La grippe ou influenza (1908) André/Épidémie de 1889-1890 : Différence entre versions

De Wicri Santé
imported>Jacques Ducloy
(L'Épidémie de 1889-1890)
(L'Épidémie de 1889-1890)
 
(18 révisions intermédiaires par un autre utilisateur non affichées)
Ligne 1 : Ligne 1 :
 +
{{Covid/En-tête|ouvrage=André}}
 +
{{Titre page article|titre=Épidémie de 1889-1890}}
 
{{La grippe ou influenza (1908) André/Navigation}}
 
{{La grippe ou influenza (1908) André/Navigation}}
{{La grippe ou influenza (1908) André/Boîte biblio|titre=Épidémie de 1889-1890|image=53|Précédant=La grippe ou influenza (1908) André/Historique{{!}}Historique}}
+
{{La grippe ou influenza (1908) André/Boîte biblio|titre=Épidémie de 1889-1890|image=53|Précédant=La grippe ou influenza (1908) André/Historique{{!}}Historique
 +
|Suivant=La grippe ou influenza (1908) André/Bactériologie{{!}}Bactériologie et Anatomie pathologique}}
 
Cette page introduit un chapitre de l'ouvrage <br/> [[La grippe ou influenza (1908) André|La grippe ou influenza]], <br/>rédigé en 1908 par Gustave André.
 
Cette page introduit un chapitre de l'ouvrage <br/> [[La grippe ou influenza (1908) André|La grippe ou influenza]], <br/>rédigé en 1908 par Gustave André.
 
__TOC__
 
__TOC__
Ligne 6 : Ligne 9 :
 
==Avant-propos==
 
==Avant-propos==
 
Ce texte est une réédition numérique d'un document numérisé sur Gallica.
 
Ce texte est une réédition numérique d'un document numérisé sur Gallica.
 +
 +
L'article initial ne contenait aucune note. Toutes les notes sont de la rédaction de Wicri/Santé.
 
{{Wicri travaux|texte=La correction de l'OCR n'est pas terminée}}
 
{{Wicri travaux|texte=La correction de l'OCR n'est pas terminée}}
  
Ligne 14 : Ligne 19 :
 
     |image=          53
 
     |image=          53
 
}}
 
}}
 +
 
==Éléments complémentaires==
 
==Éléments complémentaires==
 
{|align=right
 
{|align=right
Ligne 54 : Ligne 60 :
 
relevé, avec celles de 1762, [[La grippe ou influenza (1908) André/Historique#1782|1782]] et 1837. Elle a
 
relevé, avec celles de 1762, [[La grippe ou influenza (1908) André/Historique#1782|1782]] et 1837. Elle a
 
marché, comme toujours, du Nord au Sud et de
 
marché, comme toujours, du Nord au Sud et de
l'Est à l'Ouest, Où a-l-elle pris naissance en 1889?
+
l'Est à l'Ouest, Où a-t-elle pris naissance en 1889?
 
On a, tour à tour, signalé la Sibérie, la Perse, le
 
On a, tour à tour, signalé la Sibérie, la Perse, le
 
Turkestan, C'est très vraisemblablement la Russie
 
Turkestan, C'est très vraisemblablement la Russie
Ligne 78 : Ligne 84 :
 
sont très nettement observés dans ces deux villes.
 
sont très nettement observés dans ces deux villes.
  
D'après lo Professeur Heydenreich, de Nancy,
+
D'après le [[A pour personnalité citée::Albert Heydenreich|Professeur Heydenreich]], de Nancy,
 
l'épidémie a procédé par groupes, frappant certaines agglomérations. Elle n'a aucun rapport ni
 
l'épidémie a procédé par groupes, frappant certaines agglomérations. Elle n'a aucun rapport ni
 
avec la géographie, ni avec les grands courants
 
avec la géographie, ni avec les grands courants
Ligne 118 : Ligne 124 :
 
analogue à l'influenza et qu'on appelle le stranger's cold, c'est-à-diro le catarrhe des étrangers.
 
analogue à l'influenza et qu'on appelle le stranger's cold, c'est-à-diro le catarrhe des étrangers.
 
Les mômes phénomènes se produisent, dans les
 
Les mômes phénomènes se produisent, dans les
mômes conditions d'ailleurs, dans la petite île de
+
mômes conditions d'ailleurs, dans la [[Îles Chatham|petite île de Whurekaüei]]<ref>L'ïle Chatham est bien située à 380 miles à l'est de la Nouvelle-Zélande. En maori cette ile est appelée Wharekauri </ref>, située à 480 milles de la Nouvelle-Zélande.
Whurekaüel, située à 480 milles de la Nouvelle-Zélande.
 
  
 
On a prétendu, rapporte le Dr Parsons, que
 
On a prétendu, rapporte le Dr Parsons, que
 
l'épidémie de 1889 avait pris son origine en
 
l'épidémie de 1889 avait pris son origine en
Chine lors des grandes ihondalions.de 1888, mais
+
Chine lors des grandes inondations.de 1888, mais
 
il est impossible de donner une preuve de ce fait,
 
il est impossible de donner une preuve de ce fait,
 
les pays inondés étant très peu connus.
 
les pays inondés étant très peu connus.
  
A propos de cette question si discutée de l'oi'i-
+
A propos de cette question si discutée de l'origine de la grippe, le {{Dr}} Fiessinger, d'Oyonnax,
■gine de la grippe, le Dr Fiessinger, d'Oyonnax,
 
 
déclare que dans celte ville la grippe infectieuse
 
déclare que dans celte ville la grippe infectieuse
 
a précédé d'un an la venue do l'influenza.
 
a précédé d'un an la venue do l'influenza.
  
Pour Kelscli et Antony (Archiv. de Méd. mi-
+
Pour Kelsch et Antony (''Archiv. de Méd. milit.'', 1891), la grippe existe toujours à l'état de
Ut., 1891), la grippe existe toujours à l'état de
+
petits foyers isolés; ces foyers se ravivant,  
petits foyers isolés; ces foyers se ravivant, don-
 
  
 
{{Gallica page|fonction=saut}}
 
{{Gallica page|fonction=saut}}
  
nont naissance à l'influenza. D'après eux, celle
+
donnant naissance à l'influenza. D'après eux, celle
 
maladie endémique est désignée dans l'ancienne
 
maladie endémique est désignée dans l'ancienne
nomenclature sous les rubriques de fièvre éphé-
+
nomenclature sous les rubriques de fièvre éphémère, synoque, fièvre muqueuse, fièvre herpétique
mère, synoque, fièvre muqueuse, fièvre herpé-
 
tique
 
  
Le Professeur Proust (Acad. de Médecine,
+
Le Professeur Proust (Acad. de Médecine, 19 avril 1902) affirme que l'épidémie de 1889-1890
19 avril 1902) affirme que l'épidémie de 18891890
 
 
a présenté des caractères tout à fait semblables à
 
a présenté des caractères tout à fait semblables à
ceux des épidémies précédentes dont on possèdo
+
ceux des épidémies précédentes dont on possède
 
l'histoire ; cela résulte des nombreux documents
 
l'histoire ; cela résulte des nombreux documents
adressés à l'Académie à ce sujet, D'après les re-
+
adressés à l'Académie à ce sujet, D'après les relevés faits dans divers pays, notamment par
levés faits dans divers pays, notamment par
 
 
J. Teissier pour la Russie, par P. Roux pour
 
J. Teissier pour la Russie, par P. Roux pour
 
la France et par Parsons pour le monde entier,
 
la France et par Parsons pour le monde entier,
Ligne 161 : Ligne 160 :
  
 
La contagiosité de la grippe, selon l'opinion de
 
La contagiosité de la grippe, selon l'opinion de
Proust, est lo fait qui a lo plus frappé les obser-
+
Proust, est lo fait qui a lo plus frappé les observateurs. Le transport par l'air ou par l'eau est
vateurs. Le transport par l'air ou par l'eau est
 
 
démenti par l'observation qui a montré la grippe
 
démenti par l'observation qui a montré la grippe
 
marchant contre le vent et remontant le cours
 
marchant contre le vent et remontant le cours
Ligne 173 : Ligne 171 :
 
{{Gallica page|fonction=saut}}
 
{{Gallica page|fonction=saut}}
  
l'épidémie avait été importéo par des marchan-
+
l'épidémie avait été importée par des marchandises venant de Russie; mais il a été établi
dises venant de Russie; mais il a été établi
 
 
qu'aucun objet n'était arrivé de Russie, depuis
 
qu'aucun objet n'était arrivé de Russie, depuis
Irois ans, dans le magasin qui parait avoir été
+
trois ans, dans le magasin qui parait avoir été
 
frappé le premier à Paris.
 
frappé le premier à Paris.
  
Lancereaux estime, au contraire, que les cou-
+
Lancereaux estime, au contraire, que les courants atmosphériques jouent un rôle des plus
rants atmosphériques jouent un rôle des plus
 
 
importants dans la propagation de la grippe, En
 
importants dans la propagation de la grippe, En
oulre, il est à noter que c'est habituellement au
+
outre, il est à noter que c'est habituellement au
 
moment des changements de température, au
 
moment des changements de température, au
 
début des temps froids et sombres, précurseurs
 
début des temps froids et sombres, précurseurs
 
de la geléo, que la maladie fait son apparition.
 
de la geléo, que la maladie fait son apparition.
  
Contrairement à l'opinion de Proust, J. Teissicr
+
Contrairement à l'opinion de Proust, J. Teissier
 
croit à la propagation de la grippe par l'eau. Au
 
croit à la propagation de la grippe par l'eau. Au
 
cours de son enquête sur la marche de l'épidémie
 
cours de son enquête sur la marche de l'épidémie
Ligne 201 : Ligne 197 :
 
sérieux ravages. Môme fait à Varsovie, sur les
 
sérieux ravages. Môme fait à Varsovie, sur les
 
bords de la Vistule, et à Kiev, sur los rives du
 
bords de la Vistule, et à Kiev, sur los rives du
Dnieper. J. Teissier cite plusieurs autres exem-
+
Dniéper. J. Teissier cite plusieurs autres exemples assez démonstratifs do cette apparition de la
ples assez démonstratifs do cette apparition de la
 
 
grippe le long dés cours d'eau.  
 
grippe le long dés cours d'eau.  
  
Ligne 209 : Ligne 204 :
  
 
Il serait vraiment intéressant do pouvoir fixor
 
Il serait vraiment intéressant do pouvoir fixor
exactement la dato do l'apparition du premier cas
+
exactement la date de l'apparition du premier cas
de grippe dans uno localité déterminée. Ch. Bour
+
de grippe dans une localité déterminée. Ch. Bouchard, malgré l'insuffisance des documents adressés à l'Académie de Médecine, a pu, néanmoins,
chard, malgré l'insuffisance des documents adres-
 
sés à l'Académie de Médecine, a pu, néanmoins,
 
 
grouper et commenter quelques renseignements
 
grouper et commenter quelques renseignements
 
utiles, Les dates sont comprises presque toutes
 
utiles, Les dates sont comprises presque toutes
pour les départements, l'Algérie et la Tunisie,
+
pour les départements, l'Algérie et la [[A pour pays cité::Tunisie]],
 
entre le commencement de décembre 1889 et la
 
entre le commencement de décembre 1889 et la
 
fin de la première semaine de janvier 1890. A
 
fin de la première semaine de janvier 1890. A
Ligne 223 : Ligne 216 :
 
Rouen à la fin d'octobre.
 
Rouen à la fin d'octobre.
  
D'après le Dr Scnut, cité par Ch. Bouchard, la
+
D'après le {{Dr}} Senut, cité par Ch. Bouchard, la
marche de la grippe est complètement indépen-
+
marche de la grippe est complètement indépendante des conditions atmosphériques ; suivant cet
dante des conditions atmosphériques ; suivant cet
 
 
observateur, cette marche dans l'armée aurait été
 
observateur, cette marche dans l'armée aurait été
 
vraiment significative. Les corps d'armée du Midi
 
vraiment significative. Les corps d'armée du Midi
' ne furent atteints qu'après ceux du Nord, avec une
+
ne furent atteints qu'après ceux du Nord, avec une
 
rapidité proportionnelle à l'importance de leurs
 
rapidité proportionnelle à l'importance de leurs
 
relations avec Paris et avec certains chefs-lieux.
 
relations avec Paris et avec certains chefs-lieux.
Le Dr Cavlier note que les officiers et les sous-
+
Le {{Dr}} Carlier note que les officiers et les sous-officiers, qui ont plus de facilité pour voyager et
officiers, qui ont plus de facilité pour voyager et
+
surtout pour se rendre à Paris, ont, au commencement de l'épidémie, fourni proportionnellement plus.de malades que les simples soldats.
surtout pour se rendre à Paris, ont, au commen-
 
cement de l'épidémie, fourni proportionnelle-
 
ment plus.de malades que les simples soldats.
 
  
 
Le 14.décembre 1889, la grippe aurait été
 
Le 14.décembre 1889, la grippe aurait été
Ligne 249 : Ligne 238 :
 
===Conditions météorologiques===
 
===Conditions météorologiques===
  
Les opinions sur
+
Les opinions sur ce point sont très divergentes. L'ozone en excès
ce point sont très divergentes. L'ozoiio en excès
+
qu'on incriminait volontiers autrefois est aujourd'hui bien déchu de son importance. Hayes, dans
qu'on incriminait volontiers autrefois est aujour-
 
d'hui bien déchu de son importance. Hayes, dans
 
 
une expédition au pôle nord, a constaté que, dans
 
une expédition au pôle nord, a constaté que, dans
 
les régions polaires, l'ozone est toujours à son
 
les régions polaires, l'ozone est toujours à son
maximum et, cependant, les affections bronchi-
+
maximum et, cependant, les affections bronchiques et pulmonaires y sont presque inconnues. A Paris, la quantité d'ozone est inappréciable et,
ques et pulmonaires y sont presque inconnues. A
 
Paris, la quantité d'ozone est inappréciable et,.
 
 
cependant, la grippe y est fréquente (Hahn). Seitz.
 
cependant, la grippe y est fréquente (Hahn). Seitz.
 
n'a pu observer, de 1853 à 1855, à Munich, aucune
 
n'a pu observer, de 1853 à 1855, à Munich, aucune
coïncidence entre la proportion d'ozone et les af-
+
coïncidence entre la proportion d'ozone et les affections catarrhales (''Catarrh und influenza'', 1865).
fections catarrhales (Catarrh und influenza, 1865).
+
Nous avons recherché nous-môme, en collaboration avec le Dr Picou (Congrès international d'hygiène, Paris, 1889), les rapports de l'ozone avec les
Nous avons recherché nous-môme, en collabora-
 
lion avec le Dr Picou (Congrès international d'hy-
 
giène, Paris, 1889), les rapports de l'ozone avec les
 
 
bactéries de l'air, et nous avons pu démontrer que
 
bactéries de l'air, et nous avons pu démontrer que
 
chaque minimum d|ozone correspondait à un
 
chaque minimum d|ozone correspondait à un
Ligne 271 : Ligne 253 :
 
l'un de l'autre.
 
l'un de l'autre.
  
Le Dr Hébert, d'Audierne, cité par Ch, Bou-
+
Le {{Dr}} Hébert, d'Audierne, cité par Ch. Bouchard, a noté avec grand soin l'état hygrométrique de l'atmosphère, la pression barométrique et
chard, a noté avec grand soin l'état hygrométri-
 
que de l'atmosphère, la pression barométrique et
 
 
la direction des vents pendant toute la durée do
 
la direction des vents pendant toute la durée do
 
l'épidémie de 1889-1890. Les conclusions qu'il tire  
 
l'épidémie de 1889-1890. Les conclusions qu'il tire  
Ligne 283 : Ligne 263 :
 
de la pression barométrique ont coïncidé avec
 
de la pression barométrique ont coïncidé avec
 
l'aggravation de la grippe, et que celle-ci, dans
 
l'aggravation de la grippe, et que celle-ci, dans
sa marche extensive, se dirigo très bien contre
+
sa marche extensive, se dirige très bien contre
 
le vent. D'après cet observateur distingué, la
 
le vent. D'après cet observateur distingué, la
 
grippe à forme catarrhale a régné surtout quand
 
grippe à forme catarrhale a régné surtout quand
Ligne 290 : Ligne 270 :
  
 
D'autres signalent le froid et l'humidité, les
 
D'autres signalent le froid et l'humidité, les
brouillards, la diminution de l'ozone; certains,'
+
brouillards, la diminution de l'ozone ; certains,'
 
au contraire, n'attachent aucune importance aux
 
au contraire, n'attachent aucune importance aux
 
conditions météorologiques,
 
conditions météorologiques,
  
Le Dr Frilet a vu précisément cesser l'épidémie
+
Le {{Dr}} Frilet a vu précisément cesser l'épidémie
 
de Sousse, au moment où commençaient des
 
de Sousse, au moment où commençaient des
 
pluies d'une abondance inusitée. Certains auteurs
 
pluies d'une abondance inusitée. Certains auteurs
Ligne 300 : Ligne 280 :
 
provoqué dans le micro-organisme de la grippé
 
provoqué dans le micro-organisme de la grippé
 
une virulence et une vigueur extraordinaires.
 
une virulence et une vigueur extraordinaires.
On a tour à tour incriminé les dépressions ba-
+
On a tour à tour incriminé les dépressions barométriques persistantes, les températures d'une
rométriques persistantes, les températures d'une
+
élévation insolite en hiver, l'état hygrométrique de l'air. Certains ont constaté l'influence
élévation insolite en hiver, l'état hygrométri-
 
que de l'air. Certains ont constaté l'influence
 
 
favorable d'un froid vif, alors que d'autres ont pu
 
favorable d'un froid vif, alors que d'autres ont pu
accuser, au contraire, la rigueurde là température.
+
accuser, au contraire, la rigueur de là température.
  
 
A propos de l'influence des saisons, on a dit que
 
A propos de l'influence des saisons, on a dit que
 
la grippe apparaissait surtout en hiver; mais on
 
la grippe apparaissait surtout en hiver; mais on
l'a observée au printemps, en automne et quel-
+
l'a observée au printemps, en automne et quelquefois en été.  
quefois en été.  
 
  
 
{{Gallica page|fonction=saut}}
 
{{Gallica page|fonction=saut}}
Ligne 317 : Ligne 294 :
 
La souillure do l'eau potable peut-elle, comme
 
La souillure do l'eau potable peut-elle, comme
 
pour la fièvre typhoïde, faire éclater l'influenza
 
pour la fièvre typhoïde, faire éclater l'influenza
dans certaines régions? On aurait quelque ten-
+
dans certaines régions? On aurait quelque tendance à admettre cette origine hydrique, car, dans
dance à admettre cette origine hydrique, car, dans
+
plusieurs quartiers ou même dans quelques maisons de la contrée envahie, l'usage d'une eau potable de bonne qualité aurait conféré l'immunité
plusieurs quartiers ou même dans quelques mai-
 
sons de la contrée envahie, l'usage d'une eau po-
 
table de bonne qualité aurait conféré l'immunité
 
 
à de nombreux habitants. On peut se demander
 
à de nombreux habitants. On peut se demander
si, dans ces cas, l'eau polluée n'aurait pas sim-
+
si, dans ces cas, l'eau polluée n'aurait pas simplement déterminé dans l'organisme un état de
plement déterminé dans l'organisme un état de
 
 
réceptivité spéciale pour l'infection grippale.
 
réceptivité spéciale pour l'infection grippale.
  
L'influence des causes cosmiques reçoit un re-
+
L'influence des causes cosmiques reçoit un relief saisissant d'un fait cité par le {{Dr}} Duflocq et
lief saisissant d'un fait cité par le Dr Duflocq et
 
 
que nous considérons comme très probant. Il
 
que nous considérons comme très probant. Il
concerne une épidémie d'irifluenza qui se produi-
+
concerne une épidémie d'influenza qui se produisit, le 4 janvier 1890, dans un bourg de la Creuse.
sit, le 4 janvier 1890, dans un bourg de la Creuse.
+
Après un orage violent coïncidant avec une chaleur excessive, et alors qu'il n'y avait dans cette
Après un orage violent coïncidant avec une cha-
 
leur excessive, et alors qu'il n'y avait dans cette
 
 
localité que deux ouvriers grippés, venant de
 
localité que deux ouvriers grippés, venant de
Paris, cent cinquante personnes furent contami-
+
Paris, cent cinquante personnes furent contaminées dans l'espace de quelques heures.
nées dans l'espace de quelques heures.
 
  
•L'action d'un froid vif nous parait aussi être
+
L'action d'un froid vif nous parait aussi être
 
une cause puissante de dissémination de la grippe.
 
une cause puissante de dissémination de la grippe.
 
C'est ainsi, notamment, que les choses se sont
 
C'est ainsi, notamment, que les choses se sont
Ligne 349 : Ligne 318 :
 
{{Gallica page|fonction=saut}}
 
{{Gallica page|fonction=saut}}
  
d'une accentuation de la réceptivité choz des in-
+
d'une accentuation de la réceptivité chez des individus susceptibles d'être contagionnés,
dividus susceptibles d'ôtre contagionnôs,
 
  
 
D'après certains observateurs, c'est lorsque
 
D'après certains observateurs, c'est lorsque
 
l'air est presque saturé d'humidité qu'on voit
 
l'air est presque saturé d'humidité qu'on voit
surgir les maxima des diverses poussées épi-
+
surgir les maxima des diverses poussées épidémiques. C'est ce qui s'est vraisemblablement
démiques. C'est ce qui s'est vraisemblablement
 
 
passé dans quelques grandes villes où la grippe
 
passé dans quelques grandes villes où la grippe
naissante coïncida avec une très notable aug-
+
naissante coïncida avec une très notable augmentation de l'humidité atmosphérique. Ces faits
mentation de l'humidité atmosphérique. Ces faits
+
résultant de recherches et d'enquêtes scrupuleuses, paraissent être en désaccord avec les observations très remarquables de Louis Masson
résultant de recherches et d'enquôtes scrupu-
 
leuses, paraissent être en désaccord avec les ob-
 
servations très remarquables de Louis Masson
 
 
dont nous allons parler, mais ces contradictions
 
dont nous allons parler, mais ces contradictions
 
seraient plus apparentes que réelles.
 
seraient plus apparentes que réelles.
  
 
L. Masson, ingénieur très distingué, dans un
 
L. Masson, ingénieur très distingué, dans un
mémoire publié, en 1891, \wr\aRevue d'Hygiène et
+
mémoire publié, en 1891, par la ''Revue d'Hygiène et de Police sanitaire'', s'est appliqué à analyser et à
de Police sanitaire, s'est appliqué à analyser et à
 
 
étudier, avec le plus grand soin, les caractères
 
étudier, avec le plus grand soin, les caractères
spéciaux des phénomènes cosmiques qui sont in-
+
spéciaux des phénomènes cosmiques qui sont intervenus dans toutes les manifestations générales de la grippe épidémique. Ces importantes recherches ont été très clairement résumées, par
tervenus dans toutes les manifestations générales
+
A.-J. Martin, dans un article de la ''Gazette hebdomadaire de Médecine et de Chirurgie'' (juin 1891).
de la grippe épidémique. Ces importantes recher-
 
ches ont été très clairement résumées, par
 
A.-J. Martin, dans un article de la Gazette heb-
 
domadaire de Médecine et de Chirurgie (juin 1891).
 
  
 
De novembre 1889 à février 1890, la mortalité
 
De novembre 1889 à février 1890, la mortalité
 
fut exceptionnellement élevée à Paris, frappant
 
fut exceptionnellement élevée à Paris, frappant
surtout les phtisiques, les cardiaques et les indi-
+
surtout les phtisiques, les cardiaques et les individus atteints déjà d'affections cérébrales. L'épidémie se montra particulièrement sévère dans la
vidus atteints déjà d'affections cérébrales. L'épi-
 
démie se montra particulièrement sévère dans la
 
  
 
{{Gallica page|fonction=saut}}
 
{{Gallica page|fonction=saut}}
  
première semaine de janvier 1890, décimant sur-
+
première semaine de janvier 1890, décimant surtout les quartiers pauvres. Pendant cette période,
tout les quartiers pauvres. Pendant cette période,
 
 
le baromètre indiqua une pression tout à fait
 
le baromètre indiqua une pression tout à fait
 
anormale. Il faut, parait-il, remonter jusqu'en 1757
 
anormale. Il faut, parait-il, remonter jusqu'en 1757
pour retrouver des chiffres aussi élevés ; le maxi-
+
pour retrouver des chiffres aussi élevés ; le maximum absolu 779m,8 fut atteint le 20 novembre 1889.
mum absolu 779m,8 fut atteint le 20 novembre 1889.
+
Par contre, la température s'abaissa parallèlement,
Parconlre, la températures'abaissa parallèlement,
 
 
sans cependant atteindre une rigueur extrême.
 
sans cependant atteindre une rigueur extrême.
  
foncernant l'humidité de l'air, le fait remar-
+
Concernant l'humidité de l'air, le fait remarquable consista dans la petite quantité d'eau
quable consista dans la petite quantité d'eau
+
tombée pendant la période de l'épidémie ; pourtant, celte humidité fut assez considérable, car
tombée pendant la période de l'épidémie ; pour-
 
tant, celte humidité fut assez considérable, car
 
 
l'état hygrométrique resta constamment élevé,
 
l'état hygrométrique resta constamment élevé,
dépassant même 0,80 au moment du maximum
+
dépassant même 0,80 au moment du maximum de l'épidémie.
  
 
D'après L. Masson, de juin 1889 à juin 1890,
 
D'après L. Masson, de juin 1889 à juin 1890,
la pluie fut moins abondante à Paris qu'à l'or-
+
la pluie fut moins abondante à Paris qu'à l'ordinaire; il ne tomba, en effet, pendant ces
dinaire; il ne tomba, en effet, pendant ces
+
douze mois^ que 0m,448 d'eau, tandis que la
•douze mois^ que 0m,448 d'eau, tandis que la
+
hauteur moyenne est de 0m,567. Pendant la période de l'influenza, on nota comme maximum
hauteur moyenne est de 0m,567. Pendant la pé-
 
riode de l'influenza, on nota comme maximum
 
 
0m,0134 dans la quarante-huitième semaine,
 
0m,0134 dans la quarante-huitième semaine,
 
0m,0266 dans la cinquantième, et 0m,0l34 dans la
 
0m,0266 dans la cinquantième, et 0m,0l34 dans la
Ligne 412 : Ligne 363 :
  
 
La radiation, c'est-à-dire le rapport entre les
 
La radiation, c'est-à-dire le rapport entre les
rayons lumineux reçus en un lieu et ceux qui se-
+
rayons lumineux reçus en un lieu et ceux qui seraient reçus si le ciel était pur de tout nuage,
raient reçus si le ciel était pur de tout nuage,
+
éprouva une baisse notable dès le début de  
éprouva une baisse notable dès le début de l'ap-
 
 
 
 
 
{{Gallica page|fonction=saut}}
 
 
 
parilion delà grippe.. Le défaut de lumière solaire
 
«e fit sentir pendant toute la durée do celle période,
 
 
 
Ces renseignements comparatifs se sont re-
 
trouvés, avec des caractères presque identiques,
 
dans la plupart des stations météorologiques, et,
 
notamment, dans les capitales des États euro-
 
péens. Les courbes do Vienne pouvaient se su-
 
perposer à celles qui furent dressées pour Paris ;
 
il en fut à peu près de môme à Berlin, à Bruxel-
 
les, etc. En Russie, par contre, sauf l'augmenta-
 
tion de l'humidité, la mortalité s'éleva alors que le
 
baromètre descendait. A Saint-Pétersbourg, à Mos-
 
cou, à Varsovie, l'épidémie cessa avec la réappari-
 
tiondu froid et Ieretourdeshautespressions.A quoi
 
attribuer ces différences? se demande A.-J, Mar-
 
tin, Peut-être à l'endémicitô de la grippe déjà si-
 
gnalée et bien prouvée par le Professeur J. Teis-
 
sier. La grippe, ainsi acclimatée, a pu s'adapter
 
à des manifestations atmosphériques multiples et
 
préparer plus aisément de nouvelles invasions.
 
 
 
En face d'un problèmeaussi complexe, leDr A.-J,
 
Martin ne se croit pas autorisé à émettre des
 
conclusions. Comme le savant hygiéniste, on
 
peut tout au moins admettre que les variations,
 
les modifications plus ou moins profondes du
 
temps, sans être capables de provoquer directe-
 
ment les épidémies de grippe, peuvent exercer
 
une influence excitatrice ou autre sur les mani-
 
festations de l'affection.
 
 
 
 
 
{{Gallica page|fonction=saut}}
 
 
 
Les graphiques et les cartes dressés par L. Mas-
 
son démontrent que les zones de forte mortalité
 
ont été enserrées en quelque sorte par les éléva-
 
tions de pression et presque toujours, quelle
 
qu'ait été la région, sauf la Russie. A.-J. Martin
 
n'ose formuler aucune conclusion dans une ques-
 
tion aussi complexe, Il serait toutefois très dis-
 
posé, avecBrochin, à accorder aux vicissitudes
 
atmosphériques, ainsi qu'aux brusques variations
 
du temps, une influence excitatrice ou modi-
 
ficatrice sur la marche et les caractères de la
 
grippe,
 
 
 
On connaît, par des expériences répétées de
 
laboratoire, l'influence des agents physiques tels
 
que la lumière, la pression atmosphérique, le
 
froid, la chaleur, etc., sur la virulence des mi-
 
crobes, Il est vraisemblable que les constitu-
 
tions saisonnières sont régies par les oscillations
 
météorologiques agissant d'une façon variable
 
sur la vitalité des micro-organismes existant
 
dans l'air ou sur quelques-unes de nos mu-
 
queuses.
 
  
Sans compter, dirons-nous nous-méme, qu'il
 
existe encore bien des mystères, au point de vuo
 
non seulement atmosphérique, mais tellurique,
 
pour l'explication des constitutions saisonnières.
 
Quelle est l'action des phénomènes électriques,
 
des variations des gaz nouveaux découverts dans
 
l'air atmosphérique, de la lumière, etc.? Que do
 
  
 
{{Gallica page|fonction=saut}}
 
{{Gallica page|fonction=saut}}
  
parilion delà grippe.. Le défaut de lumière solaire
+
l'apparilion delà grippe.. Le défaut de lumière solaire
 
«e fit sentir pendant toute la durée do celle période,
 
«e fit sentir pendant toute la durée do celle période,
  
Ces renseignements comparatifs se sont re-
+
Ces renseignements comparatifs se sont retrouvés, avec des caractères presque identiques,
trouvés, avec des caractères presque identiques,
 
 
dans la plupart des stations météorologiques, et,
 
dans la plupart des stations météorologiques, et,
notamment, dans les capitales des États euro-
+
notamment, dans les capitales des États européens. Les courbes do Vienne pouvaient se superposer à celles qui furent dressées pour Paris ;
péens. Les courbes do Vienne pouvaient se su-
+
il en fut à peu près de môme à Berlin, à Bruxelles, etc. En Russie, par contre, sauf l'augmentation de l'humidité, la mortalité s'éleva alors que le
perposer à celles qui furent dressées pour Paris ;
+
baromètre descendait. A Saint-Pétersbourg, à Moscou, à Varsovie, l'épidémie cessa avec la réapparition du froid et le retour des hautes pressions. A quoi
il en fut à peu près de môme à Berlin, à Bruxel-
+
attribuer ces différences ? se demande A.-J, Martin, Peut-être à l'endémicité de la grippe déjà signalée et bien prouvée par le Professeur J. Teissier. La grippe, ainsi acclimatée, a pu s'adapter
les, etc. En Russie, par contre, sauf l'augmenta-
 
tion de l'humidité, la mortalité s'éleva alors que le
 
baromètre descendait. A Saint-Pétersbourg, à Mos-
 
cou, à Varsovie, l'épidémie cessa avec la réappari-
 
tiondu froid et Ieretourdeshautespressions.A quoi
 
attribuer ces différences? se demande A.-J, Mar-
 
tin, Peut-être à l'endémicitô de la grippe déjà si-
 
gnalée et bien prouvée par le Professeur J. Teis-
 
sier. La grippe, ainsi acclimatée, a pu s'adapter
 
 
à des manifestations atmosphériques multiples et
 
à des manifestations atmosphériques multiples et
 
préparer plus aisément de nouvelles invasions.
 
préparer plus aisément de nouvelles invasions.
  
En face d'un problèmeaussi complexe, leDr A.-J,
+
En face d'un problème aussi complexe, le {{Dr}} A.-J,
 
Martin ne se croit pas autorisé à émettre des
 
Martin ne se croit pas autorisé à émettre des
 
conclusions. Comme le savant hygiéniste, on
 
conclusions. Comme le savant hygiéniste, on
Ligne 517 : Ligne 388 :
 
temps, sans être capables de provoquer directe-
 
temps, sans être capables de provoquer directe-
 
ment les épidémies de grippe, peuvent exercer
 
ment les épidémies de grippe, peuvent exercer
une influence excitatrice ou autre sur les mani-
+
une influence excitatrice ou autre sur les manifestations de l'affection.  
festations de l'affection.
 
  
  
Ligne 525 : Ligne 395 :
 
Les graphiques et les cartes dressés par L. Mas-
 
Les graphiques et les cartes dressés par L. Mas-
 
son démontrent que les zones de forte mortalité
 
son démontrent que les zones de forte mortalité
ont été enserrées en quelque sorte par les éléva-
+
ont été enserrées en quelque sorte par les élévations de pression et presque toujours, quelle
tions de pression et presque toujours, quelle
 
 
qu'ait été la région, sauf la Russie. A.-J. Martin
 
qu'ait été la région, sauf la Russie. A.-J. Martin
n'ose formuler aucune conclusion dans une ques-
+
n'ose formuler aucune conclusion dans une question aussi complexe, Il serait toutefois très disposé, avec Brochin, à accorder aux vicissitudes
tion aussi complexe, Il serait toutefois très dis-
 
posé, avecBrochin, à accorder aux vicissitudes
 
 
atmosphériques, ainsi qu'aux brusques variations
 
atmosphériques, ainsi qu'aux brusques variations
du temps, une influence excitatrice ou modi-
+
du temps, une influence excitatrice ou modificatrice sur la marche et les caractères de la
ficatrice sur la marche et les caractères de la
 
 
grippe,
 
grippe,
  
Ligne 539 : Ligne 405 :
 
laboratoire, l'influence des agents physiques tels
 
laboratoire, l'influence des agents physiques tels
 
que la lumière, la pression atmosphérique, le
 
que la lumière, la pression atmosphérique, le
froid, la chaleur, etc., sur la virulence des mi-
+
froid, la chaleur, etc., sur la virulence des microbes, Il est vraisemblable que les constitutions saisonnières sont régies par les oscillations
crobes, Il est vraisemblable que les constitu-
 
tions saisonnières sont régies par les oscillations
 
 
météorologiques agissant d'une façon variable
 
météorologiques agissant d'une façon variable
 
sur la vitalité des micro-organismes existant
 
sur la vitalité des micro-organismes existant
dans l'air ou sur quelques-unes de nos mu-
+
dans l'air ou sur quelques-unes de nos muqueuses.
queuses.
 
  
Sans compter, dirons-nous nous-méme, qu'il
+
Sans compter, dirons-nous nous-même, qu'il
existe encore bien des mystères, au point de vuo
+
existe encore bien des mystères, au point de vue
 
non seulement atmosphérique, mais tellurique,
 
non seulement atmosphérique, mais tellurique,
 
pour l'explication des constitutions saisonnières.
 
pour l'explication des constitutions saisonnières.
 
Quelle est l'action des phénomènes électriques,
 
Quelle est l'action des phénomènes électriques,
 
des variations des gaz nouveaux découverts dans
 
des variations des gaz nouveaux découverts dans
l'air atmosphérique, de la lumière, etc.? Que do
+
l'air atmosphérique, de la lumière, etc.? Que de
 
 
  
 
{{Gallica page|fonction=saut}}
 
{{Gallica page|fonction=saut}}
  
 
surprises, à ces divers points de vue, l'avenir no
 
surprises, à ces divers points de vue, l'avenir no
nous réserve-t-il pas ?  
+
nous réserve-t-il pas ?
  
 
===La contagion===
 
===La contagion===
  
 
La question de la contagiosité
 
La question de la contagiosité
de la grippe fut très discutée au début de l'épi-
+
de la grippe fut très discutée au début de l'épidémie de 1889. La diffusion rapide de la maladie,
démie de 1889. La diffusion rapide delà maladie,
 
 
l'éclosion presque instantanée de nombreux cas
 
l'éclosion presque instantanée de nombreux cas
dans une région étendue, la simultanéité de trou-
+
dans une région étendue, la simultanéité de troubles identiques chez tous les habitants d'une
bles identiques chez tous les habitants d'une
 
 
môme localité, tout cela, à cette époque, faisait
 
môme localité, tout cela, à cette époque, faisait
 
inévitablement songer aux effets d'influences
 
inévitablement songer aux effets d'influences
morbigènes d'ordre météorologique. Les anti-
+
morbigènes d'ordre météorologique. Les anticontagionnistes, comme le fait remarquer le
contagionnistes, comme le fait remarquer le
 
 
Professeur Bouchard dans son rapport général,
 
Professeur Bouchard dans son rapport général,
 
furent en majorité. L'éminent observateur avait
 
furent en majorité. L'éminent observateur avait
Ligne 582 : Ligne 441 :
 
jours chez les humains.
 
jours chez les humains.
  
Voici quelques opinions en opposition avec la
+
Voici quelques opinions en opposition avec la contagiosité de la maladie, citées par Ch. Bouchard :
contagiosité de la maladie, citées par Ch. Bou-
+
 
chard :
+
:Malgré l'observation la plus rigoureuse, le Dp Lhomond, de Sajnt-Lô, n'a pu établir la certitude de la contagion de l'influenza.
 +
 
 +
Le Dr Garnier, du Mans, a vu
 +
:« la grippe atteindre des personnes qui gardaient la chambre
  
Malgré l'observation la plus rigoureuse, lo
 
Dp Lhomond, de Sajnt-Lô, n'a pu établir la certi-
 
tude de la contagion de l'influenza.
 
  
Le Dr Garnier, du Mans, a vu « la grippe attein-
 
« dre des personnes qui gardaient la chambre
 
  
 
{{Gallica page|fonction=saut}}
 
{{Gallica page|fonction=saut}}
  
« depuis quinze jours et n'avaient eu aucun rap-
+
: depuis quinze jours et n'avaient eu aucun rapport suspect ».  
« port suspect ». Il a observé de'nombreux cas
+
 
où la contagion ne s'est pas développée et où,
+
Il a observé de nombreux cas
quelques semaines plus tard, le mal s'est produit
+
où la contagion ne s'est pas développée et où, quelques semaines plus tard, le mal s'est produit
 
spontanément. Les habitants d'une propriété,
 
spontanément. Les habitants d'une propriété,
 
par exemple, étaient tous frappés simultanément;
 
par exemple, étaient tous frappés simultanément;
Ligne 604 : Ligne 461 :
 
avec eux, n'était envahi que quinze jours après.
 
avec eux, n'était envahi que quinze jours après.
  
Le Dr G. André, professeur à l'École de Méde-
+
Le Dr G. André<ref>Auteur de ce document et ici en auto citation.</ref>, professeur à l'École de Médecine de Toulouse, cité dans le rapport général, déclarait, à cette époque, que la contagion lui paraissait très douteuse.  
cine de Toulouse, cité dans le rapport général,
+
:« C'est une épidémie planétaire, disait-il, et on ne peut s'expliquer l'instantanéité et la généralisation de cette affection qu'en supposant, que notre planète a dû traverser quelque milieu antipathique à notre organisme. »  
déclarait, à cette époque, que la contagion lui pa-
+
:::Mais notre opinion ne tarda pas à se modifier.
raissait très douteuse. « C'est une épidémie pla-
 
« notaire, disait-il, et on ne peut s'expliquer
 
« l'instantanéité et la généralisation de cette
 
« affection qu'en supposant, que notre planète
 
« a dû traverser quelque milieu antipathique à
 
« notre organisme. » Mais notre opinion ne tarda
 
pas à se modifier.
 
  
En décembre 1889, L. Colin déclarait devant
+
En décembre 1889, L. Colin déclarait devant l'Académie de Médecine que l'épidémie naissante
l'Académie de Médecine que l'épidémie naissante
+
n'avait rien à voir avec les communications humaines. Parcourant avec la môme vitesse les
n'avait rien à voir avec les communications hu-
+
mers ou les régions inhabitées, elle était comparable à ce point de vue aux agents physiques
maines. Parcourant avec la môme vitesse les
 
mers ou les régions inhabitées, elle était com-
 
parable à ce point de vue aux agents physiques
 
 
tels que la lumière et l'électricité.
 
tels que la lumière et l'électricité.
  
 
Mais il ne faut pas insister sur une illusion qui
 
Mais il ne faut pas insister sur une illusion qui
 
pouvait s'expliquer dans les premiers jours do
 
pouvait s'expliquer dans les premiers jours do
cette extraordinaire épidémie. Les faits qui dé-
+
cette extraordinaire épidémie. Les faits qui démontrent la contagion sont nombreux et indiscutables.
montrent la contagion sont nombreux et indiscu-
 
  
  
 
{{Gallica page|fonction=saut}}
 
{{Gallica page|fonction=saut}}
  
tables. Brochin (Dict. encyclop. Se. médic.) rappelle
+
Brochin (''Dict. encyclop. Se. médic.'') rappelle
 
qu'une ville d'Islande, jusque-là indemne do
 
qu'une ville d'Islande, jusque-là indemne do
 
grippe, fut atteinte brusquement par la maladie,
 
grippe, fut atteinte brusquement par la maladie,
le lendemain du jour où le percepteur des im-
+
le lendemain du jour où le percepteur des impôts, qui en était affecté, y fut entré pour opérer
pôts, qui en était affecté, y fut entré pour opérer
+
des recouvrements. Le Professeur Grasset rapporte que le premier cas de grippe survint à
des recouvrements. Le Professeur Grasset rap-
 
porte que le premier cas de grippe survint à
 
 
Montpellier, le 9 décembre 1889. Il s'agissait d'un
 
Montpellier, le 9 décembre 1889. Il s'agissait d'un
 
malade arrivé la veille do Paris, où il avait visité
 
malade arrivé la veille do Paris, où il avait visité
les Magasins du Louvre. L'explosion de la ma-
+
les Magasins du Louvre. L'explosion de la maladie à Montpellier eut lieu le 17 décembre;
ladie à Montpellier eut lieu le 17 décembre;
 
 
depuis lors, do nombreux cas se produisirent
 
depuis lors, do nombreux cas se produisirent
 
et la propagation s'effectua rapidement, surtout
 
et la propagation s'effectua rapidement, surtout
là où existaient de grandes agglomérations, Cré-
+
là où existaient de grandes agglomérations, Crédit lyonnais, Lycée, etc. Le début brusque était
dit lyonnais, Lycée, etc. Le début brusque était
 
 
caractérisé par des frissons et de la céphalalgie ;
 
caractérisé par des frissons et de la céphalalgie ;
 
puis survenaient des douleurs généralisées, de
 
puis survenaient des douleurs généralisées, de
Ligne 657 : Ligne 499 :
 
cas ne s'était produit à Fronlignan jusqu'au
 
cas ne s'était produit à Fronlignan jusqu'au
 
jour où arriva de Paris une personne grippée;
 
jour où arriva de Paris une personne grippée;
celle-ci dîna avec dix autres convives, parmi les-
+
celle-ci dîna avec dix autres convives, parmi lesquels cinq contractèrent la maladie {une de ces
quels cinq controclèrent la maladie {une de ces
 
 
personnes porta ensuite la grippe dans un village
 
personnes porta ensuite la grippe dans un village
 
voisin indemne jusque-là.
 
voisin indemne jusque-là.
Ligne 664 : Ligne 505 :
 
{{Gallica page|fonction=saut}}
 
{{Gallica page|fonction=saut}}
  
 +
F. Widal, Barth, Ânlony relatent des épidémies intérieures d'hôpital, survenant après l'admission de malades venus du dehors.
  
. F. Widal, Barth, Ânlony relatent des épidé-
+
Un passager du paquebot Saint-Germain s'embarque à Santander avec la grippe qu'il a contractée à Madrid, Quatre jours plus tard, le médecin du bord est atteint ; puis la maladie se généralise frappant cent cinquante-quatre passagers sur quatre cent trente-six (Proust).
mies intérieures d'hôpital, survenant après l'ad-
 
mission de malades venus du dehors.
 
 
 
Un passager du paquebot Saint-Germain s'em-
 
barque à Santander avec la grippe qu'il a con-
 
tractée à Madrid, Quatre jours plus tard, le mé-
 
decin du bord est atteint ; puis la maladie se
 
généralise frappant cent cinquante-quatre passa-
 
gers sur quatre cent trente-six (Proust).
 
  
 
Par contre, les communautés religieuses, les
 
Par contre, les communautés religieuses, les
prisons, les asiles d'aliénés furent souvent res-
+
prisons, les asiles d'aliénés furent souvent respectés. Sur soixante-treize phares anglais, quatre
pectés. Sur soixante-treize phares anglais, quatre
 
 
seulement eurent des malades, et le personnel
 
seulement eurent des malades, et le personnel
 
(413 sujets) aurait été complètement épargné, si
 
(413 sujets) aurait été complètement épargné, si
huit employés n'avaient visité des localités con-
+
huit employés n'avaient visité des localités contaminées (Netter).
taminées (Netter).
 
  
Lo vaisseau Hpfiigênie, école d'application,
+
Lo vaisseau ''l'Iphigênie'', école d'application,
arrivant de lu Martinique sans un seul cas do
+
arrivant de lu Martinique sans un seul cas de
grippe à bord, mouille en rode de Cadix, en jan-
+
grippe à bord, mouille en rode de Cadix, en janvier 1890. L'influenza sévissait en ce moment dans celte ville. ''l'Iphigênie'' cingla vers Barcelone
vier 1890. L'influenza sévissait en ce moment
+
quelques jours après. En arrivant dans cette dernière ville, un matelot était déjà mort do l'influenza. Vers le 20 janvier, en entrant au port de
dans celte ville. LIphigènie cingla vers Barcelone-
 
quelques jours après. En arrivant dans cette def-
 
nlère ville, un matelot était déjà mort do l'in-
 
fluenza. Vers le 20 janvier, en entrant au port do.
 
 
Toulon, le nombre des malades était devenu si
 
Toulon, le nombre des malades était devenu si
 
considérable que l'équipage dut être licencié,
 
considérable que l'équipage dut être licencié,
  
Dans le rapport sur lu grippe de la Seine-Infé-
+
Dans le rapport sur lu grippe de la Seine-Inférieure, rédigé par le {{Dr}} Brunon, d'après les réponses fournies par soixante-quinze médecins de ce
rieure, rédigé par le D* Brunon, d'après les répon-
 
ses fournies par soixante-quinze médecins de co
 
  
 
{{Gallica page|fonction=saut}}
 
{{Gallica page|fonction=saut}}
département à un questionnaire uniforme, lo
+
département à un questionnaire uniforme, le
Professeur Bouchard relève que, sur ce nom-
+
Professeur Bouchard relève que, sur ce nombre, cinquante-huit affirmaient la contagion, huit seulement la niaient, neuf restaient dans le
bre, cinquante-huit affirmaient la contagion, huit
 
seulement la niaient, neuf restaient dans le
 
 
doute.
 
doute.
  
Le Dr Hébert, après avoir signalé des faits favo-
+
Le Dr Hébert, après avoir signalé des faits favorables à la contagion, a vu pourtant, dans deux
rables à la contagion, a vu pourtant, dans deux
+
villages, un cas isolé se produire sans qu'aucun
villages, un cas isolé se produire^sans qu'aucun
 
 
autre habitant ait été atteint ultérieurement. Le
 
autre habitant ait été atteint ultérieurement. Le
mémo praticien cite encore un fait plus signifi-
+
mémo praticien cite encore un fait plus significatif, recueilli dans le rapport général. Il s'agit d'un petit foyer épidémique chez les trois personnes logées dans le sémaphore de Raz-de-Sein,
catif, recueilli dans le rapport général. Il s'agit
+
sur une langue de terrain granitique, à deux kilomètres de toute habitation. L'eau que buvaient
d'un petit foyer épidémique chez les trois per-
 
sonnes logées dans le sémaphore de Raz-dc-Seln,
 
sur une langue de terrain granitique, à deux kilo-
 
mètres de toule habitation. L'eau que buvaient
 
 
ces trois personnes était une eau do citerne très
 
ces trois personnes était une eau do citerne très
 
pure. Ne peut-on pas incriminer ici certains
 
pure. Ne peut-on pas incriminer ici certains
Ligne 723 : Ligne 541 :
 
et arrivant d'un pays où règne la grippe peut
 
et arrivant d'un pays où règne la grippe peut
 
fort bien être le point de départ d'une épidémie
 
fort bien être le point de départ d'une épidémie
de maison. C'est de la sorte que, sur le vaisseau-
+
de maison. C'est de la sorte que, sur le vaisseau-école la Bretagne, la maladie put se propager en
école la Bretagne, la maladie put se propager en
 
 
quelques jours, frappant vingt à quarante-cinq
 
quelques jours, frappant vingt à quarante-cinq
 
hommes par jour, le voisseau en cou tenant
 
hommes par jour, le voisseau en cou tenant
Ligne 735 : Ligne 552 :
 
deux caisses qui lui avaient été adressées par
 
deux caisses qui lui avaient été adressées par
 
une Maison de Paris. C'est là un bel exemple
 
une Maison de Paris. C'est là un bel exemple
de contagion médiate, comparable à celui d'un
+
de contagion médiale, comparable à celui d'un
 
distingué, confrère qui contracta la grippe, un
 
distingué, confrère qui contracta la grippe, un
 
jour ou deux après avoir reçu des lettres arrivant
 
jour ou deux après avoir reçu des lettres arrivant
 
d'une ville contaminée.
 
d'une ville contaminée.
  
Ch. Bouchard avait repoussé autrefois la conta-
+
Ch. Bouchard avait repoussé autrefois la contagion de la grippe,  
gion de la grippe, a L'observation do l'épidémie
+
L'observation do l'épidémie de 1889-1890, déclare-t-il, a modifié notre opinion, et les raisons que nous avions tenues pour bonnes jusqu'alors nous paraissent moins solides aujourd'hui. »  
« de 1889-1890, déclare-t-il, a modifié notre opi-
+
 
« nion, et les raisons que nous avions tonues pour
+
Comment expliquer, en effet, en dehors de la contagion, que lu grippe
« bonnes jusqu'alors nous paraissent moins so-
 
« lides aujourd'hui. » Comment expliquer, en
 
effet, en dehors de la contagion, que lu grippe
 
 
naissant à Saint-Pétersbourg se soit manifestée à
 
naissant à Saint-Pétersbourg se soit manifestée à
 
Paris en si peu de temps, en respectant tout
 
Paris en si peu de temps, en respectant tout
 
d'abord les points intermédiaires ? Ch. Bouchard
 
d'abord les points intermédiaires ? Ch. Bouchard
fait observer très justement que l'apparition sou-
+
fait observer très justement que l'apparition soudaine d'un grand nombre de cas, dans un pays,
daine d'un grand nombre de cas, dans un pays,
+
peut s'expliquer par la très courte durée de l'incubation de la grippe, qui serait de quarante-huit
peut s'expliquer par la très courte durée de l'in-
 
cubation de la grippe, qui serait de quarante-huit
 
 
heures seulement. C'est ainsi que, huit jours
 
heures seulement. C'est ainsi que, huit jours
 
après l'arrivée d'un premier grippé dans une
 
après l'arrivée d'un premier grippé dans une
Ligne 759 : Ligne 571 :
 
environ peuvent avoir contracté la maladie par
 
environ peuvent avoir contracté la maladie par
 
contagion. A l'appui de ce raisonnement, on peut
 
contagion. A l'appui de ce raisonnement, on peut
invoquer l'opinion de Nettcrqui affirme que, dès
+
invoquer l'opinion de Netter qui affirme que, dès
le début de rintluenzo, avant lu disparition du
+
le début de l'influenza, avant lu disparition du
 
catarrhe, le sujet contaminé est susceptible de  
 
catarrhe, le sujet contaminé est susceptible de  
  
 
{{Gallica page|fonction=saut}}
 
{{Gallica page|fonction=saut}}
  
transmettre l'infection et qu'il conserve ce pou-
+
transmettre l'infection et qu'il conserve ce pouvoir au cours de la convalescence.
voir au cours de la convalescence.
 
  
 
Un autre argument péremptoire vient à l'appui
 
Un autre argument péremptoire vient à l'appui
Ligne 777 : Ligne 588 :
 
les côtes de la Grande-Bretagne, huit seulement
 
les côtes de la Grande-Bretagne, huit seulement
 
ont été atteints par l'influenza. (Rapport adressé
 
ont été atteints par l'influenza. (Rapport adressé
au Local Governemcnt Board.)
+
au ''Local Governemcnt Board''.)
  
Dans le rapport du Dr Brunon, nous voyons que
+
Dans le rapport du {{Dr}} Brunon, nous voyons que
le 1P Roullet, à Rouen, a relaté le cas d'un homme
+
le {{Dr}} Roullet, à Rouen, a relaté le cas d'un homme
 
habitant une maison isolée au milieu d'une forêt
 
habitant une maison isolée au milieu d'une forêt
et qui ne tut atteint de la grippe qu'après avoir
+
et qui ne fut atteint de la grippe qu'après avoir
 
reçu chez lui sa fille, domestique en service à la
 
reçu chez lui sa fille, domestique en service à la
 
ville, qui lui revenait avec cette maladie.
 
ville, qui lui revenait avec cette maladie.
Ligne 793 : Ligne 604 :
 
faveur des non-conlugionnistes. Même objection
 
faveur des non-conlugionnistes. Même objection
 
pour le foit cité par le Dr Gondouin, d'Argentan,
 
pour le foit cité par le Dr Gondouin, d'Argentan,
Ce praticien distingué affirme que les Bénédic-
+
Ce praticien distingué affirme que les Bénédictines cloîtrées n'eurent que deux cas de grippe
tines cloîtrées n'eurent que deux cas de grippe
 
 
sur cinquante religieuses; quant à l'orphelinat,
 
sur cinquante religieuses; quant à l'orphelinat,
 
qui était sans aucune relation avec l'extérieur, il
 
qui était sans aucune relation avec l'extérieur, il
Ligne 802 : Ligne 612 :
  
 
La contagion est donc réelle, irrécusable, et,
 
La contagion est donc réelle, irrécusable, et,
sur cette question, le débat est aujourd'hui défi-
+
sur cette question, le débat est aujourd'hui définitivement clos, Il n'en est pas moins bien établi,
nitivement clos, Il n'en est pas moins bien établi,
+
par des faits incontestés, que le rôle de cette
par des faits incontestés, que lo rôle de cette
+
contagion est loin d'être toujours apparent, surtout quand on envisage la marche générale d'une
contagion est loind'ôtre toujours apparent, sur-
 
tout quand on envisage la marche générale d'une
 
 
épidémie grippale. L. Colin, qui paraît avoir sur
 
épidémie grippale. L. Colin, qui paraît avoir sur
 
ce. point une opinion éclectique, fait observer
 
ce. point une opinion éclectique, fait observer
avec raison (Encyclopédie d'Hygiène) que la rapi-
+
avec raison (Encyclopédie d'Hygiène) que la rapidité de cette marche surpasse étrangement les
dité de cette marche surpasso étrangement les
 
 
moyens usuels de communication. En effet, des
 
moyens usuels de communication. En effet, des
 
régions très vastes et très éloignées ont subi
 
régions très vastes et très éloignées ont subi
 
simultanément, en 1889, l'atteinte du fléau. La
 
simultanément, en 1889, l'atteinte du fléau. La
grippe a franchi l'Océan avec une rapidité décon-
+
grippe a franchi l'Océan avec une rapidité déconcertante, sans l'aide des navires. Qu'une région
certante, sans l'aide des navires. Qu'une région
+
soit très peu habitée ou qu'elle possède une population très dense, la maladie marche avec la môme
soit très peu habitée ou qu'elle possèdo.urie popu-
 
lation très dense, la maladie marche avec la môme
 
 
vitesse. L. Colin parle de bâtiments atteints en
 
vitesse. L. Colin parle de bâtiments atteints en
 
pleine mer ou en rade, sans communication avec
 
pleine mer ou en rade, sans communication avec
Ligne 824 : Ligne 629 :
 
pendant l'épidémie de 1780.
 
pendant l'épidémie de 1780.
  
Ce serait donc l'atmosphère qui engendre-
+
Ce serait donc l'atmosphère qui engendrerait les épidémies d'influenza. L. Colin no voit,
rait les épidémies d'influenza. L. Colin no voit,
 
 
comme agent pathogène, autour de l'homme,
 
comme agent pathogène, autour de l'homme,
 
que l'atmosphère qui, par sa mobilité, par son
 
que l'atmosphère qui, par sa mobilité, par son
action générale, puisse correspondre aux allu-
+
action générale, puisse correspondre aux allures des épidémies grippales, Quant à savoir
res des épidémies grippales, Quant à savoir
 
 
comment s'exerce cette action, il est impossible,
 
comment s'exerce cette action, il est impossible,
  
Ligne 839 : Ligne 642 :
  
 
La grippe est-elle transmissible de l'homme à
 
La grippe est-elle transmissible de l'homme à
l'animal?Les faits rapportés par le DrAug.01llvier
+
l'animal ? Les faits rapportés par le {{Dr}} Aug. 01llvier
 
tendent à admettre cette opinion. Il s'agit d'un
 
tendent à admettre cette opinion. Il s'agit d'un
 
chat qui avait avalé des morceaux de viande déjà
 
chat qui avait avalé des morceaux de viande déjà
Ligne 845 : Ligne 648 :
 
ou quatre jours après, l'animal mourait après
 
ou quatre jours après, l'animal mourait après
 
avoir présenté des phénomènes significatifs :
 
avoir présenté des phénomènes significatifs :
toux, jelage, anhélation, amaigrissement notable.
+
toux, jetage, anhélation, amaigrissement notable.
  
 
En 1868, nu cours d'une épidémie de grippe,
 
En 1868, nu cours d'une épidémie de grippe,
un chut malade se réfugia dans une famille où
+
un chat malade se réfugia dans une famille où
vivaient déjà cinq chats bien portants et man-
+
vivaient déjà cinq chats bien portants et mangeant lu môme pâtée. Au bout de six jours, le
geant lu môme pâtée. Au bout de six jours, le
 
 
nouveuu venu succomba.
 
nouveuu venu succomba.
  
L'autôpslo, pratiquée par Aug. Ollivier, révéla
+
L'autopsie, pratiquée par Aug. Ollivier, révéla
 
les lésions que l'on rencontre chez les sujets ayant
 
les lésions que l'on rencontre chez les sujets ayant
 
succombé à la grippe et notamment des noyaux
 
succombé à la grippe et notamment des noyaux
de pneumonie massive. Les cinq chais de la
+
de pneumonie massive. Les cinq chats de la
 
maison furent successivement pris de grippe et
 
maison furent successivement pris de grippe et
 
quatre moururent. L'autopsie donna les mêmes
 
quatre moururent. L'autopsie donna les mêmes
 
résultats.
 
résultats.
  
Le Dr C/.okor présenta, en 1890, à lu Société
+
Le {{Dr}} Czokor présenta, en 1890, à lu Société
des Médecins de Vienne, les poumons d'un che-
+
des Médecins de Vienne, les poumons d'un cheval mort de pneumonie infectieuse d'origine
val* mort de pneumonie infectieuse d'origine
+
grippale, Il existait de nombreux noyaux mortifiés ayant laissé à leur place, en s'éliminant, de
grippale, Il existait de nombreux noyaux morti-
 
fiés ayant laissé à leur place, en s'éllminant, de
 
 
véritables cavernes. C'est le streptocoque qui fut
 
véritables cavernes. C'est le streptocoque qui fut
 
rencontré dans-ce cas,
 
rencontré dans-ce cas,
Ligne 873 : Ligne 673 :
 
La grippe se présenterait sous deux formes
 
La grippe se présenterait sous deux formes
 
chez le cheval : l'une étant l'influenza ordinaire,
 
chez le cheval : l'une étant l'influenza ordinaire,
l'autre portant le nom de pneumonie infec-
+
l'autre portant le nom de pneumonie infectieuse.
tieuse.
 
  
En 1872, une grande épidémie d'induenza aurait
+
En 1872, une grande épidémie d'infuenza aurait
 
sévi sur tous les chevaux de l'Amérique du
 
sévi sur tous les chevaux de l'Amérique du
 
Nord, sans atteindre les hommes. Netter fait
 
Nord, sans atteindre les hommes. Netter fait
remarquer que la grippe coïncido quelquefois
+
remarquer que la grippe coïncide quelquefois
avec des ôpizooties. En 1693, elle fut précédée
+
avec des épizooties. En 1693, elle fut précédée
 
d'une affection des chevaux caractérisée surtout
 
d'une affection des chevaux caractérisée surtout
 
par du coryza; il en fut de même en 1732, en
 
par du coryza; il en fut de même en 1732, en
Ligne 887 : Ligne 686 :
 
les vétérinaires. Dans l'épidémie de 1889-1890, la
 
les vétérinaires. Dans l'épidémie de 1889-1890, la
 
grippe n'a pas été signalée chez les chevaux.
 
grippe n'a pas été signalée chez les chevaux.
D'aulre part, il y a eu des épizooties d'influenza
+
D'autre part, il y a eu des épizooties d'influenza
sans épidémie simultanée do grippe,  
+
sans épidémie simultanée do grippe,
  
 
===Morbidité===
 
===Morbidité===
  
La diffusion de la grippe est dos
+
La diffusion de la grippe est dos
plus remarquables; peu de personnes sont réfrac-
+
plus remarquables ; peu de personnes sont réfraclaires, aussi la morbidité est-elle considérable.
laircs, aussi la morbidité est-elle considérable.
 
 
Les rapporteurs cités par Ch. Bouchard sont tous
 
Les rapporteurs cités par Ch. Bouchard sont tous
unanimes sur co point; les populations sont at-
+
unanimes sur co point; les populations sont atteintes dans la proportion de 40 à 80 % et quelquefois davantage. Les chiffres varient d'ailleurs
teintes dans la proportion de 40 à 80 % et quel-
 
quefois davantage. Les chiffres varient d'ailleurs
 
 
suivant les groupements spéciaux d'individus,
 
suivant les groupements spéciaux d'individus,
 
comme cela résulte des documents importants
 
comme cela résulte des documents importants
Ligne 909 : Ligne 705 :
 
en raison do leur contact avec un plus grand
 
en raison do leur contact avec un plus grand
 
nombre de personnes. Parmi les employés de
 
nombre de personnes. Parmi les employés de
l'exploitation, dans un certain parcours du che-
+
l'exploitation, dans un certain parcours du chemin do fer de l'Ouest, le {{Dr}} Gondouin a relevé
min do fer de l'Ouest, lo Dr Gondouin a relevé
+
une morbidité de 48%; tandis quo, parmi les
uno morbidité de 48%; tandis quo, parmi les
+
employés do la traction (chauffeurs, mécaniciens, etc.), il n'y eut quo 38 % do grippés, ces derniers n'ayant pas do rapports avec les voyageurs, Quant aux employés de la voie, la morbidité atteignit à peine 9 %.
employés do la traction (chauffeurs, mécani-
 
ciens, etc.), il n'y eut quo 38 % do grippés, ces
 
derniers n'ayant pas do rapports avec les voya-
 
geurs, Quant aux employés de la voie, la morbi-
 
dité atteignit à peine 9 %
 
  
Los hommes vivant on plein air, les travail-
+
Los hommes vivant on plein air, les travailleurs des champs notamment, fournissent moins
leurs des champs notamment, fournissent moins
 
 
de prise à la maladie ; il en serait de môme pour
 
de prise à la maladie ; il en serait de môme pour
 
les soldats entraînés aux marches, contrairement
 
les soldats entraînés aux marches, contrairement
 
à ceux qui restent dans los chambrées (Aubert).
 
à ceux qui restent dans los chambrées (Aubert).
Les employés d'oclroi seraient plus exposés quo
+
Les employés d'octroi seraient plus exposés que
les collégiens, par oxomplo (Brunon), Lo Dr Car-
+
les collégiens, par exemple (Brunon), Le {{Dr}} Carlier note que les officiers et les sous-officiers, qui
ller note que les officiers et les sous-officiers, qui
 
 
ont plus de facilités pour voyager, fournissent
 
ont plus de facilités pour voyager, fournissent
 
proportionnellement plus de malades quo les
 
proportionnellement plus de malades quo les
Ligne 931 : Ligne 720 :
 
douteuse ; les enfants et les vieillards jouissent
 
douteuse ; les enfants et les vieillards jouissent
 
d'une immunité relative ; mais chez ces derniers,
 
d'une immunité relative ; mais chez ces derniers,
par contre, los manifestations sont ordinairement
+
par contre, les manifestations sont ordinairement
très graves. L'inlluenzo serait très rare au-dessous
+
très graves. L'inlluenza serait très rare au-dessous
 
d'un an.
 
d'un an.
  
Ligne 939 : Ligne 728 :
 
{{Gallica page|fonction=saut}}
 
{{Gallica page|fonction=saut}}
  
pensionnaires. Le sexe masculin fournit un con-
+
pensionnaires. Le sexe masculin fournit un contingent supérieur à celui du sexe féminin. Les
tingent supérieur à celui du sexe féminin. Les
+
maladies chroniques constituent des causes pré-disposantes.
maladies chroniques constituent des causes pré-
 
disposantes.
 
  
 
Nous avons déjà dit que, d'après Graves, la
 
Nous avons déjà dit que, d'après Graves, la
Ligne 949 : Ligne 736 :
 
au moment de la convalescence,
 
au moment de la convalescence,
  
On a parlé de maladies antagonistes : la scarla-
+
On a parlé de maladies antagonistes : la scarlatine, la variole, la fièvre intermittente feraient partie de c egroupe.Cette étude demande à être reprise.
tine, la variole, la fièvre intermittente feraient par-
 
tie decegroupe.Cetteétudedemandeàétro reprise.
 
  
Il ne paraît pas exister, quoi qu'on ait dit, d'af-
+
Il ne paraît pas exister, quoi qu'on ait dit, d'affinité entre la grippe et le choléra ; les deux maladies ont une marche et une étiologio toutes différentes.
finité entre la grippe et lo choléra ; les deux ma-
 
ladies ont une marche et une étlologio toutes dif-
 
férentes.
 
  
 
Dans l'épidémie do 1880-1890, les récidives ont
 
Dans l'épidémie do 1880-1890, les récidives ont
Ligne 965 : Ligne 747 :
 
La plupart des médecins sont d'accord sur le
 
La plupart des médecins sont d'accord sur le
 
pouvoir qu'a la grippe de réveiller toutes les
 
pouvoir qu'a la grippe de réveiller toutes les
tares organiques (néphrite, dyspepsie, cardio-
+
tares organiques (néphrite, dyspepsie, cardiopathie, lithiase biliaire, tuberculose locale, etc.).
pathie, lithiase biliaire, tuberculose locale, etc.).
 
  
 
L'influenza s'abat tout particulièrement sur les
 
L'influenza s'abat tout particulièrement sur les
Ligne 972 : Ligne 753 :
 
notablement leur mortalité.
 
notablement leur mortalité.
  
Les épidémies pourraient-elles subir aussi uno
+
Les épidémies pourraient-elles subir aussi une
sorte do réveil? Ce point nous parait bien diffi-
+
sorte do réveil? Ce point nous parait bien difficile à établir; il faut, en effet, compter avec la
cile à établir; il faut, en effet, compter avec la
 
  
  
Ligne 980 : Ligne 760 :
  
  
grippe nostras ou endémique dont l'existence a
+
''grippe nostras'' ou endémique dont l'existence a
 
été mise en relief par d'assez nombreux auteurs
 
été mise en relief par d'assez nombreux auteurs
 
et notamment par le Dr Fiessinger.  
 
et notamment par le Dr Fiessinger.  
  
{{Gallica page|fonction=saut}}
 
 
{{Fin corps article}}
 
{{Fin corps article}}
  
 
==Voir aussi==
 
==Voir aussi==
 +
;Notes:
 +
<references/>
 
__SHOWFACTBOX__
 
__SHOWFACTBOX__

Version actuelle datée du 29 juin 2021 à 07:56

Épidémie de 1889-1890


 
 

Gallica 12148-bpt6k5713876s-f5.jpg
Chapitre
Épidémie de 1889-1890
Auteur
Gustave André
Extrait de
La grippe ou influenza (1908)
Visible en ligne
Sur Gallica
Chapitre précédant
Historique
Chapitre suivant
Bactériologie et Anatomie pathologique

Cette page introduit un chapitre de l'ouvrage
La grippe ou influenza,
rédigé en 1908 par Gustave André.

Avant-propos

Ce texte est une réédition numérique d'un document numérisé sur Gallica.

L'article initial ne contenait aucune note. Toutes les notes sont de la rédaction de Wicri/Santé.

logo travaux La correction de l'OCR n'est pas terminée


Éléments complémentaires

La carte de droite montre le démarrage de l'épidémie de grippe.

Ce chapitre situe son démarrage en mai 1888 en à Boukhara.

Puis elle atteint Tomsk le 11 octobre puis Saint-Péterbourg le 16.

L'Épidémie de 1889-1890

Cette partie introduit le texte original.


- 43 (G) -
L'Épidémie de 1889-1890.

Trois documents d'une haute importance sont à consulter sur la marche et la physionomie do cette étonnante épidémie :

  • le rapport général sur les maladies épidémiques en France, de l'année 1889, par le Professeur Ch. Bouchard ;
  • le rapport de mission du Professeur J. Teissier (l'lnfluenza en 1889-1890, en Russie) ;
  • le rapport général du Professeur Proust.

La grippe de 1889 a offert des ressemblances.


- 44 (G) -

frappantes avec celles des siècles antérieurs, notamment, comme nous l'avons précédemment relevé, avec celles de 1762, 1782 et 1837. Elle a marché, comme toujours, du Nord au Sud et de l'Est à l'Ouest, Où a-t-elle pris naissance en 1889? On a, tour à tour, signalé la Sibérie, la Perse, le Turkestan, C'est très vraisemblablement la Russie qui a été le foyer d'origine,

D'après le Dr Heyfeldcr, la maladie ne s'est pas développée à Saint-Pétersbourg, mais elle y a été assurément importée. La maladie proviendrait de Bokhara où, en 1888, de mai à août, sévissait une maladie épidémique qui présentait la symptomatologie de la maladie récente, sauf une plus grande fréquence des éruptions et l'absence de manifestations catarrhales. De Bokhara, la maladie se serait propagée par deux voies, par l'Occident et par l'Orient : le 11 octobre à Saint-Pétersbourg, le 16 octobre à Tomsk et dans toute la Sibérie.

A en croire le Dr Winocouroff, les premiers cas se seraient montrés à Saint-Pétersbourg au commencement d'octobre 1889, et la propagation se serait faite avec une rapidité excessive.

Celte question de l'origine première est d'ailleurs d'une importance secondaire. J. Teissier, en consultant les registres des hôpitaux de Saint-Pétersbourg et de Moscou, a péremptoirement établi que, tous les ans, aux mêmes époques, au


- 45 (G) -

printemps et à l'automne, de vrais cas de grippe sont très nettement observés dans ces deux villes.

D'après le Professeur Heydenreich, de Nancy, l'épidémie a procédé par groupes, frappant certaines agglomérations. Elle n'a aucun rapport ni avec la géographie, ni avec les grands courants atmosphériques. L'épidémie n'a pas éclaté simultanément sur toute l'Europe ; elle n'a pas marché régulièrement de l'Est à l'Ouest. Elle a frappé successivement et rapidement d'abord les capitales ; puis, de chaque capitale, elle a rayonné sur la province.

J. Teissier nous apprend que la grippe aurait revêtu dans les grands centres de la Russie des caractères insolites, particulièrement infectieux et singulièrement expansifs.' C'est ainsi qu'affectant une-marche spéciale et inattendue, elle a envahi tout d'abord les grandes villes échelonnées le long des principales voies ferrées, Cracovie, Vienne, Berlin, Paris, etc.

De chacun de ces grands centres, la maladie s'est ensuite propagée dans les villes moyennes pour gagner enfin les petites localités. C'est donc par les voyageurs que la grippe se disséminerait, et ce fait est généralement accepté aujourd'hui. 11 semble pourtant, d'après Talamon, que, dans quelques circonstances, ce mode de transmission ait pu être rejeté, notamment pour l'épidémie de mai 1890, en Angleterre, où, malgré l'existence


- 46 (G) -

des grandes voies do communication et l'absence de mesures d'isolement, la maladie n'a pas été exportée sur le continent.

Le Dr Parsons, dans un rapport pour le Local Governement Board, donne une description très complète de l'épidémie d'influenza do 1890 ; nous y relevons de très curieux renseignements. Dans la petite ile de Saint-Kilda, éloignée de 60 milles du groupe des Hébrides et comptant quatre-vingts habitants environ, l'arrivée d'un vaisseau détermine d'ordinaire parmi ceux-ci une affection analogue à l'influenza et qu'on appelle le stranger's cold, c'est-à-diro le catarrhe des étrangers. Les mômes phénomènes se produisent, dans les mômes conditions d'ailleurs, dans la petite île de Whurekaüei[1], située à 480 milles de la Nouvelle-Zélande.

On a prétendu, rapporte le Dr Parsons, que l'épidémie de 1889 avait pris son origine en Chine lors des grandes inondations.de 1888, mais il est impossible de donner une preuve de ce fait, les pays inondés étant très peu connus.

A propos de cette question si discutée de l'origine de la grippe, le Dr Fiessinger, d'Oyonnax, déclare que dans celte ville la grippe infectieuse a précédé d'un an la venue do l'influenza.

Pour Kelsch et Antony (Archiv. de Méd. milit., 1891), la grippe existe toujours à l'état de petits foyers isolés; ces foyers se ravivant,


- 47 (G) -

donnant naissance à l'influenza. D'après eux, celle maladie endémique est désignée dans l'ancienne nomenclature sous les rubriques de fièvre éphémère, synoque, fièvre muqueuse, fièvre herpétique

Le Professeur Proust (Acad. de Médecine, 19 avril 1902) affirme que l'épidémie de 1889-1890 a présenté des caractères tout à fait semblables à ceux des épidémies précédentes dont on possède l'histoire ; cela résulte des nombreux documents adressés à l'Académie à ce sujet, D'après les relevés faits dans divers pays, notamment par J. Teissier pour la Russie, par P. Roux pour la France et par Parsons pour le monde entier, la grippe serait venue d'Asie en Russie, de là, en Allemagne, puis en Autriche, en France, et, secondairement, dans les pays Scandinaves, la Belgique, la Grande-Bretagne, les rives de la Méditerranée, pour gagner enfin l'Afrique et l'Amérique,

La contagiosité de la grippe, selon l'opinion de Proust, est lo fait qui a lo plus frappé les observateurs. Le transport par l'air ou par l'eau est démenti par l'observation qui a montré la grippe marchant contre le vent et remontant le cours des fleuves; ces mouvements de recul, ces sauts rétrogrades ne trouvent pas leur explication en dehors do la contagion d'homme à homme. On a prétendu, dit encore l'éminent hygiéniste, que



- 48 (G) -

l'épidémie avait été importée par des marchandises venant de Russie; mais il a été établi qu'aucun objet n'était arrivé de Russie, depuis trois ans, dans le magasin qui parait avoir été frappé le premier à Paris.

Lancereaux estime, au contraire, que les courants atmosphériques jouent un rôle des plus importants dans la propagation de la grippe, En outre, il est à noter que c'est habituellement au moment des changements de température, au début des temps froids et sombres, précurseurs de la geléo, que la maladie fait son apparition.

Contrairement à l'opinion de Proust, J. Teissier croit à la propagation de la grippe par l'eau. Au cours de son enquête sur la marche de l'épidémie de 1890, à Saint-Pétersbourg, le savant Professeur de Lyon fut frappé de co fait quo les premiers foyers dûment constatés s'étaient développés au bord de la Neva (quartier de Vasili) et au bord de la Moïka (caserne de la Marine), dans des points où l'eau, presque stagnante, contenait des germes en très grande proportion. A Moscou, c'est sur les rives 'de la Moscova et de la Yazouza que la grippe s'est montrée tout d'abord et a exercé de sérieux ravages. Môme fait à Varsovie, sur les bords de la Vistule, et à Kiev, sur los rives du Dniéper. J. Teissier cite plusieurs autres exemples assez démonstratifs do cette apparition de la grippe le long dés cours d'eau.



- 49 (G) -

Il serait vraiment intéressant do pouvoir fixor exactement la date de l'apparition du premier cas de grippe dans une localité déterminée. Ch. Bouchard, malgré l'insuffisance des documents adressés à l'Académie de Médecine, a pu, néanmoins, grouper et commenter quelques renseignements utiles, Les dates sont comprises presque toutes pour les départements, l'Algérie et la Tunisie, entre le commencement de décembre 1889 et la fin de la première semaine de janvier 1890. A Paris, la grippe lit explosion le 26 novembre 1889, mais, dès le 20 novembre, elle régnait déjà à Saint-Sever, et elle s'était d'ailleurs montrée à Rouen à la fin d'octobre.

D'après le Dr Senut, cité par Ch. Bouchard, la marche de la grippe est complètement indépendante des conditions atmosphériques ; suivant cet observateur, cette marche dans l'armée aurait été vraiment significative. Les corps d'armée du Midi ne furent atteints qu'après ceux du Nord, avec une rapidité proportionnelle à l'importance de leurs relations avec Paris et avec certains chefs-lieux. Le Dr Carlier note que les officiers et les sous-officiers, qui ont plus de facilité pour voyager et surtout pour se rendre à Paris, ont, au commencement de l'épidémie, fourni proportionnellement plus.de malades que les simples soldats.

Le 14.décembre 1889, la grippe aurait été apportée au Mans par un voyageur venant de



- 50 (G) -


Paris. Mais nous aurons à revenir sur ce sujet à propos de la contagion.

Conditions météorologiques

Les opinions sur ce point sont très divergentes. L'ozone en excès qu'on incriminait volontiers autrefois est aujourd'hui bien déchu de son importance. Hayes, dans une expédition au pôle nord, a constaté que, dans les régions polaires, l'ozone est toujours à son maximum et, cependant, les affections bronchiques et pulmonaires y sont presque inconnues. A Paris, la quantité d'ozone est inappréciable et, cependant, la grippe y est fréquente (Hahn). Seitz. n'a pu observer, de 1853 à 1855, à Munich, aucune coïncidence entre la proportion d'ozone et les affections catarrhales (Catarrh und influenza, 1865). Nous avons recherché nous-môme, en collaboration avec le Dr Picou (Congrès international d'hygiène, Paris, 1889), les rapports de l'ozone avec les bactéries de l'air, et nous avons pu démontrer que chaque minimum d|ozone correspondait à un maximum de microbes, si bien qu'il est permis de considérer ces deux facteurs comme fonction l'un de l'autre.

Le Dr Hébert, d'Audierne, cité par Ch. Bouchard, a noté avec grand soin l'état hygrométrique de l'atmosphère, la pression barométrique et la direction des vents pendant toute la durée do l'épidémie de 1889-1890. Les conclusions qu'il tire


- 51 (G) -

de ses observations sont que l'humidité de l'air a une influence fâcheuse, quo les diminutions de la pression barométrique ont coïncidé avec l'aggravation de la grippe, et que celle-ci, dans sa marche extensive, se dirige très bien contre le vent. D'après cet observateur distingué, la grippe à forme catarrhale a régné surtout quand soufflait le vent d'est, et la forme nerveuse s'est montrée en même temps que le vent du sud-ouest.

D'autres signalent le froid et l'humidité, les brouillards, la diminution de l'ozone ; certains,' au contraire, n'attachent aucune importance aux conditions météorologiques,

Le Dr Frilet a vu précisément cesser l'épidémie de Sousse, au moment où commençaient des pluies d'une abondance inusitée. Certains auteurs parlent de bouleversements cosmiques ayant provoqué dans le micro-organisme de la grippé une virulence et une vigueur extraordinaires. On a tour à tour incriminé les dépressions barométriques persistantes, les températures d'une élévation insolite en hiver, l'état hygrométrique de l'air. Certains ont constaté l'influence favorable d'un froid vif, alors que d'autres ont pu accuser, au contraire, la rigueur de là température.

A propos de l'influence des saisons, on a dit que la grippe apparaissait surtout en hiver; mais on l'a observée au printemps, en automne et quelquefois en été.


- 52 (G) -


La souillure do l'eau potable peut-elle, comme pour la fièvre typhoïde, faire éclater l'influenza dans certaines régions? On aurait quelque tendance à admettre cette origine hydrique, car, dans plusieurs quartiers ou même dans quelques maisons de la contrée envahie, l'usage d'une eau potable de bonne qualité aurait conféré l'immunité à de nombreux habitants. On peut se demander si, dans ces cas, l'eau polluée n'aurait pas simplement déterminé dans l'organisme un état de réceptivité spéciale pour l'infection grippale.

L'influence des causes cosmiques reçoit un relief saisissant d'un fait cité par le Dr Duflocq et que nous considérons comme très probant. Il concerne une épidémie d'influenza qui se produisit, le 4 janvier 1890, dans un bourg de la Creuse. Après un orage violent coïncidant avec une chaleur excessive, et alors qu'il n'y avait dans cette localité que deux ouvriers grippés, venant de Paris, cent cinquante personnes furent contaminées dans l'espace de quelques heures.

L'action d'un froid vif nous parait aussi être une cause puissante de dissémination de la grippe. C'est ainsi, notamment, que les choses se sont passées à Toulouse, en janvier 1901; à l'occasion d'un abaissement considérable de la température, de nombreux cas do grippe infectieuse éclatèrent dans cette ville. Il s'agit là, très probablement, lorsque règne une épidémie d'intensité moyenne,


- 53 (G) -

d'une accentuation de la réceptivité chez des individus susceptibles d'être contagionnés,

D'après certains observateurs, c'est lorsque l'air est presque saturé d'humidité qu'on voit surgir les maxima des diverses poussées épidémiques. C'est ce qui s'est vraisemblablement passé dans quelques grandes villes où la grippe naissante coïncida avec une très notable augmentation de l'humidité atmosphérique. Ces faits résultant de recherches et d'enquêtes scrupuleuses, paraissent être en désaccord avec les observations très remarquables de Louis Masson dont nous allons parler, mais ces contradictions seraient plus apparentes que réelles.

L. Masson, ingénieur très distingué, dans un mémoire publié, en 1891, par la Revue d'Hygiène et de Police sanitaire, s'est appliqué à analyser et à étudier, avec le plus grand soin, les caractères spéciaux des phénomènes cosmiques qui sont intervenus dans toutes les manifestations générales de la grippe épidémique. Ces importantes recherches ont été très clairement résumées, par A.-J. Martin, dans un article de la Gazette hebdomadaire de Médecine et de Chirurgie (juin 1891).

De novembre 1889 à février 1890, la mortalité fut exceptionnellement élevée à Paris, frappant surtout les phtisiques, les cardiaques et les individus atteints déjà d'affections cérébrales. L'épidémie se montra particulièrement sévère dans la


- 54 (G) -

première semaine de janvier 1890, décimant surtout les quartiers pauvres. Pendant cette période, le baromètre indiqua une pression tout à fait anormale. Il faut, parait-il, remonter jusqu'en 1757 pour retrouver des chiffres aussi élevés ; le maximum absolu 779m,8 fut atteint le 20 novembre 1889. Par contre, la température s'abaissa parallèlement, sans cependant atteindre une rigueur extrême.

Concernant l'humidité de l'air, le fait remarquable consista dans la petite quantité d'eau tombée pendant la période de l'épidémie ; pourtant, celte humidité fut assez considérable, car l'état hygrométrique resta constamment élevé, dépassant même 0,80 au moment du maximum de l'épidémie.

D'après L. Masson, de juin 1889 à juin 1890, la pluie fut moins abondante à Paris qu'à l'ordinaire; il ne tomba, en effet, pendant ces douze mois^ que 0m,448 d'eau, tandis que la hauteur moyenne est de 0m,567. Pendant la période de l'influenza, on nota comme maximum 0m,0134 dans la quarante-huitième semaine, 0m,0266 dans la cinquantième, et 0m,0l34 dans la quatrième semaine de janvier 1890. Les vents «offrirent rien de particulier.

La radiation, c'est-à-dire le rapport entre les rayons lumineux reçus en un lieu et ceux qui seraient reçus si le ciel était pur de tout nuage, éprouva une baisse notable dès le début de



- 55 (G) -

l'apparilion delà grippe.. Le défaut de lumière solaire «e fit sentir pendant toute la durée do celle période,

Ces renseignements comparatifs se sont retrouvés, avec des caractères presque identiques, dans la plupart des stations météorologiques, et, notamment, dans les capitales des États européens. Les courbes do Vienne pouvaient se superposer à celles qui furent dressées pour Paris ; il en fut à peu près de môme à Berlin, à Bruxelles, etc. En Russie, par contre, sauf l'augmentation de l'humidité, la mortalité s'éleva alors que le baromètre descendait. A Saint-Pétersbourg, à Moscou, à Varsovie, l'épidémie cessa avec la réapparition du froid et le retour des hautes pressions. A quoi attribuer ces différences ? se demande A.-J, Martin, Peut-être à l'endémicité de la grippe déjà signalée et bien prouvée par le Professeur J. Teissier. La grippe, ainsi acclimatée, a pu s'adapter à des manifestations atmosphériques multiples et préparer plus aisément de nouvelles invasions.

En face d'un problème aussi complexe, le Dr A.-J, Martin ne se croit pas autorisé à émettre des conclusions. Comme le savant hygiéniste, on peut tout au moins admettre que les variations, les modifications plus ou moins profondes du temps, sans être capables de provoquer directe- ment les épidémies de grippe, peuvent exercer une influence excitatrice ou autre sur les manifestations de l'affection.



- 56 (G) -

Les graphiques et les cartes dressés par L. Mas- son démontrent que les zones de forte mortalité ont été enserrées en quelque sorte par les élévations de pression et presque toujours, quelle qu'ait été la région, sauf la Russie. A.-J. Martin n'ose formuler aucune conclusion dans une question aussi complexe, Il serait toutefois très disposé, avec Brochin, à accorder aux vicissitudes atmosphériques, ainsi qu'aux brusques variations du temps, une influence excitatrice ou modificatrice sur la marche et les caractères de la grippe,

On connaît, par des expériences répétées de laboratoire, l'influence des agents physiques tels que la lumière, la pression atmosphérique, le froid, la chaleur, etc., sur la virulence des microbes, Il est vraisemblable que les constitutions saisonnières sont régies par les oscillations météorologiques agissant d'une façon variable sur la vitalité des micro-organismes existant dans l'air ou sur quelques-unes de nos muqueuses.

Sans compter, dirons-nous nous-même, qu'il existe encore bien des mystères, au point de vue non seulement atmosphérique, mais tellurique, pour l'explication des constitutions saisonnières. Quelle est l'action des phénomènes électriques, des variations des gaz nouveaux découverts dans l'air atmosphérique, de la lumière, etc.? Que de


- 57 (G) -

surprises, à ces divers points de vue, l'avenir no nous réserve-t-il pas ?

La contagion

La question de la contagiosité de la grippe fut très discutée au début de l'épidémie de 1889. La diffusion rapide de la maladie, l'éclosion presque instantanée de nombreux cas dans une région étendue, la simultanéité de troubles identiques chez tous les habitants d'une môme localité, tout cela, à cette époque, faisait inévitablement songer aux effets d'influences morbigènes d'ordre météorologique. Les anticontagionnistes, comme le fait remarquer le Professeur Bouchard dans son rapport général, furent en majorité. L'éminent observateur avait lui-môme repoussé autrefois la contagion de la grippe; l'épidémie de 1889-1890 modifia de bonne heure son opinion. Comme il le fait remarquer, la marche de la grippe n'excède pas la rapidité des moyens de communication en usage de nos jours chez les humains.

Voici quelques opinions en opposition avec la contagiosité de la maladie, citées par Ch. Bouchard :

Malgré l'observation la plus rigoureuse, le Dp Lhomond, de Sajnt-Lô, n'a pu établir la certitude de la contagion de l'influenza.

Le Dr Garnier, du Mans, a vu

« la grippe atteindre des personnes qui gardaient la chambre



- 58 (G) -
depuis quinze jours et n'avaient eu aucun rapport suspect ».

Il a observé de nombreux cas où la contagion ne s'est pas développée et où, quelques semaines plus tard, le mal s'est produit spontanément. Les habitants d'une propriété, par exemple, étaient tous frappés simultanément; mais le village voisin, en rapports quotidiens avec eux, n'était envahi que quinze jours après.

Le Dr G. André[2], professeur à l'École de Médecine de Toulouse, cité dans le rapport général, déclarait, à cette époque, que la contagion lui paraissait très douteuse.

« C'est une épidémie planétaire, disait-il, et on ne peut s'expliquer l'instantanéité et la généralisation de cette affection qu'en supposant, que notre planète a dû traverser quelque milieu antipathique à notre organisme. »
Mais notre opinion ne tarda pas à se modifier.

En décembre 1889, L. Colin déclarait devant l'Académie de Médecine que l'épidémie naissante n'avait rien à voir avec les communications humaines. Parcourant avec la môme vitesse les mers ou les régions inhabitées, elle était comparable à ce point de vue aux agents physiques tels que la lumière et l'électricité.

Mais il ne faut pas insister sur une illusion qui pouvait s'expliquer dans les premiers jours do cette extraordinaire épidémie. Les faits qui démontrent la contagion sont nombreux et indiscutables.



- 59 (G) -

Brochin (Dict. encyclop. Se. médic.) rappelle qu'une ville d'Islande, jusque-là indemne do grippe, fut atteinte brusquement par la maladie, le lendemain du jour où le percepteur des impôts, qui en était affecté, y fut entré pour opérer des recouvrements. Le Professeur Grasset rapporte que le premier cas de grippe survint à Montpellier, le 9 décembre 1889. Il s'agissait d'un malade arrivé la veille do Paris, où il avait visité les Magasins du Louvre. L'explosion de la maladie à Montpellier eut lieu le 17 décembre; depuis lors, do nombreux cas se produisirent et la propagation s'effectua rapidement, surtout là où existaient de grandes agglomérations, Crédit lyonnais, Lycée, etc. Le début brusque était caractérisé par des frissons et de la céphalalgie ; puis survenaient des douleurs généralisées, de l'angine, des sueurs abondantes, etc. Dans un cas, il se produisit un érythèmo scarlatinifonne. Cela n'était pas sans analogie, déclare Grasset, avec la dengue.

L'éminent Professeur de Montpellier rapporte encore que, dans cette gronde épidémie, aucun cas ne s'était produit à Fronlignan jusqu'au jour où arriva de Paris une personne grippée; celle-ci dîna avec dix autres convives, parmi lesquels cinq contractèrent la maladie {une de ces personnes porta ensuite la grippe dans un village voisin indemne jusque-là.


- 60 (G) -

F. Widal, Barth, Ânlony relatent des épidémies intérieures d'hôpital, survenant après l'admission de malades venus du dehors.

Un passager du paquebot Saint-Germain s'embarque à Santander avec la grippe qu'il a contractée à Madrid, Quatre jours plus tard, le médecin du bord est atteint ; puis la maladie se généralise frappant cent cinquante-quatre passagers sur quatre cent trente-six (Proust).

Par contre, les communautés religieuses, les prisons, les asiles d'aliénés furent souvent respectés. Sur soixante-treize phares anglais, quatre seulement eurent des malades, et le personnel (413 sujets) aurait été complètement épargné, si huit employés n'avaient visité des localités contaminées (Netter).

Lo vaisseau l'Iphigênie, école d'application, arrivant de lu Martinique sans un seul cas de grippe à bord, mouille en rode de Cadix, en janvier 1890. L'influenza sévissait en ce moment dans celte ville. l'Iphigênie cingla vers Barcelone quelques jours après. En arrivant dans cette dernière ville, un matelot était déjà mort do l'influenza. Vers le 20 janvier, en entrant au port de Toulon, le nombre des malades était devenu si considérable que l'équipage dut être licencié,

Dans le rapport sur lu grippe de la Seine-Inférieure, rédigé par le Dr Brunon, d'après les réponses fournies par soixante-quinze médecins de ce


- 61 (G) -

département à un questionnaire uniforme, le Professeur Bouchard relève que, sur ce nombre, cinquante-huit affirmaient la contagion, huit seulement la niaient, neuf restaient dans le doute.

Le Dr Hébert, après avoir signalé des faits favorables à la contagion, a vu pourtant, dans deux villages, un cas isolé se produire sans qu'aucun autre habitant ait été atteint ultérieurement. Le mémo praticien cite encore un fait plus significatif, recueilli dans le rapport général. Il s'agit d'un petit foyer épidémique chez les trois personnes logées dans le sémaphore de Raz-de-Sein, sur une langue de terrain granitique, à deux kilomètres de toute habitation. L'eau que buvaient ces trois personnes était une eau do citerne très pure. Ne peut-on pas incriminer ici certains objets contaminés venus du dehors on no sait comment, ou môme les germes voyageant dans l'air, certaines poussières, etc.? Un colis déballé et arrivant d'un pays où règne la grippe peut fort bien être le point de départ d'une épidémie de maison. C'est de la sorte que, sur le vaisseau-école la Bretagne, la maladie put se propager en quelques jours, frappant vingt à quarante-cinq hommes par jour, le voisseau en cou tenant huit cent cinquante (Danguy des Déserts), Or, la grippe avait été apportée le 16 décembre par un des officiers du bord qui, lui-même, deux jours


- 62 (G) -

auparavant, avait été atteint, après avoir déballé deux caisses qui lui avaient été adressées par une Maison de Paris. C'est là un bel exemple de contagion médiale, comparable à celui d'un distingué, confrère qui contracta la grippe, un jour ou deux après avoir reçu des lettres arrivant d'une ville contaminée.

Ch. Bouchard avait repoussé autrefois la contagion de la grippe,

« L'observation do l'épidémie de 1889-1890, déclare-t-il, a modifié notre opinion, et les raisons que nous avions tenues pour bonnes jusqu'alors nous paraissent moins solides aujourd'hui. »

Comment expliquer, en effet, en dehors de la contagion, que lu grippe naissant à Saint-Pétersbourg se soit manifestée à Paris en si peu de temps, en respectant tout d'abord les points intermédiaires ? Ch. Bouchard fait observer très justement que l'apparition soudaine d'un grand nombre de cas, dans un pays, peut s'expliquer par la très courte durée de l'incubation de la grippe, qui serait de quarante-huit heures seulement. C'est ainsi que, huit jours après l'arrivée d'un premier grippé dans une grande ville, soixante-dix-huit mille personnes environ peuvent avoir contracté la maladie par contagion. A l'appui de ce raisonnement, on peut invoquer l'opinion de Netter qui affirme que, dès le début de l'influenza, avant lu disparition du catarrhe, le sujet contaminé est susceptible de


- 63 (G) -

transmettre l'infection et qu'il conserve ce pouvoir au cours de la convalescence.

Un autre argument péremptoire vient à l'appui de là théorie de la contagion : c'est la proportion très faible des cas dan.s les prisons et les asiles d'aliénés (Talamon),

Sur les quatre cents gardiens qui habitent les bateaux-phares ou les phares fixes échelonnés sur les côtes de la Grande-Bretagne, huit seulement ont été atteints par l'influenza. (Rapport adressé au Local Governemcnt Board.)

Dans le rapport du Dr Brunon, nous voyons que le Dr Roullet, à Rouen, a relaté le cas d'un homme habitant une maison isolée au milieu d'une forêt et qui ne fut atteint de la grippe qu'après avoir reçu chez lui sa fille, domestique en service à la ville, qui lui revenait avec cette maladie.

Sur les neuf cents pensionnaires de la prison do Rouen, il y eut seulement quelques cas, et un seul prisonnier dut être mis à l'infirmerie, Mais s'agissait-il d'un cas de vraie grippe? car, s'il en était autrement, il y aurait là un argument en faveur des non-conlugionnistes. Même objection pour le foit cité par le Dr Gondouin, d'Argentan, Ce praticien distingué affirme que les Bénédictines cloîtrées n'eurent que deux cas de grippe sur cinquante religieuses; quant à l'orphelinat, qui était sans aucune relation avec l'extérieur, il n'eut pus une seule malade,


- 64 (G) -

La contagion est donc réelle, irrécusable, et, sur cette question, le débat est aujourd'hui définitivement clos, Il n'en est pas moins bien établi, par des faits incontestés, que le rôle de cette contagion est loin d'être toujours apparent, surtout quand on envisage la marche générale d'une épidémie grippale. L. Colin, qui paraît avoir sur ce. point une opinion éclectique, fait observer avec raison (Encyclopédie d'Hygiène) que la rapidité de cette marche surpasse étrangement les moyens usuels de communication. En effet, des régions très vastes et très éloignées ont subi simultanément, en 1889, l'atteinte du fléau. La grippe a franchi l'Océan avec une rapidité déconcertante, sans l'aide des navires. Qu'une région soit très peu habitée ou qu'elle possède une population très dense, la maladie marche avec la môme vitesse. L. Colin parle de bâtiments atteints en pleine mer ou en rade, sans communication avec la terre ferme; c'est ainsi que les choses se se- raient passées à bord des Hottes anglaise et belge pendant l'épidémie de 1780.

Ce serait donc l'atmosphère qui engendrerait les épidémies d'influenza. L. Colin no voit, comme agent pathogène, autour de l'homme, que l'atmosphère qui, par sa mobilité, par son action générale, puisse correspondre aux allures des épidémies grippales, Quant à savoir comment s'exerce cette action, il est impossible,



- 65 (G) -

dans l'état actuel de la science, de pénétrer ce mystère.

La grippe est-elle transmissible de l'homme à l'animal ? Les faits rapportés par le Dr Aug. 01llvier tendent à admettre cette opinion. Il s'agit d'un chat qui avait avalé des morceaux de viande déjà mâchés par une malade fortement grippée. Trois ou quatre jours après, l'animal mourait après avoir présenté des phénomènes significatifs : toux, jetage, anhélation, amaigrissement notable.

En 1868, nu cours d'une épidémie de grippe, un chat malade se réfugia dans une famille où vivaient déjà cinq chats bien portants et mangeant lu môme pâtée. Au bout de six jours, le nouveuu venu succomba.

L'autopsie, pratiquée par Aug. Ollivier, révéla les lésions que l'on rencontre chez les sujets ayant succombé à la grippe et notamment des noyaux de pneumonie massive. Les cinq chats de la maison furent successivement pris de grippe et quatre moururent. L'autopsie donna les mêmes résultats.

Le Dr Czokor présenta, en 1890, à lu Société des Médecins de Vienne, les poumons d'un cheval mort de pneumonie infectieuse d'origine grippale, Il existait de nombreux noyaux mortifiés ayant laissé à leur place, en s'éliminant, de véritables cavernes. C'est le streptocoque qui fut rencontré dans-ce cas,


- 66 (G) -

La grippe se présenterait sous deux formes chez le cheval : l'une étant l'influenza ordinaire, l'autre portant le nom de pneumonie infectieuse.

En 1872, une grande épidémie d'infuenza aurait sévi sur tous les chevaux de l'Amérique du Nord, sans atteindre les hommes. Netter fait remarquer que la grippe coïncide quelquefois avec des épizooties. En 1693, elle fut précédée d'une affection des chevaux caractérisée surtout par du coryza; il en fut de même en 1732, en 1767, en 1775, etc. L'identité do celle affection chevaline avec l'influenza a été très discutée par les vétérinaires. Dans l'épidémie de 1889-1890, la grippe n'a pas été signalée chez les chevaux. D'autre part, il y a eu des épizooties d'influenza sans épidémie simultanée do grippe,

Morbidité

La diffusion de la grippe est dos plus remarquables ; peu de personnes sont réfraclaires, aussi la morbidité est-elle considérable. Les rapporteurs cités par Ch. Bouchard sont tous unanimes sur co point; les populations sont atteintes dans la proportion de 40 à 80 % et quelquefois davantage. Les chiffres varient d'ailleurs suivant les groupements spéciaux d'individus, comme cela résulte des documents importants contenus dans le rapport général fuilà l'Académie de Médecine en 1890. Les employés de chemins


- 67 (G) -

de fer sont, à ce point do vue, très intéressants, en raison do leur contact avec un plus grand nombre de personnes. Parmi les employés de l'exploitation, dans un certain parcours du chemin do fer de l'Ouest, le Dr Gondouin a relevé une morbidité de 48%; tandis quo, parmi les employés do la traction (chauffeurs, mécaniciens, etc.), il n'y eut quo 38 % do grippés, ces derniers n'ayant pas do rapports avec les voyageurs, Quant aux employés de la voie, la morbidité atteignit à peine 9 %.

Los hommes vivant on plein air, les travailleurs des champs notamment, fournissent moins de prise à la maladie ; il en serait de môme pour les soldats entraînés aux marches, contrairement à ceux qui restent dans los chambrées (Aubert). Les employés d'octroi seraient plus exposés que les collégiens, par exemple (Brunon), Le Dr Carlier note que les officiers et les sous-officiers, qui ont plus de facilités pour voyager, fournissent proportionnellement plus de malades quo les simples soldats. L'influence de l'âge n'est pas douteuse ; les enfants et les vieillards jouissent d'une immunité relative ; mais chez ces derniers, par contre, les manifestations sont ordinairement très graves. L'inlluenza serait très rare au-dessous d'un an.

Dans les asiles d'aliénés, le personnel serait atteint dans de plus grandes proportions que les


- 68 (G) -

pensionnaires. Le sexe masculin fournit un contingent supérieur à celui du sexe féminin. Les maladies chroniques constituent des causes pré-disposantes.

Nous avons déjà dit que, d'après Graves, la grippe ne compliquait jamais une maladie aiguë en voie d'évolution, mais l'immunité disparaîtrait au moment de la convalescence,

On a parlé de maladies antagonistes : la scarlatine, la variole, la fièvre intermittente feraient partie de c egroupe.Cette étude demande à être reprise.

Il ne paraît pas exister, quoi qu'on ait dit, d'affinité entre la grippe et le choléra ; les deux maladies ont une marche et une étiologio toutes différentes.

Dans l'épidémie do 1880-1890, les récidives ont été notées dans 1/7° des cas. Certains sujets sont atteints doux ou trois fois; mais la première atteinte serait la plus sérieuse.

La plupart des médecins sont d'accord sur le pouvoir qu'a la grippe de réveiller toutes les tares organiques (néphrite, dyspepsie, cardiopathie, lithiase biliaire, tuberculose locale, etc.).

L'influenza s'abat tout particulièrement sur les phtisiques, et, en temps d'épidémie, augmento notablement leur mortalité.

Les épidémies pourraient-elles subir aussi une sorte do réveil? Ce point nous parait bien difficile à établir; il faut, en effet, compter avec la



- 69 (G) -


grippe nostras ou endémique dont l'existence a été mise en relief par d'assez nombreux auteurs et notamment par le Dr Fiessinger.


Voir aussi

Notes
  1. L'ïle Chatham est bien située à 380 miles à l'est de la Nouvelle-Zélande. En maori cette ile est appelée Wharekauri
  2. Auteur de ce document et ici en auto citation.