Travail scientifique, Mont des arts (1907)/Jacobs

De Histoire de l'IST

L'organisation du travail scientifique au XXe siècle et le Mont des arts et des sciences

Discours de Fernand Jacobs


 
 

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Avant propos

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Discours de Fernand Jacobs


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Discours de M. Fernand Jacobs, Président de la Société belge d’Astronomie.

Monsieur le Ministre, Mesdames, Messieurs,

Au nom de la Société belge d’Astronomie, initiatrice, en 1903, du mouvement qui provoqua le ralliement de la plupart des associations scientifiques à l’idée d’une « Bibliothèque collective des Sociétés Savantes »,je me permets, en prenant la parole, d’adresser au Gouvernement, en la personne de M. le Ministre des Sciences, des remerciements reconnaissants pour le haut intérêt qu’il a bien voulu prendre à l’institution nouvelle.

L’hospitalité accordée dans les locaux de l’Etat, et l’octroi de subsides, ont permis l’établissement des installations inaugurées en ce jour. Celles-ci, comme l’a fort justement indiqué M. le secrétaire de l’Office International de Bibliographie, répondent d’une manière aussi parfaite que possible à leur destination, ayant été conçues et réalisées suivant le plan méthodique et essentiellement pratique des bibliothèques modernes. Il s’ensuit que l’œuvre, dès sa naissance, se présente avec les garanties de viabilité nécessaires pour inspirer toute confiance et lui assurer tout le développement que nous en espérons dans l’avenir.

Le projet de grouper en un même local les diverses associations scientifiques et les multiples services qui en dépendent, avait été soulevé antérieurement à la présente tentative. Des activités nombreuses, soutenues à certains moments par les encouragements de la Ville de Bruxelles, s’appliquèrent à le faire aboutir, mais, nous pouvons bien le dire, sans grande chance de succès.

Aucune solution satisfaisante ne paraissant prochaine, il nous a semblé, en 1903, qu’il y avait intérêt à sérier la question,


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c’est-à-dire à parer d’abord au plus pressé, en cherchant à procurer un abri convenable aux bibliothèques, vouées pour la plupart jusqu’alors à une dispersion certaine et à une perte irrémédiable. Cet état de choses, vraiment regrettable et qui peut surprendre, à première vue, s’explique, si l’on accorde quelques instants d’attention à la situation toute particulière des sociétés savantes belges.

Le pays a vu naître, dans les vingt dernières années, des associations scientifiques nombreuses, formant aujourd’hui l’admirable faisceau qu’un recensement judicieux amis récemment en évidence; les branches les plus variées de l’étude et de l’investigation scientifique y sont représentées par des groupements importants, dont les efforts convergent, avec succès, vers un même but : « Le Progrès et la Vulgarisation de la Science ».

Déjà nous pourrions nous demander comment ces institutions, si belles dans leurs fruits, ont pu croître et se développer dans notre pays, d’importance secondaire au point de vue de l’étendue et de la population. C’est que, telle une ruche toujours en travail, la collectivité belge veut sa place grande et belle dans le domaine mondial de l’activité scientifique comme elle a su la conquérir dans le domaine économique.

Nos quatre villes universitaires et les instituts scientifiques libres et officiels constituent des centres de productivité intense qui ne marchandent guère leur concours à la science.

Mais si les bonnes volontés efficientes et productives répondent nombreuses à l’appel des sociétés savantes, celles-ci vivent, pour la plupart, d’une vie matérielle rien moins que prospère. Appelées à recruter leurs adhérents, et par suite, leur capital social dans un milieu infiniment petit, si on le compare à celui dans lequel se développent les associations similaires de l’étranger, elles se voient forcément limitées dans leurs ressources et réduites à la publication de mémoires ou d’annales qm constituent leur patrimoine le plus cher, laissant au hasard et à l’imprévu des circonstances le soin de pour voir aux autres nécessités de leur vie sociale. C’est ce qui explique, comme nous le disions tantôt, chez la plupart d’entre elles l’inexistence de bibliothèques et la dispersion de richesses bibliographiques ou de collections documentaires insoupçonnées.

Les pouvoirs publics sont donc seuls en mesure de remédier à cet état de choses.

Le Gouvernement a bien voulu apprécier les nécessités de cette situation en un geste digne de louanges.

Indépendamment des résultats immédiatement à attendre de cette haute marque d’intérêt pour les groupements et les initiatives de la science libre, nous voudrions y voir un acheminement vers la réalisation


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d’une grande conception antérieurement déjà présentée: « le Palais des Sciences ».

Notre pays, dans son besoin toujours inassouvi de droit et d’équité, a dressé au culte de la justice un temple fameux ; un palais de proportions grandioses va s’élever non loin d’ici, à la plus grande gloire de l’art

La science belge ne peut-elle espérer voir aussi un jour ses efforts et ses mérites consacrés par une fondation grandiose qui répondrait à ses ambitions les plus chères ?

Tout comme aux manifestations de l’art, il manque à celles de la science, des salles pour ses congrès et ses réunions, des locaux pour ses commissions, des abris pour ses collections, tant documentaires que pédagogiques. L’extension scientifique s’en trouve forcément amoindrie et limitée; aussi n’est-ce pas trop présumer que de croire à un brillant et nouvel épanouissement du mouvement des sciences dans le pays, si les desiderata des associations scientifiques, ces organismes si vitaux, trouvaient leur réalisation.

Il est certain que l’utilité et le rôle des sociétés savantes s’affirment chaque jour davantage. C’est pourquoi il y a un intérêt majeur à leur faciliter une tâche souvent ingrate, afin de rendre leur action plus puissante et plus prospère pour le plus grand bien des institutions officielles et du [progrès scientifique général. On ne peut, en effet, que souhaiter un niveau élevé aux groupements scientifiques ; car, s’il cessait un jour d’en être ainsi, c’est que l’enseignement supérieur où se recrutent leurs meilleurs adhérents, ne serait vraisemblablement plus à la hauteur de sa mission. D’autre part, les académies, qui constituent la plus haute expression de la science, ne peuvent espérer voir les travailleurs privés s’intéresser et s’associer plus encore à leurs études et à leurs recherches que si ces derniers sont encouragés et incités à en agir ainsi sous l’impulsion des sociétés savantes.

Il en résulte donc que, collaborer à la prospérité de celle-ci, c’est concourir au développement général de la science.

C’est pourquoi, en terminant, nous réitérons à M. le Ministre des Sciences nos remerciements pour la haute marque d’intérêt dont il a bien voulu donner aujourd’hui un précieux témoignage aux associations scientifiques.

Ceux qui ont le culte de la science, et ils sont légion déjà dans le pays, lui en seront reconnaissants.

Ceux qui, d’autre part, orientent leurs tendances vers d’autres voies, apprécieront également cette intervention officielle en reconnaissant qu’elle a le grand mérite de se produire dans un domaine où les divergences d’idées qui divisent souvent l’humanité, disparaissent pour faire place à l’unique sentiment et au seul désir de grouper les volontés dans un même effort vers le progrès et la vérité.


Voir aussi

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