La Chanson de Roland/Léon Gautier/Édition populaire/1895/Introduction/Le manuscrit

De Wicri Chanson de Roland
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Le texte original

Facsimilé

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Le manuscrit

Entrons à la bibliothèque Bodléienne, à Oxford, et demandons le manuscrit Digby 23.

Le voilà devant nous. Nous ne le toucherons pas, nous ne l'ouvrirons pas sans une certaine émotion profonde et sincère.

C'est un de ces petits volumes à l'usage des jongleurs, qu'ils portaient avec eux sur tous les chemins, et où sans doute ils rafraîchissaient leur mémoire. Nous en placerions l'exécution vers la fin du XIIe siècle.

Il est l'œuvre d'un scribe anglo-normand fort médiocre et sujet à de trop nombreuses distractions. Le pauvre hère a omis plus d'une fois des couplets entiers, que nous essayerons plus loin de reconstruire. Grâce à sa négligence, un certain nombre de vers sont boiteux, et il nous faudra les mettre sur leurs pieds. Enfin il a interverti l'ordre de quelques strophes, et il n'a souvent tenu aucun compte de l'exactitude des assonances. Il pensait visiblement à autre chose. Cette besogne ne devait pas lui être bien payée.

Le manuscrit, d'ailleurs, n'a vraiment pas été favorisé. Après le scribe, des correcteurs sont venus, qui ont changé quelques termes trop archaïques, réparé quelques omissions, rectifié la mesure de quelques vers, complété ou ajouté quelques mots, effacé ou gratté ça et là quelques lettres. Ces additions (qui sont placées soit en interligne, soit en marge), ces suppressions et ces corrections sont généralement sans critique et sans valeur. Peut-être faut-il voir l'œuvre de jongleurs qui voulaient rajeunir un texte vieilli. Quels que soient les correcteurs, ils sont dignes du scribe[1].

Par bonheur, une rédaction antique de la Chanson de Roland nous a été conservée dans un très précieux manuscrit de la biblio- thèque Saint -Marc, à Venise 1 .

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Fig. 4. — D'après le manuscrit de la bibliothèque Bodléienne d'Oxford. (Digby 23.)

Ce manuscrit a dû être exécuté entre les années 1230 et 1240. Il offre deux graves défauts.

Tout d'abord, il a été écrit par un scribe ignorant et en un français déplorablement italianisé;

Et, en second lieu, il ne nous offre la version primitive que

1 Mss. français, IV.


INTRODUCTION 23

jusqu'au vers 3682 de notre texte d'Oxford. A partir de là, le copiste italien n'a plus eu sous les yeux qu'un de ces remaniements dont nous aurons lieu de parler tout à l'heure, et auquel il ajouta un long récit de la prise de Narbonne par Aimeri.

Toujours est- il que nous possédons en double la version d'en- viron 35(io vers de notre poème. Et telle est la plus précieuse ressource qui soit à notre disposition pour établir notre texte critique.

Mais nous nous servirons aussi de ces remaniements, où il est aisé de retrouver tant de vestiges du texte primitif.

Vienne le jour où quelque érudit déterrera au fond de quelque bibliothèque de France, d'Espagne ou d'Angleterre, le manuscrit original de notre Iliade. Bien que cette découverte puisse être une rude épreuve pour tous les faiseurs de textes critiques, nous l'appelons de tous nos vœux et la saluerions de tout notre cœur. Espérons.

Notes du manuscrit


Voir aussi

  1. V. ci-contre un fac-similé du manuscrit d'Oxford.