Victimæ paschali laudes

De Wicri Musique

Les Maries découvrant le tombeau vide (Van Eyck)

Victimæ paschali laudes est une séquence de la liturgie catholique.

Elle met en musique le texte de l’Évangile selon Saint-Jean qui est récité le jour de Pâques. Son origine remonte probablement au XIe siècle.

Théorème de Pythagore De l'usage du TLF dans une démarche encyclopédique
Cette séquence a été repérée grâce au « Trésor de la langue française », à l'occasion de la reprise de l'article du TLF sur la musique. En effet on y trouve une citation vantant les qualités musicales du texte latin.

La poésie

Même sans la musique le Victimae pascali laudes est un admirable poème en vers libres
Remy de Gourmont (Esthétique de la langue française)

Le texte et sa traduction

Victimæ paschali laudes
immolent Christiani.

Agnus redemit oves:
Christus innocens Patri
reconciliavit peccatores.

Mors et vita duello
conflixere mirando:
dux vitæ mortuus,
regnat vivus.

Dic nobis Maria,
quid vidisti in via?

Sepulchrum Christi viventis,
et gloriam vidi resurgentis:

Angelicos testes,
sudarium, et vestes.

Surrexit Christus spes mea:
præcedet suos in Galilæam.

Scimus Christum surrexisse
a mortuis vere:
tu nobis, victor Rex, miserere.

Amen, Alleluia.

 

À la Victime pascale,
les chrétiens offrent un sacrifice de louanges.

L'Agneau a racheté les brebis ;
le Christ innocent a réconcilié
les pécheurs avec le Père.

La mort et la vie se sont affrontées
en un duel admirable
le guide de la vie,
bien que mort, règne vivant.

Dis-nous, Marie,
qu’as-tu vu en chemin?

J'ai vu le tombeau du Christ vivant
et la gloire de sa résurrection,

Les anges témoins,
le suaire et les vêtements.

Le Christ, notre espérance, est ressuscité,
il précèdera les siens en Galilée.

Nous savons que le Christ
est vraiment ressuscité des morts.
Toi, Roi vainqueur, aie pitié de nous.

Ainsi soit-il, Alléluia.

Points de vue

L'abbé François Picard (1799 - 1868) dans un essai intitulé « Quelques cérémonies allégoriques anciennement en usage dans l'église cathédrale de Rouen » (1847) commente ainsi le Victimæ paschali laudes[1] :

« Cette prose remonte à une très-haute antiquité. On la trouve dans les plus anciens livres composés pour les offices de l'Église, et tout porte à croire qu'elle date des commencements mêmes de la liturgie romaine. Au premier aspect, elle paraît peu remarquable sous le rapport littéraire;... mais, en l'examinant de plus près, on y découvre une énergie,... un mouvement, un enthousiasme qui supposent certainement du génie dans celui qui l’a composée. Cette image éminemment dramatique d'un combat solennel entre la vie et la mort personnifiées :»

Mors et Vita, duello
Conflixêre mirando

« ferait envie à plus d'un poète de notre époque, et l'on ne peut méconnaître une admirable précision dans ces paroles qui résument si bien le dogme chrétien :»

dux vitæ mortuus,
regnat vivus.""

« J'oserai même aller plus loin, et je ne serais pas éloigné de croire que, dans l'origine, cette prose a pu être comme le texte d'un « ancien mystère ». Tout, jusqu'au chant, vient, ce me semble, à l'appui de mes conjectures. Il est facile d'y reconnaître un véritable dialogue.... Telles étaient les anciennes cérémonies qui faisaient la consolation et les « délices de nos ancêtres ». L'esprit le plus sévère ne peut, certes, y trouver à redire ; et si, depuis, l'Église a jugé à propos de les supprimer[w 1], de les prohiber même sous des peines rigoureuses, c'est moins à cause de ce qu'elles représentaient que par suite des additions imprudentes et arbitraires qui vinrent en altérer la pieuse et naïve simplicité.»


La musique

Partition grégorienne

Victimae paschali gregorian lilypond.png

Exemple d'interprétation

Par les moines de l'abbaye de l'abbaye Notre-Dame de Triors (congrégation de Solesmes)

Dans les archives

Codex Las Huelgas Victimae extrait.png
Sur le Codex Las Huelgas

Ce manuscrit date du début du XIVe siècle.

Il s'agit ici d'une harmonisation sur 2 voix de femmes. La voix plus basse reprend le cantus firmus.

Une interprétation par le groupe vocal Armoniosoincanto
Icône de détail Article détaillé : Transcription du manuscrit.
Graduel St Mihiel 374 victimae.png
Sur le Graduel de Saint-Mihiel

Ce graduel date de 1463 environ.

La copie numérisée montre les 2 premiers vers [2]. La musique est identique à celle de la version donnée plus haut.

On notera la richesse des enluminures.

Transcription


\new Staff \with {
  midiInstrument = "violin"} {
  \relative c' {  \time 10/8 
   \key c \major \tempo 4 = 180 
    d8 c d f g f e4 d4 | 
    a'8 g e4 g8 f e d4. |
    \time 8/8  a'8 c d a g a a4
    a8 g a g f e d4 |
    f8 g d4 e8 d8 c4 e8 f e4 d2
    a'8 c d a g a a4
    a8 g a g f e d4 
    f8 g d4 e8 d8 c4 e8 f e4 d2
    a8 c d f g e (d4)
    c8 f e d e c d4
    f8 a g a f g f (e16) d8.
    \time 12/8  d8 g f g a g f g f8. (e16) d4
    \time 8/8 a8 c d f8 g8 e8 (d16 d)
    c8 f e d e c d4
    f8 a g   a f  g f16 (e) d8
    \time 12/8 d g f g a g f g f (e) d4
    a'4 c d8 a a4 f8 a a4
    \time 8/8 a4 c8 f, e d d4
     c8 f e g4 a8 a4 
     f8 g f (e) d4. r8
     d8 ( e d) c4 (d4.)
     c8 f e (d4) d4.
}
\addlyrics { 
\lyricmode { 
  \override LyricText.font-shape = #'italic
   Vic -- ti -- mae pas -- cha -- li lau -- des
  Im -- mo -- lent  Chris -- ti -- a -- ni
  Ag -- nus re -- de -- mit o -- ves: 
      Chris -- tus in -- no -- cens Pa -- tri 
      re -- con -- ci -- li -- a -- vit pec -- ca -- to -- res.
      Mors et vi -- ta du -- él  -- lo 
         con -- fli -- xe -- re mi -- ran -- do_:
      dux vi -tae mor -- tu -- us, ré -- gnat vi -- vus.

      Dic no -- bis Ma -- ri -- a, quid vi -- dis -- ti in vi -- a_?

      Se -- pul -- crum Chris -- ti vi -- ven -- tis, 
      et glo -- ri -- am vi -- di re -- sur -- gen -- tis.

      An -- ge -- li -- cos tés -- tes, su -- da -- ri -- um, et ves -- tes, 

      Sur -- rex -- it  Chris -- tus spes mé a_: prae -- cé -- det su -- os in Ga --li -- lae -- am.

      Sci -- mus Chris -- ti sur -- rex -- is -- se a mor -- tu -- is  ve -- re_:

      tu no -- bis vic -- tor Rex, mi -- se -- re -- re.
      A -- men, Al -- le -- lu -- ia.
}}
}

Repères historiques

Avant le Concile de Trente cette séquence contenait un couplet qui a été supprimé par ce concile.

Credendum est magis soli
Mariæ veraci
Quam Judæorum Turbæ fallaci.

 

Il faut plus croire
l'honnête Marie,
que la foule des Juifs perfides.

Ce couplet est, par exemple présent sur le Graduel de Saint-Mihiel/

A partir de la lettrine C : Ceedendum...

Reprises musicales

Polyphonies basées sur le chant grégorien

Un exemple contemporain est donné par Raphaël Passaquet qui alterne des versets grégoriens avec des polyphonies dans lesquelles une ou plusieurs voix reprennent le thème grégorien.

Liturgie luthérienne

Jean-Sébastien Bach a repris le thème musical de la séquence dans sa cantate BWV 4 « Christ lag in Todesbanden ».

Voir aussi

Notes simples
Notes de la rédaction
  1. L'auteur fait visiblement allusion au Concile de Trente qui n'a conservé que 4 séquences et qui a retiré un verset de celle-ci.
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Liens externes