Chanson de Roland/Manuscrit d'Oxford/Laisse CCXXXV

De Wicri Chanson de Roland

Cette page introduit la laisse CCXXXV (235) en suivant l'organisation propre au manuscrit d'Oxford.

Dans le manuscrit d'Oxford

La laisse est contenue sur le feuillet 58 recto puis verso du manuscrit.

Elle démarre sur la lettrine L.

Elle est numérotée :

  • CCXXXIII chez Francisque Michel (page 98).
  • CCXXXVI chez Léon Gautier mais qui la concatène avec la suivante.
  • CCXXXII chez Edmund Stengel.


 
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Transcription et traduction par Léon Gautier

Les vers surlignés en jaune ont été ajoutées par Léon Gautier (à partir de la laisse suivante du manuscrit.


CCXXXVI

Li Amiralz chevalchet par cez oz : À travers tous les rangs de son armée, chevauche l’Émir,
3215 Sis filz le siut, ki mult ad grant le cors, Et son fils (il avait la taille d’un géant) le suit partout,
Li reis Torleus e li reis Dapamors ; Avec le roi Torleu et le roi Dapamort.
.Xxx. escheles establissent mult tost, Ils divisent alors leur armée en trente colonnes ;
Chevalers unt à merveillus esforz ; (Ils ont tant et tant de chevaliers !)
En la menur .l. milie en out.
Le plus faible de ces corps d’armée n’aura pas moins de cinquante mille hommes.
3220 La premere est de cels de Butentrot, Le premier est composé des gens de Butentrot ;
E l’altre après de Micenes as chefs gros : Le second, de ceux de Micènes. D’énormes têtes
Sur les eschines qu’il unt en mi les dos Surmontent les échines qu’ils ont dans le milieu du dos,
Cil sunt seiet ensement cume porc. Aoi. Et ils sont couverts de soies tout comme sangliers.
E la terce est de Nubles e de Blos, La troisième colonne est formée de Nubiens et de Blos ;
3225 E la quarte est de Bruns e d’Esclavoz, La quatrième, de Bruns et d’Esclavons ;
E la quinte est de Sorbres e de Sorz, La cinquième, de Sorbres et de Sors ;
E la siste est d’Ermines e de Mors, La sixième, de Mores et d’Arméniens.
E la sedme est de cels de Jericho, Dans la septième sont ceux de Jéricho ;
L’oidme est de Nigres, e la noefme de Gros, Les Nègres forment la huitième, et les Gros la neuvième ;
3230 E la disme est de Balide la fort :
La dixième enfin est composée des chevaliers de Balide la forte :
Ço est une genz ki unkes ben ne volt. Aoi. C’est un peuple qui jamais ne voulut le bien.

Notes (version de Léon Gautier)

logo travaux partie en cours de maquettage

Chanson de Roland (1872) Gautier, II, page 224.jpg[217]

    1. 3214 ##

Vers 3214.Amiraill. O. Au cas sujet, amiralz.

    1. 3216 ##

Vers 3216.Dapamort. O. Au cas sujet, Dapamorz.

    1. 3218 ##

Vers 3218. — Lire chevaliers.

    1. 3219 ##

Vers 3219.XXX. milie. Mu. XV. milie. G., d’après Versailles .C. milie. Mu. — Le manuscrit nous semble donner L. milie.

    1. 3220 ##

Vers 3220 et suiv. — Lire première. ═ L’énumération suivante montre bien quel cas il faut faire de la « Géographie de nos Chansons de geste », et en particulier de l’exactitude des vocables géographiques. Parmi ces trente-huit peuples qui composent la grande armée de Baligant, il en est quelques-uns qui ont une physionomie réelle, historique. Tels sont les Esclavoz (v. 3225) et les Clavers (3245), et peut-être la gent de Bruise (3245, Brousse ?), les Ermines (Arméniens, v. 3227), les Mors (Id.), les gens de Jericho (v. 3254) et de la gent Samuel (3344), les Turcs (3240), les Pers (Id.), les Avers (3252) (V. Aliscans, B. N. ms. fr., 368 f° 210), les Astrimonies (Strimonii, les Thraces, v. 3258), les Hums et les Hungres (v. 3254), peut-être les Micenes(3220) et les Nubles (Nubiens ? v. 3224). Butentrot enfin dérive peut-être de « Buthrotum », ville de l’Épire, aujourd’hui Butrinto. ═ C’est tout, et remarquez que ce sont là des indications très-vagues, des souvenirs se rapportant soit aux invasions, soit à l’histoire sainte, quelques-uns seulement à l’Orient fort mal connu. ═ D’autres appellations paraissent être seulement des sobriquets donnés au hasard, suivant l’imagination du poëte. La plus exacte est celle des Nigres (v. 3229). Mais que penser des Blos (3224), des Bruns (3225), des Sorz (3226), des Gros (3229), des Leus (3258) ? Ce ne sont sans doute (nous le répétons) que des sobriquets empruntés à la physionomie extérieure des païens. D’autres noms sont encore plus fantaisistes ; tels sont : Malperse (3253), fort et Baldise la lunge (3230 et 3255), et surtout Val-Penuse (3256), Balide la Clarbone (3259), Val-Fronde (3260). Ces trois derniers

Chanson de Roland (1872) Gautier, II, page 225.jpg[218]

    1. 3220 ##

noms sont employés dans d’autres Romans pour désigner des localités très-chrétiennes. ═ En somme, nous venons d’établir trois catégories fort distinctes : 1° les noms historiques, 2° les sobriquets, et 3° les vocables purement fantaisistes. Je rangerais dans une quatrième et dernière famille les mots « inexpliqués ou douteux ». De longues discussions se sont produites autour du mot Canelius (3238), et Génin a été jusqu’à y voir les « luminiers » (laïques s’entend) de l’armée païenne. Peut-être y a-t-il là un sobriquet qui, comme le dit Michel, se rapporte vaguement « aux gens du pays de la cannelle ». Les Pinceneis (3241), les Solteras (3242), les Sorbres (3226), les Ormaleus et les Eugiez (3243), la gent d’Occient le desert (3246), celle de Joi e de Maruse (3257), celle d’Argoilles (3239), tous ces vocables me paraissent peu explicables, et je suis bien loin de partager l’idée de M. d’Avril, disant à la page 51 de sa traduction : « Il n’est guère admissible que le trouvère, si exact dans ses mentions géographiques relatives à la France, ait imaginé arbitrairement les noms des pays sarrasins. Je crois que ces noms se rattachent tous (!) à quelque souvenir et à quelque tradition. » Si l’on veut bien relire l’énumération précédente, on se convaincra aisément que l’imagination y a eu le plus grand rôle. ═ À coup sûr les auteurs de nos Remaniements avaient absolument perdu le fil de ces prétendues traditions. Le texte de Paris nous parle de la gent de Butancor, dont Judas faisait partie et qui comptait dans ses rangs « Mucement le guerrier ». Ce Mucement-là nous paraît né de nos Micènes as chefs gros : un nom d’homme pris pour un nom de peuple. Puis viennent « les gens de Blondernie, les Esclamor, la gent Licanor, celle que conduit Maligors, les Amoraives et ceux de Carthage, ceux de Valtornée et de Valfonde. » Il faudrait avoir une bien grande complaisance pour transformer ces pauvres inventions en documents sérieusement géographiques. ═ Et telle est aussi notre conclusion pour les deux tiers des vocables employés dans la Chanson de Roland.

    1. 3223 ##

Vers 3223. — Supprimer l’aoi que le manuscrit, par erreur, nous donne après ce vers.


Voir aussi

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