Chanson de Roland/Manuscrit d'Oxford/Laisse CX

De Wicri Chanson de Roland


Cette page introduit la laisse CX (110) en suivant l'organisation propre au manuscrit d'Oxford.

Dans le manuscrit

La laisse CX (110) est contenue sur le feuillet 26, recto puis verso du manuscrit d'Oxford.

Elle est numérotée :

  • CXI chez Francisque Michel et Léon Gautier ;
  • CX chez Bédier.


 
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Transcription et traduction par Léon Gautier (1872)


CXI

La bataille est merveilluse e pesanz. La bataille est merveilleuse et pesante :
Mult ben i fiert Olivers e Rollanz ; Olivier et Roland y frappent de grand cœur ;
Li Arcevesques plus de mil colps i rent, L’archevêque Turpin y rend des milliers de coups ;
1415 Li .xii. Per ne s’en targent nient Les douze Pairs ne sont pas en retard.
Et li Franceis i fièrent cumunement. Tous les Français se battent et sont en pleine mêlée ;
Moerent païen à millers et à cenz. Et les païens de mourir par cent et par mille.
Ki ne s’en fuit de mort n’i ad guarent, Qui ne s’enfuit ne peut échapper à la mort :
Voeillet o nun, tut i laisset sun tens. Bon gré, mal gré, tous y laissent leur vie.
1420 Franceis i perdent lur meillurs guarnemenz : Mais les Français y perdent leur meilleure défense :
Ne reverront lur peres ne lur parenz, Ils ne reverront plus ni leurs pères ni leurs familles,
Ne Carlemagne ki as porz les atent. Ni Charlemagne qui les attend là-bas...

En France en ad mult merveillus turment :
Et pendant ce temps, en France, il y a une merveilleuse tourmente :
Orez i ad de tuneire e de vent, Des tempêtes, du vent et du tonnerre,
1425 Pluies e gresilz desmesuréement. De la pluie et de la grêle démesurément,
Chedent i fuildres e menut e suvent ; Des foudres qui tombent souvent et menu,
E terremoete ço i ad veirement Et (rien n’est plus vrai) un tremblement de terre.
De Seint-Michel de Paris jusqu’à Reins, Depuis Saint-Michel de Paris jusqu’à Reims,
De Besençun tresqu’as porz de Guitsand : Depuis Besançon jusqu’au port de Wissant,
1430 Nen ad recet dunt li mur ne cravent. Pas une maison dont les murs ne crèvent.
Cuntre midi tenebres i ad granz, À midi, il y a grandes ténèbres :
N’i ad clartet se li cels nen i fent. Il ne fait clair que si le ciel se fend.
Hom ne le veit ki mult ne s’espaent ; Tous ceux qui voient ces prodiges en sont dans l’épouvante,
Dient plusur : « Ço est li definement, Et plusieurs disent : « C’est la fin du monde,
1435 « La fins de l’ secle ki nus est en present. » « C’est la consommation du siècle. »
Il ne le sevent ne dient veir nient : Non, non : ils ne le savent pas, ils se trompent :
Ço est la granz dulurs pur la mort de Rollant. Aoi. C’est le grand deuil pour la mort de Roland !

Transcription et traduction par Léon Gautier (1881)

Voir :

Par rapport à l'édition précédente les différences sont marquées par un surlignage en jaune.

Dans cette édition quatre vers en italique ne sont pas exprimés dans le manuscrit d'Oxford.

La différence la plus importante vient du vers 1428 (avec la mention de fait du Mont-Saint-Michel).


CXIX

La bataille est merveilluse e pesanz. La bataille est merveilleuse et pesante :
Mult bien i fiert Oliviers e Rollanz ; Olivier et Roland y frappent de grand cœur ;
Li Arcevesques plus de mil colps i rent, L’archevêque Turpin y rend des milliers de coups ;
1415 Li duze Per ne s’en targent nient Les douze Pairs ne sont pas en retard.
Et li Franceis i fièrent cumunement. Tous les Français se battent et sont en pleine mêlée ;
Moerent païen à millers et à cenz. Et les païens de mourir par cent et par mille.
Ki ne s’enfuit de mort n’i ad guarent, Qui ne s’enfuit ne peut échapper à la mort :
Voeillet o nun, tut i laisset sun tens. Bon gré, mal gré, tous y laissent leur vie.
1420 Franceis i perdent lur meillurs guarnemenz : Mais les Français y perdent leur meilleure défense :
Lur forz espiez e lur lances trenchanz ; Leurs forts épieux et leurs lances qui tranchent,
E gunfanuns blois e vermeilz e blancs ; Leurs gonfanons bleus, vermeils ou blancs.
De lur espées si sunt fruisiel li brant. Le fer de leurs épées est brisé.
Perdut i unt tanz chevaliers vaillanz ! . Et que de vaillants chevaliers ils ont perdus !
Ne reverrunt ne peres ne parenz, Quant à eux, ils ne reverront plus ni leurs pères ni leurs familles,
Ne Carlemagne ki as porz les atent. Ni Charlemagne qui les attend là-bas...

En France en ad mult merveillus turment :
Cependant en France, il y a une merveilleuse tourmente :
Orez i ad de tuneire e de vent, Des tempêtes, du vent et du tonnerre,
1425 Pluie e gresilz desmesuréement. De la pluie et de la grêle démesurément,
Chièdent e fuildres e menut e suvent ; Des foudres qui tombent souvent et menu,
E terremoete ço i ad veirement Et (rien n’est plus vrai) un tremblement de terre.
De Seint-Michiel de l' Peril jusqu’às Seinz, Depuis Saint-Michel-du-Péril jusqu’aux Saints de Cologne,
De Besençun tresqu’as porz de Guitsand : Depuis Besançon jusqu’au port de Wissant,
1430 Nen ad recet dunt li mur ne cravent. Pas une maison dont les murs ne crèvent.
Cuntre midi tenebres i ad granz, À midi, il y a grandes ténèbres :
N’i ad clartet se li ciels nen i fent. Il ne fait clair que si le ciel se fend.
Hom ne le veit ki mult ne s’espaent ; Tous ceux qui voient ces prodiges en sont dans l’épouvante,
Dient plusur : « C'est li definemenz, Et plusieurs disent : « C’est la fin du monde,
1435 « La fins de l’ secle ki nus est en present. » « C’est la consommation du siècle. »
Il ne le sevent ne dient veir nient : Non, non : ils ne le savent pas, ils se trompent :
Ço est la     dulurs pur la mort de Rollant. Aoi. C’est le grand deuil pour la mort de Roland !

Transcription et traduction par Joseph Bédier

 

Chanson de Roland Bedier Int Arch page 110.png

Notes (version de Léon Gautier)

logo travaux Partie en cours d'initialisation

Chanson de Roland (1872) Gautier, II, page 146.jpg[139]

Vers 1412.

Vers 1412.Pesant. O. V. la note du v. 611. ═ Il manque ici plusieurs couplets relatifs à l’attaque de Gautier par Almaris et à la défaite de ce corps d’armée chrétien. Je ne vois pas que M. Müller se soit préoccupé de cette importante lacune. Nous avions essayé de la combler, d’après les textes de Paris et de Venise VII ; mais nous ne nous dissimulons pas qu’ici la difficulté était considérable :

Li reis Marsilies, od la sue cumpaigne,
Par un destreit merveillus e estrange,
Vait à Gualtier ki guardet la muntaigne
E les destreiz devers les porz d’Espaigne.
Reis Almaris le jur portat l’enseigne. Aoi.


Reis Almaris est sur le munt venuz,

E de païens seisante milie od lui.
Franceis assaillent par force et par vertut,
Par grant irur trestuz les unt feruz,
Tuz les unt morz, ociz e cunfunduz.
Sur tuz les altres est Gualtiers irascuz,
Trait son espée, enbracet sun escut. Aoi.


Si cum Gualtiers fut ad els ajustez,

Païen l’assaillent en virun de tuz lez.
Sis forz escuz li est fraiz e quassez,
Sis blancs osbercs rumpuz e desmailez,
E il meïsmes de .iiii. espiez nafrez.
Ne l’ pout suffrir, .iiii. feiz s’est pasmet.
U voeillet u nun s’en est de l’ camp turnet.
Si cum il pout ad le munt avalet.
Rollant appellet : « E ! ber, si m’succurez. » Aoi.

    1. 1413 ##

Vers 1413.Oliver e Rollant. O. Pour le s. s., il faut Oliviers e Rollanz. ═ Lire bien.

    1. 1415 ##

Vers 1415.Pers. O. C’est le sujet pluriel : il faut per. Chanson de Roland (1872) Gautier, II, page 147.jpg[140]

    1. 1417 ##

Vers 1417.A millert et à cent. O. Partout au r. p. on écrit cenz et millers. (V. le Glossaire.) Quant à et, c’est peut-être la seule fois où il soit écrit avec un t.

    1. 1419 ##

Vers 1419.Voillet. O. La forme constante est voeillet.

    1. 1420 ##

Vers 1420.Lor meillors. O. V. la note du v. 17 et celle du v. 51.

    1. 1421 ##

Vers 1421.Lor. O.

    1. 1426 ##

Vers 1426.Chiedent. O. La forme la plus usuelle est chéent. (Vers 1981, 3574, 3881.)

    1. 1427 ##

Vers 1427.De seint Michel de Paris. O. Nous proposons De seint Michel de l’Peril. C’est la leçon de M. Michel. (Édit. de 1869, p. 44.) ═ Josqu’. O., pour josque. Voir la note du v. 510. ═ Josqu’as Seinz. O. Nous adoptons la version de Paris et de Lyon : De seint Michel jusque à Rains ausiment. L. — Reims nous paraît beaucoup plus célèbre que Sens dans notre légende épique. ═ On peut encore lire : Jusqu’as seins, jusqu’aux saints ?? et supposer une ville célèbre par ses reliques, comme Rome (??).

    1. 1429 ##

Vers 1429.Dès Besençun. O. ═ Porz n’est pas dans le manuscrit ; mais Paris et Versailles le donnent. ═ Guitsand. Venise VII et Versailles donnent Gricent, qui est détestable. Dans le texte de Paris, on lit Wissant.

    1. 1432 ##

Vers 1432. — Lire ciels.

    1. 1433 ##

Vers 1433.Hume nel’ veit. O. Conformément à la déclinaison de hom, il faudrait hom ne le veit. V. la note du v. 20. ═ S’espent. O. Erreur évidente. La vraie forme, espaent, exigée ici par la mesure, se trouve au v. 1599.

    1. 1434 ##

Vers 1434.Plusor. O. Plusur, conforme à la phonétique, se trouve aux v. 995, 2377, 2422, 2477, 2594, 2911, 3181. Plusor ne se trouve qu’ici.

    1. 1435 ##

Vers 1435.Fin. O. Lire finz.

    1. 1436 ##

Vers 1436.Il ne l’. O.

    1. 1437 ##

Vers 1437.Dulors. V. la note du v. 489. ═ Por. O. V. la note du v. 17. Pour avoir un décasyllabe au lieu d’un alexandrin, on pourrait écrire : Ço est le grant doel pur la mort de Rollant. — Lyon et Venise VII : Por l’amor de Rollant. ═ Dans la Keiser Karl Magnus’s Kronike, ces prodiges sont racontés autrement : « Le soleil ne donna plus aucune lumière, et il fit aussi sombre que s’il eût été nuit. Saint Gilles dit que ce miracle arriva à cause de Roland, parce qu’il devait mourir ce jour-là. »


Voir aussi

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