Buffon illustré de la jeunesse - 1893/Mammifères/Sauvages/Éléphant
L'éléphant
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L'éléphant
Nous connaissons deux espèces d'éléphants l'éléphant des Indes; c'est le plus fort, le plus docile et le plus intelligent; l'éléphant d'Afrique, d'une peau plus noire, moins grand et moins facile à apprivoiser.
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Dans l'état sauvage, l'éléphant n'est ni sanguinaire, ni
féroce il n'emploie ses armes et sa force que pour défendre lui-même et pour protéger ses semblables. Il a les
mœurs sociables on le voit rarement errant et solitaire.
Il marche ordinairement de compagnie le plus âge conduit la troupe; le second d'âge la fait aller et marche
le dernier; les jeunes et les plus faibles sont au milieu
des autres; les mères portent leurs petits et les tiennent
embrassés de leur trompe. Ils aiment le bord des fleuves,
les profondes vallées, et les terrains humides. Ils ne peuvent supporter ni le froid trop vif ni la chaleur excessive.
Leurs aliments ordinaires sont des racines, des herbes,
des feuilles et du bois tendre ils mangent aussi des fruits
et des grains; mais ils dédaignent la chair et le poisson.
Il est difficile de les épouvanter; les seules choses qui les surprennent et puissent les arrêter, sont les feux d'artifice et les pétards qu'on leur lance.
L'éléphant à six mois est déjà plus gros qu'un bœuf.
La force de ces animaux est proportionnelle à leur
grandeur les éléphants des Indes portent facilement
trois ou quatre milliers ; les plus petits enlèvent librement un poids de deux cents livres avec leur trompe.
L'éléphant a les yeux très petits relativement au volume
de son corps, mais ils sont brillants et spirituels ; il a
un très bon naturel et parait aimer la musique ; son odorat est exquis, il se détecte du parfum des fleurs il
n'a pour ainsi dire le sens du toucher que dans la trompe ;
mais il est aussi délicat, aussi distinct dans cette espèce
de main que dans celle de l'homme. Cette trompe est un
membre capable de mouvement et de sentiment l'animal peut non seulement la remuer, la fléchir, mais il
peut la raccourcir, l'allonger, la courber et la tourner en
tous sens. L'extrémité de la trompe est terminée par un
rebord qui s'allonge par le dessous en forme de doigt;
avec cette sorte de doigt, l'éléphant ramasse à terre les
plus petites pièces de monnaie; il cueille les herbes et
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les fleurs; il dénoue les cordes, ouvre et ferme les portes
en tournant les clefs, etc. Il débouche une bouteille aussi
adroitement que le plus intrépide buveur. Quand une
troupe d'éléphants a à traverser un fossé assez profond,
l'un d'entre eux descend dedans et présente son corps
comme un pont volant, sur lequel ses compagnons passent ensuite ils le retirent eux-mêmes en l'aidant de
leurs trompes et de leurs pieds.
On raconte que Porus ayant été blessé dangereusement dans la bataille que lui livra Alexandre le Grand on remarqua que l'éléphant retirait adroitement avec sa trompe les dards et les flèches dont ce monarque était percé. Non moins fidèle que sensible, l'animal ne se rendit qu'à la dernière extrémité, lorsqu'il eut senti que son maître s'évanouissait par la grande quantité de sang qui coulait de ses blessures; alors, craignant qu'il ne tombât de sa hauteur, il se baissa doucement et lui donna la facilité de se couler à terre sans se faire de mal.
Les éléphants s'aiment et se chérissent mutuellement
ils ont surtout beaucoup d'égards et de considération
pour la vieillesse, sans y être contraints par les lois des
Lyeurgue et des Solon. Les jeunes éléphants partagent
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avec les vieux leur nourriture et leur témoignent en toutes choses la plus grande déférence.
L'éléphant tombe quelquefois dans une espèce de folie qui lui ôte sa docilité et le rend très redoutable; on est alors oblige de le tuer.