Chanson de Roland/Manuscrit d'Oxford/Laisse LIV

De Wicri Chanson de Roland
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Révision datée du 10 juillet 2022 à 15:35 par Jacques Ducloy (discussion | contributions) (Transcription et traduction par Léon Gautier (1872))

Cette page concerne la laisse LIV du manuscrit d'Oxford.

Dans le manuscrit

La laisse est contenue sur les feuillets 12 verso puis 13 recto du manuscrit.

 
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Transcription et traduction par Léon Gautier


LIV

Li Emperere est par matin levez ; L’Empereur s’est levé de grand matin,
670 Messe e matines ad li Reis escultet. A entendu messe et matines,
Sur l’erbe verte estut devant sun tref. Puis est venu se placer sur l’herbe verte, devant sa tente.
Rollanz i fut e Olivers li bers, Roland y fut, avec Olivier le baron,
Neimes li dux e des altres asez. Et le duc Naimes, et mille autres.
Guenes i vint, li fels, li parjurez. C’est là que vient Ganelon, le félon, le parjure,
675 Par grant veisdie cumencet à parler, Et qu’il prend hypocritement la parole :
E dist al Rei : « Salvez seiez de Deu ! « Salut au nom de Dieu, dit-il au Roi.
« De Sarraguce ci vus aport les clefs ; « Voici les clefs de Saragosse que je vous apporte ;
« Mult grant aveir vus en faz amener « Et voilà de grands trésors
« E .xx. ostages : faites les ben guarder. « Avec vingt otages : faites-les bien garder.
680 « E si vus mandet reis Marsilies li bers, « Le brave roi Marsile vous mande également
« De l’Algalife ne l’ devez pas blasmer ;
« Qu’il ne le faut point blâmer, si je ne vous amène point le Calife.
« Kar à mes oilz vi .iii. c. milie armez, « J’ai vu, vu de mes yeux, trois cent mille hommes armés,
« Osbercs vestuz, alquanz helmes fermez, « Le haubert au dos, le heaume en tête,
« Ceintes espées as punz d’or neielez, « Et, au côté, l’épée à la poignée niellée d’or,
685 « Ki l’en cunduistrent entresque en la mer. « Qui se sont embarqués, avec le Calife, sur la mer.
« De Marsilie s’en fuient pur la chrestientet
« Ils quittaient le pays de Marsile, à cause de la foi chrétienne
« Que il ne voelent ne tenir ne guarder. « Qu’ils ne veulent ni recevoir ni garder.
« Einz qu’il oüssent .iiii. liues siglet, « Mais, avant qu’ils eussent navigué quatre lieues,
« Si’s aquillit e tempeste e orez ; « Ils ont été surpris par le vent et la tempête.
690 « Là sunt neiez, jamais ne’s reverrez. « Tous, tous sont noyés, et plus jamais ne les reverrez.
« Se il fust vifs, jo l’ oüsse amenet. « Si le Calife eût été vivant, je vous l’eusse amené.
« Del rei païen, Sire, par veir creez, « Quant au roi païen, Sire, tenez pour assuré
« Ja ne verrez cest premer meis passet « Qu’avant ce premier mois passé
« Qu’il vus siurat en France le regnet, « Il vous suivra au royaume de France
695 « Si receverat la lei que vus tenez. « Et recevra votre loi.
« Jointes ses mains, ert vostre cumandez : « Il deviendra, mains jointes, votre vassal
« De vus tendrat Espaigne le regnet. » « Et tiendra de vous le royaume d’Espagne.
Ço dist li Reis : « Graciez en seit Deus ! « — Grâces en soient rendues à Dieu, s’écrie le Roi.
« Ben l’avez fait, mult grant prod i averez. »
« C’est à vous que je le dois, Ganelon : vous en serez bien récompensé. »
700 Par mi cel ost funt mil grailles suner. On fait alors sonner mille clairons dans l’armée :
Franc desherbergent, funt lur sumers trusser ; Les Francs lèvent le camp, chargent leurs sommiers,
Vers dulce France tuit sunt acheminet. Aoi. Et tous s’acheminent vers France la douce...

Voir aussi

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