Les Problèmes bibliographiques et leurs solutions (1898) Funck-Brentano/Partie VII

De Histoire de l'IST

Les Problèmes bibliographiques et leurs solutions

Conclusion


 
 

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Cette page introduit la conclusion un article de Frantz Funck-Brentano paru dans la Revue des Deux Mondes en 1898.

Avant-propos

Conclusion

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VII

Le catalogue général des livres imprimés étant fait, reste à résoudre la deuxième partie du problème. On ne pourra jamais demander à ceux qui voudront s’instruire d’une manière plus ou moins rapide, d’une manière plus ou moins approfondie sur telle question ou telle autre, de trouver le grain de mil dans ces gigantesques monumens bibliographiques où des millions de volumes seront entassés. Ces répertoires seront comme des villes immenses aux ruelles innombrables. Quel guide servira de conducteur ?

Nous avons eu l’honneur de faire adopter à la dernière Conférence 198 bibliographique internationale de Bruxelles le vœu suivant :

« La Conférence bibliographique internationale, réunie à Bruxelles, le 3 août 1897, adopte le principe des bibliographies spéciales et critiques, comme complément au catalogue bibliographique général. »

Devant l’amoncellement de la production intellectuelle, sur toutes les questions possibles, le devoir du bibliographe consistera, d’une manière de plus en plus pressante, à ne pas se contenter d’empiler titres d’ouvrages sur titres d’ouvrages, mais à distinguer les travaux intéressans ou utiles, contenant, soit des faits ou documens, soit des idées dignes d’être pris en considération.

Notre savant ami M. Henri Stein a réuni les élémens d’une bibliographie de Jeanne d’Arc. Le nombre d’études dont Jeanne d’Arc a été l’objet atteint aujourd’hui le chiffre de 12 000. Imagine-t-on quelle serait la situation d’un écrivain qui, désirant être informé des meilleurs travaux, des travaux les plus complets, les plus intéressans et les mieux documentés, sur notre héroïne nationale, se trouverait en présence d’un amas de 12 000 notices sans aucune indication critique sur leur valeur respective, ni sur ce que les livres contiennent ? Lui mettre entre les mains, dans ces conditions, 12 000 fiches bibliographiques, c’est ne rien lui donner du tout. L’exemple que nous produisons ici se répète, avec des proportions plus ou moins grandes, à propos de n’importe quelle question et dans toutes les branches des connaissances humaines.

L’idée de faire la plus large place à la critique dans la bibliographie a d’ailleurs, particulièrement en France, de nombreux adhérens. Publiant une édition nouvelle de la Bibliotheca bibliographica de Petzhold, M. Henri Stein a résisté à la tentation de doubler le nombre des notices qui se trouvent dans le célèbre répertoire allemand. Ce nombre, au contraire, malgré toutes les publications qui ont été faites depuis, il l’a réduit. « Toute bibliographie vieillie et devenue inutile, écrit M. Stein, a été systématiquement écartée. À quoi bon grossir un livre d’indications propres à dérouter le lecteur et à lui faire perdre un temps qu’il emploierait beaucoup mieux ? La mission du bibliographe est tout autre qu’on le croit généralement. Un fabricant de catalogues n’est pas plus un bibliographe qu’un fabricant d’eau de seltz n’est 199 un chimiste, qu’un comptable n’est un mathématicien… La plupart des matières dont se compose la science universelle ont donné lieu à des travaux bibliographiques ; mais tandis qu’autrefois, c’étaient principalement les petits côtés de la science qui semblaient attirer la curiosité, depuis quelques années, au contraire, les bibliographes paraissent disposés à s’attaquer à des sujets moins futiles et aussi à dresser beaucoup plus des répertoires intellectuels que des guides destinés aux libraires : tant il est vrai que la critique doit être un des élémens constitutifs de la science bibliographique. »

Il serait trop long de développer ici le plan de la Bibliothèque de bibliographies critiques qui devra être fondée, recevant annuellement un grand nombre de travaux dans toutes les branches des connaissances humaines, en suivant les progrès de la science et le mouvement des préoccupations morales, intellectuelles ou matérielles. L’œuvre devra être réalisée, et nous avons la certitude qu’elle le sera.

Nous serions trop heureux si les pages qui précèdent, où l’on a essayé de montrer l’importance et l’intérêt de ces problèmes, pouvaient susciter en leur faveur des concours nouveaux.

Frantz Funck-Brentano.

 


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