Chanson de Roland/Manuscrit d'Oxford/Laisse CLXXI

De Wicri Chanson de Roland
< Chanson de Roland‎ | Manuscrit d'Oxford
Révision datée du 3 octobre 2022 à 06:54 par Jacques Ducloy (discussion | contributions) (Transcription et traduction par Léon Gautier)

Cette page introduit la laisse CLXXI (171) en suivant l'organisation propre au manuscrit d'Oxford.

Dans le manuscrit d'Oxford

La laisse est contenue sur le feuillet 42 recto puis verso du manuscrit.

Elle démarre à la lettrine R.

Elle est numérotée


 
Page83-2140px-La Chanson de Roland - MS Oxford.djvu.jpg
Page84-2140px-La Chanson de Roland - MS Oxford.djvu.jpg

Transcription et traduction par Léon Gautier


CLXXIII

Rollanz ferit el’ perrun de sardenie ; Roland frappe une seconde fois au perron de sardoine ;
Cruist li acers, ne briset ne n’esgraniet. L’acier grince : il ne rompt pas, il ne s’ébrèche point.
Quant il ço vit que n’en pout mie freindre, Quand le comte s’aperçoit qu’il ne peut briser son épée,
2315 A sei meïsme la cumencet à pleindre : En dedans de lui-même il commence à la plaindre :
« E ! Durendal, cum es e clere e blanche ! « Ô ma Durendal, comme tu es claire et blanche !
« Cuntre soleill si luises e reflambes ! « Comme tu luis et flamboies au soleil !
« Carles esteit es vals de Moriane, « Je m’en souviens : Charles était aux vallons de Maurienne,
« Quant Deus de l’ cel li mandat par sun angle « Quand Dieu, du haut du ciel, lui manda par un ange
2320 « Qu’il te dunast à un cunte cataigne ; « De te donner à un vaillant capitaine.
« Dunc la me ceinst li gentilz reis, li magnes.
« C’est alors que le grand, le noble roi la ceignit à mon côté...
« Jo l’en cunquis et Anjou et Bretaigne ; « Avec elle je lui conquis l’Anjou et la Bretagne ;
« Si l’en cunquis e Peitou e le Maine ; « Je lui conquis le Poitou et le Maine ;
« Jo l’en cunquis Normendie la franche ; « Je lui conquis la libre Normandie ;
2325 « Si l’en cunquis Provence e Equitaigne « Je lui conquis Provence et Aquitaine,
« E Lumbardie e trestute Romaine ; « La Lombardie et toute la Romagne ;
« Jo l’en cunquis Baivere e tute Flandre, « Je lui conquis la Bavière et les Flandres,
« E Buguerie e trestute Puillanie, « Et la Bulgarie et la Pologne,
« Costentinnoble, dunt il out la fiance. « Constantinople qui lui rendit hommage,
2330 « E en Saisonie fait il ço qu’il demandet ; « Et la Saxe qui se soumit à son bon plaisir ;
« Jo l’en cunquis Escoce, Guales, Islande « Je lui conquis Écosse, Galles, Irlande
« E Engleterre que il teneit sa cambre. « Et l’Angleterre, son domaine privé.
« Cunquis l’en ai païs e teres tantes, « En ai-je assez conquis de pays et de terres,
« Que Carles tient, ki ad la barbe blanche ! « Que tient Charles à la barbe chenue !
2335 « Pur ceste espée ai dulur e pesance : « Et maintenant j’ai grande douleur à cause de cette épée.
« Melz voeill murir qu’entre païens remaignet. « Plutôt mourir que de la laisser aux païens !
« Damnes Deus pere, n’en laiser hunir France ! » « Que Dieu n’inflige point cette honte à la France ! »

Transcription commentée de Francisque Michel

A la page 71 de l'édition de 1869.

Les ratures sont de Paul Meyer.


CLXXII.
Rollans férit el perrun de sardonie* ;  *Sardoine.
Cruist* li acer, ne briset ne n'esgrunie**.  *Grince. **Ne s'ébrèche.
Quant il ço vit que n'en pout mie freindre*,  *Ne put la briser.
A sei-méisme la cumencet à pleindre :
« E ! Durendal, cum es e clere e blanche !
Cuntre soleill si luises e reflambes* !  *Flamboies.
Carles esteit ès vals* de Moriane  *Dans les vallées.
Quant Deus del cel li mandat par sun [a]ngle*  *Ange.
Qu'il te dunast à un conte cataigne*.  *Capitaine.
Dunc la me ceinst* li gentilz reis, li magnes** ;  *Ceignit. **Le grand.
Jo l'en cunquis [e] Namon e Bretaigne,
Si l'en cunquis e Peitou e le Maine,
Jo l'en cunquis Normendie la franche,
Si l'en cunquis Provence e Equitaigne*  *Aquitaine.
E Lumbardie e trestute Rormaine*,  *Romagne, campagne de Rome.
Jo l'en cunquis Baiver* e tute Flandres  *Bavière.
E Burguigne e trestute Puillanie*,  *Pouille.
Costentinnoble, dunt il out la fiance*,  *L'hommage.
E en Saisonie* fait-il ço qu'il demandet ;  *Saxe.
Jo l'en cunquis e Escoce, Guales, Islonde,
E Engleterre qui il teneit* sa cambre ;  *Sous-entendez pour.
Cunquis l'en ai païs e teres tantes
Que Carles tient, ki ad la barbe blanche.
Pur ceste espée ai dulor e pesance*,  *Chagrin.
Mielz voeill murir qu'entre paiens remaigne*.  *Reste.
Deus père, n'en laiset* hunir France ! » [AOI.]


 
RCR 543952103 85137 Page 111.jpg

Notes (version de Léon Gautier)

logo travaux paragraphe en cours de mise au point
Chanson de Roland (1872) Gautier, II, page 190.jpg
Vers 2312.

Vers 2312.Sardonie. O. Sardenie est une excellente correction de Bartsch. L’assonance la réclamait absolument. Venise IV, d’ailleurs, donne Sardegne et Paris Sartaingne.

    1. 2313 ##

Vers 2313.Esgrunie. O. Esgraniet est une correction de M. Bartsch, aussi nécessaire que la précédente. Le manuscrit de Venise IV donne graine, et celui de Paris, degraingne. ═ Lire aciers.

    1. 2314 ##

Vers 2314. — Dans la Keiser Karl Magnus’s Kronike, il faut noter des variantes très-importantes : « Tu es une bonne épée, Durendal, et j’ai conquis bien des pays avec toi ! Dieu fasse que le comte de Cantuaria te possède : car il est un noble guerrier et chevalier. Voici les pays que j’ai conquis avec toi, dont l’Empereur est le maître, et qui sont : Angleterre, Allemagne, Poitou, Bretagne, Provence, Aquitaine, Toscane, Lombardie, Hibernie, Écosse, et ce serait dommage qu’un homme de rien te possédât. »

    1. 2316 ##

Vers 2316.Cum es e bele e clere. O. D’après Venise IV et pour la mesure, il a fallu supprimer e bele.

    1. 2318 ##

Vers 2318. — Voy. notre notice sur Durendal. (Vers 926.) ═ Dans le manuscrit de Lyon, cet épisode est omis.

    1. 2319 ##

Vers 2319.Agle. O.

Vers 2320.
Cataigne.
Le manuscrit donne cataignie. Cf. : catanie (vers 3709), cataigne (vers 1845 [2]), cataignes (vers 1850, 2912, 3085). Lire ici catanie, qui est la forme la plus étymologique.
Si l’on veut voir jusqu’où allait parfois l’inintelligence des Remanieurs, il faut lire ce vers dans le texte de Paris : Qu’il la donnast au prince de Chastaigne (!!).[3]
Vers 2322.

Vers 2322. — Cette énumération des conquêtes de Roland nous permet de supposer (mais sans certitude) que nous avons perdu un certain nombre de nos Chansons de geste. En effet, nous n’avons aucun poëme qui se rapporte de près ou de loin à la conquête de l’Anjou, de la Bretagne, du Poitou, du Maine, de la Normandie, de la Provence, de l’Aquitaine, de la Flandre, de la Bavière, de la Bourgogne, de l’Islande, de l’Écosse, du pays de Galles, de l’Angleterre. Tout au plus voyons-nous, dans le Voyage, Roland visiter Constantinople. Dans Aspremont, il aide Charles à conquérir la Pouille, et traverse la Romagne et la Lombardie soumises. Dans la Chanson des Saisnes, il est mort. D’ailleurs il faut faire la part de la poésie, et croire qu’il y a beaucoup plus d’imagination et de fantaisie que de légende et de tradition dans cette liste de victoires et conquêtes. ═ Il est inutile d’ajouter que chaque manuscrit donne ici une énumération différente. Paris : J’en ai conquis Anjou et Alemaingne ; — J’en ai conquis et Poitou et Bretaingne, — Puille et Calabre et la terre d’Espaingne. — S’en ai


Concordances et compléments

Cette laisse est alignée avec :

Voir aussi

Notes
  1. Version numérique copiée de WikiSource :
  2. En fait il s'agit du vers 1846 (le lien est corrigé)
  3. Voir Chanson de Roland/Manuscrit de Paris/Laisse CXLII
Sur ce wiki