L’IST en France (1993) Dusoulier

De Histoire de l'IST
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Le rapport

Qu'est-ce-que l'IST ? Quels sont ses enjeux ?

Dans le vocabulaire, on trouve deux dénominations : Information Spécialisée / Information Scientifique et Technique. Que recouvrent ces vocables ?

L'information spécialisée s'identifie à l'information scientifique et technique quand on la définit comme l'information utile aux individus et aux organisations dans leur activité professionnelle. Même si le terme est moins usité au plan international, on peut également la qualifier, dans cette optique, d'information "professionnelle". Les champs de l'information spécialisée se distinguent donc en principe de l'information pour le grand public et de l'information à finalité pédagogique.

L'acceptation "scientifique et technique" s'entend traditionnellement au sens large et recouvre aussi l'information technico-économique, technologique, juridique, réglementaire, les normes, les brevets, etc.

L'IST est un secteur d'activité de plus en plus intégré, autour de l'information électronique.

Le champ de l'information spécialisée est composé de multiples acteurs dont les rôles évoluent rapidement jusqu'à faire disparaître les frontières qui les reliaient traditionnellement. Les producteurs ou détenteurs de données (les centres de documentation, par exemple), publics ou privés deviennent aussi serveurs. Les serveurs quittent leur fonction exclusive de distributeurs pour devenir aussi maîtres d’œuvre des produits et développer leur rôle "d'ensemblier" de l'information. Les métiers de la production électronique, sous tous leurs aspects, concernent aussi le monde de l'édition. Les intermédiaires et courtiers en service d'information à valeur ajoutée se multiplient. Les bibliothèques se tournent vers l'assistance et le conseil aux utilisateurs dans l'interrogation des bases de données et autres services d'information et participent à des réseaux électroniques de signalement et d'échange de leurs fonds documentaires.

La chaîne linéaire des activités de traitement et de diffusion de l'information s'en trouve bouleversée et se caractérise par une forte tendance à l'intégration des fonctions. Cette intégration s'effectue au plan technologique, du fait des possibilités offertes notamment par la gestion électronique des documents (GED) et les nouveaux postes de travail documentaires. Elle concerne également les usages, les utilisateurs pouvant exploiter en local des sources d'informations de provenances et de types variés, pour des besoins de plus en plus personnalisés. Les enjeux de l'IST sont fort importants.

L'information spécialisée se présente en premier lieu comme un secteur économique qui recouvre un ensemble de branches d'activités très diversifié pesant d'un poids croissant en termes de richesses et d'emplois et confronté à une compétition internationale de plus en plus rude.

Elle participe pleinement au processus technologique qui va de la production des connaissances de base à la recherche-développement puis à l'innovation et au produit

Elle est, d'autre part, dans les organisations industrielles, à la base de flux relationnels garantissant le bon fonctionnement des structures économiques complexes : elle assure la surveillance de l'environnement et la diffusion des connaissances et des technologies : elle constitue aussi un puissant moyen intégré dans la mise en œuvre des systèmes élaborés de production et d'aide à la décision.

Un enjeu culturel
Outre cet enjeu économique, l'information représente un enjeu culturel : si l'on veut éviter l'appauvrissement culturel qui résulterait d'un monopole linguistique en matière de communication scientifique et technique, il convient d'assurer le maintien du multilinguisme. Ceci implique pour notre pays de veiller à ce que le marché de l'information atteigne une taille suffisante pour pouvoir maintenir le français comme vecteur de communication scientifique, technologique et commerciale.
Un enjeu stratégique
Ainsi apparaît clairement la valeur stratégique de l'information spécialisée : la France ne peut asseoir son indépendance en matière d'accès au savoir scientifique et technique et de transfert technologique qu'au prix du développement d'un système d'information suffisant en termes de production et de diffusion.
A notre époque, toutes les activités qu'elles soient professionnelles ou privées, sont liées à ce besoin d'information. Pour cette raison, il devient indispensable d'organiser parfaitement les structures d'accueil pour ces informations qui nous parviennent de tous côtés et sous toutes formes, en sachant les stocker dans de bonnes conditions, en les mémorisant efficacement et en permettant d'y accéder aussi dans de bonnes conditions. André Danzin, personnalité reconnue du monde de l'informatique et de l'information disait il y a quelques années

« il est vrai que nous quittons l'âge industriel pour aborder l'ère de la connaissance et de la communication et que l'information devient une matière première essentielle, plus importante encore pour la compétitivité de l'agriculture, de l'industrie, des services, que les produits de l'extraction minière, l'énergie ou l'espace disponible »

. Actuellement, un réseau de communication envahit la planète et tend à créer la mémoire de l'humanité : on a l'impression que tout ce qui existe actuellement a toujours existé et pourtant ! S'il est vrai que nous parlons de communication audiovisuelle et spatiale, de multimédia et que nous nous préparons pour le XXI siècle, tout cela n'a pas toujours existé.

L'IST, un peu d'histoire

Si le monde des bibliothèques en tant qu'organe d'archives et de conservation est relativement ancien, l'information scientifique des chercheurs pour les chercheurs, des scientifiques pour les scientifiques est quelque chose de relativement récent.

Il faut dire que contrairement à la plus grande partie de la communication, le transfert des connaissances dans le domaine de la recherche s'appuie essentiellement sur les périodiques. Au milieu du XVII siècle parurent le "journal des savants" en France et les "Philosophical transactions" en Angleterre. Cela a été le .. , début de ce que l'on appelle aujourd'hui l'IST bien qu'à ce moment là, il n'y avait pas grand chose à traiter. Au milieu du XVIII siècle, il y avait déjà 10 titres de périodiques, en 1800 il y en avait 100, il y en avait 1 000 en 1850 et maintenant on s'accorde à dire que dans le domaine de l'IST il conviendrait de consulter cent cinquante mille titres si l'on tendait à l'exhaustivité.

Qui a démarré l'information scientifique et technique ?

Et bien, c'étaient les chimistes et les physiciens ! En 1895, le professeur Arthur A. Moyes du MIT a été le précurseur de ce que l'on appelle aujourd'hui le "Chemical Abstracts", la plus prestigieuse des bases de données du monde. Pour l'anecdote, il convient de dire que s'il a démarré cette affaire, c'est qu'il considérait que les travaux des chercheurs américains étaient mal considérés et mal connus par les européens. Vous voyez que la situation s'est cruellement inversée à nos dépens. Et c'est ainsi qu'en 1907 a été publié le premier "Chemical Abstracts". En même temps à peu près, l'Institution of Electrical Engineers et la Physical Society en Angleterre recommandaient la publication de résumés de tous les articles ayant trait à la physique.

En 1898, Science Abstracts contenait 1 423 résumés et était distribué gratuitement aux physiciens. En 1902, il cessa d'être gratuit. Dans le domaine de la biologie, Biological Abstracts a été créé à peu près de la même manière par l’œuvre commune de 4 sociétés savantes.

L'IST en France. Ses débuts

Voir L’IST en France (1993) Dusoulier/France/Début

L'IST en France dans les années 1990

Voir L’IST en France (1993) Dusoulier/France/1990

L'information professionnelle, l'information scientifique et technique, appellations voisines sinon synonymes, ont suscité depuis ces dernières années un intérêt appuyé de nos autorités. La situation aujourd'hui au niveau de l'organisation nationale de l'information est très fluctuante et en pleine transformation depuis le dernier remaniement ministériel. Je ne pourrai donc évoquer que la situation d'il y a quelques mois. En dehors des écrits de la DIST (Direction de l'Information Scientifique et Technique) du Ministère de la Recherche, deux importants rapports font le point de l'IST en France, en insistant sur le côté stratégique de l'information. Tout d'abord chronologiquement un rapport intitulé "Information et Compétitivité" produit pour le Commissariat Général du Plan par un Comité Technique sur l'information professionnelle présidé par Monsieur René Mayer et ensuite le rapport au Ministre de la Recherche de Monsieur François Gros sur sa mission d'évaluation du dispositif national de recueil et d'exploitation de l'IST. Ces deux rapports insistent sur l'importance de l'IST dans une politique nationale et la nécessité d'avoir une organisation et une gestion cohérente dans son traitement et sa diffusion. L'IST est très fréquemment produite en France par des organismes publics (l'INIST, l'INPI, les Instituts et centres de recherche, les centres techniques, les Universités et les grandes écoles) sans coordination réelle au niveau national. Le rapport du Commissariat au plan préconise la création d'un conseil de l'information professionnelle qui aurait à organiser une bonne circulation de l'information, à entretenir une concertation permanente, à assurer une veille technologique et stratégique, à gérer une réflexion conceptuelle et à s'interroger sur le niveau d'adaptation des structures et des comportements de la société française aux exigences de l'information. Il préconise aussi la création d'un club lieu d'échange et de rencontres entre les 7 professionnels et les utilisateurs, ainsi qu'un secrétariat exécutif permanent. Le rapport Gros, après avoir analysé les structures publiques d'offre d'information scientifique et technique, les besoins des divers secteurs civils et militaires et comparé ces deux états à ce qui se passe à l'étranger arrive aussi à des constats qui nous permettent de qualifier l'IST en France. 1 Les structures publiques d'offre d'informations scientifiques et techniques produisent une information abondante et de qualité. 2° On relève une forte démultiplication des services publiques d'IST. 3° Le marché français de l'information spécialisée souffre de défauts d'ajustements. En particulier, les problèmes d'interface entre l'offre publique et la demande privée d'informations scientifiques et techniques sont mal résolus. 4° On constate une insuffisante réactivité des chercheurs français vis-à-vis de l'information contenue dans les banques de données. 5° Le système d'IST du secteur défense est assez bien organisé mais souffre d'un relatif isolement. 6° La grande majorité des industriels français n'a toujours pas adopté de démarche systématique vis-à-vis de l'information extérieure. 7° Les PME - PMI ne recourent que marginalement à l'information spécialisée et ne savent pas même, dans la plupart des cas, comment formuler leurs demandes. 8° La France n'a pas résolu, en ce qui concerne la politique d'information scientifique et technique, la problématique de transition vers la dimension européenne. Pour pallier ces insuffisances, il est proposé un plan d'action pour : - renforcer les programmes de formation à l'information, - créer un haut conseil de l'information stratégique, - créer un comité de coordination de l'IST ainsi que des actions particulières ponctuelles. C'est probablement l'action conjointe de ces deux rapports qui a fait créer les deux instances proposées par un décret du 12 janvier 1993. Si j'ai commencé par les structures futures, c'est que les structures actuelles sont en cours de mutation. L'IST, comme je l'ai déjà souligné, fait essentiellement l'objet d'une offre publique. Nous ne considérons donc pas les acteurs privés. Qui sont donc les principaux acteurs ? - les grands organismes de recherche dépendant essentiellement du Ministère de la Défense (CEDOCAR), - les organismes dépendant du Ministère de l'Industrie (INPI, EDF), - les organismes dépendant des Télécommunications (CNET), - les bibliothèques universitaires, les bibliothèques dépendant du Ministère de la Culture, les bibliothèques spécialisées. Les bibliothèques sont depuis un peu plus de trois ans coordonnées au sein d'un 8 organe interministériel (Recherche, Education Nationale, Culture), le Conseil supérieur des bibliothèques qui essaye d'améliorer la cohérence et la communication entre ces bibliothèques. La DIST du Ministère de la recherche a autorité sur l'information spécialisée. L'article 4 du décret n° 89-168 du 10 mars 1989 définit ses missions en ces termes : "La Délégation à l'information scientifique et technique propose et met en oeuvre la politique d'information scientifique et technique nationale et assure la coordination des activités de production, échange et diffusion d'informations spécialisées par les organismes placés sous la tutelle du ministère de la recherche et de la technologie". - Les instances nationales d'orientation et de coordination de l'information scientifique et technique : Pour éclairer et affirmer la politique à conduire et la situer au niveau interministériel indispensable à une bonne coordination des initiatives, tant au niveau de l'offre que de la demande, un dispositif a été mis en place par décret du 12 janvier 1993. Il reprend et amplifie les missions assurées de 1988 à 1991 par le Comité d'orientations stratégiques pour l'IST et la veille technologique (COS) présidé par Pierre Aigrain. Le nouveau dispositif interministériel est composé d'un Haut Conseil de l'information scientifique et technique, d'un Comité de coordination de l'information scientifique et technique dont l'animation est pour l'essentiel assurée par le MRE et de deux commissions sectorielles. Un secrétariat exécutif assure la gestion de l'ensemble. Ce dispositif, auquel le SGDN est étroitement associé, a pour vocation de traiter de l'ensemble des questions relatives à l'information, qu'elle soit ouverte au public ou à caractère "sensible". * Le Haut conseil de l'information scientifique et technique : Placé auprès du Premier Ministre, il est présidé par le Ministre chargé de la Recherche, par délégation du Premier Ministre. Il prépare les décisions du gouvernement en matière de politique nationale d'information scientifique et technique. A ce titre, le Haut conseil propose toute mesure susceptible de contribuer au renforcement du dispositif national d'information scientifique et technique et d'améliorer la diffusion de celle-ci. Par ailleurs le Haut Conseil est chargé : - d'évaluer les besoins en information à caractère stratégique des filières scientifiques et technologiques nouvelles, - de veiller au développement des échanges d'informations scientifiques et techniques susceptibles à la fois d'applications civiles et militaires, - de suivre l'évolution des structures et des industries en France et à l'étranger. Le Haut conseil est composé de dix-sept membres : - dix membres de droit représentant les ministères impliqués dans la politique de l'IST, - deux personnalités nommées parmi les membres de l'Académie des sciences, - cinq personnalités du monde industriel et technologique, nommées sur proposition conjointe du ministre chargé de l'industrie et du ministre chargé de la recherche. 9

  • Le Comité de coordination de l'information scientifique et technique : Placé auprès du Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, il est présidé par le délégué à l'information scientifique et technique de ce ministère. Le Comité de coordination a pour rôle : - de contribuer à la définition d'une politique nationale de l'offre de bases et banques de données et d'actions visant à la mise en place de pôles de production fédérateurs dans ce domaine, - d'examiner les conditions d'une participation française sur des bases équilibrées à des réseaux d'information scientifique et technique internationaux, notamment dans le cadre de la Communauté européenne, - de promouvoir les actions permettant d'aider au développement des technologies de l'information, ' - d'étudier le lancement d'actions destinées à sensibiliser et former à l'utilisation de l'information dans les secteurs de l'éducation et de l'économie, - d'examiner de façon générale les actions à entreprendre, notamment aux plans technique, juridique et commercial. Outre son président, le Comité de coordination est composé de vingt membres : - cinq membres désignés respectivement par les ministres chargés de l'Enseignement supérieur, des Affaires étrangères, de la Défense, de l'Industrie et des Postes et Télécommunications, - sept membres représentant des organismes publics conduisant une action importante dans le domaine de l'information scientifique et technique, - huit personnalités qualifiées dans le domaine de l'information scientifique et technique, dont quatre nommées sur proposition du ministre chargé de l'industrie. * Les Commissions permanentes du Comité de coordination de l'IST : Deux commissions permanentes sont instituées pour assister le Comité de coordination dans le domaine de la veille technologique et stratégique. - la Commission technique interministérielle de l'information élaborée (CTIIE), dont le secrétariat est assuré par le Secrétariat général de la défense nationale, est chargée de coordonner les actions visant à maintenir la disponibilité d'outils et de méthodes de veille technologique et stratégique. Sa composition est fixée par arrêté du Premier Ministre. - la Commission de Veille sur les Gisements d'Information (CVGI), dont le secrétariat est assuré par le Ministère chargé de la Recherche pour suivre l'évolution des principales banques de données mondiales et des conditions d'accès de l'information. Sa composition est fixée par arrêté du ministre chargé de la recherche. D'autres commissions seront créées en fonction des besoins. * Le secrétariat exécutif de ces instances : Ce secrétariat exécutif est assuré par le chef du département de l'information scientifique et technique au ministère chargé de la Recherche, assisté d'un adjoint 10

désigné par le Secrétaire général de la défense nationale. Le secrétariat exécutif assure le fonctionnement et la gestion administrative du Haut conseil et du Comité de coordination. Tout ceci est en cours de réexamen, en particulier au niveau de la DIST, qui se retrouve dans le cadre de la nouvelle responsabilité du ministère, en parallèle avec la DPDU, organe de coordination des bibliothèques universitaires. Des décisions devront être prises dans de brefs délais et sont donc à suivre.

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