La Chanson de Roland/Léon Gautier/Édition populaire/1895/Partie 1/Cordoue/Turpin

De Wicri Chanson de Roland

Cette page introduit une note sur Turpin.

Elle est extraite du chapitre « A Cordoue, le conseil tenu par Charlemagne »

Cette note est relativement indépendante du chapitre concerné.

170. Turpin

170.↑ Turpin

Il y a eu un véritable archevêque de ce nom, lequel vécut sur le siège de Reims, depuis 756 (ou 753, suivant la Gallia christiana), jusqu'en 811 ou 788 (ou 794, suivant la Gallia). Il a donc été réellement contemporain du grand désastre de Roncevaux, qui eut lieu en 778. Mais le Turpin de nos épopées présente des traits que l'histoire n'a point fournis. Il est né à Rome, si l'on en croit la Karlamagnus Saga (XIIIe siècle, ou en France, suivant la Chanson d'Aspremont (XIIe siècle). L'auteur de ce dernier poème ajoute que Turpin fut abbé de Jumièges avant d'être élevé au siège de Reims.

Quoi qu'il en soit, il est partout le type de l'évêque militaire. Dans Aspremont, on le voit porter au front de l'armée chrétienne le bois de la vraie croix, qui devient, entre ses mains, éblouissant comme le soleil. Dans Ogier (XIIe siècle), c'est lui qui livre à Charlemagne le Danois endormi ; mais il a pitié de cet illustre vaincu, et ne permet pas qu'il meure de faim dans sa prison. Après s'être couvert de gloire dans tous les combats que racontent L'Entrée en Espagne (XIIIe - XIVe siècle) et Gui de Bourgogne (XIIe siècle), l'Archevêque-soldat meurt à Roncevaux (v. 2252).

La Chronique qui porte son nom se garde bien de le faire ainsi succomber dans la grande bataille, et le fait survivre au désastre, qu'il raconte. C'est lui qui, d'après ce singulier récit, célébrait la messe des morts auprès de Charles, lorsque l'Empereur vit passer dans le ciel les Anges qui emportaient l'âme de Roland.

Turpin est compté au nombre des douze Pairs par les Remaniements du Roland ( XIIIe siècle, etc.), le Voyage à Jérusalem ( XIIe siècle), la Karlamagnus Saga (XIIIe siècle), Otinel (XIIIe siècle), L'Entrée en Espagne ( XIIIe - XIVe siècle) et la Chronique de Weihenstephan (XIVe -XVe siècle). En résumé, c'est dans notre poème qu'il faut chercher les éléments les plus antiques de sa légende.

Il est nécessaire de dire ici deux mots de la célèbre « Chronique de Turpin ». Dans sa thèse De pseudo - Turpino , M. G. Paris est arrivé à cette conclusion scientifique que les cinq premiers chapitres ont été écrits, vers le milieu du XIe siècle, par un moine de Compostelle, et les chapitres VI et suivants, entre les années 1109-1119, par un moine de Saint-André de Vienne ». Cette dernière partie est la moins sincère. Rédigée par un faussaire d'après quelques-unes de nos Chansons de geste et de nos traditions épiques, qui y sont trop souvent défigurées, ce document apocryphe reproduit cependant, par rapport à la légende de Roland, un état de la tradition qui est peut-être antérieur à la donnée de notre chanson.


Facsimilés

Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 61.jpg Chanson de Roland Gautier Populaire 1895 page 62.jpg

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