La Chanson de Roland/Léon Gautier/Édition populaire/1895/Introduction/Derniers siècles : Différence entre versions

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propre histoire et sa propre épopée. Il oublie jusqu'à ce chef-d'œuvre épique où sa vie s'était un jour si puissamment résumée.  
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Oui, il l'oublie jusqu'au dernier mot, et, si on lui en parle, il  
 
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héros de réputation, et c'était une ignorance dont Boileau et Vol-
 
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Le texte original

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Lachansonderoland Gautier 1895 page 38.jpeg Lachansonderoland Gautier 1895 page 39.jpeg

Les quatre derniers siècles

Lachansonderoland Gautier 1895 page 38.jpeg

Un grand peuple, certain jour, a reçu de Dieu le don, l'admirable don, d'une poésie nationale, d'une poésie sincère et forte, qui répond véritablement à toutes ses croyances religieuses comme à toutes ses idées politiques et militaires.

Ce peuple a pu condenser, en un poème supérieur à tous les autres, toute la mâle beauté de sa poésie épique. Il possède une sorte d'Iliade, dont la forme est moins parfaite que celle d'Homère, mais dont la pensée est plus haute.

Toutes les nations se sont estimées heureuses d'imiter, de copier, de traduire ce maître poème. C'est un enthousiasme universel.

Soudain ce peuple, dont tous les autres sont jaloux, se passionne uniquement pour les œuvres d'une antiquité dont il est séparé par plus de dix siècles. Il se prend à aimer uniquement la poésie de certaines autres nations qui n'avaient pas sa foi, qui n'avaient pas ses idées, qui n'avaient pas sa vie.

Et voici qu'en quelques jours, en quelques heures, il oublie sa propre histoire et sa propre épopée. Il oublie jusqu'à ce chef-d'œuvre épique où sa vie s'était un jour si puissamment résumée. Oui, il l'oublie jusqu'au dernier mot, et, si on lui en parle, il s'écrie : « Qu'est-ce donc que ces vers, et de quoi parlent-ils ? »

Or ce que nous venons de raconter, c'est l'histoire même de la France dans ses rapports avec la Chanson de Roland.

Au XVIe siècle, la France lettrée se passionna à ce point pour l'Enéide qu'elle oublia Roland. Rien n'eût été cependant plus facile que d'aimer à la fois ces deux chefs-d'œuvre; rien n'eût été plus beau que de rendre à la fois justice au style du premier et à la pensée du second. Mais on se contenta d'être ingrat, et de l'être avec une étrange rapidité. Cette ingratitude, d'ailleurs, fut si bien organisée, qu'elle ne dura pas moins de trois cents ans.

Durant trois siècles, il n'y eut guère parmi nous à garder le souvenir de Roland que quelques pauvres paysans qui, le dimanche ou à la veillée, se délectaient dans la lecture de la Bibliothèque bleue. Quant aux lettrés, ils ne connaissent même plus notre héros de réputation, et c'était une ignorance dont Boileau et Voltaire se montraient volontiers très fiers.

Encore un coup, cela dura trois siècles.

Et il faut faire un bond de trois cents ans pour tomber au milieu d'une France qui se passionne de nouveau pour sa poésie nationale.

Chateaubriand, dans son Génie du Christianisme et Victor Hugo, dans sa Notre-Dame de Paris, enfiévrèrent leur génération pour le moyen âge. Après ces poètes vinrent les érudits.

On ne compte pas aujourd'hui moins de dix-neuf éditions et de huit traductions du Roland. Et, malgré les protestations de quelques rhéteurs, le vieux poème a été enfin admis officiellement au nombre des classiques de l'enseignement secondaire.

Quant aux travaux dont le Roland a été l'objet, nous en avons donné une bibliographie complète dans le tome III de nos Épopées françaises. Cette liste ne comprend guère moins de trois cents œuvres, et elle remonte à près de quinze ans.

Après tant de travaux, une nouvelle traduction, une nouvelle édition étaient- elles nécessaires?

A cette question très légitime nous allons répondre très simple- ment, en exposant ce que nous avons fait ou, du moins, ce que nous aurions voulu faire.


Voir aussi