La Chanson de Roland/Léon Gautier/Édition populaire/1895/Partie 1/Ambassade Ganelon : Différence entre versions

De Wicri Chanson de Roland
(Fin de chapitre brut d'OCR)
(669. L'Empereur s'est levé de grand matin)
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d'or, prennent place sur des fauteuils;  
 
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derrière Charlemagne plusieurs rois se  
 
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tiennent debout : « Li rois Burnos le
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jor servi do vin ; — De l'eseuelle Drues
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i Poitevin; — Rois Salemons tint le
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jor le bacin. » (Aspremont, Bibl. nat.
 +
fr. 2495, f° 711.) Sur la table on voit
 +
étinceler sept cents coupes d'argent et
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d'or, et l'un de nos épiques veut bien
 +
nous apprendre que « Charlemagne les
 +
conquit outre Rhin quand il occit le
 +
païen Guitalin ». (Aspremont , Bibl. nat.
 +
IV. 2495, f? 67-71.— Cf. Ogier, v. 3502-
 +
3506.) s= Si le Conseil ou la Cour avail
 +
eu lieu avant le repas, le reste de la
 +
journée n'est plus consacré qu'au plai-
 +
sir. C'est alors que les chevaliers , assis
 +
sur le satin blanc, se mettent à jouer
 +
aux tables ou aux échecs : Charlemagne
 +
les regarde du haut de son trône. (Ro-
 +
land, v. 109-116), ou se jette avec
 +
ardeur dans quelque partie de chasse.
 +
(Girars de Viane, Jehan de Lan-
 +
seon, etc.) A vraiment parler, sa journée
 +
est finie. 11 revient bientôt à son palais
 +
ou dans sa tente, et s'endort sous la
 +
garde de Fange Gabriel. (Cf. les v. 316
 +
et suiv.)
  
  

Version du 19 mai 2022 à 22:16

Fig. 12. — G.inelon met la main à son épée, et on tire la longueur de deux doigts. (Vers 443, 444.) (Composition de Perat.)

Facsimilés

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Les couplets (laisses)

XXX

 
O. => XXVIII
Voilà Ganelon qui chevauche sous de hauts oliviers...
Il a rejoint les messagers sarrasins :
Blancandrin, pour l’attendre, avait ralenti sa marche.
Tous deux commencent l’entretien, tous deux y sont habiles :
 370  « Quel homme merveilleux que ce Charles ! s’écrie Blancandrin.
« Il a conquis la Calabre et la Pouille ;
« Constantinople et la vaste Saxe :
« Il a passé la mer salée, afin de mettre la main sur l’Angleterre,
« Et il en a conquis le tribut pour saint Pierre.
« Mais pourquoi vient-il nous poursuivre chez nous ?
 375 « — Telle est sa volonté, dit Ganelon,
« Et il n’y aura jamais d’homme qui soit de taille à lutter contre lui. »

XXXI

O. => XXIX
« Quels vaillants hommes que les Français ! » dit Blancandrin :
« Mais vos comtes et vos ducs font très grand tort
« A leur seigneur, quand ils lui donnent tel conseil ;
380   « Ils perdent Charles, et en perdent bien d'autres avec lui.
« — Je n'en sais vraiment pas un, » dit Ganelon,
« qui mérite ce blâme,
« Pas un , si ce n'est Roland ; et il n'en tirera que de la honte.
« L'autre jour encore, l'Empereur était assis à l'ombre.
« Son neveu vint devant lui. vêtu de sa broigne :
385   « C'était près de Carcassonne, où il avait fait riche butin.
« Dans sa main il tenait une pomme vermeille :
« Tenez, beau sire, » dit-il à son oncle,
« Voici les couronnes de tous les rois que je mets à vos pieds. »
« Tant d'orgueil devrait bien trouver son châtiment.
390   « Chaque jour il s'expose à la mort.
« Que quelqu'un le tue : nous n'aurons la paix qu'à ce prix. » Aoi.

XXXII

O. => XXX
« Ce Roland, » dit Blancandrin, « est bien cruel
« De vouloir faire crier merci à tous les peuples,
« Et mettre ainsi la main sur toutes les terres !
395   « Mais, pour une telle entreprise, sur quelle gent compte -t- il?
« — Sur les Français, » répond Ganelon.
« Ils l'aiment tant, qu'ils ne lui feront jamais défaut.
« Il ne leur refuse ni or ni argent
« Ni destriers, ni mules, ni soie, ni armures;
400   « A l'Empereur lui-même il en donne autant que Charles en désire.
« Il conquerra le monde jusqu'à l'Orient. Aoi.

XXXIII

Le Sarrasin jette un regard sur Ganelon;
Il lui trouve belle mine, mais regard de félon.
En ce moment Ganelon a un tremblemant dans tout le corps,
Et Blancandrin lui adresse aussitôt ce discours :
« Entendez-moi bien, » lui dit-il.
« Voulez-vous vous venger de Roland?
« Eh bien ! par Mahomet, livrez-le-nous,
« Le roi Marsile est plein de courtoisie,
« Et il vous abandonnera volontiers ses trésors. »
Guenes l'entend, et baisse le menton. Aoi.

XXXIV

O. => XXXI
Ils ont tant chevauché, Ganelon et Blancandrin,
Qu'ils ont fini par s'engager mutuellement leur foi
Pour chercher le moyen de faire périr Roland.
405   Ils ont tant chevauché par voies et par chemins,
Qu'ils arrivent à Saragosse. Ils descendent sous un if.
A l'ombre d'un pin il y a un trône
Enveloppé de soie d'Alexandrie.
C'est là qu'est assis le roi maître de toute l'Espagne.
410   Vingt mille Sarrasins sont autour de lui ;
Mais on n'entend, parmi eux, sonner ni tinter un seul mot,
Tant ils désirent apprendre des nouvelles.
Voici venir Ganelon et Blancandrin. Aoi.

XXXV

  Devant Marsile s’avance Blancandrin,
 415  Qui par le poing tient le comte Ganelon :
« Salut, » dit-il, « au nom de Mahomet
« Et d'Apollon, dont nous observons la loi.
« Nous avons fait votre message à Charles.
« Il a levé ses deux mains vers le ciel,
  420   « A rendu grâces à son Dieu, et point n'a fait d'autre réponse ;
« Mais il vous envoie un de ses nobles barons,
« Qui est un très puissant homme de France.
« C'est par lui que vous saurez si vous aurez la paix ou non.
« — Qu'il parle, » dit Marsile, « nous l'écouterons. »     Aoi.

XXXVI

425   Ganelon cependant prend son temps pour réfléchir,
Et commence à parler avec un grand art.
Comme celui qui très bien le sait faire :
« Salut, » dit-il au Roi, « salut au nom de Dieu,
De Dieu le glorieux que nous devons adorer.
430   « Voici ce que vous mande Charlemagne le baron :
Vous recevrez la sainte loi chrétienne,
Et Charles vous daignera laisser en fief la moitié de l'Espagne.
« L'autre moitié sera pour Roland, le baron.
« (L'orgueilleux compagnon que vous aurez là !)
« Si vous ne voulez point de cet accord,
« Sous Saragosse il ira mettre le siège :
« Vous serez pris, vous serez garrotté de force,
435   « Et l'on vous conduira à Aix, siège de l'Empire.
« Un jugement y finira vos jours,
« Et vous y mourrez dans la vilenie, dans la honte.»
Le roi Marsile fut alors saisi de frémissement :
Il tenait à la main une flèche empennée d'or ;
440   II en veut frapper Ganelon ; mais par bonheur on le retient. Aoi.

XXXVII

Le roi Marsile a changé de couleur
Et brandit dans sa main le bois de la flèche.
Ganelon le voit, met la main à son épée ,
Et en tire du fourreau la longueur de deux doigts :
445  [NDLR 1] « Epée, » lui dit-il, a vous êtes claire et belle.
« Tant que je vous porterai à la cour de ce roi,
« L'Empereur de France ne dira pas
« Que je serai mort tout seul au pays étranger.
« Mais, avant ma mort, les meilleurs vous auront payée de leur sang.
450   « — Défaisons la mêlée, » s'écrient les Sarrasins. Aoi.

XXXVIII

Les meilleurs des païens ont tant prié Marsile,
Que sur son trône il s'est enfin rassis.
Et le Calife : « Vous nous mettiez, » dit-il, « en vilain cas,
« Quand vous vouliez frapper le Français.
405   « II fallait l'écouter et l'entendre.
« — Sire, » dit Ganelon, «" je veux bien souffrir cet affront :
« Mais oncques je ne consentirais pour tout l'or que Dieu lit,
« Ni pour tous les trésors qui sont en ce pays,
« A ne pas dire, si l'on m'en laisse le loisir,
460   « Le message que Charles, le roi très puissant,
« Vous mande à vous, son ennemi mortel. »
Ganelon était vêtu d'un manteau de zibeline,
Couvert de soie d'Alexandrie.
Il le jette à terre, et Blancandrin le reçoit;
465   Mais, quant à son épée, point ne la veut quitter :
En son poing droit la tient par le pommeau d'or.
« Voilà, » disent les païens, « voilà un noble baron! » Aoi.

XXXIX

logo travaux laisses brutes d'OCR à partir de ce point

Ganelon s'est approché du Roi :

a Vous vous emportez à tort, » lui a-t-il dit :


470 « Celui qui tient la France, Charlemagne, vous mande « Que vous ayez à recevoir la loi chrétienne , « Et il vous donnera en fief la moitié de l'Espagne. « Quant à l'autre moitié, elle est pour son neveu

Roland. « (L'orgueilleux compagnon que vous aurez là ! )

475 « Si vous ne voulez pas accepter cet accord, « Charles viendra vous assiéger dans Saragosse. « Vous serez pris, vous serez garrotté de force, « Et mené droit à Aix, siège de l'Empire. « Pour vous pas de destrier ni de palefroi ;

480 « Pas de mulet ni de mule où l'on vous laisse che- vaucher. « On vous jettera sur un méchant cheval de charge ; « Et un jugement vous condamnera à perdre la tête. « Voici la lettre que vous envoie notre Empereur. » Il la remet au païen dans le poing droit. Aoi.

XL

485 Marsile était savant, était lettré,

Et avait été aux écoles de la loi païenne.

Il brise le sceau, il en fait choir la cire,

Jette un regard sur la lettre, et voit tout ce qui est écrit :

17 pleure des yeux, tire sa barbe blanche,

Se lève, et, d'une voix retentissante :

« Écoulez, seigneurs, quelle folie.

« Celui qui a la France en son pouvoir, Charles, me mande

« De me souvenir de la colère et de la grande dou- leur, 490 « C'est-à-dire de Basan et de son frère Basile,

« Dont j'ai pris les têtes aux monts de Haltoïe.

« Si je veux racheter la vie de mon corps,

« Il me faut lui envoyer le Calife, mon oncle,

« Autrement il ne m'aimera plus. »


Pas un païen n'ose dire un seul mot, 495 Et seul, après Marsile, son fils prend la parole :

« Ganelon a parlé follement, » dit -il au Roi.

« Son langage mérite la mort.

« Livrez -le -moi, j'en ferai justice. »

Ganelon l'entend, brandit son épée, 500 Et contre la tige du pin va s'adosser. Aoi.

XLI

XLI (??)

A Saragosse voilà donc un grand émoi. Or il y avait un noble combattant, Fils d'un aumacour et qui était puissant. A son seigneur il parle très sagement : (<. Beau sire roi, pas de crainte, « Voyez Ganelon, voyez le traître, comme il a changé de visage. » A 01

XLII

XLII

Le roi Marsile s'en est alors allé dans son verger ; 11 n'y emmène que les meilleurs de ses hommes. JJlancandmi, au poil chenu, y vient avec eux Ainsi que Jurfaleu, son iils et son héritier. 505 Le Calife y vient aussi, qui est l'oncle de Marsile et son fidèle ami. « Appelez le Français, » dit Blancandrin. « Il m'a engagé sa foi pour notre cause. « — Amenez-le, » dit le Roi.

Rlancandrin est allé prendre Ganelon aux doigts, par la main droite; 510 II l'amène au verger près do Marsile,

Et c'est alors qu'ils préparent la trahison infâme.

Aoi.

LA CHANSON DE ROLAND


XLIII


« Beau sire Ganelon, » a dit le roi Marsile,

« Je fis preuve de folie avec vous,

« Quand, par colère, je voulus vous frapper. 515 « Mais avec ces peaux de martre je vous en fais réparation :

« Elles viennent d'être ouvrées et achevées aujour- d'hui même,

« Et valent en or plus de cinq cents livres.

« Vous les aurez sur-le-champ, et c'est vraiment une belle amende. »

Au cou de Ganelon Marsile les attache.

« Je ne les refuse point, » répond Ganelon,

« Et que Dieu, s'il lui plait, vous en récompense lui-même ! » Aoi.

XL1V


520 « Ganelon, » dit Marsile, « sachez en vérité

« Que j'ai le désir de vous aimer très vivement.

« Notre conseil doit rester secret,

« Et je voudrais vous entendre parler de Charlemagne.

« Il est bien vieux, n'est-ce pas? et a usé son temps.

« Il a, je pense, plus de deux cents ans. 525 « Il a promené son corps par tant et tant de terres !

« Il a reçu tant de coups sur son écu à boucle !


« Il a réduit à mendier tant de puissants rois !

« Quand donc sera-t-il las de guerroyer ainsi?

" FI devrait bien se reposer à Aix.

« — Non, » répond Ganelon, «. ce n'est point là Gharlemagne. 530 « Tous ceux qui le voient et le connaissent,

« Tous vous diront que l'Empereur est un vrai baron.

« Je ne saurais assez l'admirer, assez le louer devant vous ,

« Car il n'y a nulle part plus d'honneur ni plus de bonté.

« Qui pourrait donner une idée de ce que vaut Ghar- lemagne ? 535 « Dieu l'a illuminé d'une telle vertu !

« Non, j'aimerais mieux mourir que de quitter son baronnage. » Aoi.

XLV


En vérité, » dit le païen, « je suis tout émerveillé • A la vue de Gharlemagne, qui est si vieux et si chenu.


« Il a bien, je crois, deux cents ans et plus. 540 « Il a peiné son corps par tant de royaumes !

« Il a reçu tant de coups de lance et d'épieu !

« Il a réduit à mendier tant de rois puissants !

« Quand donc sera-t-il las de guerroyer ainsi?

« — Ah ! » répond Ganelon, « ce n'est certes pas tant que vivra son neveu : 545 « Sous la chape des deux il n'y a pas un baron de sa taille :

« Son compagnon Olivier est aussi plein de prouesse.

« Les douze Pairs, qui sont tant aimés de Charle- magne ,

« Font l'avant- garde à la tête de vingt mille cheva- liers.

« Gharlemagne peut être tranquille, et ne craint aucun homme. » Aoi.


XLVI


550 « Je suis tout émerveillé, » dit le Sarrasin,

« A la vue de Gharlemagne qui est chenu et blanc.


« Il a bien, je crois, deux cents ans passés. <( 11 a marché en conquérant par tant de terres ! « Il a reçu tant de coups de bons épieux tranchants ! 555 « Il a vaincu en bataille et mis à mort tant de rois puissants ! « Quand donc sera-t-il las de guerroyer ainsi? « — Ce ne sera certes pas, » dit Ganelon, « tant

que vivra Roland ; « Il n'est tel baron d'ici en Orient ; « Son compagnon Olivier est aussi plein de valeur. 5G0 « Les douze Pairs, que Charles aime tant,

« Font l'avant -garde, à la tête de vingt mille Francs.

« Charles peut être tranquille, et ne craint nul

homme vivant. » Aoi.


XLVII

« Beau sire Ganelon, » dit le roi Marsile, <( Mon peuple est le plus beau qu'on puisse voir. 565 « Je puis avoir quatre cent mille chevaliers

« Pour engager la lutte avec Gharlemagne et ses

Français. « — Ce n'est pas encore cette fois, » répond Gane- lon, « que vous le vaincrez, « Et vous y perdrez des milliers de vos païens. Laissez cette folie, et tenez - vous à la sagesse : 570 « Donnez tant d'argent à l'Empereur,

Que les Français en soient tout émerveillés, ci Au prix de vingt otages que vous lui enverrez, « Le roi Charles s'en retournera en douce France « Et derrière lui laissera son arrière - garde ; 575 « Je crois bien que son neveu Roland en fera partie, Avec olivier le preux et le courtois. « Si vous m'en voulez croire, les deux comtes sont morts. Charles, par là, verra tomber son grand orgueil " Etn'aura plusenvie de jamais vous combattre. » Aoi.


88 LA CHANSON DE ROLAND


XLVIII


580 « Beau sire Ganelon, » dit le roi Marsile,

« Gomment m'y prendrai-je pour tuer Roland?

« — Je saurai bien vous le dire, » répond Ganelon.

« Le roi sera aux meilleurs défdés de Cizre,

« Et derrière lui aura placé son arrière -garde. 585 « Là sera son neveu, le puissant comte Roland,

« Et Olivier, en qui il a tant de confiance ;

« Vingt mille Français y seront avec eux.

« Pour vous, seigneur, assemblez votre grande armée.

« Lancez sur eux cent mille de vos païens

« Qui engagent contre eux une première bataille ; 590 « La gent de France y sera cruellement blessée;

« Je ne dis pas que les vôtres n'y soient mis en pièces.

« Mais livrez -leur un second combat :

« Roland ne pourra se tirer de l'un et de l'autre.

« Vous aurez fait par là belle chevalerie, 595 « Et n'aurez plus de guerre en toute votre vie. » Aoi.


XLIX

« Faire mourir Roland là -bas,

« Ge serait ùter à l'Empereur le bras droit de son

corps. « Adieu les merveilleuses armées de France! « Charles désormais n'assemblerait plus de telles

forces , « Il ne porterait plus au front couronne d'or, 000 Et toute V Espagne resterait en repos, »

Quand Marsile entend Ganelon, il le baise au cou; Puis il commence à ouvrir ses trésors. Aoi.


Marsile alors : « Pourquoi de plus longs discours? « 11 n'est pas de bon conseiller, si l'on n'en est point sûr : 005 Jurez -moi, sans plus tarder, jurez-moi sa mort. ■ Jurez-moi que je le trouverai à V 'arrière-garde , « Et je vous promettrai en revanche , sur ma loi , - Que je l'y combattrai si je l'y trouve. » Et Ganelon : « Qu'il soit fait, » répondit-il, « selon

votre volonté! » Et voilà que, sur les reliques de son épée Murgleis, Il jure la trahison. La forfaiture est accomplie. Aoi.


LI


Un fauteuil d'ivoire était là;

Sous un olivier, sur un écu blanc, 010 Marsile y fait porter un livre

Où est écrite la loi de Mahomet et de Tervagan.

Le Sarrasin espagnol y jure son serment :

« Si, dans l'arrière -garde de Charlemagne, il trouve Roland ,

< Il le combattra avec toute son armée. 615 S'd le peut, Roland y mourra.

- Kl les douze Pairs sont condamnés à mort. »

Et Ganelon : « Puisse notre traité ivussir! » A.OI.


LU


Voici venir un païen du nom de Valdabrtin;

C'est lui qui, pour la chevalerie, fut le parrain du roi

Marsile : Clair et riant, ;i dit ;'i Ganelon : 620 Prenez mon épée : aucun homme n'en a de meil leure ;


90


LA CHANSON DE ROLAND


025


« Le pommeau et la poignée valent plus de mille

mangons ; « Je vous la donne par amitié, beau sire; b Mais aidez -nous contre Roland le baron ce Et faites que nous puissions le trouver à l'arrière-

garde. « — Ainsi sera-t-il, » répond le comte Ganelon, « Et je vous garantis que nous les combattrons, « Et je vous promets que nous les tuerons. » Tous les deux se baisent à la joue et au menton. Aoi.


LUI

Voici venir un païen, Climborin, Qui, clair et riant, a dit à Ganelon : « Prenez mon heaume : oneques n'en vis de meil- leur. « Une escarboucle y brille au-dessus du nasal.


G30 <( Mais aidez-nous contre Roland le marquis, Et donnez-nous le moyen de le déshonorer. « — Ainsi sera-t-il fait, » répond Ganelon. Puis ils se baisent à la joue et sur la bouche. Aoi.


LIV


Voici venir la reine Bramimonde : 635 « Sire, » dit-elle à Ganelon, « je vous aime grande- ment ;

« Car mon seigneur et tous ses hommes ont pour vous grande estime.

« Je veux à votre femme envoyer deux bracelets;

« Ce ne sont qu'améthystes , rubis et or :

« Ils valent plus, à eux seuls, que tous les trésors de Rome; 040 « Et certes votre empereur n'en vit jamais de pareils.

« Pas un jour ne se passera sans que je vous fasse nouveaux présents.

c — Nous sommes à votre service, » lui répond Ganelon.

11 prend les bracelets; dans sa botte il les serre. Aoi.


LV


Le roi Marsile appelle son trésorier Mauduil :

■< As-tu disposé les présents que je destine à Charles?

« — Oui, Sire, ils sont tout prêts, répond le tré- sorier. 645 ■ Sept cents chameaux sont là, chargés d'or et d'ar- gent,

« Et vingt otages, des plus nobles qui soient sous le ciel, b


Le roi s'est approché de Guenes

Et l'a serré tendrement entre ses bras.

Puis : « Je vous dois bien aimer, lui dit-il.

« Il ne passera plus de jour où je ne vous donne de

mes trésors, «. Si vous m'aidez contre Roland le baron. » Et Guenes de lui répondre : « Il ne faut point me mettre en retard. » Aoi.


LV1


Marsile tient Ganelon par l'épaule :

« Tu es très vaillant, » lui dit-il, « et très sage;

« Mais au nom de cette loi qui est la meilleure aux yeux des chrétiens, 650 « Ne t'avise point de changer de sentiment pour nous.

« Je te donnerai largement de mes trésors :

« Dix mulets chargés de l'or le plus fin d'Arabie ;

« Et chaque année je te ferai pareil présent.

« Cependant prends les clefs de cette vaste cilé, 055 « Et présente de ma part tous ces trésors à Charles,

« Avec vingt otages que tu lui laisseras;

« Mais fais placer Roland à l'arrière -garde.

« Si je le puis trouver aux défilés et aux passages,

« C'est une bataille à mort que je lui livrerai.

« — M'est avis que je tarde trop, » s'écrie Ganelon. 660 Alors il monte à cheval, et entre en son voyage...

Aoi.

LVII

L'empereur Charles approche de son royaume : Le voilà arrivé à la cité de Valtierra,



Que jadis le comte Roland a prise et ruinée. Et depuis ce jour-là elle fut cent ans déserte. 665 C'est là que le roi attend des nouvelles de Ganelon, Et Je tribut d'Espagne , la grande terre. Or, un matin, à l'aube, quand le jour jette sa pre- mière clarté, Le comte Ganelon arrive au campement. Aoi.


LVIII


Le jour est beau, le soleil clair. L'Empereur s'est levé de grand matin ,


670 A entendu messe et matines ,

Puis est venu se placer sur l'herbe verte, devant sa tente.

Roland y fut , avec Olivier le preux ,

Et le duc Naimes, et mille autres.

C'est là que vient Ganelon, le félon, le parjure, 675 Et que très perfidement il prend la parole :

« Salut au nom de Dieu, » dit- il au roi.

« Voici les clefs de Saragosse que je vous apporte,

« Et voilà de grands trésors

« Avec vingt otages : faites- les bien garder. 680 « Le vaillant roi Marsile vous mande encore

<( De ne point le blâmer, si je ne vous amène point le Calife.

a J'ai vu, vu de mes yeux, trois cent mille hommes armés ,

« Le haubert au dos, le heaume d'acier en tête,

« Et au côté l'épée au pommeau d'or niellé,



Notes originales

372. Sur l'Angleterre, etc

372.↑ Sur l'Angleterre, etc Ces deux vers méritent de fixer l'attention des critiques. Ils prouvent que l'auteur du Roland avait des raisons toutes spéciales pour se préoccuper de l'Angleterre. A coup sur, s'il n'y habitait pas, il n'était pas étranger à la race des conquérants de 1066.

373. Il en a conquis le tribut pour saint Pierre

373.↑ Il en a conquis le tribut pour saint Pierre. C'est une allusion évidente au Denier de saint Pierre. Offa, roi de Mercie († 796), en fut le véritable instituteur. Comme il attribuait ses victoires au Prince des apôtres, il lui promit, en son nom et en celui de ses successeurs , un tribut annuel de trois cents marcs. Éthelwoff, père d'Alfred, renouvela la promesse d'Offa, pendant son séjour à Rome en 855. Alfred lui-même, dès qu'd eut soumis les Danois, envoya le tribu annuel rétabli par son père, et sous le règne d'Edouard (900-924) on parlait du Denier de saint Pierre comme d'une contribution régulière. C'est donc à tort que notre poète attribue à Charles cette institution célèbre ; mais, touchant la date originelle, il ne se trompe point,

384. Broigne

384.↑ La broigne, dans notre poème, est absolument le même vêtement que le haubert.

Chanson de Roland (1895) Gautier p 76 f1.png

La broigne était, à l'origine, une tunique de peau ou d'étoffe de plusieurs doubles, sur laquelle on cousait des plaques métalliques, des bandes de fer nu des anneaux. C'est ce dont la figure ci-contre pourra donner une idée.

Quand la tunique de peau ou d'étoffe est recouverte de mailles de fer entrelacées, c'est le haubert. Voir G. Demay, le Costume de guerre et d'apparat au moyen âge, 1875, p. 131. Le sceau que nous reproduisons ici est celui de Gui de Laval, 1105.

399. Soie

399.↑ Soie, dans l'original : palie. Nous possédons (sans vouloir ici remonter plus haut) des textes du Ve siècle, où le mot pallium a le sens de « tapisserie » ou « tapis ». Dans les plus anciens monuments de notre langue, et en particulier dans nos premières Chansons de geste palie signifie une étoffe do prix et, plus exactement, une étoffe de soie,

408. Soie d'Alexandrie

408.↑ Soie d'Alexandrie dans l'original : polie alexandrin. La ville du monde la plus renommée pour ses étoffes de prix était Alexandrie. « Ses palies ou pailes sont devenus un lieu commun de nos Romans, où ils sont nommés à chaque vers. » Et ces mentions ne sont pas moins fréquentes dans les écrivains arabes, g Alexandrie était en réalité l'entrepôt des marchandises de l'Orient et de l'Occident, le marché principal où venaient s'approvisionner les gros négociants du moyen âge. Les pâlies furent jusqu'au XVe siècle le principal objet de ce commerce. » (Fr. Michel, Recherches sur le commerce, la fabrication et l'usage des étoffes de soie, d'or et d'argent, I. p. 279.) Il convient d'ajouter qu'Alexandrie recevait, par les caravanes, des étoffes de la Perse et de l'Inde.

431. Vous recevrez, etc.

'loi. Vous recevrez, etc. L'insolence est le caractère particulier de tous les ambassadeurs île mis Chansons. On peut rapprocher île ce discoui s île ( ;.i- nelon le laineux discours 'le Lohier au duc Beuves d'Aigremonl , qui se lit au commencerai ni de Benaus de Montau- bun : c'esl un type. I.e Dieu qui lit


la terre, le ciel et la rosée, le chaud, le froid cl la mer salée, puisse ce Dieu sauver Charles, roi de la terre honorée, et toute sa maison qui est vaillante et sage ! Kl puisse ce même Dieu confondre le duc Beuves, avec toute sa chevalerie que je vois ici assemblée!... Si lu ne Consens point à servir Charles, sache que tu seras pendu au haut d'un arbre ramé, comme un voleur. Et peu s'en

faut que je ne le tue ici tuélIlC de

mon épée d'acier. Édit. Vlichelanl .

pp. I î et 15

439. Une flèche

489. Une flèche, le texte porte atgier (cf. v. 2075). L'étymologie de ce mot est anglo-saxonne : ategar est le nom du javelot saxon, et l'on ne trouve, en réalité, ce mot que dans les textes d'ori- gine anglaise. (Florent de Worchester ; Guillaume de Malmesbury, De gest. Angl., cap. xn, Hoveden. Cf. le Gloss. anglo-saxon de Somner; Hallivvell, au mot Algere, et surtout Ducange au mot Alegar.) Le texte de Florent de Wor-


chester est des plus précieux : « In manu sinistra clypeum cum urnbonv* bus aureis et clavis deauratis ; in da» tera lanceam auream quœ lingua An- glorum hategar nuncupatui\» C'est tout à fait notre atgier ki d'or fut empenez. = Cette étymologie est des plus impor- tantes : comme ce mot n'a jamais été usité qu'en Angleterre, il semble rai- sonnable de conclure que le poème où il se trouve a été écrit en Angleterre.

465. Quant à son épée

î-Cm. Quant à son épée. L'épée, qui est l'arme chevaleresque par excellence , présente quatre parties : I" la lame, qui



est à gouttière; 2° le hèlz ou les ■■ quil-

nii.


ii-'<).

Chanson de Roland Gautier 1895 page 81 fig 1.png




116


o. ^€l^ K~^= ;; ====r:


Ions », lesquels sonl droits ou recourbés vers la pointe ; 3° la poignée, qui est grêle et étroite; 1° le pommeau, qui


v/6:



1 1 64. M


1165.


esl creux e1 serl de reliquaire. Voii notre Éclaircissement III. sur le cos- tume de guerre, e1 1rs figures ci -conti e il après oeuf s< eaux des \r -\ir siècles.

G

603. Le haubert au dos

Le haubert (v. la note du v. 384, sur la brunie) est le vêtement de mailles, la chemise de maille, laquelle descend jusqu'au-des- sous du genou, et qui est fendue sur le devant et le derrière, de manière à former culotte.

« Plus rare d'abord que la brunie ou broigne, d'une diffi- culté plus grande de fabrication, le hau- bert devait être porté seulement par les grands personnages, par les chefs. Il avail sur la broigne l'avantage de mieux protéger le corps, que ses mailles entre- lacées couvraient d'un réseau continu, impénétrable à la lance. Aussi la broigne est -elle délaissée vers le milieu du xn e siècle, tandis que le haubert se perfectionne et persiste à ce point que nous le verrons encore en usage au milieu du xiv e siècle. » (Le Costume de guerre et d'apparat d'après les sceaux du moyen âge, par Germain Demay, p. 7 et 8.) — Voir les figures ci-contre, dont l'une reproduit le sceau de la ville de Soissons au xn e siècle, et dont l'autre est empruntée à la célèbre tapisserie de Bayeux (fin du XI e siècle; planche IX du Vetera Monumenta).

500. Lacune comblée

Voir la note du vers 318.

504. Jurfaleu

Jurfaleu moiirl à Roncevaux, de v - J1,S ' ! la main de Roland. Cf. le vers 1904.'


524. Deux cents ans

. Un autre de nos poètes donne à Charlemagne plus de deux cents ans : c'est l'auteur de Gaydon ; mais il ne faut pas oublier que cette Chanson n'a rien de traditionnel : « Il y a deux cents ans passés que je fus fait chevalier, dit l'Empereur, et depuis lors je n'ai pas conquis moins de trente-deux royaumes. » (Édit. S. Luce, v. 10252- 10255.) L'auteur de Huon de Bordeaux est plus modeste et se contente de faire de Charles un centenaire. Toutes nos Chansons s'accordent à représenter le


grand roi sous les traits d'un vieillard « à la barbe fleurie ».

526. Son écu à boucle

L'écu, c'est le



bouclier chevaleresque. Il peut couvrir un homme debout, depuis la tête jus- qu'aux pieds. Il est en bois cambré, couvert d'un cuir plus ou moins orné

el peint, ( le lotit solidement relié par une armature de bandes de métal qu'on faisait concourir à son ornementation. » Il esl muni d'enarmes ou d'anses dans lesquelles le chevalier passe le bras, cl d'une guige par laquelle il le suspend à son cou durant la marche. Au milieu (!.■ l'écu esl une proéminence, ci une saillie de métal . nommée boucle , d'où partenl des rayons lleuronnés. » De là

sans doute le mot : escut peint à purs. Nous plaçons ici sous les yeux de nos lecteurs deux écus empruntés à deux sceaux du xu siècle, el pour donna une idée de la manièi a donl se portail l'écu, nous reproduisons intégralemenl le sceau de Guillaume II . comle de Ne vers 1140).


527. Tant de puissants rois

Nos Chansons donnent à Charles un cortège de rois : c< Un jour, à Pâques , fui le roi à Paris... — Le gentil roi, qui fut si aimable,— Tint cour plénière, large el merveilleuse... — Ce jour-là à sa table il j eu1 dix-sept rois, — Trente évêques, mi patriarche, — El mille clercs vêtus de belles chapes... Jugez par là du nombre des autres. ! Ogier le humus , \ . 3482 el sun .) Cf. le beau début d'.Ks- preniont.



541. Lance et épieu

Lu lame che- valeresque se compose de deux parties : 1° le bois, le fût ou la hanste, liés haute , et qui le plus souvent est en bois


de frêne ; 2° le fer, qui est d'acier bruni, en losange, quelquefois triangulaire. Les fers du Poitou et de Bordeaux semblent avoir été particulièrement cé- èbres. (G. Demay, le Costume de guerre et d'apparat , p. 39.) Au liant de la lance


est attaché le gonfanon ou Y enseigne , qui presque toujours est à trois langues ou à trois pans. = Le mot scpiet , dans le Roland, a partout le même sens que



le mot lance. = Voir ci -dessus le sceau de Thibaut IV, comte de Blois (1138), et celui de Galeran, comte de Meu- lan (1105).

583. Cizre

C'est, comme M. P. Ray- I qui touche à Roncevaux et qui s'appelle rnond l'a démontré, la région même I encore du nom de Cize.

621. Dans le pommeau

le texte porte: l'.nlrc les lie]:. Pour les helz, qui sont sans doute les m quillons \ et pour le pommeau, voy., dans nos éditions pré- cédentes, V Éclaircissement sur le cos- tume de guerre. = Le texte de Versailles est précieux : Entre le heut et le pont qui est en son, — De l'or d'Espaigne ru ut dis mille mangons. — Il est connu que les mangons sont une sorte de monnaie (voir Ducange au mol Man- CUSa)] mais le sens esl d'ailleurs assez difficile à établir. S'agirait-il d'une épée dans le pommeau de laquelle on aurait mis des pièces d'or? C'est ce que sem- blerait indiquer le vers 1027 : Il li clu- nat s'espée e mil manguns. Mais, à coup


1161


sur, le pommeau n'était susceptible que de recevoir un petit nombredeces pièces. 11 n'y avait donc là que l'équivalent ou la valeur de nulle mangons.



626. Et tous les deux se baisent

Le baiser sur la bouche était l'un des rites de l'hommage rendu par le vassal au suzerain. Le vassal mettait ses mains dans celles du seigneur, cl le baisait sur le- lèvres. C'est ce qu'on appelai! devoir

bouche et mains i.. Cf. le v. (rit.!. = Nous n'avons, tout au plus, affaire ici qu'à une parodie de l'hommage.

629. Heaume

Le heaume est cette partie de l'armure qui est destinée à protéger la tête du chevalier (concur- remment avec le capuchon de mailles). A l'époque de la composition du Roland, le heaume se compose généralement d'une calotte de 1er. d'un cercle et d'un

nasal qui couvre le nez. V. la figure ci- contre, qui reproduit le sceau de Mat- thieu, comte de Beaumont- sur -Oise, 1177.


642. Sa botte

le texte porte: Hoese. Dans la Chanson d'Aspremont, Nairm après avoir coupé la patte d'un griffon ,


met l'en sa hoese, monstrera la Kar- lon. Le diminutif houseau nous esl resté longtemps.


662. Valtierra

suivant le manuscrit | presque à égale distance de Saragosse d'Oxford. 11 s'agit évidemment de Val- et de la vallée de Roncevaux. tierra, petite ville espagnole qui se trouve |



669. L'Empereur s'est levé de grand matin

Nous avons raconté ailleurs une 

« journée de Charlemagne ». {Épopées françaises , 2 e édition, III, pp. 121-133. ) Son sommeil ne ressemblait pas à celui des autres hommes : un ange était tou- jours à son chevet. (Roland, v. 2528.) La Chronique du faux Turpin rapporte << qu'autour de son lit, chaque nuit , cent vingt forts orthodoxes étaient placés pour le garder, l'épée nue d'une main , et, de l'autre, un flambeau ardent ». (Cap. xx.) = Toutes nos Chansons sont unanimes à le représenter, dès son lever, occupé à prier Dieu dans quelque église, à y entendre pieusement la messe et les matines. A l'offertoire, Charles ne manque jamais de s'avancer au pied de l'autel et de faire à l'église une offrande digne de lui : Nostre empereres s'est vestuz et chauciez; — Messes et Ma- tines vait oïr au monstier. — (Amis etAmiles, 233-234. Cf. Macaire, 308- 315, etc.) Dès que l'office est terminé, Charles va d'ordinaire en un grand ver- ger avec tousses barons ; il s'assoit sous un pin, el le Conseil commence, à moins toutefois que ce ne soit jour de Cour plénière et qu'un ambassadeur sarrasin ne vienne alors jeter devant le roi frank le défi solennel de quelque roi arabe. (Aspremont, édit. Guessard, p. 3 el suiv.) = Les Cours plénières de Charles ne sont autre chu-,' cjue les anciens ■ champs de mars » et « champs de


mai ». C'est là que l'Empereur se montre dans toute sa gloire, et c'est là surtout que les yeux de nos pères aimaient à le contempler. Charles est alors entoure'! d'une couronne de rois , de patriarches , d'évêques, de ducs et de comtes. Tous les yeux sont fixés sur lui. Les rois, assis au pied de son faldesteuil, se chargent de traduire la pensée universelle , et font monter jusqu'à son trône un hosanna qui est sur les lèvres de tous. « Sire, font -ils, écoutez, s'il vous plaît; — II n'y a terre sous le ciel, si vous le vou- lez, qui ne fût conquise à la pointe de nos lances. » (Aspremont, Bibl. nat. fr. 2495, f» 670. Cf. la note du vers 527.) = M;iis voici l'heure du repas, qui est servi dans la grande salle du palais principal. Sur des tréteaux mobiles est dressée la table immense, couverte de nappes. On « corne l'eau » : on sonne du cor pour appeler les invités el les avertir d'avoir à se laver les mains avant le repas. Lorsque Charlemagne arrive, les vins sont déjà sur la table, et on les a essayés. Ce sont les damoiseaux qui servent les illustres convives; les da- moiseaux, c'est-à-dire « les jeunes nobles qui ne sont pas encore chevaliers ». Les jours de cour plénière il y en a cent, au repas royal, qui sont vêtus d'her- mine et de vair, tous fils de comtes ou princes. Les barons, couverts de soie et d'or, prennent place sur des fauteuils; derrière Charlemagne plusieurs rois se



tiennent debout : « Li rois Burnos le jor servi do vin ; — De l'eseuelle Drues i Poitevin; — Rois Salemons tint le jor le bacin. » (Aspremont, Bibl. nat. fr. 2495, f° 711.) Sur la table on voit étinceler sept cents coupes d'argent et d'or, et l'un de nos épiques veut bien nous apprendre que « Charlemagne les conquit outre Rhin quand il occit le païen Guitalin ». (Aspremont , Bibl. nat. IV. 2495, f? 67-71.— Cf. Ogier, v. 3502- 3506.) s= Si le Conseil ou la Cour avail eu lieu avant le repas, le reste de la journée n'est plus consacré qu'au plai- sir. C'est alors que les chevaliers , assis sur le satin blanc, se mettent à jouer aux tables ou aux échecs : Charlemagne les regarde du haut de son trône. (Ro- land, v. 109-116), ou se jette avec ardeur dans quelque partie de chasse. (Girars de Viane, Jehan de Lan- seon, etc.) A vraiment parler, sa journée est finie. 11 revient bientôt à son palais ou dans sa tente, et s'endort sous la garde de Fange Gabriel. (Cf. les v. 316 et suiv.)


Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 95 fig1.jpg
Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 95 fig2.jpg

Fin de chapitre brut d'OCR

LA CHANSON DE ROLAND 



95 



GS5 <( Qui se sont embarqués avec le Calife sur la mer. 

« Ils quittaient le pays de Marsile, à cause de la foi 
chrétienne 

« Qu'ils ne veulent ni recevoir ni garder. 

« Mais, avant qu'ils eussent navigué quatre lieues, 

a Ils ont été surpris par le vent et la tempête. 
690 « Tous sont noyés, et plus jamais ne les reverrez. 

« Si le Calife eût été vivant, je vous l'eusse amené. 

« Quant au roi païen , Sire , tenez pour assuré 

« Qu'avant ce premier mois passé 

« Il vous suivra au royaume de France 
095 « Et y recevra la loi chrétienne; 

<r II y deviendra, mains jointes, votre vassal 

« Et tiendra de vous le royaume d'Espagne. 

« — Grâces en soient rendues à Dieu, » s'écrie le 
Roi. 

« Vous avez bien agi, Ganelon, et en serez bien ré- 
compensé. » 
700 On fait alors sonner mille clairons de l'armée : 

Les Francs lèvent le camp , chargent leurs sommiers, 

Et tous s'acheminent vers France la douce... Aoi. 





Voir aussi

Notes de le rédaction
  1. Les numéros de vers ont été visiblement oubliés par Léon Gautier. Ils ont été ici ajoutés.