Chanson de Roland/Manuscrit d'Oxford/Laisse CLXXVII
Feuillets, Laisses, Catégories (laisses), Concordances CLXXVI |
Cette page introduit la laisse CLXXVII (177) en suivant l'organisation propre au manuscrit d'Oxford.
Sommaire
Dans le manuscrit d'Oxford
|
La laisse commence sur le feuillet 44 recto du manuscrit. Elle démarre sur une lettrine I. Elle se termine sur le verso de ce feuillet (44) Elle est numérotée
|
Transcription et traduction par Léon Gautier
|
Édition critique et traduction[1] CLXXVIII (W: CLXXVI ) |
CLXXIX | |||
| Il nen i ad chevaler ne barun | Il n’y a pas un seul chevalier, pas un seul baron, | ||
| Que de pitet mult durement ne plurt : | Qui de pitié ne pleure à chaudes larmes. | ||
| 2420 | Plurent lur filz, lur freres, lur nevulz ↓ | Ils pleurent leurs fils, leurs frères, leurs neveux, | |
| E lur amis e lur liges ↓ seignurs. | Leurs amis et leurs seigneurs liges. | ||
| Encuntre tere se pasment li plusur. | Un grand nombre tombent à terre pâmés. | ||
| Naimes li dux d’iço ad fait que proz, | Mais le duc Naimes s’est conduit en preux, | ||
| Tut premereins l’ad dit l’Empereür : | Et, le premier, a dit à l’Empereur : | ||
| 2425 | « Veez avant de dous liwes de nus : | « Voyez-vous là-bas, à deux lieues de nous, | |
| « Veeir puez les granz chemins puldrus, | « Voyez-vous la poussière qui s’élève des grands chemins ? | ||
| « Qu’ asez i ad de la gent païenur. | « C’est la foule immense de l’armée païenne. | ||
| « Kar chevalchez : vengez ceste dulur. | « Chevauchez, Sire, et vengez votre douleur. | ||
| « — E Deus ! dist Carles, ja sunt il là si luinz ! | « — Grand Dieu ! s’écrie Charles, ils sont déjà si loin ! | ||
| 2430 | « Cunsentez mei e dreiture e honur : | « Le droit et l’honneur, voilà, Seigneur, ce que je vous demande ;
| |
| « De France dulce m’unt tolue la flur. » | « Ils m’ont enlevé la fleur de douce France. » | ||
| Li Reis cumandet Gebuin e Otun, | Alors le Roi donne des ordres à Gebuin et à Othon, | ||
| Tedbald de Reins e le cunte Milun : | À Thibault de Reims et au comte Milon : | ||
| « Guardez le camp e les vals e les munz, | « Vous allez, dit-il, garder ce champ, ces vallées et ces montagnes.
| ||
| 2435 | « Laissez gesir les morz tut issi cum il sunt, | « Vous y laisserez les morts étendus comme ils sont ; | |
| « Que n’i adeist ne beste ne leun, | « Mais veillez à ce que les lions et les bêtes sauvages n’y touchent pas,
| ||
| « Ne n’i adeist esquiers ne garçun ; | « Non plus que les garçons et les écuyers. | ||
| « Jo vus defend que n’i adeist nuls hum, | « Je vous défends de laisser qui que ce soit y porter la main,
| ||
| « Jusque Deus voeille que en cest camp revengum. » | « Jusqu’à ce que nous soyons ici de retour, par la grâce de Dieu. »
| ||
| 2440 | Et cil respundent dulcement par amur : | Et les quatre barons lui répondent doucement, par amour : | |
| « Dreit emperere, cher sire, si ferum. » | « Ainsi ferons-nous, cher sire, droit empereur. » | ||
| Mil chevalers i retienent des lur. | Aoi. | Ils retiennent avec eux mille de leurs chevaliers. | |
Version de Francisque Michel, annotée par Paul Meyer
|
Navigation dans le manuscrit d'Oxford CLXXVII (W: CLXXVI ) |
|
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Transcription et traduction de Joseph Bédier
Édition critique et traduction[2]
|
|
CLXXVIII
Il n’en i ad chevaler ne barun |
CLXXVIII
Il n’y a chevalier ni baron qui de pitié ne pleure, douloureusement. Ils pleurent leurs fils, leurs frères, leurs neveux et leurs amis et leurs seigneurs liges ; contre terre, beaucoup se sont pâmés. Le duc Naimes a fait en homme sage, qui, le premier, dit à l’empereur : « Regardez en avant, à deux lieues de nous ; vous pourrez voir les grands chemins poudroyer, tant il y a de l’engeance sarrasine. Or donc, chevauchez ! Vengez cette douleur ! — Ah ! Dieu, » dit Charles, « ils sont déjà si loin ! Conseillez-moi selon le droit et l’honneur. C’est la fleur de douce France qu’ils m’ont ravie ! » Il appela Oton et Geboin, Tedbalt de Reims et le comte Milon : « Gardez le champ de bataille, par les monts, par les vaux. Laissez les morts couchés, tout comme ils sont. Que bête ni lion n’y touche ! Que n’y touche écuyer ni valet ! Que nul n’y touche, je vous l’ordonne, jusqu’à ce que Dieu nous permette de revenir dans ce champ ! » Et ils répondent avec douceur, en leur amour : « Droit empereur, cher seigneur, ainsi ferons-nous ! » Ils retiennent auprès d’eux mille de leurs chevaliers. |
Version musicale de Gilles Mathieu
Mouvement : IX (Retour à Roncevaux) // Mesures : 39 à 54 Laisse |

Notes (version de Léon Gautier)
|
Notes et variantes |
- Vers 2420. ↑
- Nevolz
- Pour l’assonance, nevulz, qui d’ailleurs se trouve au vers 216.
- Vers 2421. ↑
- Lige
- O. Le régime pluriel veut liges.
- Vers 2424. ↑
- Tuz
- O. C’est un adverbe, et non un adjectif : donc il faut tut.
- Vers 2426. ↑
- Veer
- O. V. la vraie forme veeir aux vers 1104, 1720.
- Veoir poez ou chemin grant pudror. (Lyon.)
- Vers 2428. ↑
- Car
- O. V. la note du vers 275.
- Dulor
- O. V. la note du vers 489.
- Vers 2430. ↑
- Cunselez
- O. Correction de Mu., d’après Venise IV.
Dans le mot dreiture, les trois dernières lettres paraissent avoir été effacées dans le manuscrit.
- Vers 2434. ↑
- Champ
- O. V. la note du vers 555.
- Vers 2435. ↑
- Cun
- O. Partout ailleurs on trouve la forme exacte cum.
- Vers 2436. ↑
- Lion
- O. la forme étymologique leun se rencontre plus souvent dans notre texte. (Vers 128, 1888, 2886.)[NDLR 1]
- Vers 2437. ↑
- Esquier
- O. Pour le cas sujet, il faut un s final.
- Vers 2439. ↑
- Josque. O. La forme jusque, plus étymologique, se trouve aux vers 972, 3927.
- Qu’en
- Mu.
- Vers 2440. ↑
- Voeile
- O. Lire voeillet, qui se trouve aux vers 1244, 1873, 2043, 3834.
- Vers 2442. ↑
- Chevaler
- O. Le régime pluriel exige un s. Lire chevaliers.
Notes de la rédaction
- Notes spécifiques
- ↑ Bédier maintient ici la graphie « lion » reprise notamment par le Trésor de la langue française
- Notes générales
Voir aussi
Sur ce wiki :
- la catégorie : Chanson de Roland, laisse CLXXVII