La Chanson de Roland/Léon Gautier/Édition populaire/1895/Introduction/La versification : Différence entre versions

De Wicri Chanson de Roland
(La versification)
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Le ''Roland'', comme nos plus anciens poèmes, est écrit en décasyllabes.   
 
Le ''Roland'', comme nos plus anciens poèmes, est écrit en décasyllabes.   
 
* Ces décasyllabes ont une pause intérieure après leur quatrième syllabe sonore.  
 
* Ces décasyllabes ont une pause intérieure après leur quatrième syllabe sonore.  
* A la fin du premier comme du second hémistiche, les voyelles muettes ne comptent point : ''Damne Deu Per''E', ''nen laiser unir Franc''E''. <ref group="NDLR">Voir [[Chanson de Roland/Manuscrit d'Oxford/Laisse CLXXI|vers 2337, laisse CLXXI]]</ref>
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* A la fin du premier comme du second hémistiche, les voyelles muettes ne comptent point : ''Damne Deu Per''E', ''nen laiser unir Franc''E''. <ref group="NDLR">Voir [[Chanson de Roland/Manuscrit d'Oxford/Laisse CLXXI#vers 2337|vers 2337, laisse CLXXI]]</ref>
 
* Sont assimilés à l'e muet, les e non accentués qui sont suivis d'un s, d'un t, d'un ni : Li  
 
* Sont assimilés à l'e muet, les e non accentués qui sont suivis d'un s, d'un t, d'un ni : Li  
 
EmpererES est pur matin levet. — Iço vus maudv.T rets Marsilies li ber. — Il  
 
EmpererES est pur matin levet. — Iço vus maudv.T rets Marsilies li ber. — Il  

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Le texte original

Facsimilé

Lachansonderoland Gautier 1895 page 24.jpeg Lachansonderoland Gautier 1895 page 25.jpeg

La versification

Il faut partir de ce fait que les vers du Roland étaient destinés à être écoutés, et non pas à être lus.

Ils ne s'adressaient pas aux yeux, mais à l'oreille. Des « jongleurs de geste » parcouraient alors toute l'Europe avec de petits manuscrits dans leurs poches. Arrivaient-ils dans une ville, ils ne prenaient point le temps de se reposer. Encore tout poudreux du voyage et essoufflés, ils attiraient la foule par quelques accords de leur grossier violon, de leur viele, par quelques cris, voire par quelques gambades. Puis ils se mettaient à chanter quelques centaines de vers épiques. Je ne dis pas lire : je dis chanter.

Une foule avide, enthousiaste, ardente, entourait ces chanteurs populaires et se suspendait à leurs chants.

Très souvent aussi, la scène se passait dans la salle principale des châteaux. Le seigneur invitait le jongleur et le faisait boire. A la fin du repas, le chanteur se levait et donnait une séance épique.

Mais, qu'il eût affaire à des chevaliers ou à des bourgeois, le jongleur avait toujours devant lui un auditoire qui ne savait pas lire, et qui, en fait de versification, était uniquement sensible au rythme et à l'assonance.

Or l'assonance n'est pas la rime. L'assonance porte sur la dernière voyelle accentuée, tandis que la rime porte à la fois sur cette dernière voyelle sonore et sur tout ce qui vient après elle.

A s'en tenir au système de l'assonance, Carles, guaste, pasme, vaille, pailes, barbe et remaigne peuvent entrer, à la fin des vers, dans une seule et même tirade. Ces mots « assonnent » ensemble.

Dans le système de la rime, remaigne ne serait admissible qu'avec muntaigne, graigne et altaigne.

L'assonance est essentiellement populaire ; la rime est aristocratique.

Encore aujourd'hui, en 1880, le peuple des campagnes chante des vers assonances. Il les comprend, il les aime. Écoutez plutôt, écoutez ce « Cantique populaire sur saint Alexis » qui circule dans nos villages :

J'ai un voyage à faire
Aux pays étrangers.
Il faut que je m'en aille :
Dieu me l'a commandé.
Tenez, voici ma bague,
Ma ceinture à deux tours,
Marque de mon amour.

Et ailleurs, dans ce même chant, épousailles assonne avec flamme, courage avec larmes, richesses avec cachette, embarque avec orage et dépêche avec connaître.

Il en était ainsi aux XIe et XIIe siècles.

Mais le jour où le nombre des lettrés devint plus considérable au sein de la société laïque, le jour où il y eut beaucoup de chevaliers et de bourgeois qui surent vraiment lire, le jour où ils en vinrent à vouloir posséder et collectionner des manuscrits, tout changea. Il fallut désormais s'adresser au regard des lecteurs, et non plus à l'oreille des auditeurs. De là la nécessité absolue de remanier les anciens poèmes ; de là ces rifacimenti auxquels nous allons tout à l'heure consacrer un de nos chapitres.

A l'époque où fut composé le Roland, la versification peut se résumer en quelques règles qui sont des plus sages et des plus simples :

Le Roland, comme nos plus anciens poèmes, est écrit en décasyllabes.

  • Ces décasyllabes ont une pause intérieure après leur quatrième syllabe sonore.
  • A la fin du premier comme du second hémistiche, les voyelles muettes ne comptent point : Damne Deu PerE', nen laiser unir FrancE. [NDLR 1]
  • Sont assimilés à l'e muet, les e non accentués qui sont suivis d'un s, d'un t, d'un ni : Li

EmpererES est pur matin levet. — Iço vus maudv.T rets Marsilies li ber. — Il nen est dreit que païens te baillisEUT. — La seule lettre qui, en thèse géné- rale, s'élide, esl l'e i :t. Il convienl d'ajouter que celle élision elle-même esl

laissée à la liberté du poète, qi i élide ou n'Élide pas. = Ces vers, ainsi ryth- més, sonl distribués en un certain nombre de couplets , tirades ou laisses. Toute laisse forme une division naturelle du récit. = Le couplel se compose, eu moyenne, dans le Roland, de douze à quinze vers. Il sera plus développé dans le- poèmes postérieurs. = Le lieu qui unii tous les \ers dans un même couplet, c'esl l'assonance: plus lard, ce sera la rime. Dans le Roland, le.- couplet- ne sonl donc pas monorimés, niai- mono -assonances. = Suivanl nue leur- . terminenl ou non par un e muet, le- laisses -oui féminines ou masculines. Ces dernières sonl les plu- nombreuses.

Nous avons traité ailleurs' 1rs autres questions qui se rap- portent à la rythmique du Roland.

' Edition classique, 7 e éd., p. \Si et ss.


Voir aussi

Notes de la rédaction