Histoire naturelle (Buffon)/Tome 6/Le chat

De Wicri Animaux
logo lien interne Cette page est en phase de création pour des raisons de cohérence des liens dans ce wiki (ou au sein du réseau Wicri).
Pour en savoir plus, consulter l'onglet pages liées de la boîte à outils de navigation ou la rubrique « Voir aussi ».

Cette page introduit l'article Le chat par Monsieur de Buffon dans le tome VI de son encyclopédie.

Le début en facsimilé

Buffon Hist Nat E.O. Tome 6 f15.jpg
Buffon Hist Nat E.O. Tome 6 f17.jpg

Le chat (par Monsieur de Buffon)

Buffon Hist Nat E.O. Tome 6 f17.jpg[3] Le Chat est un domestique infidèle, qu’on ne garde que par nécessité, pour l’opposer à un autre ennemi domestique encore plus incommode, et qu’on ne peut chasser : car nous ne comptons pas les gens qui, ayant du goût pour toutes les bêtes, n’élèvent des chats que pour s’en amuser ; l’un est l’usage, l’autre l’abus ; et quoique ces animaux, surtout quand ils sont jeunes, aient de la gentillesse, ils ont en même temps une malice innée, un caractère faux, un naturel Buffon Hist Nat E.O. Tome 6 f18.jpg[4] pervers, que l’âge augmente encore, et que l’éducation ne fait que masquer. De voleurs déterminés, ils deviennent seulement, lorsqu’ils sont bien élevés, souples et flatteurs comme les fripons ; ils ont la même adresse, la même subtilité, le même goût pour faire le mal, le même penchant à la petite rapine ; comme eux ils savent couvrir leur marche, dissimuler leur dessein, épier les occasions, attendre, choisir, saisir l’instant de faire leur coup, se dérober ensuite au châtiment, fuir et demeurer éloignés jusqu’à ce qu’on les rappelle. Ils prennent aisément des habitudes de société, mais jamais des mœurs  : ils n’ont que l’apparence de l’attachement ; on le voit à leurs mouvements obliques, à leurs yeux équivoques ; ils ne regardent jamais en face la personne aimée ; soit défiance ou fausseté, ils prennent des détours pour en approcher, pour chercher des caresses auxquelles ils ne sont sensibles que pour le plaisir qu’elles leur font. Bien différent de cet animal fidèle, dont tous les sentiments se rapportent à la personne de son maître, le chat paraît ne sentir que pour soi, n’aimer que sous condition, ne se prêter au commerce que pour en abuser ; et par cette convenance de naturel, il est moins incompatible avec l’homme, qu’avec le chien dans lequel tout est sincère.

La forme du corps et le tempérament sont d’accord avec le naturel, le chat est joli, léger, adroit, propre et voluptueux ; il aime ses aises, il cherche les meubles les plus mollets pour s’y reposer et s’ébattre : il est aussi Buffon Hist Nat E.O. Tome 6 f19.jpg[5] très-porté à l’amour, et, ce qui est rare dans les animaux, la femelle paraît être plus ardente que le mâle ; elle l’invite, elle le cherche, elle l’appelle, elle annonce par de hauts cris la fureur de ses desirs, ou plutôt l’excès de ses besoins, et lorsque le mâle la fuit ou la dédaigne, elle le poursuit, le mord, et le force pour ainsi dire à la satisfaire, quoique les approches soient toujours accompagnées d’une vive douleur[1]. La chaleur dure neuf ou dix jours, et n’arrive que dans des temps marqués  ; c’est ordinairement deux fois par an, au printemps et en automne, et souvent aussi trois fois, et même quatre. Les chattes portent cinquante-cinq ou cinquante-six jours ; elles ne produisent pas en aussi grand nombre que les chiennes ; les portées ordinaires sont de quatre, de cinq ou de six. Comme les mâles sont sujets à dévorer leur progéniture, les femelles se cachent pour mettre bas, et lorsqu’elles craignent qu’on ne découvre ou qu’on n’enlève leurs petits, elles les transportent dans des trous et dans d’autres lieux ignorés ou inaccessibles ; et après les avoir allaités pendant quelques semaines, elles leur apportent des souris, de petits oiseaux, et les accoutument de bonne heure à manger de la chair ; mais par une bizarrerie difficile à comprendre, ces mêmes mères, si soigneuses et si tendres, deviennent quelquefois cruelles, dénaturées, et dévorent aussi leurs petits qui leur étaient si chers.

Les jeunes chats sont gais, vifs, jolis, et seraient Buffon Hist Nat E.O. Tome 6 f20.jpg[6] aussi très-propres à amuser les enfants si les coups de patte n’étaient pas à craindre ; mais leur badinage, quoique toujours agréable et léger, n’est jamais innocent, et bientôt il se tourne en malice habituelle ; et comme ils ne peuvent exercer ces talents avec quelque avantage que sur les plus petits animaux, ils se mettent à l’affût près d’une cage, ils épient les oiseaux, les souris, les rats, et deviennent d’eux-mêmes, et sans y être dressés, plus habiles à la chasse que les chiens les mieux instruits. Leur naturel, ennemi de toute contrainte, les rend incapables d’une éducation suivie. On raconte néanmoins que des moines grecs[2] de l’île de Chypre avoient dressé des chats à chasser, prendre et tuer les serpents dont cette île était infestée, mais c’était plutôt par le goût général qu’ils ont pour la destruction, que par obéissance qu’ils chassaient ; car ils se plaisent à épier, attaquer et détruire assez indifféremment tous les animaux faibles, comme les oiseaux, les jeunes lapins, les levreaux, les rats, les souris, les mulots, les chauve-souris, les taupes, les crapauds, les grenouilles, les lézards et les serpents. Ils n’ont aucune docilité, ils manquent aussi de la finesse de l’odorat, qui dans le chien sont deux qualités éminentes ; aussi ne poursuivent-ils pas les animaux qu’ils ne voient plus, ils ne les chassent pas, mais ils les attendent, les attaquent par surprise, et après s’en être joués long-temps ils les tuent sans aucune nécessité, lors même qu’ils

...

Notes de la partie rédigée par Buffon

  1. [page 5, note *] Voyez ci-après la description des parties de la génération du chat.
  2. [page 6, note *] Description des Isles de l’Archipel, par Dapper, page 51.

Planches de l'article

Buffon Hist Nat E.O. Tome 6 f63.jpg Collection Quadrupèdes Buffon 1749 tome 1 f157.jpg

Voir aussi