Les Problèmes bibliographiques et leurs solutions (1898) Funck-Brentano/Partie V

De Histoire de l'IST

Les Problèmes bibliographiques et leurs solutions

Un répertoire international est-il possible ?


 
 

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Cette page introduit la cinquième partie d'un article de Frantz Funck-Brentano paru dans la Revue des Deux Mondes en 1898.

Avant-propos

Un répertoire international est-il possible ?

V

191

Nous sommes ainsi amenés à la seconde des deux questions qui ont suscité tant de discussions depuis la première Conférence 192 bibliographique internationale : le répertoire bibliographique universel, comprenant les notices, non seulement de tous les livres qui ont jamais été imprimés, mais de tous les articles de revue et de tous les mémoires insérés dans des recueils. Ce répertoire est-il possible à établir, et, dans ce cas, serait-il réellement utile ?

Des bibliographes éminens, M. Fumagalli, M. Otto Hartwig, se sont nettement prononcés contre cette partie des projets de l’Office international, les qualifiant d’utopies et de chimères. D’après ce que nous avons dit plus haut, on doit comprendre quelle serait la masse à dépouiller. Un bibliographe anglais a calculé que, jusqu’en l’année 1821, il avait été imprimé 3 681 000 ouvrages. Depuis lors, combien le chiffre s’en est accru ! Nous avons essayé d’établir, — et nos chiffres ont été acceptés, — que 15 000 000 de notices seraient nécessaires, sur le plan de l’Office international, avec le dépouillement des revues, pour liquider le passé. En imprimant une moyenne de 25 notices par page, il faudrait, pour contenir le répertoire, une bibliothèque de 600 énormes volumes de 1 000 pages chacun. Comme un double classement est nécessaire, — onomastique et méthodique, — il faudrait, pour contenir le répertoire, une bibliothèque de 1 200 gros volumes, 2 400 volumes de 500 pages chacun, ce qui est déjà, pour un livre, une dimension respectable. Et ce ne serait que le passé. Pour se tenir au courant de la production annuelle — en prenant le chiffre de 600 000 notices pour les seuls titres d’articles de revues, chiffre donné par l’Office de Bruxelles lui-même — il faudrait imprimer annuellement 24 volumes de 1 000 pages, et 48 volumes si, comme cela est nécessaire, on faisait un double classement. Ajoutons que ces chiffres sont plutôt au-dessous de la réalité. Imagine-t-on la dépense, le travail ? et, l’œuvre serait-elle réalisée, que les profits ne seraient certainement pas en proportion avec les sommes et les efforts dépensés.

Est-il possible d’imaginer le chaos que formerait une semblable publication fondée sur la classification décimale ? Aussi bien quel est le Napoléon qui dirigera, organisera, disciplinera les légions de travailleurs nécessaires, leur donnera la cohésion, l’unité, l’harmonie indispensables ? — Une chimère, dit M. Hartwig ; une utopie, dit M. Fumagalli ; nous avions dit, peu auparavant, un rêve.

Nous est-il permis de formuler un vœu ? Il serait à désirer que 193 l’Office renonçât à l’impression de ses catalogues et répertoires. Ce qu’il a publié jusqu’ici est insuffisant et, avec la méthode employée, nous doutons qu’il arrive à faire mieux. L’argent et les efforts dépensés de ce côté pourront être concentrés sur le répertoire manuscrit, qui est la partie originale et utile de l’œuvre. Pour ce répertoire manuscrit le classement décimal pourra être conservé, d’autant que les directeurs de l’Office y ont joint des classemens par noms d’auteurs et titres de livres. Ce répertoire manuscrit, qui est déjà une œuvre considérable, avancera rapidement. La méthode américaine donne une grande facilité de classement. La grossièreté de l’œuvre, ses imperfections n’auront plus grands inconvéniens, puisqu’il ne s’agira plus de leur donner, par l’impression, un caractère définitif et immuable. Et l’Office ne tardera pas à posséder une source d’informations bibliographiques où l’on viendra s’alimenter de tous les points de l’Europe. Les rétributions légitimement demandées pour les renseignemens fournis, jointes à la généreuse subvention du gouvernement belge, alimenteront l’œuvre, qui ne tardera pas à devenir pour la Belgique un sujet d’orgueil.

Quant aux desiderata des bibliographes, qui sont en l’espèce ceux de tous les savans et de tous les écrivains, ils seront peut-être satisfaits de la manière suivante.


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