Chant (Jean-Jacques Rousseau)

De Wicri Musique
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Cette page introduit une réédition numérique de l'article de Jean-Jacques Rousseau sur le Chant dans son Dictionnaire de la musique[1].


Avant-propos

Jean-Jacques Rousseau a également rédigé l'article chant dans l'Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers.

L'article


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CHANT, f. m. Sorte de modification de la voix humaine, par laquelle on forme des Sons variés & appréciables. Observons que pour donner à cette définition toute l'universalité qu'elle doit avoir, il ne faut pas seulement entendre par Sons appréciables, ceux qu'on peut assigner par les Notes de notre Musique, et rendre par les touches de notre Clavier ; mais tous ceux dont on peut trouver ou sentir l'Unisson et calculer les Intervalles de quelque manière que ce soit.


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Il est très difficile de déterminer en quoi la voix qui forme la parole, diffère de la voix qui forme le Chant. Cette différence est sensible, mais on ne voit pas bien clairement en quoi elle consiste, et quand on veut le chercher , on ne le trouve pas. M, Dodart a fait des observations anatomiques, à la faveur desquelles il croit, à la vérité, trouver , dans les différentes situations du Larynx, la cause de ces deux sortes de voix. Mais je ne fais si ces observations, ou les conséquences qu'il en tire, sont bien certaines. (Voyez Voix.) Il semble ne manquer aux Sons, qui forment la parole, que la permanence , pour former un véritable Chant : il paraît aussi que les diverses inflexions qu'on donne à la voix en parlant, ferment des Intervalles qui ne sont point harmoniques, qui ne font pas partie de nos systèmes de Musique, et qui, par conséquent, ne pouvant être exprimés en Note, ne sont pas proprement du Chant pour nous.

Le Chant ne semble pas naturel à l'homme. Quoique les Sauvages de l'Amérique chantent, parce qu'ils parlent, le vrai Sauvage ne chanta jamais. Les Muets ne chantent point ; ils ne forment que des voix sans permanence , des mugissements sourds que le besoin leur arrache. Je douterais que le sieur Pereyré , avec tout son talent, pût jamais tirer d'eux aucun Chant musical. Les enfants crient, pleurent , et ne chantent point. Les premières expressions de la nature


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n'ont rien en eux de mélodieux ni de sonore, et ils apprennent à Chanter comme à parler, à notre exemple, Le Chant mélodieux et appréciable n'est qu'une imitation paisible et artificielle des accents de la Voix parlante ou passionnée ; on crie et l'on se plaint sans chanter : mais on imite en chantant les cris et les plaintes ; et comme, de toutes les imitations, la plus intéressante est celle des passions humaines, de toutes les manières d'imiter la plus agréable est le Chant.

Chant, appliqué plus particulièrement à notre Musique, en est la partie mélodieuse, celle qui résulte de la durée et de la succession des Sons , celle d'où dépend toute l'expression , & à laquelle tout le reste est subordonné. (Voyez. MUSIQUE, Mélodie.) Les Chants agréables frappent d'abord, ils Ce gravent facilement dans la mémoire ; mais ils sont souvent l'écueil des Compositeurs , parce qu'il ne faut que du savoir pour entasser des Accords, & qu'il faut du talent pour imaginer des Chants gracieux. Il y a dans chaque Nation des tours de Chants triviaux & usés , dans lesquels les mauvais Musiciens retombent sans cesse ; il y en a de baroques qu'on n'use jamais,, parce que le Public les rebute toujours. Inventer des Chants nouveaux , appartient à l'homme de génie : trouver de beaux Chants, appartient à l'homme de goût.

Enfin , dans son sens le plus resserré. Chant se dit seulement de la Musique vocale ;


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& dans celle qui est mêlée de Symphonie , on appelle Parties de Chant, celles qui sont destinées pour les Voix.


Voir aussi

Notes
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