La grippe ou influenza (1908) André/Bactériologie

De Wicri Santé

Bactériologie et Anatomie pathologique


 
 

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Chapitre
Bactériologie et Anatomie pathologique
Auteur
Gustave André
Extrait de
La grippe ou influenza (1908)
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Épidémie de 1889-1890
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Lésions anatomo-pathologiques

Cette page introduit un chapitre de l'ouvrage La grippe ou influenza, rédigé en 1908 par Gustave André.

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Bactériologie et Anatomie pathologique


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Les microbes de la grippe

Nous passerons tout d'abord en revue les diverses recherches bactériologiques tentées par un premier groupe d'expérimentateurs ; cette énumération présente actuellement un intérêt véritable, car la notion d'un micro-organisme unique ou prépondérant perd aujourd'hui du terrain, comme on a pu le pressentir au début de ce travail. Cela résulte notamment des recherches délicates entreprises récemment dans le laboratoire du Professeur Cornil, par le Dr F. Bezançon et son interne Israëls de Jongh. Un fait capital a frappé ces deux savants : c'est, dans les circonstances où ils se trouvaient en ce moment, l'extrême rareté des cas où on rencontrait une seule espèce et le fait presque constant d'associations microbiennes. Le rôle de ces divers microbes serait d'ailleurs secondaire et, pas plus que celui de Pfeiffer, ils ne mériteraient un brevet de spécificité (Soc. médic. des Hop., mars 1908).


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Déjà, en 1883, Seifert, de Wurtzbourg, avait retrouvé, dans le mucus nasal et bronchique de malades atteints de grippe, des microcoques isolés, mais le plus souvent groupés deux à deux, parfois associés en chaînettes et mesurant de 1,5 à 2𝜇 de longueur et 1𝜇 d'épaisseur. Ces organismes étaient colorés par le violet de méthyle.

En décembre 1889, Adolph Jolles, de Vienne, rencontra dans les crachats de grippés des microcoques encapsulés ressemblant beaucoup au diplocoque pneumonique de Friedlander. Ce même micro-organisme encapsulé fut retrouvé dans les urines de ces malades. Des cultures sur plaques, servant à inoculer des tubes de gélatine, permirent d'obtenir des colonies en forme de clou, comme celle que décrit Friedlander ; mais la partie saillante de la tête du clou était moins brillante et plus granuleuse. Il existerait encore quelques différences entre les cultures du diplocoque de Friedlander et celles de Jolles. L'eau de l'aqueduc de Vienne recelait cet organisme en assez grande quantité.

En 1890, Klebs, de Zurich, décrivit les hématozoaires de l'influenza. Il ne s'agissait pas de bacilles, mais d'organismes plus relevés, le Rhyzomastigma, de la famille des monades. Autour des globules rouges, on pouvait voir, au microscope, de petits corps doués do mouvements rapides, très brillants, et qui, par leurs dimensions,


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leur forme et leur mouvement, rappelaient ceux décrits précédemment par lui dans l'anémie pernicieuse vraie. Ces organismes seraient des flagellés, c'est-à-dire des protozoaires munis d'un filament. Il faut bien dire que l'existence de cet hématozoaire fut tout aussitôt révoquée en doute.

Kirchner, de Berlin, aurait rencontré, dans les sécrétions bronchiques de trente malades, une diplobactérie, d'apparence encapsulée, dont le rôle pathogène serait réel, comme l'inoculation chez le lapin semblait le démontrer.

Il faut citer encore les recherches de Finkler et de Ribbert qui attribuent les troubles de la grippe aux toxines d'un streptocoque possédant complètement les attributs du streptocoque de l'érysipèle.

Wetchsolbaum a rencontré dans les crachats de dix-huit malades un diplocoque encapsulé ressemblant beaucoup à celui de Talamon-Framkel, tant sous le microscope que dans les cultures. Pourtant, cet organisme serait loin d'avoir la virulence du pneumocoque. On aurait retrouvé ce diplocoque dans l'urine provenant d'une néphrite grippale, dans le pus d'une sinusite et dans plusieurs otites,

Le Professeur Arloing a mis en évidence, par les cultures de parcelles de crachats de deux malades atteints de grippe, des cocci très fins qui,


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inoculés au cobaye, ont provoqué une inflammation pleurale.

Citons pour mémoire le travail de Fischel qui rencontra deux espèces de diplocoques se développant sur la gélatine.

Vaillard et Vincent (Soc. méd. des Hôp., 1890), pratiquant l'examen des viscères, du sang, etc., aussitôt que possible après la mort, des crachats et des épanchements pleuraux pendant la vie, croient avoir démontré, sans exception, la présence d'un streptocoque toujours identique à lui-même et bien spécifié au point de vue morphologique. Les deux savants se demandent, sans oser l'affirmer, si cet organisme est bien la cause unique de la grippe. Netter, à la même époque, put déceler la présence, dans certains cas, du pneumocoque associé au streptococcus pyogènes, dans d'autres du bacille de Friedlander à l'état de culture pure. Ces microbes, déclare-t-il, ne peuvent être considérés comme les agents pathogènes de la grippe;

« le pneumocoque et le streptocoque se rencontrent normalement dans la bouche de sujets sains, ils acquièrent sans doute, au cours de la grippe une virulence toute spéciale et engendrent des infections secondaires ».

La bactérie que Babès, de Bucarest, a rencontré dans quelques cas de bronchite grippale, a été désignée par ce savant sous le nom de bactérie du mucus, Mais, dans le plus grand nombre


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de cas, c'est encore du pneumocoque qu'il s'agissait.

Le Professeur Ch. Bouchard (Acad. de Môdi, 1890) a rencontré trois microbes pathogènes, deux de trop, dit-il lui-même. Il s'agit encore d'habitants naturels de nos cavités et qui, sous l'influence de la grippe, ont pu, selon son opinion, franchir les barrières qui, d'ordinaire, les empêchent de pénétrer dans nos tissus ou dans le sang. L'éminent observateur a trouvé, dans les affections secondaires suscitées par la grippe, le staphylocoque pyogène (herpès labial), le pneumocoque dans certaines pneumonies et dans quelques otites, le streptocoque surtout dans le pus bronchique, dans les crachats pneumoniques, dans le liquide des pleurésies suppurées, dans la méningite, dans certaines arthrites et dans les amygdalites de la grippe. Ce streptocoque, injecté dans le tissu cellulaire de l'oreille du lapin, produit un érysipèle manifeste avec suppuration, Ce fait, qui met en relief l'érysipèle parmi les complications de la grippe, fait comprendre l'existence simultanée assez fréquente des épidémies de grippe et d'érysipèle.

Les pneumonies dites grippales seraient, d'après Ch. Bouchard, des pneumonies vulgaires et non des pneumonies spécifiques. Cela parait certain ; néanmoins, comme l'a fait remarquer Nolhnagel, la grippe et la pneumonie sont deux maladies



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microbiennes distinctes, mais qui voyagent fréquemment de compagnie, parce que l'une prépare les voies de l'autre. D'ailleurs, Ch. Bouchard paraît accepter d'une certaine façon cette opinion, car il ajoute : "c'est la pneumonie dans la grippe". Elle se produit, d'après lui, parce que, sous l'action de la grippe, la phagocytose est entravée et que les défenses de l'organisme sont amoindries. Ces pneumonies vulgaires n'en seraient pas moins contagieuses, en raison de l'augmentation croissante de la virulence du pneumocoque.

Cette opinion éclectique et sage de Ch. Bouchard a été récemment mise on valeur dans la discussion soulevée à la Société médicale des Hôpitaux (mars 1903).

En résumé, jusqu'à ce moment, nous ne voyons point surgir le microbe propre de la grippe. Comme le dit excellemment Netter, on trouvait, d'après ces recherches, une explication satisfaisante des complications de la grippe ; on n'avait pas trouvé le microbe spécifique. Mais la grippe, après tout, est-elle nécessairement liée à un agent spécifique?

En 1891, le Professeur Teissier entreprit des recherches bactériologiques, en collaboration avec les Drs Roux et Pittion. Ces expérimentateurs auraient rencontré dans le sang et les urines des grippés un diplo-bacille encapsulé, se reproduisant très nettement par sporulation, dans



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la ligne de slrio, un léger glacis un peu humide.

Si, pendant la période d'acmé fébrile, on ense- mence dans du bouillon une goutte de sang re- cueillie aseptiquement à l'extrémité d'un doigt, on peut constater, après trente-six à soixante heures,des éléments en chatnettes rappelant l'as- pect extérieur des streptocoques. Il s'agirait, d'ailleurs, plutôt de strepto-bacilles que de vérita- bles streptocoques. (Leçons du Professeur Tei« sier, recueillies par le Dr Frenkel.)

L'inoculation des cultures de ce micro-orga- nisme, chez plus de tienle animaux, a donné lieu à des symptômes toujours identiques : élévation brusque de la température dès les premières heures, vertiges, parésics des membres, quelquefois diarrhée Intense, Après une évolution moyenne de neuf à quinze jours, la mort surve- nait avec des accidents de néphrite infectieuse, amaigrissement progressif, cl, lo plus souvent, convulsions. Ce serait bien là, d'après Teissier, une grippe expérimentale,

Le bacille de Pfeiffer

C'est en janvier 1892 que Pfeiffcr découvrit un bâtonnet fin et court qu'il considéra comme le microbe spécifique do la grippe, De nombreux observatcurs, entre autres Canon, Klein, Wclchsclbaum, Chlarl, Prlr forain, Borchardt, Huber, Piclickc, Voges, Kitasato, Pfuhl, etc., confirmèrent cette découverte.


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Henri Meunier, en France, quelques années plus tard, en 1897, isola ce bacille dans le suc pulmo- naire extrait du foyer pneumoniquo chez des en- fants, et en donna une description qui peut servir do modèle. H. Meunier est convaincu quo lo mi- crobe do Pfeiffer, au moins à une certaine époque de la maladie, commande l'infection pulmonaire. Ce microbe se présente sous la forme de bâton- nets très fins, très courts, et qui, par leur aspect, méritent le nom de cocco-bacilles. Ce bâtonnet, arrondi à ses extrémités, et dont lu largeur égale presque la longueur, est d'une petitesso extraor- dinaire ; il se colore difficilement par les couleurs basiques d'aniline, fort bien par le liquide do' îîiclh étendu, et se décolore par le Qram. On l'a trouvé dans lo muco-pus bronchique, la salive, le suc pulmonaire, d'abord à l'état libre et formant de véritables amas, plus tard dans l'intérieur des éléments cellulaires. Se cultivant lentement à 37° sur du sang de pigeon ou de lapin, le bacille de l'influenza ne pousse pas sur les milieux ordi- naires, tels que: bouillon, gélose, gélatine, sérum, pomme do terre ; par contre, il peut être cultivé pendant de nombreuses générations sur l'agar nutritive additionnée d'une goutte de sang d'homme, de lapin cl surtout de pigeon, H forme, dans ces dernières conditions, des colonies très


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petites, très fines, presque invisibles à l'oeil nu, transparentes, arrondies, sans confluence et cons- tituées par de petits bâtonnets dont le centre est moins coloré que les extrémités. Des passages successifs sur du sang de pigeon aboutissent à la production de colonies plus volumineuses. '

D'après la description de H. Meunier, lo cocco- bacillo do Pfeiffer est rigoureusement aérobic, présentant dans les cultures vieilles un polymor- phisme très caractérisé, sous forme de filaments allongés et enchevêtrés ; il vieillit vite et no repi- que plus au bout do très peu do temps. Ce microbe est inoffensif pour les espèces animales outres quo les singes, à moins qu'on n'injecte dons les veines des doses massives de cultures vivantes ou stérili- séos ; les animaux meurent alors par loxômie. Les cultures pures donnent des résultats inconstants, variables, et sont, en général, bien tolérées quand on inocule des cultures ayant quelques jours.

M. Martin (Société do Biologie, 1900), après ino- culation du bacille de Pfeiffer dans Je liquide cé- phalo-rachidien, a vu les animaux succomber; on retrouve co micro-organisme au niveau des mé- ninges, dos ventricules, etc. Par contre, inoculé sous la peau, ce bacille ne détermine jamais la mort chez le lapin.

Slalinéuno, en 1901, mctlant à profit la pro- priété chimiotaxiqUe négative de l'acide lactique pour exalter la virulence du cocco-bacille, a pu


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déterminer chez les animaux un état septicé- mique qui provoque la mort entre six et vingt- quatre heures. Les symptômes principaux consis- lent en une péritonilesuraiguc et une hypothermie qui parait plutôt d'ordre toxique, car on ne peut retrouver le microbe ni dans le sang, ni dans les organes. Les animaux qui résistent pendant quel- que temps à l'infection provoquée succombent au bout de quelques jours, minés par une cachexie profonde qui se Iraduit surtout par une perte considérable de poids.

Le bacille de la grippe, qu'on rencontre surtout dans la salive, les crachais el dans le suc pulmo- naire (Meunier), a été retrouvé dans des tissus divers, dans les séreuses, notamment par Letze- ricli, par Meunier dans un épanehement séro- fibrineux, par Pfeiffer dans certaines collections purulentes peu abondantes de la plèvre. Sa pré- sence a été constatée dans le système nerveux central chez des grippés ayant présenté des phé- nomènes nerveux graves, tels quo symptômes de méningite cérébro-spinale (Pfuhl et Walter), dans le pus d'une méningite avec abcès épidural (llacdke).

Chez trois enfants âgés respectivement de vingt mois, seize mois et six ans, atteints l'un de pleurésie, l'outre de méningite, lo troisième d'ostéo-pértostite éplphysolre du fémur, H. Meu- nier (Suclélé de Biologie, 1900) n constaté nette-


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ment l'existence du cocco-bacille de Pfeiffer, et a pu, après ensemencement, obtenir des cultures abondantes de cette bactérie.

L'infiuenza-bacillus, admirablement étudié par H. Meunier, comme nous venons de le voir, est, en résumé, une bactérie extrêmement petite, la plus petite des espèces connues et n'ayant d'ana- logue, comme dimension, que le microbe de la septicémie de la souris. H ressemble étonnam- ment au pneumocoque et se présente souvent sous forme d'amas enchevêtrés.

Pour compléter l'étude de ce micro-organisme, nous ajouterons que, dans les cultures à milieux liquides, il revêt des formes allongées ; quelque- fois, ce sont de véritables filaments longs et ténus, sinueux. Sur milieux liquides, c'est le type bâtonnet qui prédomine. 11 n'a pas de mobilité propre.

Comme Pfeiffer, H. Meunier a reconnu que cette bactérie exigeait, pour se développer in vitro, l'adjonction de sang à un milieu nutritif ordinaire. Il est Indispensable, pour constater la présence du cocco-bacillo dans les cultures, d'avoir recours à lu loupe ou môme au microscope. Les colonies n'ont aucune tendance à la confluence, au fusionnement. A lu surface de la gelée san- glante regardée par transparence, on aperçoit un semis extrêmement fin de gouttelettes punetl- formes, rondes, jamais continentes, absolument


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ransparentes. A ces caractères, H. Meunierajoute les suivantes : les colonies apparaissent, au mi- croscope, sous forme de perles lumineuses ar- rondies, avec parfois une auréole rougcàtre. Il faut quelquefois trois jours pour que les cul- tures atteignent le développement définitif.

H. Meunier n'a pu déceler des propriétés ag- glutinantes nu sérum de malades ou d'animaux atteints d'infections graves relevant du cocco- bacille.

Au point de vue de l'action pathogène sur les animaux, d'après le savant observateur, le cocco- bacillc s'est montré inoffensif pour la grenouille, le pigeon, la souris, le cobaye et le chien ; il est pathogène pour le lapin, chez qui il détermine de l'hyperthermie, do l'anorexie et de rabatte- ment,

Jehle aurait rencontré le bacille de l'influenza dans deux eus d'endocardite, au niveau des val- vules aorliques. Dans un cas, il s'agissait d'une culture pure; dans l'autre, d'une coexistonce avec le staphylocoque, D'après ces recherches, le coeco-bacille peut se propager, non seulement par les voles lymphatiques, mais encore par les vaisseaux sanguins.

Canon affirmait, avec l'approbation de Koch, avoir trouvé, dans le sang des grippés, un petit bâtonnet identique ou coeco-bacille de Pfeiffer, mais ce dernier rejette formellement cette assor-


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tion et assure n'avoir jamais vu ni cultivé son microbe dans le sang. La question reste, en somme, douteuse, car des observateurs éminents sont arrivés à des résultats qui semblent donner raison aux recherches de Canon; Bruschettini, Borchardt et Klein notamment, ont trouvé ce ba- cille, en quantités variables, dans le sang des grippés. Chantemesse et Cornil ont confirmé aussi les conclusions de Canon. H. Meunier, dans ces derniers temps, a pu isoler, dans quatre cas, le coeco-bacille du sang de la veine et en a reconnu positivement les caractères. Il s'agissait peut-être du passage du microbe dans le torrent circula- toire, sans séjour proprement dit, et c'est par hasard que, dans des circonstances données, on peut en recueillir un petit nombre ; c'cst d'aillcurs ainsi que se comportent le pneumocoque et le streptocoque.

De tout ce qui précède, il nous parait résulter que l'organisme de Pfeiffer représente peut-être l'agent spécifique de la grippe dans certaines épidémies. Mais ce microbe ne pourrait-il pas se rencontrer dans d'aulres affections? Ne pourrait-il pas exister normalement dans la cavité bucco- pharyngée, comme le pneumocoque, par exemple, en contractant parfois une extrême virulence? Celle idée n'aurait rien que d'acceptable, si le pseudo bacille, que Pfeiffer a rencontré dans des bronchites banoles, n'était autre en réalité que lo


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vrai dont il diffère très peu, parait-il. On s'expli- querait ainsi les variations nombreuses, au point de vue dos symptômes et de la gravité des épidé- mies grippales, et il serait possible de relier à ces dernières les affections catarrhales saisonnières qui ont existé de tout temps.

Il y a lieu d'envisager très sérieusement la question des infections secondaires qui, dans la grippe, jouent, nous le savons déjà, un rôle si im- portant. Le Dr Rosenthal, dans une thèse intéres- sante (Paris, 1900), se basant sur les recherches du ProfesseurGrancher et sur l'inoculation du coeco- bacille hémophile de Pfeiffer, ne croit pas à l'exis- tence d'un agent spécifique, 11 n'est pas, parait-il» de caractère clinique qui permette de prévoir la présence ou l'absence do ce microbe. Dans cer- tains cas de grippe typique, on n'a pu le déceler; on l'a rencontré, en revanche, dans des cas où l'origine grippale ne saurait être soutenue. Le coeco-bacille hémophile fait partie do la flore ordinaire des affections respiratoires. En inocu- lant à des lupins un mélnngo de bacilles de Pfeiffer et de staphylocoques, on provoque de la congestion pulmonaire, Dans quatre cas où man- quait le rocco-bacille, deux étaient d'une fnçon indéniable des cas de grippe; dans un autre cas do congestion pulmonaire, on rencontra le coeco- bacille associé à l'entérocoquo. En Allemagne, on objecte que ces résultats variables tiennent à ce


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que l'examen bactériologique est pratiqué à di- vers jours de la maladie. Il y aurait peut-être lieu d'invoquer la doctrine du satellitisme des cultu- res et les principes de l'inoculation mixte.

D'ailleurs, d'après Rosenthal, le coeco-bacille no disparaîtrait pas au cours de l'évolution de la maladie, F. Bczançon et de Jongh, poursuivant les travaux dont nous avons déjà parlé, en com- parant des préparations faites en 1898-1899, et qui fourmillaient de cocco-bacillcs de Pfeiffer, avec d'autres lames plus récentes, ont pu conclure au peu d'importance de co bacille dans l'épidémie de 1904-1005. La culture des crachats faite sur sang gélose a confirmé nettement cette opinion ; il existait un véritable contraste entre cette pénu- rie du bacille de Pfeiffer et sa constance pendant l'hiver de 1898-1899. Presque toujours, il s'agissait d'nssocinttons microbiennes. Ces auteurs signa- lent d'abord le pneumocoque, souvent prédomi- nant, le pneumo-bacille, un diplo-streptocoque ana- logue à Yentèrocoque, des bacilles pseudo-diphtéri- ques, et surtout deux espèces microbiennes à coractères spécioux.

Lu première espèce est un diplocoque ayant do grandes ressemblances avec lo gonocoque, rappe* lunt parfois dans les crachats une préparation de pus blennorragique; c'est un microbe aérobie, se développant à 22°, donnant sur gélose des co- lonies épaisses, blanchâtres, arrondies, entourées


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d'une collerette irrégulière et translucide, d'as- pcct moiré à l'examen à la loupe. Co microbe ne semble pas pathogène pour la souris et le cobaye. 11 s'agit de diplocôques non encapsulés en sérum de lapin, en grains de café, habituellement apla- tis dans le sens longitudinal, fréquemment en amas, rarement on tétrades, plus souvent en ré- seaux, comme le staphylocoque, et se décolorant toujours nettement par la méthode de Gram. Co microbe rentre dans le groupement encore mal délimité du micrococcus catarrhalis étudié par Bernhoim, Ghon et Pfeiffer et rencontré par eux dans les affections dites grippales des voies res- piratoires (Bullct. Soc. médic. Ilôpit., Paris, 1903). La deuxième espèce est formée par des diplo- côques à contours mal délimités, semblant unis les uns aux autres par une masse glaireuse, comme dans une zoqglée, fond sur lequel se dé- tachent de très gros cocci groupés en tétrades, Les caractères de culturo de ce microbe sont à peu près ceux du micrococcus sopticus ordi- naire i colonies d'un blanc éclatant, arrondies, crémeuses sur milieu solide. Ce microbe, non pathogène pour les animaux do laboratoire, trouve difficilement sa place exacte dans la clas- sification bactériologique. Bosc et Galuvielle ont isolé d'un cas mortel de gangrène pulmonaire un tétragône en zooglées ; co microbe pourrait être désigné provisoirement, d'après F, Bezançon et


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de Jongh, sous lo nom do paratétragènc zoogléique. On le retrouve dans certains cas d'angine pulta- cée, d'endocardite, do gangrène pulmonaire; il a été observé aussi dans le liquide céphalo-rachi- dien d'un malade atteint de paraplégie consécu- tive à une infection pulmonaire,

Ha déjà été question de microbes d'infections se- condaires (pneumocoque, streptocoque, pneumo- bacille, staphylocoques), signalés par Ch. Bou- chard, Netter, Leyden, Vaillard et Vincent, Weichselbaum, Babès, Chantemesse et Widal, Hanot, Ménétrier, Jaccoud, etc. Ce sont surtout le streptocoque et le pneumocoque qu'on ren- contre le plus fréquemment dans ces infections.

Il y a quelques années, rapporte le Dr Ray- mond Bernard (Bullet. Soc. méd. Hôpit., Pa- ris, 1905), on trouva pendant plusieurs mois du tétragène partout, surtout dans les angines bana- les, mais aussi dans des infections septicémiques graves ; puis ce micro-organisme disparut. Cette apparence de caprice, ajoutc-t-il, chez les bacté- ries pathogènes, est le fait de leurs exigences biologiques.

Le streptocoque est, d'après Hanot (Bullet. Soc. méd.JIôpit., 1893), le véritable familier du microbe spécifique de lu grippe. A l'aide de ce dernier, il peut acquérir une virulence extraordinaire, tantôt réalisant pour son compte l'infection gé- nérale ou septicémie streptococcique, tantôt


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créant des infections locales pleurales, pulmo- naires, méningées, etc., tantôt enfin jouant le simple rôle d'agent pyogène. Dans bien des cas, ajoute-t-il, il se substitue au microbe spécifique et commande seul à la fois la symplomatologie et le pronostic de l'affection.

Lo Dr Achalme (Thèse Paris, 1892) avait déjà mis en lumière, en ce qui concerne le streptoco- que, l'importance du processus des associations microbiennes. Le Professeur Bouchard, lui aussi, avait déjà, plusieurs mois auparavant, mis en re- lief cette symbiose créant des complications se- condaires variées, troubles surajoutés dus aux microbes les plus différents auxquels celui de la grippe ouvre la porte et donne passagèrement une exaltation spéciale. Achalme a rencontré, pendant l'épidémie de 1889-1890, le bacille que Kirchner considérait comme le véritable agent pathogène de la grippe; plus tard, il ne l'a plus constaté dans ses ensemencements, et sa fragi- lité vitale l'a empêché de l'expérimenter sur les animaux. Le Professeur Roger avait déjà démon- tré que le banal bacillus prodigiosus, injecté à un animal, en même temps qu'un streptocoque atté- nué, déterminait une septicémie streptococcique mortelle. Une observation de Hanot, au point de vue du rôle du streptocoque dans les complica- tions grippales, est très significative ; il s'agissait d'une grippe à forme typhoïde avec détermina-


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tions articulaires et pôri-arliculaires (pseudo-rhu- matismo généralisé), puis de suppuration de l'articulation scapulo-humérale, avec irruption ultérieure do pus dans les gaines musculaires avoisinantes, enfin, d'un vasle abcès de la région sacrée. Laveran avait, lui aussi, à cette époque, signalé des suppurations très rapides et très gra- ves dues à une infection secondaire par le strep- tocoque.

L'opinion de Finkler se rapproche beaucoup de la précédente ; cet observateur n'attribue plus une action prépondérante au streptocoque, et ce mi- crobe s'associerait par symbiose au coeco-bacille de Pfeiffer pour engendrer les broncho-pneumo- nies grippales.

Le coeco-bacille, pénétrant dans les voies res- piratoires, serait, d'après quelques auteurs, un auxiliaire puissant pour certains microbes déjà installés ùans la muqueuse bronchique.

Les délicates recherches de H. Meunier dans la grippe infantile (Archiv. gén. de Méd., février et mars 1897) tendent à attribuer au bacille de Pfeiffer un rôle de premier ordre dans la genèse des lésions propres à cette affection. Sans le se- cours d'autres bactéries, il pourrait créer des foyers broncho-pucumoniques et des pleurésies pseudo-membraneuses ; contrairement à l'opi- nion générale, cet observateur distingué croit possible la diffusion du coeco-bacille dans la cir-


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culation générale. Après avoir isolé ce bacille dans le suc pulmonaire, dix fois sur onze ponc- tions, il se trouva quo, neuf fois sur dix, il était le seul agent pathogène, proportion d'autant plus surprenante qu'une ponction pulmonaire est très hasardeuse et peut fort bien ne ramener aucun micro-organisme, alors qu'il en existe indubita- blement à côté. Il est certain pour lui, qu'à un moment donné, le bacille de Pfeiffer est un pre- mier plan; il est le premier occupant ; il prépare les voies au streptocoque et au pneumocoque qui se mettent alors à pulluler, provoquant les infec- tions qui leur sont propres et finissent par rester maîtres du terrain. Aussi, dans les autopsies, ne rencontre-ton guère que la flore pathogène ba- nale. Ces microbes vulgaires pourraient-ils eux- mêmes entrer en scène les premiers, précédant ainsi l'action du bacille spécifique? Cette hypo- thèse se concilie mal avec les faits connus jusqu'à présent.

Le Dr Grassberger, dans des expériences élé- gantes, a révélé un fait important que H. Meu- nier est venu confirmer à son tour (Société de Biologie, juin 1892) ; c'est ce que ce dernier ap- pelle le satcllitisme des colonies du bacille de Pfeiffer dans les cultures mixtes. Une culture pure du coeco-bacille contenant un peu de sang est'reçue à la surface d'une plaque de gélose; on ensemence ensuite le centre de cette plaque aVec


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une culture de staphylocoque ; on voit alors, au bout de vingt-quatre heures, apparaître, autour de ces dernières colonies, une auréole plus ou moins étendue do colonies de bacilles de Pfeiffer, Ce dernier bacille, grâce au voisinage du staphy- locoque, donne lieu à des colonies géantes et acquiert une vigueur insolite qui lui permet de supporter une longue série d'ensemencements successifs. On peut supposer,comme Grassberger, que les substances solubles sécrétées par le sta- phylocoque, agissant sur la matière colorante du sang de la plaque, la rendent plus assimilabje pour le bacille de l'influenza; celui-ci, grâce à ce mode de nutrition, pourrait acquérir une vitalité plus grande. Cela ne peut-il pas se réaliser dans l'organisme par le développement de certains microbes adjuvants? Encore une hypothèse sé- duisante, mais un peu risquée peut-être à l'heure actuelle. Ce qui est certain, c'est que le strepto- coque, par exemple, peut acquérir, en présence du coeco-bacille, un maximum de virulence et créer parfois une infection généralisée.

Ce problème pathogénique si difficile à résou- dre, et pourtant d'uu intérêt social si considéra- ble, doit être examiné sur toutes ses faces, et le lecteur ne saurait nous reprocher d'appeler à notre aide tous les documents de quelque impor- tance , provenant des discussions des Sociétés savantes ou émanant de personnalités éminentes.



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Des documents de cette nature ont précisément surgi dans ces derniers temps. Notre ami, le Dr Raymond Bernard, professeur-agrégé au Val-de- Gràcc,dont nous avons déjà résumé les séduisan- tes et ingénieuses théories, au point de vue qui nous occupe, a publié en 1902, dans les Archives générales de Médecine, quelques pages remarqua- bles, que nous résumons, sur une épidémie do grippe streptococciquc au 52" régiment d'Infanterio à Lyon, en 1898.

Dans l'hiver de 1898, hiver d'ailleurs assez clé- ment, de graves affections des voies respiratoires furent traitées à l'hôpital Desgenettes. 11 s'agissait de foyers de congestion pulmonaire, d'épanche- ments pleuraux donnant lieu à une dyspnée intense, de douleurs vives et surtout d'une alté-. ration profonde et rapide de l'état général. Les broncho-pneumonies, les empyèmes s'accompa- gnaient d'une adynamio profonde et paraissaient êlre la conséquence d'une infection aussi violente qu'inusitée dans les services de chirurgie. Il ne pouvait d'ailleurs s'agir d'infection locale née sur place; la totalité des malades provenait du 52° ré- giment d'Infanterie, régiment qui fournissait en même temps un contingent d'otites et de mastoï- dites tout à fait insolite. On avait, en résumé, l'impression d'une inlluence éliologique spéciale, d'une constitution médicale particulière. D'ail- leurs, celte impression d'unité palhogénique pa-


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raissail légitimée par l'existeuce d'un môme agent pathogène, du streptocoque dans les oxsu- dats des pleurésies purulentes, dans le pus des phlegmons et des otites, Fait important, l'état sanitaire de la garnison de Lyon était normal, et la ville elle-même avait une constitution médi- cale satisfaisante,.

Peut-on réellement appliquera cette petite épi- démie la dénomination de grippe? Les accidents en question ne ressemblent guère à une affection pandémiquelellequerinlluenza,et il nous parait quelque peu excessif d'admettre une grippe strep- tococcique.Cela aurait pu,à la rigueur,constiluer une variété de grippe, si celle-ci avait régné épi- démiquement à cette époque dans toute la région. Or, si dans les faits de Verneuil et de Bonnemai- son déjà cités, cette combinaison paraissait exister, il n'en est pas de môme dans ceux de R. Bernard.

Voici maintenant des données en apparence plus probantes :

C'est encore dans les Archives générales de Mé- decine (idOlj) que nous trouvons, sous la signa- ture des D,s Nobécourl et Paisscau, la relation d'une épidémie hospitalière où le rôle du bacille de Pfeiffer fui inconleslable. Ces cliniciens dis- tingués ont émis une opinion formelle devant les incertitudes ou même les négations des l)rs Be- sançon e| Israëls de Jongh. Comme nous les avions


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déjà et comme on le rappelle dans le travail des Archivesi une épidémie récente de grippe, à Paris, avait élé remarquable par la pluralité des germes trouvés dajjs les crachats. D'aulre part, oh avait signalé l'absence du coeco-bacille, et cette absence, notée à la même époque dans l'épi- démie de Vienne, pouvait permettre de nier la spécificité du microbe de Pfeiffer; celte opinion se trouvai t renforcée encore parce fait queîegermecn question avait pu être retrouvé, en dehors de toute épidémie de grippe, dans l'expectoration de ma- lades atteints de coqueluche,de bronchite vulgaire ou de broncho-pneumonies banales (Rosenthal, Elmossian, etc.).

Les recherches bactériologiques des Drs Nobé- court et Paisseau, au cours d'une épidémie grip- pale ayant régné à l'Hospice des Enfants-Assistés, de novembre 1904 à mars 1905, ont été très signi- ficatives ; il s'agissait bien du bacille de Pfeiffer.

Le début de la maladie, sa diffusion rapide, l'intensité de la fièvre, la prédominance des phé- nomènes généraux, tout cela faisait inévitable- ment songer à la grippe. Or, dans ces circonstan- ces, les exsudats pleuraux recueillis pendant la vie, ainsi que ceux des foyers pulmonaires après autopsie, renfermaient lecocco-bacille pur ou asso- cié au streptocoque. Ce microbe se montra d'ail- leurs exceptionnellement virulent pour la souris. Dans des conditions aussi nettes, les Drs Nobécourt


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et Paisseau se croient en droit do se ranger à l'opinion de cliniciens, tels que Hutinel, Barié, Le Gendre, Siredey et Comby qui, au nom de la clinique môme, restent fidèles à la conception nosologique de la grippe-maladie.

Le Dr Emile Boix, dans un mémoire rempli de verve et de bon sens clinique publié également dans les Archives générales de Médecine (1905), semble répondre aux questions posées par les D" Nobécourt et Paisseau, dont il ne connut d'ailleurs le travail qu'après avoir rédigé le sien.

Ce travail est intitulé : La grippe existe-t-elle?

Le Dr Boix, un peu surpris de voir cette exis- tence remise en question à la Société médicale des Hôpitaux de Paris, a cru devoir protester, en passant, comme il le dit, au crible de la critique, les assertions émises devant cette Société savante par des cliniciens et des bactériologistes de haute valeur. Le coeco-bacille ne serait pas, dit-on, le microbe spécifique de la grippe. Cette maladie n'existerait pas à titre d'espèce morbide digne de ce nom dans le cadre nosologique, d'après le Dr F. Bezançon. La grippe engendrée par l'exal- tation momentanée de divers microbes, le catar- rhalis, le paratétragène, le coeco-bacille de Pfeiffer, lui-même, ne serait plus qu'une affection catar- rhale saisonnière. 11 s'agirait, en somme, comme le croit Ménétrier, d'une virulence insolite de microbes commensaux de l'organisme, virulence


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court et Paisseau se croient en droit do se ranger à l'opinion de cliniciens, tels que Hutinel, Barié, Le Gendre, Siredey et Comby qui, au nom de la clinique môme, restent fidèles à la conception nosologique de la grippe-maladie.

Le Dr Emile Boix, dans un mémoire rempli de verve et de bon sens clinique publié également dans les Archives générales de Médecine (1905), semble répondre aux questions posées par les D" Nobécourt et Paisseau, dont il ne connut d'ailleurs le travail qu'après avoir rédigé le sien.

Ce travail est intitulé : La grippe existe-t-elle?

Le Dr Boix, un peu surpris de voir cette exis- tence remise en question à la Société médicale des Hôpitaux de Paris, a cru devoir protester, en passant, comme il le dit, au crible de la critique, les assertions émises devant cette Société savante par des cliniciens et des bactériologistes de haute valeur. Le coeco-bacille ne serait pas, dit-on, le microbe spécifique de la grippe. Cette maladie n'existerait pas à titre d'espèce morbide digne de ce nom dans le cadre nosologique, d'après le Dr F. Bezançon. La grippe engendrée par l'exal- tation momentanée de divers microbes, le catar- rhalis, le paratétragène, le coeco-bacille de Pfeiffer, lui-même, ne serait plus qu'une affection catar- rhale saisonnière. 11 s'agirait, en somme, comme le croit Ménétrier, d'une virulence insolite de microbes commensaux de l'organisme, virulence


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accrue probablement sous l'influence de condi- tions cosmiques. Le Dr.Boix répudie formelle- ment cette conception qui fait de la grippe une rhino-pharyngo-bronchite catarrhalo banale, et, dans une argumentation à la fois brillante et serrée, il attaque successivement les dogmes nouveaux formulés parles éminents observateurs déjà cités. La grippe, dit-on aujourd'hui, n'a pas de microhe spécifique ; mais, en admettant que le germe réel n'ait môme pas été entrevu, ne peut-on pas objecter que nombre de maladies spécifiques, telles que la rougeole, la variole, la scarlatine, la rage, etc., ont jusqu'ici déjoué tous les efforts des bactériologistes ? Avant la décou- verte du bacille de Loefler, a-t-on songé à révo quer en doute la spécificité de la diphtérie?

La grippe, d it-on encore, n'a pas de caractères cli- niques suffisants pour la différencier des vulgaires affections catarrhalés saisonnières. Le Dr Boix ré- pond très heureusement en mettant en relief les points principaux qui, d'après lui, donnent à la grippe son incontestable personnalité. Il met en avant la question de l'épidémicité dont l'évidence s'impose. Jamais les pandémies soudaines de J'in- 11 nonza n'ont été imitées par les microbes les plus virulents, tels que le streptocoque, parexemple. Le brillant arguinenlatcur, après avoir épuisé cette question, se croit en droit d'affirmer que l'épidé- micité reste un des grands caractères de la grippe.


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Sans insister sur la contagiosité qui, pour nous, ne peut ôtre mise en doute, le Dr Roix insiste sur les symptômes culminants de la grippe. Parmi eux, il en relève un qui, à son sens, est la maladie mémo : c'est l'intoxication immédiate plus ou moins profonde, mais durable, du système nerveux. Nous ne pouvons pas, à notre grand regret, suivre l'au- teur dans son exposé d'une netteté saisissante, le cadre de cet ouvrage ne nous le permettant pas. Certains admettront peut-être avec lui qu'il est peu clinique de nier l'autonomie de la jgrippe, sous prétexte qu'elle est protéiforme, car il fau- drait alors, affirme-t-il, démembrer la fièvre ty- phoïde, la scarlatine, Fini paludisme, la tubercu- lose*, qui peuvent revêtir des formes cliniques si variées.

Pour le Dr Boix, le microbe de l'influenza, quel qu'il soit, est un microbe dont la toxine, mutatis mutandis, peut être comparée à celle de la diph- térie; ce serait, parait-il, le cas du bacille de Pfeiffer.

A la fin de son travail, après des considérations d'ordre expérimental, l'auteur croit avoir le droit de repousser les conclusions trop hâtives appor- tées à la Société médicale des Hôpitaux par d'émi- nents'baclériologues. Pour lui, la grippe est indéniablement une maladie spécifique.



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peut-on en tirer? Il nous seTnble que bien des points obscurs existent encore au moment où nous écrivons ces lignes. On peut pourtant, à notre avis, dégager de toutes ces recherches et de toutes ces discussions, si remarquables d'ailleurs à tous égards, quelques données à peu près indis- cutables. La grippe-inlluenza, avec son épidémi- cité, sa diffusibilité, sa gravité enfin, parait bien avoir une existence réelle," mais elle n'a certaine- ment pas la marche cyclique, pas plus que la symptomatologie univoque et le déterminisme microbien des maladies infectieuses, en général. Il est possible que le bacille de Pfeiffer joue un rôle prédominant dans certaines épidémies, et qu'il laboure, comme on l'a dit, pour les autres microbes pathogènes. Mais on l'a vu pulluler dans des infections broncho-pulmonaires banales, comme celles qui sont sous la dépendance de certaines constitutions saisonnières catarrhales, connues depuis des siècles; on l'a vu, dans ces conditions, exercer ses ravages en compagnie d'autres bactéries malfaisantes. Sa spécificité ne nous parait pas démontrée^oî^"\


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