Chanson de Roland/Manuscrit d'Oxford/Laisse CXXIV

De Wicri Chanson de Roland

Cette page introduit la laisse CXXIV (124) en suivant l'organisation propre au manuscrit d'Oxford.

Dans le manuscrit d'Oxford

La laisse est contenue sur les feuillets 30 (recto) puis verso du manuscrit.

Elle est numérotée

  • CXXV chez Francisque Michel.
  • CXXIII chez Edmund Stengel.
 
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Transcription et traduction par Léon Gautier

Laisse CXXIII


CXXIII

Grandonies fut e prozdom e vaillanz Grandogne était un homme sage et vaillant,
E vertuus e vassals cumbatanz. Intrépide et sans peur à la bataille.
1595 En mi sa veie ad encuntret Rollant. Sur son chemin il rencontre Roland :
Enceis ne l’ vit, si l’ reconut veirement
Jamais il ne l’avait vu, et cependant il le reconnaît sûrement,
(1640) A l’ fier visage e à l’ cors qu’il out gent, Rien qu’à son fier visage et à la beauté de son corps,
E à l’ reguart e à l’ cuntenement. Rien qu’à sa contenance et à son regard.
Ne poet muer qu’il ne s’en espaent, Le païen ne peut s’empêcher d’en être épouvanté :
1600 Fuir s’en voelt, mais ne li valt nient. Il veut fuir ; mais impossible !
Li quens le fiert tant vertuusement, Roland le frappe d’un coup si vigoureux,
(1645) Tresqu’ à l’ nasel tut le helme li fent, Qu’il lui fend le heaume jusqu’au nasal.
Trenchet le nés e la buche e les denz, Il coupe en deux le nez, la bouche, les dents ;
Trestut le cors e l’osberc jazerenc,
Il coupe en deux tout le corps et le haubert à mailles serrées ;
1605 De l’ orée sele les dous alves d’argent Il coupe en deux les arçons d’argent de la selle d’or ;
E à l’ cheval le dos parfundement, Il coupe en deux très-profondément le dos du cheval :
Ambure ocist seinz nul recoeverement. Bref, il les tue tous deux sans remède.
E cil d’Espaigne s’en cleiment tuit dolent. Et ceux d’Espagne de pousser des cris de douleur,
Dient Franceis : « Ben fiert nostre guarenz. » Aoi.
Et les Français de s’écrier : « Les bons coups qu’il donne, notre capitaine, notre sauveur ! »

Laisse CXXV


CXXV

1620 La bataille est e merveilluse et granz, Merveilleuse, immense est la bataille.
Franceis i fièrent des espiez brunisanz.
De leurs lances d’acier bruni, les Français donnent de bons coups.
(1655) Là véissez si grant dulur de gent, C’est là que l’on pourrait assister à grande douleur
Tant hume mort e naffret e sanglant ! Et voir des milliers d’hommes blessés, sanglants, morts...
L’uns gist sur l’altre e envers e adenz.
L’un gît sur l’autre ; l’un sur le dos, et l’autre sur la face.
1625 Li Sarrazin ne l’ poent suffrir tant : Mais les païens n’y peuvent tenir plus longtemps ;
Voelent u nun, si guerpissent le camp, Bon gré, mal gré, ils quittent le champ,
Par vive force les enchalcerent Franc. Aoi.
Et les Français de les poursuivre de vive force, la lance au dos.

Transcription commentée de Francisque Michel

Sur la page 51 de l'édition de 1869.


CXXV.
Grand onie fut e prozdom e vaillant
E vertuus e vassal* cumbatant ;  *Et fort et preux.
En mi sa veie* ad encuntret Rollant,  *Au milieu de son chemin.
Enceis ne l'vit*, si l'recunut veirement*  *Auparavant il ne le vit, et il le reconnut vraiment.
Al fier visage e al cors qu'il out gent,
E al reguart e al contenement* :  *Contenance.
Ne poet muer qu'il ne s'en espaent*,  *Ne peut s'empêcher de s'en épouvanter.
Fuir s'en voel[t]*, mais ne li valt nient**.  *Veut. **Vaut rien.
Li quens le fiert tant vertuusement*,  *Fortement.
Tresqu'al nasel* tut le elme li fent,  *Jusqu'au nasal.
Trenchet le nés e la buche e les denz,
Trestut le cors e l'osberc jazerenc*  *Le haubert de mailles.
Del orée sele se[s] dous alnes* d'argent,  *De la dorée selle ses deux aunes.
E al ceval le dos parfundément,
Ambure* ocist seinz nul recoeverement** ;  *Tous deux. **Ressource.
E cil d'Espaigne s'en cleiment tuit dolent*.  *S'en proclament tous malheureux.
Dient Franceis : « Ben fiert nostre guarent*. »  *Bien frappe notre protecteur.
La bataille est e merveillose e grant ;
Franceis i ferent des espiez brunisant*.  *Épieux à l'éclat brun.
Là véissez si grant dulor de gent*,  *Monde, gens.
Tant hume mort e naffret* e sanglent :  *Blessé.
L'un gist sur l'autre e envers e adenz*.  *La face contre terre.
Li Sarrazin ne l'poent* susfrir tant ;  *Ne le peuvent.
Voelent* u nun, si guerpissent le camp** :  *Veuillent. ** Déguerpissent du champ.
Par vive force les encacèrent* Franc. AOI.  *Poursuivirent.


 
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Notes (version de Léon Gautier)

Notes, laisse CXXIII

logo travaux partie en cours de maquettage

Chanson de Roland (1872) Gautier, II, page 155.jpg[148]

Vers 1593. (1629)
    1. 1593 ##

Vers 1593.Grandonie. O. Pour le cas sujet, Grandonies. ═ Vaillant. O. Pour la même raison, vaillanz.

    1. 1594 ##

Vers 1594.Vassal cumbatant. O. Pour le s. s., vassals cumbatanz.

    1. 1595 ##

Vers 1595.Trove Olivier le jant. L.

    1. 1598 ##

Vers 1598.Contenement. O. V. la note du vers 30.

    1. 1599 ##

Vers 1599. — Dans espaent, l’a a été ajouté postérieurement.

    1. 1600 ##

Vers 1600.Voel. O. Erreur évidente. V. la note du vers 40.

    1. 1602 ##

Vers 1602.Elme. O. V. la note du vers 996.

    1. 1605 ##

Vers 1605.Se dous. O. Erreur évidente. ═ Alves. Ce sont les auves, les côtés de la selle, bien distincts des arçons. (V. la note du vers 1229.) On lit dans Flore et Blanchefleur : Sele ot de moult riche façon... — Les aubes sont d’autre manière. Nous avons à tort traduit : « les arçons. » Corriger la même erreur au vers 3881.

    1. 1606 ##

Vers 1606.Ceval. O. V. la note du vers 1379.

    1. 1607 ##

Vers 1607.Recoevrement. O. V. la note du vers 38.

    1. 1609 ##

Vers 1609.Cist couz n’est pas d’enfant. L.


Notes, laisse CXXV

logo travaux partie en cours de maquettage

Chanson de Roland (1872) Gautier, II, page 155.jpg[148]

Vers 1620. (1629)
    1. 1620 ##

Vers 1620.Merveillose. O. L’u, qui se trouve presque partout ailleurs, est plus conforme à notre phonétique. ═ Grant. O. Pour le cas sujet, il faut granz.

    1. 1621 ##

Vers 1621.Ferent. O. L’i a triomphé dans ce mot, et nous l’y avons partout conservé. ═ Brunissanz... Fer bruni, c’est-à-dire, recevant par le poli une teinte brillante et brune à la fois. De là brunisseur et burnisseresse. Les cottes de mailles qui ne pouvaient se brunir se roulaient dans les étoffes. M. L. de la Borde cite d’Ét. Boileau ce passage précieux : « Quiconques est fermaillers de laton, et il œvre qui ne soit brunie que d’une part, si come de fermoirs rons, cele œvre n’est mie suffisans. » Et, dans Perceforest, on parle d’une épée « plus clere et plus loysante que s’elle venoit des mains du brunisseur ». (Notice des émaux, 1853, II, 177.)

    1. 1622 ##

Vers 1622.Dulor. O. V. la note du vers 489.

    1. 1624 ##

Vers 1624. — Lire sanglent.

    1. 1627 ##

Vers 1627.Encacerent. O. La forme étymologique, la vraie forme est enchalcerent, d’où le substantif verbal enchalz. (Vers 2446, 2462, 2765, 2796, 3635.)


Voir aussi

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