Chantre (Jean-Jacques Rousseau)

De Wicri Musique
Jean-Jacques Rousseau (painted portrait).jpg Dictionnaire de musique Tome 1 Rousseau Jean-Jacques.jpeg

Cette page introduit une réédition numérique de l'article de Jean-Jacques Rousseau sur le Chantre dans son Dictionnaire de la musique.

logo travaux page brute d'OCR

L'article


- 160 (G) -

CHANTRE

f. m. Ceux qui chantent au Chœur dans les Églises Catholiques , s'appellent Chantres. On ne dit point Chanteur à l’église, ni Chantre dans un Concert.

Chez les Réformés on appelle Chantre celui qui entonne & soutient le Chant des Psaumes dans le Temple ; il est assis au-dessous de la Chaire du Ministre sur le devant. Sa fonction exige une voix très forte, capable de dominer sur celle de tout le' peuple, & de se faire entendre jusqu'aux extrémités du Temple. Quoiqu'il n'y ait ni Prosodie ni Mesure dans notre manière de chanter les Psaumes , & que le Chant en soit si lent qu'il est facile à chacun de le suivre, il me semble qu'il serait nécessaire que le Chantre marquât une sorte de Mesure. La raison en est, que le Chantre se trouvant fort éloigné de certaines parties de l’Église,


- 161 (G) -

& le Son parcourant assez lentement ces grands intervalles , sa voix se fait à peine entendre aux extrémités , qu'il a déjà pris un autre Ton , & commencé d'autres Notes ; ce qui devient d'autant plus sensible en certains lieux, que le Son arrivant encore beaucoup plus lentement d'une extrémité à l'autre, que du milieu où est le Chantre, la masse d'air qui remplit le Temple, se trouve partagée à la fois eh di- vers Sons fort discordans qui enjambent sans celse les uns sur les autres & choquent fortement une oreille exercée ' défaut auex l'Orgue même ne fait qu'augmenter, parce qu 'au lieu d'être au milieu de l'c-difice , comme le Chantre 3 il ne donne le Ton que d'une extrémité. " '

Or le remede à cet inconvénient tue pa- roît très- simple ; car comme les rayons vi- suels se communiquent à l'instant de l'ob- jet à l'œil, ou du moins avec une vîtesse incomparablement plus grande que cells avec laquelle le Son se transmet du corps sonore à l'oreille , il suffit de substituer l'un à l'autre , pour avoir , dans toute l'étendue du Temple, un Chant bien simultané & parfaitement d'Accord. Il ne faut pour cela que placer le Chantre , ou quelqu'un chargé de cette partie de sa fonction, de manière qu 'il soit a la vue de tout le monde, & qu'il se serve d'un bâton de Mesure dont le mouvement s'apperçoive aisément de loin , comme, par exemple, un rouleau de papier : car alors, avec la précaution de


- 162 (G) -

prolonger assez la premiere Note , pour qtïé l'intonation en soir par-rout entendue avant qu'on poursuive ; tout le reste du Chant marchera bien ensemble , & la discordance dont je parle disparoîtra infailliblement. On pourroit même , au lieu d'un homme , em- ployer un Chronométré dont le mouve- ment seroit encore plus égal dans une Me-" sure si lente.

Il résulteroit de-la deux autres avantages % l'un que , sans presque altérer le Chant des Pseaumes , il seroit aisé d'y introduire un peu de Prosodie , & d'y observer du moins les longues & les breves les plus sensibles j l'autre , que ce qu'il y a de monotonie ôc de langueur dans ce Chant, pourroit, selon la premiere intention de l'Auteur , être ef.. facé par la Baffe & les autres Parties, dont l'Harmonie est certainement la plus maies- tueuse & la plus sonore qu'il soit pofliblc d'entendre.