit qu’un mot :
« Men escientre ! tu n’es mie des noz ! » « Tu n’es pas des nôtres, que je sache ! »
Tient l’olifant, que unkes perdre ne volt, De son olifant, qu’il ne voudrait point lâcher,
Si l’ fiert en l’ helme, ki gemmez fut ad or, Il frappe un rude coup sur le heaume tout gemmé d’or,
Fruisset l’acer e la teste e les os, Brise l’acier, la tête et les os du païen,
2290 Ambsdous les oilz de l’ chef li ad mis fors, Lui fait jaillir les deux yeux hors du chef,
Jus à ses piez si l’ad tresturnet mort ; Et le retourne mort à ses pieds :
Après, li dit : « Culvert, cum fus si os « Lâche, dit-il, qui t’a rendu si osé,
« Que me saisis, ne à dreit ne à tort ? « À tort ou à droit, de mettre la main sur Roland ?
« Ne l’ orrat hom ne t’en tienget pur fol. « Qui le saura t’en estimera fou.
2295 « Fenduz en est mis olifans el’ gros, « Le pavillon de mon olifant en est fendu ;
« Ça juz en est li cristals e li ors. » Aoi. « L’or et les pierreries en sont tombés. »

Transcription commentée de Francisque Michel

Francisque Michel-02.png
Chanson de Roland (Francisque Michel 1869) Exemplaire annoté par Paul Meyer
Navigation dans le manuscrit d'Oxford
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Manuscrit d'Oxford Lettrine 1.png

CLXX. ( => F. M. )


Ço sent Rollans que s'espée li tolt*,  *Son épée lui enlève.
Uverit les oilz*, si li ad dit un mot :  *Ouvrit les yeux.
« Men escientre, tu n'ies mie des noz*. »  *Mon escient, tu n'es pas des nôtres.
Tient l'olifan, que unkes perdre ne volt*,  *Voulut.
Si l'fiert en l'elme ki gemmet fut à or* ;  *Et le frappe dans le heaume qui fut décoré de pierres fines avec or.
Fruisset* l'acer e la teste e les os,  *Froisse.
Amsdous les oilz* del chef li ad mis fors**,  *Les deux yeux. **Dehors.
Jus à ses piez* si l'ad tresturnet** mort ;  *À bas. **Il l'a renversé.
Après li dit : « Cum fus unkes si os  *Comment fus(-tu) oncques si osé.
Que me saisis ne à dreit ne à tort ?
Ne l'orrat hume ne t'en tienget* por fol.  *Ne l'ouira (nul) homme qui ne t'en tienne.
Fenduz en est mis olifans el gros*,  *Dans le gros.
Çà juz* en est li cristals et li ors. » [AOI.]  *Ici-bas.
 
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Notes (version de Léon Gautier)

logo travaux partie en cours de finition

Chanson de Roland (1872) Gautier, II, page 185.jpg[178]

Vers 2285.

Vers 2285.Uvrit. Mu.

    1. 2286 ##

Vers 2286. — Lire mien et ies. O. V. la note du vers 648.

    1. 2287 ##

Vers 2287.Olifan. O V. la note du vers 1059. ═ Qu’unkes. Mu. ═ Nous avons laissé volt (au lieu de voelt) à cause de l’assonance. Chanson de Roland (1872) Gautier, II, page 186.jpg[179]

    1. 2287 ##

En général, nous avons partout respecté l’assonance et avons fait céder, devant ce principe, le principe même de l’unité orthographique.

    1. 2288 ##

Vers 2288.Elme. O. V. la note du vers 996. ═ Gemmet. O. Pour le s. s. m., il faut gemmez. ═ A or. O. Nous avons adopté ici le d euphonique si fréquemment employé par notre scribe.

    1. 2289 ##

Vers 2289. — Lire acier.

    1. 2290 ##

Vers 2290. — Lire chief. ═ Amsdous. O. V. la note du vers 2240.

    1. 2291 ##

Vers 2291. — Le Ms. d’O. écrit ici jus, et au v. 2296, juz. Lire partout jus.

    1. 2292 ##

Vers 2292.Culvert païen, cum fus unkes si os. O. Pour la mesure, G. et Mu. ont dû, d’après Venise IV, supprimer les deux mots païen et unkes. — Oultre culvert, t’arme soit hui dampnée. Lyon.

    1. 2294 ##

Vers 2294.Hume. O. V. la note du vers 20. ═ Por. O.

    1. 2295 ##
Gautier - La Chanson de Roland , 1872 - Vol. 2 - Illustration page 187.png

Vers 2295. — Le trait de ce Sarrazin qui veut s’emparer de l’épée de Roland a donné lieu, dans le Ruolandes Liet, à un épisode calqué sur celui du texte d’Oxford. Dans un manuscrit du poëme allemand, qui remonte à la seconde moitié du xiie siècle, on trouve un certain nombre de miniatures grossières que W. Grimm a fait reproduire au trait et dont il a enrichi son édition. Nous avons nous-même fait graver deux Chanson de Roland (1872) Gautier, II, page 187.jpg[180]

    1. 2295 ##

de ces miniatures, et notamment celle qui se rapporte aux deux strophes clxxii et clxxiii. Roland y est représenté au moment où il frappe le païen de son « olifant ». Rien n’est moins artistique. Mais l’archéologue ne dédaignera pas ces dessins naïfs, qui sont, tout au moins, précieux pour l’histoire du costume et de l’armure. On trouvera un peu plus loin (au v. 2452) la reproduction de l’autre miniature, laquelle représente saint Gabriel apparaissant à Charlemagne. ═ Nous avons déjà parlé du Ruolandes Liet dans notre Introduction, et avons particulièrement insisté sur le caractère ecclésiastique de cette œuvre. Mais nous n’en avons cité qu’un fragment insuffisant. Nous devons à l’obligeance de M. Gaston Paris la traduction de deux autres épisodes du poëme allemand, qui correspondent, le premier aux vers 1124 et ss. ; le second aux vers 1325 et ss. de notre Chanson française. Nous les plaçons ici sous les yeux de notre lecteur, qui se convaincra par là combien l’œuvre du curé Conrad offre une physionomie plus religieuse, plus cléricale que notre Roland. Telle est, du moins, la conclusion que l’on tirera, suivant nous, de la lecture des deux fragments suivants.

I. Quand les héros apprirent — que les païens étaient en nombre, ils demandèrent à leur prêtre — de se préparer. — Ils allèrent à leur « service », — reçurent le corps de Dieu, — se prosternèrent, priant pour leurs péchés, — jetèrent des cris au ciel ; — bien plus d’une fois — ils conjurèrent Dieu, par les blessures — avec lesquelles il racheta les siens, — de les soutenir, — de leur pardonner leurs péchés — et d’être lui-même leur témoin. — Ils se garantirent par la confession ; — ils se préparèrent à la mort. — Et pourtant c’étaient de bons vassaux, — disposés au martyre — pour le salut de leur âme. — C’étaient vraiment des guerriers de Dieu. — Ils ne songeaient pas à s’enfuir ; — mais ils désiraient reconquérir notre ancien héritage ; — et tel était le but des efforts de ces héros. — Oui, c’étaient de nobles seigneurs, — d’une vie chrétienne. — Ils n’avaient tous qu’un seul courage ; — leur cœur était dirigé vers Dieu ; — ils avaient de la retenue et de la honte, — de la chasteté et de l’obéissance, — de la patience et de l’amour ; — ils brûlaient véritablement en dedans — d’amour pour la douceur de Dieu. — Il faut qu’ils nous aident — à oublier la misère de cette vie, — maintenant qu’ils possèdent le royaume céleste.

Quand les héros de Dieu, — par des psaumes, par des prières, — par la confession, par des actes de foi, — avec leurs yeux en pleurs, — en grande humilité, — et par des bontés de toute sorte, — se furent joints à Dieu, — quand ils eurent nourri leurs âmes — du pain sacré — et du sang divin — pour la vie éternelle, — alors les héros s’armèrent ; — alors ils louèrent Dieu, — Ils étaient tous ensemble joyeux, — comme Chanson de Roland (1872) Gautier, II, page 188.jpg[181]

    1. 2295 ##

personne ne peut vous dire — quelle détresse il y eut là... (Il doit y avoir ici une lacune.)... Le marquis Waldram — frappe le païen ; — si bien qu’il jette au loin son gonfanon ; — il tombe mort sous son cheval. — Les païens sont forcés de plier ; — les vrais champions de Dieu — leur laissent peu de repos : — au delà de trois lieues — on entendait leurs cris de détresse. — Ils brisaient les heaumes, — ils perçaient les hauberts. — La forte chaleur les fatiguait : — ils étaient comme dans une fournaise, — tant au dehors qu’au dedans. — Les chrétiens combattaient selon leur désir.

Les païens n’osaient pas fuir ; — en grand nombre ils tombèrent morts ; — ils se firent périr eux-mêmes. — Le Diable a gagné en eux — aussi bien le corps que l’âme. — Alors le Seigneur céleste voulut — reposer un peu les siens : — il descendit sur les chrétiens — une rosée céleste, — une fraîcheur sur leurs yeux. — Cela eut lieu à l’heure de none. — Leurs corps à tous se rajeunirent ; — ils devinrent forts et fermes. — Quand ils virent cette consolation céleste, — ils crièrent : Monsoy ! Monsoy ! — Et ils s’approchèrent de plus près. — Là il y eut un grand bruit de heaumes, — et grande fut la chute des païens. — Ni écu ni maille — ne leur protégea le corps — mieux que l’éponge : — Les chrétiens abattaient cheval et cavalier — avec leurs lances acérées. (Ruolandes Liet, éd. Grimm., pp. 154-157. À ce miracle se rapporte la min. n° 20.)



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