Le Gaulois (27 mars 1918) nécrologie Debussy

De Wicri Musique

Cette page reproduit la nécrologie de Claude Debussy, parue peu après sa mort, le 27 mars 1918, dans le journal Le Gaulois.

L'article sur Le Gaulois

Claude Debussy

En: pleine maturité de son talent, à l'apogée de sa renommée, au seuil de l'Institut où il allait briguer, dans la section de musique, la place laissée vacante par la nomination de M. Widor aux fonctions de secrétaire perpétuel, M. Claude Debussy vient de mourir. Il a été terrassé par le mal qui, depuis trois ans, le minait, irrémédiable. Il s'est éteint lundi soir, à dix heures et demie, au milieu des siens. Plusieurs fois nous l'avions revu à des séances de musique où il apparaissait comme exécutant ou comme auditeur il nous rassurait toujours, annonçant que la crise était conjurée. Brusquement,. telle un coup de foudre, la mort est venue briser notre espérance.

Debussy s'était révélé au public des concerts par le Prélude à l'Après-Midi d'un Faune, à ia foule du théâtre par l'éclatant succès de Pellêas et Mélisande. Aux uns comme aux autres il était apparu comme un révolutionnaire, comme un miracle imprévu, alors qu'il n'était qu'un phénomène très logique, très rationnel la nouveauté de son œuvre était l'évolution mime que subissait à notre époque l'art de la musique. Il ne faut pas voir dans l'esthétique de Debussy. le détail, l'innovation des harmonies; ces harmonies inentendues vous les trouvez parfois chez Rameau et surtout chez Moussorgsky, dont Debussy avait étudié et médité la technique. La novation de Debussy réside en ce que le musicien s'est insurgé contre les accords parfaits prêchés par les traités didactiques; il leur a substitué des frôlements harmoniques qui ont été employés par tous les anciens.

Si vous vous bornez à considérer ce seul côté de l'art de Debussy, vous n'en retiendrez que ce qu'il y a de superficiel. Et c'est par là que le debussysme faisait sourire Debussy lui-même; c'est par là que tous ces jeunes gens au zèle excessif. au manque absolu d'imagination ou même d'idées générales, et qui écrivaient toute leur musique selon les théories nouvelles étroites qu'ils s'étaient forgées, s'attiraient l'ingratitude, parfois même les sarcasmes de celui qu'ils avaient choisi pour chef d'école.

En effet, ce qu'il y a d'admirable dans le talent du musicien, c'est qu'il rompait sa propre chaîne, il n'était pas captif de lui-même. Chacune de ses œuvres avait sa forme particulière, où le musicien se cherchait, inquiet, mais progressant toujours sur lui-même. La délicatesse des Ariettes oubliées ou des Fêtes Galantes sur des poèmes de Verlaine, Les Chansons de Bilitis. sur les vers de Pierre Louys, n'ont pas le même accent les unes que les autres. Pendant la guerre Debussy avait écrit une œuvre exquise, La Noël des enfants qui n'ont plus de maison.

C'est un musicien rare qui disparaît à cinquante-six ans. Debussy aurait pu être populaire il a préféré .rester un artiste. La postérité ne peut pas l'oublier.

Louis Schneider

Éléments complémentaires

Une interprétation par les « Petits chanteurs de Paris »

Le Noël des Enfants qui n'ont plus de maison

Cette chanson est la dernière que Debussy a composé en 1915, en pleine guerre de 14-18, avec une population visiblement profondément traumatisée par les épreuves de cette guerre.

Claude Debussy est mort peu avant cette fin de la guerre qu'il espérait...

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  • Mise en lecture : 21 septembre 2018
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