Histoire poétique de Charlemagne (1905) Paris/Livre deuxième/Chapitre IX

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Les enfants de Charlemagne

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Louis

La Chanson de Roland ne connait à Charlemagne qu'un fils, et encore ne le fait-elle pas paraître dans l'action. Il ne figure pas dans l'expédition d'Espagne, et, bien que l'empereur n'ait pas moins de deux cents ans, on ne voit pas que son héritier présomptif ait aucune part au gouvernement. On n'apprend l'existence de ce fils que tout-a-fait épisodiquement; dans un passage que nous avons déjà cité (page 351), Charlemagne, voulant consoler Aude de la mort de Roland, lui offre un autre époux :

Je t'en durrai mult esforcet eschange ;
C'est Loewis, ne sai que mielz jo parle :
Il est mes filz e si tendrat mes marches.[NDLR 1]

Louis est mis en scène personnellement dans une des branches de Guillaume au court Nez, le Coronement Loeys ; mais il y joue un fort triste rôle. Quand son père, au moment de lui remettre la couronne impériale, lui adresse un solennel discours (voy. ci dessus, p. 352) sur les droits et les devoirs d'un souverain, il s'effraye, et laisse tomber la couronne qu'il veut prendre. Le père indigné s'écrie :

Qui en feroit roi ce seroit pechiez !
Or li fesons toz les cheveus tranchier;
Moines sera a Es en cel mostier,
Tirra les cordes et sera marreglier, S'ara provende,
qu'il ne puist mendier.
(V. 96-100.)

Les traitres profitent de ce découragement pour proposer une régence qui dans leur pensée doit, confiée a P'un d'eux, Arnais d'Orléans, aboutir a une usurpation ; leur complot est bien près de réussir, quand Guillaume sauve le jeune prince en tuant le chef des conjurés.

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Plus tard, apres la mort de son pere, Louis est detroné par le même parti il se cache dans la crypte d'un moutier; c'est de là que Guillaume le tire encore et lui sauve une seconde fois la vie et la couronne[1]. Mais quand il est sur le trone, Louis tient tout ce qu'il avait promis ; sa lâcheté, son manque foi, sa perfidie, contrastent perpétuellement avec la grandeur d’âme et l'héroisme de Guillaume.

Tel est le caractère de Loeys dans les poèmes ou il est place au premier plan. II faut en excepter le poéme perdu de Gormond et Isembart, ou il se couvrait de gloire en tuant le terrible Gormond, chef des Sarrasins envahisseurs de la France; mais ce poème était originairement consacré a Louis III, le heros de la bataille de Saucour, et ce n'est que par une confusion postérieure qu'on l'a rapporté au fils de Charlemagne[2]. Un autre poéme encore nous le montre sous le jour le plus favorable ; c'est la Reine Sibile (voy. ci-dessus, p. 393) ; mais il est fort probable que l'auteur de ce roman a inventé tout son personnage, que fournissait aucune tradition populaire. Il l'a rattaché au Louis de Guillaume an court Nez en lui faisant épouser Blanchefleur, sœur de Guillaume, qui est en effet sa femme dans le grand cycle dont celui-ci est le centre.

Lohier

Un autre fils de Charlemagne est Lohier ou Lothaire, plus brave et plus noble que Louis, mais qui meurt jeune, victime de sa témérité, dans Renaud de Montauban (voy. ci-dessus, p. 301).

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D'autres récits le faisaient cependant survivre a son père, a en juger par les vers suivants. Ils sont tirés du prologue d'un poeme ou plutot d'un fragment fort étrangement intercalé par quelques manuscrits dans le grand cycle de Guillaume au court Nez[3]. « Oyez, dit le poète,

De Karlemagne le fort roy couronné,
Qui a ses filz dona ses heritez,
A Loeys et a Lohier P'ainsné.
Lohier en est en Alemaigne alez,
Et Loeys est en France remés [4]:
Cil trouveour les ont lessiés ester :
Huimes orrés du linage parler [5]. »

Ces derniers vers semblent indiquer que le poéte ne s'appuie pas sur la tradition, et qu'il ne lui emprunte, comme tant d'autres, que des noms auxquels il attribue des aventures de son invention[6].

Une curieuse petite anecdote, ou se retrouve le récit d'un partage fait par Charlemagne entre ses enfants, lui donne, outre Louis et Lohier, un troisième fils, Gobart, qu'aucune tradition ne lui connait; elle est rapportée ailleurs a d'autres souverains qu'à Charles, entre autres a son fils Louis [7].

Il est un fils de Charlemagne qui joue dans divers poèmes un rôle considérable; c'est Charlot, dont nous avons déja raconté quelques aventures d’après Ogier le Danois[8]. Son histoire se complète par un autre poème, Huon de Bordeaux, qui, dans cette partie du moins, semble reposer sur des traditions anciennes. Il

Notes originales de l'auteur

  1. Une longue suite de guerres, livrées dans toute la France entre Guillaume et les Normands ennemis du jeune roi, et célébrées sans doute dans de nombreux poémes, n'a laissé de traces que dans des allusions rapides de cette branche et de la suivante.
  2. Un fragment de ce poéme, remarquable a plusieurs titres, a été publié par M. de Reiffenberg dans le second volume de son Philippe Mousket (Introd., pag. X-XXXII). I1 devait s'appeler sans doute le Roi Louis, a en juger par un vers du fabliau des Dewc Trovéors ribauds (Roquefort, Etat de la Poésie au douzieme siecle, p. 296). La confusion dont nous parlons a sans doute éte fort ancienne ; comment les poétes auraient-ils distingué l'un de l'autre ces deux Louis, fils de Charles, dont les noms leur étaient transmis par des chansons sans date? Elle est constatée par des vers d'Aimeri de Narbonne ; Blanchefleur, fille d'Aimeri, épousa, y est-il dit, Louis, le fils Challon:
        Bien en avez oy en la chancon
        Que en bataille ocist le roy Gourmon.
      B. Imp., ms. La Val. 23, fol. 27 r9 1).
    Dans Hugues Capet, on voit aussi Louis, fils de Charlemagne, et mari de Blanchefleur, combattre et tuer Gormon ; il est en outre représenté comme le dernier des Carolingiens. (Voy. p. 19-20).
  3. Ms. La Val. 23 A., f° 24 r°, Tout le prologue de ce poème est très peu intelligible, sans doute par la faute du scribe - M. Sachs a aussi vu les vers que nous citons dans un manuscrit anglais, ou ils occupent une autre place (Beiträge, p. 19).
  4. Ce poème met aussi Louis en rapport avec Hugues Capet. Voyez la Préface de M. le marquis de La Grange au poéme de ce nom, p. XLIV et suiv.
  5. Toutefois il n'est plus parlé de Lohier. I1 est a remarquer que Ramon Feraud connait aussi Louis et Lohier comme enfants de Charlemagne, et attribue de même l'Allemagne à Lohier (voy. aussi ci-dessous , P. 403). Lohier est un des héros du roman allemand de Lother et Maller, composé au quinzieme siecle par la duchesse Marguerite de Lorraine, voy. Grässe, p. 354.
  6. Il dit d'ailleurs en commençant son prologue :
      Nus hom ne puet chancon de geste dire,
      Que it ne mente la ou li vers define.
  7. Dans Wright, Latin Stories, p. 47, Le dicton populaire cui termine cette anecdote doit être lu : A tart béa Gobart, et non A tart, bea Gobart. Nous n'indiquons que pour mémoire l'historiette sur le combat de cogs qui présagea a Louis le Débonnaire sa royauté future , qui est rapportée dans Grimm-Theil, 1raditions allemandes, tribue II, 123 , d'apres Crusius, Annales Suevici
  8. Ci-dessus, p. 307, et, d'aprés la Chronique danoise de Charlemagne, p. 311.

Voir aussi

Notes de la rédaction
  1. vers 3714