Histoire poétique de Charlemagne (1905) Paris/Livre premier/Chapitre IX
Histoire poétique de Charlemagne Édition de 1905
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Cette page introduit le dixième chapitre du premier livre de la thèse de Gaston Paris.
Sommaire
Livre premier, chapitre IX
Traditions particulières
Le Roland furieux a longtemps été admiré comme un monument isolé, comme la production toute personnelle d'un des plus heureux génies de la poésie méridionale. L'ancienne critique esthétique savait vaguement qu'il avait eu un prédécesseur dans le Roland amoureux du Bojardo, mais dédaignait de s'enquérir plus exactement de ce que pouvait être ce plomb vil changé en or sous les mains de 1' Arioste. Bien que le Furioso continue tous les épisodes de 1' Innamorato, bien qu'il soit destiné a des lecteurs tout pleins du premier et par conséquent inintelligible en plus d'un endroit pour ceux qui ne connaissent que lui seul, on se bornait à constater que le poete de Reggio avait fait oublier tous les essais qui avaient précédé son œuvre. L'histoire littéraire, quand elle commenca à être autre chose que l'art de dresser un catalogue bibliographique, sentit le besoin de remonter plus haut. On lut Bojardo, on découvrit Pulci. Un pas de plus fut fait quand on se mit a étudier, quoique très superficiellement encore, les vieux poèmes tels que la Spagna,la Regina Anchroja, la Leandra, etc.; L'initiative de ce travail appartient à Ginguené, qui y montra une bonne volonté et une intelligence historique remarquables pour son temps, bien que très loin d’être suffisantes. Valentin Schmidt, en Allemagne, s'engagea plus avant dans cette voie, et apporta dans son travail plus de critique et d'attention, et surtout un amour sincère, parfois meme excessif, du sujet. On remonta un degré plus haut, dans cette généalogie ascendante des poèmes du seizième siècle, quand on aborda les Reali di Francia, dont Gamba donna enfin une édition lisible, et que M. Ranke, dans un Mémoire où il applique à la littérature toutes ses éminentes qualités d'historien, étudia a fond et analysa dans leurs parties inédites. Là s’arrêtait jusqu’à ces derniers temps la liste des documents de l'histoire poétique de Charlemagne en Italie: entre les Reali et nos chansons de gestes, pas d'anneau intermédiaire ; aucun [160]
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L'épopée française est connue de bonne heure
Des le commencement du douzième siecle, la Chanson de Roland était connue au-delà des Alpes. En 1131, les chevaliers et consuls de Nepi (dans les États de l’Église), se liant par serment a un pacte, souhaitaient a qui l'enfreindrait le sort de Judas et la mort infime de Ganelon[1]. Dante connaissait non-seulement ce poème, et mais encore ceux du cycle de Guillaume au court Nez. Au ciel, dans la sphère de Jupiter ou des Princes, il voit Guillaume et Renouard au Tinel, à côté de Charlemagne et de Roland (Par. XVIII, 43) ; et il ne peut mieux comparer le son d'une trompette infernale qu'a celui du cor de Roland :
- Dopo la dolorosa rotta, quando
- Carlo Magno perdi la santa gesta,
- Non sono si terribilmente Orlando.
- (Inferno, XXXI, 16)
les jongleurs du nord de l'Italie
L'Italie empruntait a la France non-seulement ses poèmes[2] mais même leur mise en scène, pour ainsi dire, et leur mode d'exécution. Sur le theatre de Milan, au treizième siècle, parmi différents jeux
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Les manuscrits de Venise
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3° Karleto
Ce poème a pour base une chanson de geste perdue, Mainet. Il offre les mêmes particularités que Berte ; plusieurs noms sont changés ; les plus remarquables de ces changements sont ceux de Mainet en Karleto, et de Galienne en Bélisant. De même Tolède, dont tous les textes s'accordent à faire la résidence de Galafre (voy. 1. II, ch. m), devient Saragosse. Malgré cela, ici encore on trouve quelques traits fort anciens, qui montrent que le [170] compilateur avait sous les yeux un bon poème français. Nous avons déjà dit que les Mayençais jouent ici le même rôle que dans Berte ; ajoutons que la fin paraît avoir été fortement altérée par le compilateur : il y a introduit des épisodes (tels que celui de Sansoneto), qui semblent provenir uniquement de son invention.
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