Chanson de Roland/Manuscrit d'Oxford/Laisse XX

De Wicri Chanson de Roland

Cette page concerne la laisse XX du manuscrit d'Oxford.

Dans le manuscrit

La laisse XX (20) est contenue sur les feuillets feuillet 5 verso puis feuillet 6.

La laisse XX (20) démarre à partir de la lettrine F.

Cette laisse présente 2 versions chez Stengel.

 
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Transcription et traduction par Léon Gautier


XX

« Franc chevaler, dist li emperere Carles, « Chevaliers Francs, dit l’empereur Charles,
275 « Car m’eslisez un barun de ma Marche, « Élisez-moi un baron de ma terre,
« Qu’à Marsiliun me portast mun message. » « Qui soit mon messager près de Marsile. »
« Ço dist Rollanz : « Ço ert Guenes, mis parastre. » « — Eh ! dit Roland, ce sera Ganelon, mon beau-père.
Dient Franceis : « Car il le poet ben faire ;
« — Il remplirait fort bien ce message, s’écrient tous les Français,
« Se lui lessez, n’i trametrez plus saive. »
« Et, si vous le laissez ici, vous n’en trouverez pas un meilleur. »
280 E li quens Guenes en fut mult anguisables ; Le comte Ganelon en est tout plein d’angoisse ;
De sun col getet ses grandes pels de martre, Il rejette de son cou ses grandes peaux de martre,
E est remés en sun blialt de palie. Et reste avec son seul bliaut de soie.
Vairs ont les oils e mult fier le visage, Il a les yeux vairs ; sur son visage éclate la fierté ;
Gent out le cors e les costez out larges ; Son corps est tout gracieux, larges sont ses côtés...
285 Tant par fut bels, tuit si per l’en esgardent. Ses pairs ne le peuvent quitter des yeux, tant il est beau.
Dist à Rollant : « Tut fol, pur quei t’esrages ? « Fou, dit-il à Roland, pourquoi cette rage ?
« Ço set hom ben que jo sui tis parastre ; « On le sait assez que je suis ton beau-père.
« Si as juget qu’à Marsiliun en alge. « Ainsi tu m’as condamné à aller vers Marsile ?
« Se Deus ço dunet que jo de là repaire, « C’est bien ; mais, si Dieu permet que j’en revienne,
290 « Jo t’en muverai un si grant cuntraire « Je te poursuivrai d’une telle haine,
« Ki durerat à trestut tun edage. » « Qu’elle durera autant que ta vie.
Respunt Rollanz : « Orguill oi e folage. « — Orgueil et folie, répond Roland.
« Ço set hom ben, n’ai cure de manace ; « On sait trop bien que je ne prends nul souci des menaces.
« Mais saives hom il deit faire message ; « Mais, pour un tel message, il faut un homme sage,
295 « Si li Reis voelt, prez sui pur vus le face. » Aoi.
« Et, si le Roi le veut, je suis prêt à le faire en votre place. »

Transcription commentée de Francisque Michel

Francisque Michel-02.png
Chanson de Roland (Francisque Michel 1869) Exemplaire annoté par Paul Meyer
Navigation dans le manuscrit d'Oxford
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Manuscrit d'Oxford Lettrine 1.png

XX. ( => F. M. )


« Francs chevalers, dist li emperère Carles,
Car m'eslisez un barun de ma marche *  * Frontière.
Qu'à Marsilium me portast mun message. »
Ço dist Rollans : « Ço ert Guenes, mis parastre*. »  *Ce sera G., mon beau-père.
Dient Franceis : « Car il le poet ben faire ;
Se lui lessez, n'i trametrez plus saive*. »  * N'y enverrez plus sage.
E li quens Guenes en fut mult anguisables* :  *Très tourmenté.
De sun col getet ses grandes pels * de martre,  *Peaux.
E est remés en sun blialt de palie*.  * Resté en son vêtement de soie.
Vairs out [les iex *] e mult fier lu visage,  * Il eut les yeux de couleur changeante.
Gent out le cors e les costez out larges.
Tant par fut bels, tuit si per l'en esguardent*.  * Tous ses pairs le regardent.
Dist à Rollant. « Tut fol pur quei t'esrages*?  * Pourquoi enrages-tu follement?
Ço set hom ben que jo sui tis parastres*.  *Ton beau-père.
Si* as juget qu'à Marsiliun en alge**.  *Et. **Aille.
Se Deus ço dunet que jo de là repaire*,  **Si Dieu cela donne que j'en revienne.
Jo t'en muvera[i] un si grant contr[a]ire*  *Je te soulèverai une si grande contrariété.
Ki durerat à trestut ton edage*. »  *Toute ta vie.
Respunt Rollans : « Orgoill oi e folage*.  *J'entends et folie.
Ço set hom ben*, n'ai cure de manace :  *Cela, sait-on bien.
Mai[s] saives hom* il deit faire message.  *Homme sage.
Si li reis voelt*, prez sui por vus le face. » AOI.  *Veut.
 
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Version musicale de Gilles Mathieu


\new Staff \with {
  midiInstrument = "voice oohs"
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  } {
  \clef bass \relative c {  
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       d8. a16 a2 g4 
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       d2 d2
      r1 r1 r1 r1
  }  }
 \addlyrics { 
             Francs  Che -- va -- liers , Car m’es -- li -- sez un ba -- run 
             Qu’à Mar -- si -- liun me por -- tast mun mes -- sage
            }

Notes (version de Léon Gautier)

logo travaux partie en cours de rédaction
Vers 274.

Chanson de Roland (1872) Gautier, II, page 084.jpg[77]

Francs chevalers: O. Voy., sur notre théorie des vocatifs, la note du v. 15.

L’ordre des couplets suivants n’est pas le même dans le manuscrit d’Oxford que dans ceux de Venise (IV et VII) et de Versailles. Nous ne voyons pas bien pourquoi M. Müller (note du v. 280, page 17) a préféré ces dernières versions. Quant à nous, après avoir étudié avec soin les deux textes, nous sommes et demeurons convaincu que celui d’Oxford se suit avec tout autant de logique que les deux autres. Même il nous semble que la laisse : Li Empereres li tint sun guant le destre, est beaucoup mieux placée après celle-ci : Ço dist li Reis : Guenes, venez avant, — Si recevez le bastun et le guant.

Pour se conformer aux manuscrits de Venise et de Versailles, M. Müller (dont le procédé est d’ailleurs justifié par les remaniements) a dû couper en deux couplets la laisse : Francs chevalers, dist li emperere Carles...

Voici, d’ailleurs, le tableau comparatif des couplets d’après l’ordre du manuscrit d’Oxford, et d’après celui de M. Muller :

Ms d’Oxford
Édit. Muller
1. Francs chevalers, dist li emperere Carles...
E li quens Guenes en fut mult anguisables.
1. Francs chevalers, dist li emperere Carles.
2. Guenes respunt : Pur mei n’iras tu mie. 2. Ço dist li Reis : Guenes, venez avant.
3. Quant ço veit Guenes que ore s’en rit Rollanz. 3. En Sarraguce sai ben qu’aler m’estoed.
4. En Sarraguce sai ben qu’aler m’estoet. 4. E li quens Guenes en fut mult anguisables.
5. Ço dist li reis : Guenes, venez avant. 5. Guenes respunt : Pur mei n’iras tu mie.
6. Li Empereres li tent sun guant le destre. 6. Quant ço veit Guenes que ore s’en rit Rollanz.
Sire, dist Guenes dunez mei le cungied. 7. Li Empereres li tent sun guant le destre.
8. Sire, dist Guenes, dunez mei le cungied.
Vers 275.
Car
Lisez Kar. Cette forme se rencontre bien plus souvent dans notre manuscrit que la forme Car. (Vers 390, 682, 742, 1051, 1131, 1175, 1366, 1676, 1724, 3589, etc.) Kar ou quar (470) offre ici, comme dans presque tous les autres passages de notre texte, un

sens spécial d’affirmation explétive, que nous n’avons pas conservé dans notre langue. V. le Glossaire.

Vers 277.

Chanson de Roland (1872) Gautier, II, page 085.jpg[78] Vers 277. — Ço ert Guenes mis parastres. Notre Notice sur Ganelon se divisera en deux parties : I. Famille de Ganelon ; II. Vie et mort de Ganelon.

Vers 278.

Chanson de Roland (1872) Gautier, II, page 088.jpg[81]

Vers 278. — Lisez kar, et, au v. 279, laissez. ═ Franceis. Au v. 274. franc chevaler doit plutôt se traduire par : « Francs chevaliers. »

Vers 282.

Vers 282. Palie. V. la note du vers 2652.

    1. 283 ##

Vers 283. Vairs out e mult fier lu visage. O. Mi. et G. avaient suppléé : Vairs out les iex. Mais M. Müller, trouvant partout dans notre texte la forme oilz, a eu raison d’écrire : Vairs ont les oilz. ═ Lu visage. O. V. la note du v. 142.

    1. 285 ##

Vers 285. — Lire esguardent, O.

    1. 287 ##

Vers 287. Parastres. O. Quelques vers plus haut (277), on lisait, au sujet singulier, parastre, qui est la forme correcte.

Vers 290.

Vers 290. Muvera. O. Muvra[i]. Mu. V. la note du v. 38.

Vers 292.
Orgoill
O. Nous avions à choisir entre les deux formes orgoill et orguill. Elles se trouvent l’une et l’autre dans le texte de la Bodléienne : (Orgoill, 389, 934, 1773, 1941, 2279. Orguill, 228, 578, 1549.

Chanson de Roland (1872) Gautier, II, page 089.jpg[82]

Orgoillus, 3175, 3199, 3965. Orgoillusement, 3199.
Orguillus, 28, 474, 2135, 2550, 2978, 3132.) La notation oi étant rare dans notre Ms. et antipathique à son dialecte, nous avons choisi orguill.
Vers 295.

Vers 295.Por. O.


Voir aussi

Notes
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Sources: